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Louis Houdeville : Claude Gérard est libérée mais le gouvernement Mollet poursuit sa politique de répression

Article de Louis Houdeville paru dans Nouvelle Gauche, 1ère année, n° 9, 9 septembre 1956, p. 2

Après deux mois et demi d’emprisonnement, Claude Gérard a été remise en liberté. Liberté provisoire d’ailleurs, car comme certains journaux se sont plus à le souligner, dès le mois de septembre le juge Pérez reprendra l’instruction.

Si nous revenons sur cette affaire c’est, qu’à notre sens, il convient d’en souligner les caractères particuliers. Tout d’abord, Claude Gérard a subi deux mois et demi de détention à la Petite-Roquette. Détention en contradiction formelle avec les textes qui prévoient que la LIBERTE PROVISOIRE EST LA REGLE GENERALE, la détention préventive l’exception.

Dans son ensemble, la presse a volontairement déformé les faits. Puis elle a observé le silence le plus complet sur ces faits. En lisant plusieurs articles, le lecteur moyen n’y comprenait rien. Tantôt, Claude Gérard était présentée comme un agent de liaison du F.L.N., tantôt comme militante « progressiste ». Fait essentiel : le reportage de « Demain » et les articles publiés par le journal marocain « El Alam » n’ont pas été reproduits par la presse. Le témoignage de Claude Gérard est resté ignoré. L’existence des maquis messalistes a été soigneusement cachée à l’opinion. Ce qui, à notre sens, relève d’une conception de l’action politique que nous n’avons pas le droit de faire nôtre. Notre but essentiel doit être de faire la lumière, toute la lumière sur l’affaire algérienne. « Le scandale, écrivait Bernanos, n’est pas de dire la vérité, mais seulement une partie de la vérité. »

Enfin, l’affaire Claude Gérard n’est pas terminée. Le dossier ne sera pas classé. Et le juge Pérez compte, sitôt ses vacances terminées, instruire l’affaire avec beaucoup de diligence. Telles sont les intentions du magistrat, selon la presse bien-pensante. Notre amie n’est pas sortie des griffes de la justice. L’action entreprise doit continuer, s’intensifier.

Car les objectifs du gouvernement restent clairs et ne doivent pas faire illusion.

Certes, Claude Gérard a été mise en liberté provisoire. Certes, la presque totalité des militants de gauche détenus pour avoir lutté activement contre la guerre d’Algérie ont été aussi mis en liberté provisoire.

Mais la chasse aux partisans de la paix, la chasse aux partisans d’une solution négociée en Algérie, la chasse aux partisans de la liberté du peuple algérien continue. Mieux, elle s’intensifie.

Ce sont tout d’abord de nouvelles inculpations contre des militants de gauche. Par exemple Pierre Lambert, directeur de la « Vérité », est convoqué à nouveau par un magistrat. Ce sont ensuite les cascades de saisies arbitraires qui contraignent un journal d’opposition à la disparition. Le « Libertaire » – fondé en 1895 par Louise Michel – a cessé de paraître. Ce sont ensuite les arrestations massives de travailleurs algériens coupables de diffuser les textes du M.N.A. ou du F.L.N. affirmant que la négociation est toujours possible et que la paix est la seule solution favorable aux intérêts des peuples algérien et français. C’est enfin l’arrestation de deux camarades : Jean Rousset et Edmond Mazur, inculpés avec quatre travailleurs algériens « d’atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat ».

Ces quelques faits démontrent clairement que le gouvernement Mollet-Lacoste entend intensifier sa politique d’oppression et de négation des droits politiques inscrits dans la Constitution. Nous devons arracher la libération des camarades Rousset et Mazur. Nous devons exiger un non-lieu collectif pour toutes les affaires « d’atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat ». Nous devons aussi, en même temps, exiger, pour le peuple algérien, le droit à l’expression politique. C’est le devoir de tous ceux qui peuvent (encore) s’exprimer et lutter (à peu près) librement.

Louis HOUDEVILLE.

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