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Michel Donnet : Afrique du Nord. Tombeau de l’impérialisme

Article de Michel Donnet alias Michel Malla paru dans Le Libertaire, n° 393, 15 juillet 1954, p. 1-2

LA bourgeoisie française commence à s’apercevoir que tout ne va pas pour le mieux dans la meilleure des Afriques du Nord. Il a fallu pour cela que l’un des siens tombe sous les balles du prolétariat. Un des plus en vue, un de ceux qui dirigeait en fait la colonisation au Maroc ; le docteur Eyraud, directeur du porte-parole de l’impérialisme, « La Vigie Marocaine ».

Les attentats se multiplient, tant au Maroc qu’en Tunisie. Des hommes se dressent partout contre l’oppression au moment où leurs partis sont décapités.

C’est justement à partir de ce moment que l’action est devenue plus violente. Une prise de conscience rapide s’est développée. Les prolétaires tunisiens et marocains trompés, bafoués par la bourgeoisie française et par leur propre bourgeoisie ont compris brusquement que l’heure de l’action était arrivée. Dans le même temps d’ailleurs, l’impérialisme se faisait de plus en plus exigeant.

Le prolétariat nord-africain s’est souvenu des répressions sanglantes qui avaient suivi les mouvements de masse, comme à Sétif où des dizaines de milliers d’Algériens furent exterminés en quelques jours. Il a adopté une méthode plus souple, moins meurtrière, plus efficace : le terrorisme.

Il y a bien longtemps ici, que nous avions prévu les phases successives de cette prise de conscience et il fallait être doté de la cécité chronique et intéressée des réformistes de France et de là-bas pour ne pas le prévoir.


De réformistes et religieux qu’ils étaient presque tous à l’origine, les partis nationalistes nord-africains sont devenus révolutionnaires. Les événements, les conditions de vie, la répression sanglante sont à l’origine de cette évolution. Les chefs anciens ont presque tous disparu.

L’Impérialisme les a déportés ou supprimés pensant probablement que c’était une solution. C’est la base qui parle maintenant. Elle emploie le seul langage possible. De nouveaux cadres se forment au combat et posent de nouveaux problèmes. Les moyens de lutte sont trouvés ; l’Impérialisme a forcé le choix : sabotages et attentats. Ces moyens s’avèrent bons puisqu’ils créent la panique et le départ précipité de nombreux colons (1).


Le problème du but de la révolution se pose déjà. Du nationalisme pur et de l’islamisme, c’est-à-dire de « la guerre sainte », on passe à la liquidation de sa propre bourgeoisie et à la révolution réelle selon les principes communistes libertaires. N’oublions pas que le prolétariat d’Afrique du Nord se trouve pour l’instant à l’abri de l’influence de l’un ou l’autre des blocs impérialistes.

Les premiers qui sont tombés au Maroc et en Tunisie sont les autochtones collaborateurs et gros propriétaires.

D’ailleurs le problème de la Révolution sociale ne se pose pas là-bas comme chez nous, car la classe bourgeoise est numériquement beaucoup plus réduite. Il n’y a pas en fait de lutte de classe entre Marocains ou entre Tunisiens. Il y a une lutte entre le prolétariat autochtone et l’impérialisme auquel s’est adjoint une minime bourgeoisie locale qui profite de cet impérialisme.

Au Maroc, il y a des féodaux soigneusement entretenus par les colonisateurs tel El Glaoui et en Tunisie des Marabouts et des hauts fonctionnaires mais cela ne fait qu’une petite minorité parfois divisée pour des questions d’intérêt, Les partis révolutionnaires peuvent avantageusement se servir de ces divisions.


Une guerre qui couvait depuis de longues années a brusquement éclaté en Afrique du Nord. Des millions d’hommes partent à la conquête de la liberté. Le prolétariat indochinois a gagné. Les Nord-Africains gagneront. Ils connaissent l’histoire révolutionnaire et savent que ceux qui ont été à l’avant-garde des combats libérateurs se font souvent confisquer leur victoire par une bourgeoisie de rechange qui attend son heure. Faisons leur confiance ! De toute façon, ils aident considérablement le prolétariat français en affaiblissant l’impérialisme et le capitalisme. Ne serait-ce que pour cela, nous devons les soutenir.

Michel MALLA.


(1) En Tunisie, on oblige par la force les mobilisables français à rester sur place.

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