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Kurt Landau : Lettre d’Allemagne. Avant les élections aux conseils d’entreprises

Article de Kurt Landau paru dans La Vérité, n° 27, 14 mars 1930, p. 3

Berlin, mars.

Ces jours-ci auront lieu en Allemagne les premières élections aux conseils d’entreprises ; le parti non seulement y emploiera la même tactique que l’année dernière, mais il la renforcera encore. Si, en 1929, la ligne générale du parti était celle d’établir des listes à lui, soutenues par les inorganisés, cette ligne générale a été élevée en 1930 à un dogme rigide.

Les résolutions de la direction régionale Berlin-Brandebourg, de fin février disent très clairement qu’il n’est plus questions de listes communes avec les social-démocrates, car après le 1er mai, tout social-démocrate est à considérer comme social-fasciste. Cette manière de mettre dans le même sac tout ouvrier social-démocrate, tout syndiqué non-communiste et les chefs réformistes, est la conséquence finale de la théorie bornée et ridicule du social-fascisme ; c’est en même temps un renoncement à gagner les ouvriers qui suivent encore le réformisme. Et il y en a un bon nombre ! En dehors du fait que la social-démocratie a dépassé en 1929, – an II de l’essor révolutionnaire permanent annonce par le VIe Congres – le nombre respectable d’un million d’adhérents, les masses d’ouvriers qui sont dans les syndicats indépendants et qu’il s’agit de gagner au communisme ne sont pour la plupart pas du tout des social-démocrates, mais ils se laissent simplement guider par ces derniers. Des cinq millions d’ouvriers organisés dans les syndicats, dix pour cent à peu près sont organiquement attachés à la social-démocratie. Il existe donc sans aucun doute dans les syndicats un énorme réservoir d’ouvriers conscients de leur classe qu’il faut gagner au communisme. Mais la tactique du parti opposant par principe aux syndicats des listes à lui, crée un fossé infranchissable entre le parti et la masse des ouvriers organisés, pousse les fonctionnaires syndiqués les plus actifs à la rébellion ouverte et renforce par là objectivement aussi bien le réformisme franchement social-démocratique que le réformisme voilé, le brandlérisme.

Ce serait évidemment une faute d’exiger, comme le fait la droite, que le parti ne pose à tout prix de candidatures que sur la liste des syndicats indépendants. Une telle revendication érigée en principe, équivaut à la capitulation ouverte devant la bureaucratie syndicale.

La gauche doit exiger – et elle commence à exiger – tout autre chose ; au sein du parti, elle exige des listes syndicales indépendantes et communes sur un terrain de revendications prolétariennes concrètes. Mais là où la bureaucratie syndicale rend impossible de telles listes, où les fonctionnaires réformistes d’entreprises refusent de telles listes communes, là, et là seulement, les masses d’ouvriers syndiqués comprendront et nous approuveront d’établir des listes rouges à nous. L’expérience des élections aux conseils d’entreprises en 1929 a montré que la tactique du parti fait que les conseils d’entreprises rouges ne sont élus, pour la plus grande partie, que par des inorganisés.

Les suites de ce fait furent désastreuses. L’exemple des travailleurs berlinois des transports en commun est typique. En 1929, le parti, obtint dans les élections de conseils d’entreprises, 10.707 voix, tandis que la liste des syndicats n’en obtint que 5.934. Peu de temps après, le directeur social-démocrate de la Société anonyme des transports en commun, Brolat, mit à la porte le président du conseil d’entreprise, le camarade Kaiser. Et, quelle surprise ! Pas un ouvrier ne bougea pour se dresser contre la provocation sans nom des réformistes. (Les masses d’ouvriers organisés dans les syndicats avaient une attitude hostile vis-à-vis du conseil d’entreprise, et les inorganisés ont prouve que, malgré leur grand nombre, ils se sentaient bien trop faibles pour entreprendre une action contre le bloc des organisés.

Et il n’en fut pas ainsi seulement dans la société berlinoise des transports en commun. Il en fut de même chez Siemens, il en fut de même partout et il ne pouvait en être autrement : des conseils d’usines qui ne s’appuient pas sur une partie considérable des ouvriers organisés et partant capables de lutter et ayant une expérience de la lutte, sont impuissants, malgré la meilleure volonté.

Le parti rassemblera sans aucun doute de nouveau, un nombre de voix tout à fait important dans les élections de conseils d’entreprises de 1930.

Mais pour ce qui est de la capacité de lutte, les nouveaux conseils d’entreprise rouges seront encore plus faibles que ceux de 1929. Au lieu de diriger le front de bataille contre le réformisme, contre la social-démocratie, la tactique des « listes à soi dans toutes les circonstances » pousse les ouvriers organisés dans les syndicats de plus en plus dans les bras du réformisme et paralyse ainsi complètement les conseils d’entreprises rouges. – K. L.

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