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La gauche française contre Israël (?)

Enquête parue dans L’Arche, n° 2, février 1957, avec la participation d’Albert Camus, Jean Daniel, Jean-Marie Domenach, Gilles Martinet, Daniel Mayer, Pierre Mendès-France, Jacques Nantet, Marceau Pivert et Vercors ; reprise partiellement dans France Observateur, n° 354, 21 février 1957 ; suivie de « Nos lecteurs écrivent » paru dans France Observateur, n° 355, 28 février 1957 ; puis du « Courrier des lecteurs », paru dans L’Arche, n° 3, mars 1957

LA campagne du Sinaï a soulevé l’opposition d’une certaine fraction de la gauche française qui a entrainé dans la même réprobation Israël et les « agresseurs » anglo-français de Port-Saïd. Nous avons demandé à un certain nombre de représentants de ce courant d’opinion de répondre à ce bref questionnaire :

1° Pensez-vous qu’il soit illégitime de la part d’un petit peuple démocratique, soumis depuis huit ans à un implacable blocus, aux raids de commandos de la mort et ouvertement menacé d’extermination par ses voisins, de rompre à la première occasion le garrot qui l’étrangle ?

2° Dans l’affirmative, et compte tenu de l’échec des Nations Unies, qui tentent en vain, depuis 1948, d’établir un modus vivendi entre Israël et les Etats arabes, quelle autre solution concrète pensiez-vous qu’Israël aurait pu trouver, dans le cadre d’une politique de coexistence, qui ne mette en danger ni son intégrité territoriale ni ses intérêts vitaux ?

3° En l’absence de garanties formelles des Nations Unies, Israël doit-il abandonner les derniers territoires qu’il tient en gage et que le colonel Nasser, de son propre aveu, compte toujours utiliser pour anéantir l’Etat d’Israël ou étrangler son économie ?

Nous avons tenu à laisser les auteurs s’exprimer librement dans nos colonnes. On nous permettra néanmoins de formuler quelques remarques, au seuil de cette enquête. La plupart de nos interlocuteurs semblent vouer à Israël une affection sincère, voire même une certaine admiration, sur le plan théorique, mais lui dénient paradoxalement toute « présence » politique au Moyen-Orient. L’alibi du « réveil des masses asiatiques » leur permet d’ignorer allègrement le droit à la sécurité et au bonheur dont la nation israélienne, au même titre que les nations arabes, estime devoir bénéficier et de saluer comme une manifestation de vitalité nationale et d’anti-impérialisme progressiste le moindre caprice d’un dictateur fasciste et de roitelets féodaux. Il semble qu’Israël aurait eu toute leur sympathie s’il s’était laissé passivement anéantir. On nous pardonnera de préférer l’Etat juif bien vivant à l’hommage posthume d’une certaine gauche européenne. Nous sommes heureux de constater cependant qu’un certain nombre des personnalités dont nous avons sollicité les réponses, se sont refusées à prendre Israël comme prétexte pour faire un procès d’intention à la politique du gouvernement Mollet ou à le sacrifier aux nécessités du combat anti-impérialiste.


ISRAEL AVAIT EPUISE TOUTES LES POSSIBILITES D’UNE NEGOCIATION

par Jean DANIEL

1° Israël, aux dires mêmes du colonel Nasser, était encore « en guerre » avec l’Egypte au moment de l’expédition du 30 octobre 1956. Ceci atténue sensiblement le caractère « préventif » de l’action israélienne. Ceci atténue donc, par suite, la condamnation que l’on est tenté de formuler sur cette action comme sur toute guerre préventive. Pourtant il y a une responsabilité dans une brusque extension du conflit à laquelle ne peut échapper Israël. La question revient à se demander si cette responsabilité peut se justifier. Pour ma part, je dis « oui, hélas ! ». Oui, parce que Israël avait épuisé toutes les possibilités de négociations. Hélas ! parce que je ne crois pas que cela puisse aider l’avenir de la coexistence israélo-arabe dans le contexte actuel.

2° Je n’ai pas lieu de répondre puisque je comprends l’action israélienne.

3° Je me rallie, sur ce sujet, à la thèse du leader travailliste, Aneurin Bevan. Je crois que si l’on évite la coupure entre les Occidentaux et les puissances de Bandoung, il peut y avoir des chances de règlement, et que la France et l’Angleterre, après une expédition dont je condamne, et les prétextes et les méthodes, deviennent très mal placées pour aider Israël. Il faut donc que les Israéliens n’évacuent pas les derniers territoires qu’ils détiennent sans avoir obtenu de l’O.N.U. des garanties (d’autant que l’O.N.U. a été en quelque sorte la fondatrice de cet Etat), mais qu’en même temps ils aient une action habile et spectaculaire pour manifester leur solidarité avec les peuples coloniaux.

Cette dernière phrase a trait au titre même de votre enquête : « La gauche française contre Israël ? ». Il est de fait que l’anticolonialisme des hommes de gauche en France les a parfois conduits – et par réaction – à une arabophilie systématique. Et dans le conflit israélo-arabe, leur compréhension a été sollicitée parfois en faveur de la situation égyptienne. Ce qui fausse la situation israélienne, c’est que, par un concours de circonstances, Israël qui devait faire partie des puissances de Bandoung, a été au contraire présenté comme l’instrument des pays qui n’ont pas su encore comprendre l’importance de la conférence indonésienne.


L’OPERATION KADESH PEUT SE JUSTIFIER SI…

Par Jean-Marie DOMENACH

IL est très difficile à un intellectuel non spécialisé dans les problèmes du Moyen-Orient de répondre à des questions aussi précises que les vôtres. Vous nous demandez, en effet, d’approuver ou de désapprouver des décisions politiques dont nous connaissons mal encore le contexte. Par exemple, y a-t-il eu action concertée, préméditée, entre dirigeants militaires et politiques de France et d’Israël ? Je n’en sais rien, et cela changerait évidemment.

1° Je crois que toute guerre préventive est illégitime. En l’occurrence, pourtant, l’action israélienne me paraît avoir présenté les caractères d’une opération limitée, plutôt que d’une guerre préventive – intervention de la violence dans le but de restaurer un Etat de droit, établi par l’O.N.U. et nié par les voisins d’Israël. C’est pourquoi, je crois que cette action peut se justifier :

– si vraiment, il n’existait plus d’autre moyen de rétablir l’ordre, ce qui me paraît probable ;

– si vraiment, elle ne s’insère pas dans un plan stratégique combiné avec la France et l’Angleterre, ce qui lui donnerait un tout autre caractère.

2° Je n’ai pas non plus la possibilité d’élaborer des « solutions concrètes » de coexistence entre Israël et ses voisins. Mes convictions sur ce sujet sont assez théoriques :

Si l’on reconnaît le droit des peuples à l’existence nationale, ce droit vaut pour Israël comme pour les peuples arabes. Or les peuples arabes revendiquent pour eux toutes les raisons de l’existence nationale et les nient pour Israël. Ceci les met dans une position injustifiable, dans une position de guerre à l’égard d’Israël, et je dirai presque à l’égard d’eux-mêmes.

Pour faire reconnaître son existence nationale, Israël avait le choix entre plusieurs moyens. Devait-il nécessairement recourir à la force ? Il est possible, mais ce n’est pas le rôle d’un intellectuel d’approuver le recours à la force, sans connaître complètement le dossier. Le condamner, dans les mêmes conditions, me paraît une position hypocrite et contradictoire dans la mesure où elle vient de ceux qui approuvent les moyens violents employés par des Algériens pour faire reconnaître leur existence nationale.

3° La position de l’O.N.U. est : « Obéissez d’abord, et restaurez la légalité avant que nous imposions le droit ». Israël répond : « Vous avez toléré que le droit soit violé pendant des années, sous les apparences de la légalité, et je suis fondé à demander des garanties. »

Je crois, en effet, que seul un gouvernement mondial, accepté par tous dans son existence et ses décisions, serait habilité à exiger sans conditions. L’O.N.U. demeurant soumise à des pressions d’intérêt, à des rapports de force, un Etat particulier est fondé à réclamer des garanties avant le rétablissement de la légalité formelle.

Le passé autorise Israël à garder des gages territoriaux tant que l’engagement n’aura pas été pris par l’O.N.U. et ratifié par l’Egypte, que les décisions antérieures de l’O.N.U. seront respectées.


LES INTERETS VERITABLES DES PEUPLES ARABES

Par Albert CAMUS

Ma réponse en ce qui concerne Israël peut se passer des nuances ou des faux-fuyants qui ont trop souvent cours dans l’opinion de gauche. Israël est aujourd’hui en péril de mort, et il n’est pas possible, devant ce drame, de jouer les Ponce-Pilate.

Je suis donc, et sans une réserve, pour la survie et la liberté de l’Etat d’Israël, né du martyre de millions d’hommes, et dont l’effort économique et social en fait un modèle pour les nations du Moyen-Orient comme pour les autres. Cette survie et cette liberté peuvent contrarier les rêves d’un Nasser ou de quelques rois esclavagistes, mais elles serviront à brève échéance les véritables intérêts des peuples arabes dès l’instant où un accord, reconnaissant à Israël tous ses droits, sera intervenu. En écrivant ceci, je tâche de n’oublier ni les millions de Juifs assassinés en Europe ni la misère des peuples arabes. Mais ma conviction est que la politique actuelle des gouvernements arabes est dirigée contre les vrais intérêts de leurs peuples qui ne demandent pas que les déserts du Moyen-Orient se couvrent de canons, mais qu’ils se couvrent, au contraire, d’oliviers. Une politique de coopération avec Israël les aidera à obtenir ce résultat en même temps que justice sera rendue à la mémoire et au martyre de millions de juifs dont nous autres, Européens, sommes toujours comptables.


LA GUERRE PREVENTIVE N’ETAIT PAS UNE NECESSITE

par Gilles MARTINET

I. – Posée en termes aussi abstraits, votre première question ne me paraît pas très sérieuse. Vous y répondez d’ailleurs vous-même en la formulant.

Il n’est cependant pas sans intérêt de se demander à quelles situations historiques concrètes peut être comparée celle dans laquelle se trouve aujourd’hui placé l’Etat d’Israël. Ce n’est certes pas à la Hongrie ou au Guatemala qu’il faut se référer. En revanche, on ne peut s’empêcher de songer à ces zones du globe où un fort peuplement d’origine européenne doit faire face à la montée des nationalismes. Et, en ce sens, M. Sablier n’a pas tort d’établir, dans Le Monde, un parallèle entre la position des Israéliens et celle des colons français d’Afrique du Nord.

En ce qui concerne l’Afrique du Nord, je ne vois pas de solution à longue échéance en dehors de la reconnaissance du droit à l’indépendance des majorités arabo-berbères et de l’octroi de solides garanties aux minorités européennes. C’est une solution qui n’a évidemment aucun sens en Palestine. Les persécutions antisémites et, par-dessus tout l’horreur des camps de concentration, nous créent un devoir de solidarité particulier. La sécurité des quinze cent mille Israéliens implique la reconnaissance de l’Etat qu’ils ont créé, même si cet Etat est fondé sur le principe de la colonisation et de la conquête.

Reconnaître et défendre cet état de choses n’implique pas, cependant, que l’on passe sous silence les graves problèmes créés par l’exil forcé d’un demi-million de musulmans palestiniens et par les discriminations raciales dont sont victimes deux à trois cent mille sujets israéliens d’origine arabe.

II. – Il y avait longtemps que certains dirigeants israéliens envisageaient de recourir à la guerre préventive. S’ils l’ont fait à la fin du mois d’octobre dernier, ce n’est pas parce que la situation était plus dangereuse pour eux que six mois auparavant, c’est parce qu’ils ont cru devoir profiter d’une certaine conjoncture internationale, autrement dit, du désir des gouvernements français et anglais d’abattre le régime du colonel Nasser. La guerre préventive était une tentation, elle n’était pas une nécessité. Et les événements ont démontré qu’elle n’était surtout pas une solution.

Pour parler franchement, je ne crois pas qu’il existe maintenant de solution à court terme. Il faut combattre en faveur de toutes les mesures susceptibles d’atténuer la tension : création de zones neutralisées, limitation et contrôle des importations d’armes dans l’ensemble du Moyen-Orient, droit de libre passage dans le canal de Suez accordé aux navires israéliens, etc. Mais les causes de la tension elle-même demeureront : 1° tant que les courants démocratiques qui existent dans les pays arabes n’auront pas le courage de poser franchement le problème de la paix avec Israël, et, 2° tant que l’Etat d’Israël lui-même n’aura pas procédé à une révision radicale de sa politique.

Israël ne peut demeurer éternellement une sorte de tête de pont de l’Occident au Moyen-Orient. Il doit devenir un véritable Etat afro-asiatique ou s’apprêter, tôt ou tard, à périr. De nombreux hommes politiques israéliens – et en premier lieu ceux qui appartiennent à la gauche du mouvement ouvrier – ont pris conscience de cette réalité.

III. – A long terme, la politique des « gages » n’est jamais une politique payante. Pour le reste, la réponse à cette question ne dépend pas de l’opinion française mais du rapport des forces dans le monde.


« L’AGRESSION » ISRAELIENNE EST SEULEMENT LA SORTIE DESESPEREE D’UNE GARNISON ASSIEGEE

par Daniel MAYER

LE questionnaire que vous m’adressez est si précis qu’il laisse peu de place au commentaire pour y répondre. Je voudrais toutefois adresser à sa rédaction un reproche liminaire : qu’est-ce que « la gauche » ? Pis encore : qu’est-ce qu’ « une certaine fraction de la gauche française » ? Et si je dois vous remercier de me considérer comme membre de cette « gauche » indéfinissable et aux contours si indistincts, je dois d’emblée vous spécifier que je réponds ici en mon nom strictement personnel : c’est assez difficile comme ça sans s’encombrer de fausses solidarités supplémentaires.

Ceci dit, si j’ai regretté l’acte franco-britannique, je n’ai jamais associé dans ma réprobation le geste israélien, simplement parce qu’il n’y a pas de commune mesure entre l’un et l’autre : Israël est, en effet, en état de légitime défense depuis la création même de l’Etat et son « agression » est seulement la sortie désespérée, comme vous le dites, d’une garnison assiégée à laquelle on a, par surcroît, précisé l’heure à laquelle elle subira son ultime assaut.

Si Israël n’avait sans doute pas de moyens « concrets » autres que ceux qu’il a utilisés pour tenter de sauvegarder son existence, les grands pays en avaient, eux, qu’ils auraient pu, et donc, dû utiliser : signification au monde arabe de l’intérêt qu’ils portaient à l’Etat d’Israël, utilisation de la flotte israélienne pour le transport, à travers le canal de Suez, de marchandises en provenance ou à destination de grands pays occidentaux, ce qui eut fait prendre à leur compte les intérêts frustrés de ce petit Etat lorsqu’il ne s’agissait encore que des siens, création de pipe-lines à travers Israël, que sais-je …

Mais à quoi bon récriminer ? C’est en fonction de l’avenir que je préfère orienter la conclusion de ces brèves réflexions.

J’écris ces lignes au lendemain de la décision des Nations Unies – unanime, la seule France exceptée – d’exiger sans conditions, ce qui signifie sans garanties, le retrait des forces israéliennes du Sinaï et des îles assurant la liberté de navigation dans le golfe d’Akaba. Tout le monde civilisé j’entends par-là ceux qui estiment que la justice ne doit pas être distribué en fonction de la force que l’on possède ou non ou de l’existence ou de l’absence de pétrole dans son sous-sol national – s’élèvera sans doute contre cette effarante résolution. Mais le moyen d’y répliquer demeure essentiellement de caractère moral. C’est par un appel constant à l’opinion publique internationale, par la mobilisation des consciences dans toutes les nations où il existe des moyens d’expression libre – qui d’ailleurs pénètrent toujours plus ou moins jusqu’à l’intérieur des pays les plus prisonniers des systèmes les plus arbitraires – que les dénis de justice doivent être redressés.

Dénoncer l’O.N.U. ? Oui. La réformer serait encore mieux.


LE PROBLEME LE PLUS URGENT EST CELUI DES FRONTIERES

par Pierre MENDES-FRANCE

On peut comprendre le réflexe de défense qui s’est produit, il y a quelques semaines, lorsque, réagissant comme un assiégé dont la situation est de plus en plus menacée, le peuple israélien entreprit cette sortie destinée à détruire certaines des menaces les plus immédiates dont il était, et, dans une certaine mesure, reste toujours entouré.

Mais cette action militaire ne pouvait suffire à elle-même. Elle était destinée probablement à régler un certain nombre de difficultés locales et immédiates : elle était destinée aussi, sans doute, à alerter l’opinion mondiale. Mais c’est l’ensemble des nations du monde et surtout celles qui ont le plus directement la responsabilité de la paix, qui doivent maintenant se réunir pour envisager des dispositions susceptibles de stabiliser la situation dans le Moyen-Orient, et de garantir à tous cette paix qui est depuis si longtemps refusée.

C’est pourquoi j’ai suggéré une réunion prochaine des grandes puissances, afin qu’elles élaborent, tout particulièrement pour le Moyen-Orient, le statut susceptible de mettre fin à la grave tension qui dure depuis si longtemps. Je continue à croire qu’une pareille réunion constituerait la procédure la plus appropriée à l’heure actuelle, et que l’Etat d’Israël y trouverait la promesse d’une paix véritable est d’une sécurité qui soit enfin garantie.

La récente déclaration du président Eisenhower constitue moins une « doctrine » que l’assemblage de moyens d’intervention militaires, financiers, etc. Lorsque nous connaîtrons les solutions que le président préconise pour régler des problèmes précis (ceux du canal de Suez, des frontières d’Israël, du statut des réfugiés arabes, etc.), alors nous pourrons parler de doctrine. Si ces solutions sont réalistes et propres à sauvegarder la paix, la France sera certainement heureuse de s’y associer.

« Le problème le plus urgent est, sans aucun doute, celui des frontières d’Israël, il est indispensable que les Etats-Unis fassent connaître rapidement leur position sur cette question car elle risque de nous placer, dès les prochaines semaines, en face de situations qui risquent de devenir extraordinairement dangereuses.

« Une politique de sagesse consisterait, pour les Nations Unies et les puissances occidentales – au moment où elles invitent Israël à renoncer aux succès militaires remportés dans le désert – à reconnaitre, en même temps, comme définitives les frontières de 1948, à ne pas accepter qu’elles soient remises en question par des agressions larvées ou avouées. Il faudrait également garantir à Israël le libre passage à travers le canal de Suez et les détroits qui relient le golfe d’Akaba à la mer Rouge. »


UNE SORTIE MILITAIRE LEGITIME MAIS PEU IMPORTE

par Jacques NANTET

UNE seule réponse peut être faite (je suis heureux d’en avoir l’occasion dans « L’Arche ») à votre première question. Israël, objet d’incursions incessantes, devait sans aucun doute se livrer à une sortie militaire. Devant la carence des Nations Unies et la détérioration de la situation diplomatique, cette sortie apportait au peuple arabe l’information la plus utile : la preuve, administrée de la manière la plus éclatante, du courage des soldats israéliens, de la valeur du matériel, de la compétence des officiers. Voilà, à défaut d’autre chose, un bon élément de réflexion pour les Arabes.

Est-ce à dire que l’attaque sur le Sinaï, parmi les campagnes qui se pouvaient imaginer, était la plus opportune ? A mon avis non, parce qu’elle semblait associer Israël à une autre opération militaire – dont je ne me fais pas juge sur le fond – mais qui, elle, a été un manifeste insuccès : le débarquement franco-anglais à Suez. De la sorte, l’indispensable démonstration de la force d’Israël ne porte pas tous ses fruits. Pris dans une opération plus large, Israël est obligé de se retirer de concert avec les Franco-Britanniques ; il subit le contrecoup d’une affaire diplomatiquement mal engagée.

A ceci, un inconvénient supplémentaire vient s’ajouter. En faisant sa sortie vers Suez, au moment où les intérêts européens y étaient menacés, Israël a paru agir, non seulement en vertu de ses légitimes réflexes nationaux, mais pour ces intérêts européens. C’était prêter le flanc à la critique, éloigner, en fait, les possibilités de rapprochement, un jour, avec les Arabes. Or ce rapprochement israélo-arabe, quelles que soient les circonstances dramatiques de l’heure, doit rester l’objectif final d’Israël comme de tous les Arabes censés. Il est de leur intérêt commun. Seul, il permettra à Israël de s’épanouir ; au monde arabe d’évoluer, en profitant de tout ce qu’Israël apporte de bon au Moyen-Orient : techniques, démocratie, dynamisme.

Ceci dit, quand le vin est tiré, il faut le boire. Achever de perdre, sans compensations, ce qu’a apporté la victoire militaire, serait folie. Le retour au statu quo ante est impensable. Les événements récents ont montré quel rôle déterminant peuvent jouer les petites nations (avec le triomphe militaire d’Israël, la résistance hongroise en est un témoignage). Qu’Israël se serve de ces exemples, lui qui, seul de tous, a vaincu militairement. Pour le moins, le Sinaï devrait être neutralisé et Gaza rester israélien.


ISRAEL S’EST RESIGNE A N’ETRE QU’UN PION DOCILE SUR L’ECHIQUIER DES FORCES IMPERIALISTES

par Marceau PIVERT

1. La situation d’Israël n’a pas été améliorée, bien au contraire, elle me paraît s’être aggravée depuis sa malheureuse initiative de guerre ; il n’est pas question un seul instant de sous-estimer les mérites d’un peuple courageux, mais de dire ce que l’on pense, dans son intérêt, sur des erreurs poliques catastrophiques. Nous avons non seulement le droit de le faire mais le devoir de l’aider à sortir de sa périlleuse situation, puisqu’il se réclame du socialisme …

2. C’est précisément pour s’être éloigné gravement des principes et des solutions concrètes du socialisme international qu’il faut condamner son initiative désespérée. La guerre, préventive ou non, ne peut qu’entraîner à des conséquences désastreuses non seulement pour tel ou tel peuple, mais pour l’ensemble de l’humanité : toute politique de force est un aveu d’impuissance, surtout pour des socialistes. La seule possibilité de sécurité et de règlement pacifique des conflits réside dans la solidarité permanente et inconditionnelle des travailleurs, sans distinction de race, de couleur, de religion, de nation.

3. La création d’Israël a été réalisée dans un contexte international d’antagonismes impérialistes; les premiers alliés d’Israël, les Britanniques, ont préféré ensuite l’alliance des populations arabes ; mais ce qui les intéresse, c’est la sauvegarde des richesses pétrolières du Moyen-Orient. Les intérêts les plus légitimes de telle ou telle communauté ethnique sont subordonnés aux intérêts de classe des impérialistes. Il ne devrait pas être nécessaire de rappeler ce genre de vérité élémentaire à des socialistes, ni de leur expliquer les limites de possibilité d’intervention de l’O.N.U.

4. Par contre, des socialistes doivent savoir que le développement des sentiments nationalistes dans telle ou telle région cultive des sentiments nationalistes symétriques dans les pays voisins : lorsque les nationalismes deviennent fanatiques, chauvins, la seule issue qu’ils puissent envisager à leurs difficultés réside dans les alliances militaires et dans la guerre …

5. Or c’est dans l’une des régions du monde les plus dangereuses, les plus névralgiques que devraient être inaugurées, par des socialistes, une diplomatie socialiste et des solutions socialistes aux contradictions héritées des grands antagonismes impérialistes : pour échapper à ceux-ci, il faut d’abord découvrir qu’ils sont en mesure de contrôler mieux que les petites nations les solutions de force. A cet égard l’erreur politique d’Israël (comme celle des gouvernements franco-anglais à Suez) est trop évidente ; les frontières d’Israël étaient garanties … en particulier par la puissance qui dépasse toutes les autres, les Etats-Unis ; s’imaginer qu’on allait être en mesure de régler quoi que ce soit sans la consulter, et même contre sa volonté, était puéril et irresponsable : non seulement la méthode de force était déjà condamnable du point de vue socialiste, mais elle l’était aussi du point de vue même des garanties de « sécurité » qui servent habituellement de masque aux rapports de force entre les grandes puissances.

6. – L’impuissance de l’O.N.U., la multiplication des incidents de frontière, les menaces formulées contre l’existence même de l’Etat d’Israël, au lieu de conduire à un acte de désespoir, auraient dû exalter les facultés d’imagination, de création politique et de rassemblement des forces populaires, démocratiques et socialistes à travers le monde : c’est le contraire qui s’est produit : subordonné aux grandes puissances, Israël est considéré, plus qu’avant, comme l’ennemi des peuples d’Asie, et il s’est aliéné les sympathies des socialistes d’Asie et du reste du monde, à de rares exceptions près. Pourtant, une politique socialiste et donc antiimpérialiste était possible ; elle s’est esquissée avec l’ascension des peuples coloniaux vers l’indépendance, avec Bandoeng ; elle est définie dans tous les documents des organisations internationales, socialistes et antiimpérialistes ; elle s’appuie sur les forces populaires montantes, et non pas sur les forces impérialistes déclinantes.

7. – Mais pour entreprendre une révision « déchirante » de la diplomatie désastreuse qui n’a pas assuré à Israël, jusqu’à présent, des garanties élémentaires de sécurité, il faut commencer par réviser la manière de se comporter, dans Israël même envers la minorité arabe. Une politique socialiste n’a rien de commun avec le principe de ségrégation appliqué en Afrique du Sud : elle doit établir l’égalité des droits des travailleurs sans distinction de race : les réalisations admirables de Histadrut auraient une portée universelle s’il y avait, à la base, dans les villages et les usines, égalité totale entre Juifs et Arabes ; si les paysans arabes de la minorité n’étaient pas considérés comme des parias dans leur propre pays ; si les terres n’avaient pas été expropriés pour « absentéisme », et si les paysans dépossédés, revenant dans leur village, pouvaient y trouver du travail, etc.

La presse socialiste asiatique est extrêmement critique à l’égard d’une situation qui semble difficilement compatible avec les principes socialistes de l’égalité des races, des nations et des hommes. Je ne parle pas de la presse arabe, qui marque évidemment sa solidarité avec les Arabes de la minorité ou de l’émigration. C’est par rapport à ce problème intérieur fondamental que les dirigeants d’Israël doivent prendre des décisions socialistes … Alors, ils pourront compter sur la solidarité internationale des travailleurs : il serait impossible aux grands syndicats américains d’une part, aux masses coloniales antiimpérialistes d’Asie et d’Afrique, aux socialistes européens, dont le Labour Party devra traduire bientôt les véritables sentiments à l’égard de ces problèmes, de ne pas prendre en charge la défense du peuple d’Israël (comme de tous les autres peuples) dès le moment où une politique socialiste serait inaugurée à l’égard de la minorité arabe. Si des mesures socialistes avaient été prises (au lieu de l’opération du Sinaï), nul doute que le 4 novembre dernier, à la Conférence socialiste asiatique de Bombay, le délégué d’Israël, Moshe Sharett, aurait eu une réception plus chaleureuse que celle qui l’a accueilli … Il faut souligner cependant une bonne initiative de sa part, l’invitation aux socialistes d’Asie à envoyer des étudiants en Israël … Mais c’était au moment de la guerre avec l’Egypte.

8. – Enfin le drame d’Israël est celui du socialisme lui-même, qui n’a de sens que s’il est à la fois démocratique et international : il perd toute vertu et toute signification dès le moment où il se résigne à n’être qu’un pion docile sur l’échiquier des forces impérialistes. Plus que tout autre, aujourd’hui, le peuple d’Israël doit prendre conscience de l’absurdité de cette sorte de politique, surtout si on la baptise « socialiste ». Mais il y a d’autres pays, plus importants, qui devront, eux aussi, se rendre à l’évidence : la seule issue pour les petits pays comme pour les grands est évidemment à l’opposé des méthodes de force : il s’agit, pour les travailleurs librement organisés, de revendiquer très exactement la mise en valeur des régions sous-développées, et de refuser toute subordination politique, toute exigence impérialiste d’un bloc ou de l’autre : la sécurité générale, le bien-être pour tous, la liberté ne dépendent finalement que des classes laborieuses que le socialisme international appelle à s’unir, par-dessus les frontières des races, des nationalismes ou des confessions religieuses, depuis plus d’un siècle … La vie d’Israël dépend de l’aide économique extérieure ; mais aussi la vie des populations arabes : les investissements collectifs, non discriminatoires, sont indispensables à la dévalorisation des passions nationalistes et guerrières qui risquent d’entraîner le monde entier dans une guerre atomique : si, en se préoccupant légitimement des intérêts concrets immédiats de leurs peuples, les dirigeants d’Israël et les dirigeants arabes sont capables de s’élever à cette perspective de prospérité commune, la solution sera proche. Mais elle dépend aussi de l’intervention politique active des forces socialistes des pays développés : si, tournant le dos à leur mission, celles-ci se réfugiaient, elles aussi, dans le cadre des solutions militaires de désespoir, alors, la tragédie d’Israël serait celle de l’humanité aveuglée. Mais heureusement, sauf exception, les travailleurs socialistes commencent à comprendre mieux que la solidarité internationale des victimes de l’exploitation et de la tyrannie est leur meilleure garantie, comme la voie la plus sûre vers la paix.


UNE GRAVE ERREUR POLITIQUE

par VERCORS

AVANT toute autre considération, je tiens à marquer que j’éprouve la plus grande sympathie, la plus profonde amitié pour la nation israélienne, dont je suis depuis longtemps les efforts – et les réussites – afin d’offrir une patrie à ceux des Juifs qui n’en ont pas trouvé une dans les pays où ils résidaient, ou à ceux qu’anime le sentiment d’un lien avec leur histoire, histoire qui a marqué de son empreinte la démarche du monde. Plus affirmativement encore, je veux déclarer que je suis cent pour cent de cœur et d’esprit avec Israël.

Mais ceci dit, je dois à ma conscience et à mes convictions de dire que l’intervention militaire récente d’Israël m’apparaît comme une grave erreur (erreur susceptible d’entraîner avec elle des conséquences imprévisibles) surtout dans les conditions dans lesquelles elle s’est produite.

Il importe peu de définir si l’attaque d’Israël a été préméditée et préparée en accord avec la France et la Grande-Bretagne, s’il y a eu, comme certains le prétendent, « complot » triparti pour renverser la situation au Moyen-Orient. Complot ou non, le fait patent est qu’interventions française, anglaise et israélienne ont étroitement coïncidé dans le temps, et ceci démontre qu’Israël a agi en liaison avec la politique de deux grandes puissances, dont le dessein était de s’opposer par la force à la vague montante des aspirations des peuples qui veulent se libérer de l’oppression impérialiste dont ils ont été les victimes depuis des siècles.

En s’associant, même sans collusion préalable, à la tentative qui a valu aux Anglais, et qui nous a valu, un si humiliant échec, Israël, à mon sens, a commis une erreur politique dont je constate qu’hélas ! il commence déjà à subir les conséquences. N’est-il pas tragique, en effet, que l’O.N.U. vienne de lui enjoindre d’évacuer complètement et rapidement toutes ses conquêtes – et que cette injonction, ô ironie ! émane de 74 puissances, y compris la Grande-Bretagne avec laquelle il avait cru faire équipe pour (c’est le cas de le dire) une équipée vouée d’avance à l’échec.

Car comment n’avoir pas compris que le partenaire le plus puissant de la coalition occidentale – les Etats-Unis – de même que la majorité des autres pays occidentaux, ne pouvaient tolérer que fût tarie, ou même mise en danger, la source du pétrole, si importante à la fois pour leur existence en temps de paix et pour leur survivance en cas de guerre ? Une telle erreur de calcul politique et diplomatique est inexcusable de la part de qui tient entre les mains le destin d’un Etat encore fragile et qui a besoin de la sympathie et de l’aide de tous les peuples, non seulement pour son développement mais pour son existence même.

Naturellement, je n’ignore ni ne cherche à minimiser les terribles pressions auxquelles Israël a été soumis par l’antagonisme têtu des pays arabes, et plus particulièrement de l’Egypte de Nasser. Je sais ce qu’ont signifié pour lui ce blocus économique qui risque de l’étrangler, et cette insécurité à ses frontières, et la tension que crée la présence de voisins si quotidiennement acharnés à lui nuire par tous les moyens. Mais chercher, comme vous dites, à « rompre ce carcan » par une entreprise militaire dans un contexte impérialiste, c’était aggraver encore les difficultés, c’était risquer un grave déficit des valeurs morales qui doivent être pour Israël aussi importantes que les valeurs matérielles.

Cette faute énorme me paraît provenir d’une déficience d’Israël à se rendre compte que, depuis sa création, il a été le jouet d’ambitions impérialistes (politiques, économiques et stratégiques) dont son propre destin et son bonheur étaient les moindres soucis. Soutenu au début par l’Angleterre, qui croyait trouver en lui un « surveillant » de ses intérêts dans le Moyen-Orient, il a été vite lâché lorsque ses velléités d’indépendance nationale se furent affirmées, et lorsque les pays arabes parurent à la Grande-Bretagne plus importants pour ses fins que le pays naissant d’Israël. D’où la longue lutte de Bevin contre lui, et un antagonisme qui n’a cessé que dans les mots.

Aujourd’hui, Israël se trouve placé au centre d’intérêts mondiaux divergents, et pour lui, apparaître comme l’allié ou le champion de tel ou tel intérêt, c’est être considéré par les autres comme ennemi, et c’est supporter les conséquences de cette animosité. C’est aussi apparaître aux yeux de tout l’Orient, dont Israël fait et fera toujours partie de par un impératif géographique fatal, comme l’avant-garde ou le tremplin de cet impérialisme contre lequel se dresse irréductiblement la passion des peuples sous-développés aspirant à la lumière du jour.

Ayant fait, avec tristesse, le procès de cette attitude qui n’a valu que déboires à ce peuple travailleur, vaillant et imaginatif, à ce peuple dont je voudrais saluer de brillants succès, je veux regarder vers l’avenir et y trouver des raisons d’espoir. Ces raisons me semblent centrées sur l’action des Nations Unies.

« A quelque chose malheur est bon » ? Peut-être. Et cette défaite politique au bout d’une victoire militaire, que je déplore, aura eu, je l’espère, l’effet d’attirer l’attention du monde entier sur la gravité du problème que pose le conflit israélo-arabe et sur l’absolue nécessité – si l’on veut éviter une conflagration à l’échelle mondiale – de lui trouver une solution juste, raisonnable, humaine, et une solution qui garantisse l’existence et le développement d’Israël.

Cette solution, les Nations Unies seules, vouées par destination à assurer la coexistence paisible de tous les peuples, peuvent la fournir, et c’est dans sa collaboration confiante, patiente, tenace en dépit de toutes les déceptions, avec elles, qu’Israël pourra retrouver l’élan de sympathie qui avait salué sa naissance parmi les libéraux et les progressistes du monde et faire reconnaître définitivement son droit à la vie, au travail et à la prospérité.


La gauche française et Israël

La gauche française avait été unanime à saluer la naissance de l’Etat d’Israël.

Ce n’est pas qu’elle ait approuvé dans son ensemble – ni même sans doute dans sa majorité – l’action et les objectifs du sionisme. La « double fidélité » que celui-ci tend à instituer au profit d’une nation étrangère, a toujours heurté une grande partie de la gauche et, parmi elle, naturellement, beaucoup de Juifs français.

Personne ne pouvait cependant oublier la tragédie de l’Exodus et, d’une façon plus générale, le drame que vivaient des dizaines de milliers d’hommes et de femmes rescapés des camps hitlériens. Un devoir de solidarité existait auquel la gauche pouvait d’autant moins se refuser, que l’idéal socialiste avait fortement marqué les premiers colons et inspiré les magnifiques réalisations des Kibboutzim.

Ce devoir de solidarité est toujours, croyons-nous, ressenti avec la même force. Mais il n’y a plus la communauté de vues lorsqu’il s’agit d’apprécier les actes du gouvernement d’Israël.

« Pour l’unanimité de l’opinion israélienne, écrivait récemment Edouard Sablier, dans Le Monde, le combat que poursuit notre pays en Algérie s’identifie presque point par point avec celui que le jeune Etat mène de son côté au Proche-Orient. »

Cette identification ne nous paraît pas entièrement juste, mais elle explique que les hommes, pour qui la prolongation de la guerre en Algérie est contraire aux véritables intérêts du peuple français, aient, à leur tour, tendance à contester certains aspects essentiels de la politique israélienne.

A notre avis, le moment est venu d’ouvrir un débat franc et complet sur les possibilités de rétablir la paix entre Israël et les Etat arabes. C’est ce débat que la revue l’Arche a eu le mérite d’amorcer en interrogeant un certain nombre de personnalités sur les sentiments qu’elles ont éprouvé en face des opérations du Sinaï, et du désir manifesté par le gouvernement de Tel-Aviv de conserver des « gages » à Gaza et dans le golfe d’Akaba.

Nous reproduisons, avec l’autorisation de l’Arche, six des réponses qui lui sont parvenues et qui ont été publiées sous le titre général : « La gauche française contre Israël ? »


Tel-Aviv a droit à une garantie internationale

A LA fin d’octobre, l’armée israélienne franchissait la frontière égyptienne, envahissait la zone de Gaza et la péninsule du Sinaï, s’installait sur la rive septentrionale du golfe d’Akaba, d’où elle pouvait contrôler, à Charm-el-Cheikh, l’entrée de ce golfe, jusqu’alors interdite à la navigation israélienne par les forces égyptiennes. Quelques jours plus tard, les troupes franco-britanniques débarquaient à Port-Saïd d’où elles avançaient rapidement en territoire égyptien tout le long du canal jusqu’à ce qu’une décision de l’O.N.U., à laquelle se conformèrent Paris et Londres, vint stopper leur offensive.

L’Organisation internationale décida alors le retrait hors du territoire égyptien des « forces d’agression ». Après un mois de négociations, il ne restait plus aucun soldat français ou britannique dans la zone de Suez où étaient venus les relever les premiers éléments d’une force de police internationale ; de leur côté, les forces israéliennes avaient évacué la péninsule du Sinaï. Mais elles continuaient toutefois à occuper la zone de Gaza, et celle de Charm-el-Cheikh.

Tout le mois de janvier, l’O.N.U. fit pression sur Israël pour qu’il évacue également ces deux territoires. Le 2 février, l’Organisation internationale adopta une dernière résolution sommant Israël d’obtempérer à ses injonctions et menaçant l’Etat juif de sanctions s’il persévérait dans son refus. Israël n’en tint pas compte. Les Etats-Unis infléchirent alors une attitude jusqu’ici fondée sur le respect formel du droit et de la morale internationale – et sur leur politique pro-arabe – et promirent à Israël certaines garanties s’il acceptait de se conformer aux résolutions de l’O.N.U. Israël jugea ces garanties insuffisantes et continua de s’apposer au retrait de ses troupes.

La situation en est parvenue aujourd’hui à un point de tension critique, car, volontairement retardé depuis plusieurs jours, le débat doit reprendre cette semaine à l’O.N.U. où il se trouvera une majorité pour voter des sanctions économiques contre l’Etat juif. C’est pour éviter de se trouver devant un dilemme difficile – voter les sanctions, aller ainsi à l’encontre de leur opinion publique et donner prise aux critiques des démocrates ; les refuser et compromettre ainsi les bénéfices de la politique qu’ils ont mené depuis six mois à l’égard des pays afro-asiatiques – que les Etats-Unis exercent sur Tel-Aviv une pression extrêmement vigoureuse.


Difficilement défendable en droit, sauf en s’appuyant sur le précédent soviétique en Hongrie, la thèse d’Israël est fondée dans les faits. En se refusant à évacuer, sans garanties sérieuses, la zone de Gaza, base de départ des raids de Fedayin, et celle de Charm-el-Cheikh, clé du golfe d’Akaba, Israël veut éviter le retour à la situation antérieure : c’est-à-dire les perpétuelles incursions des Fedayin en territoire israélien et le blocus du port d’Elath situé au fond du golfe d’Akaba.

Il est exact que les garanties, proposées la semaine dernière par M. Dulles à l’ambassadeur Eban, étaient insuffisantes ; elles se bornaient, en fait, à organiser le passage d’un convoi comprenant un navire de guerre américain et un bâtiment israélien devant Charm-el-Cheikh réoccupé par des Egyptiens pour contrôler ce que serait alors l’attitude du Caire. La présence d’un navire de guerre n’avait d’ailleurs qu’un caractère symbolique, car, au cas où les Egyptiens auraient refusé le passage, il était exclu qu’il fit usage de la force et Washington n’envisageait que de porter l’affaire devant la Cour internationale de La Haye.

Mais cette garantie avait surtout l’inconvénient de n’être qu’américaine, alors qu’elle doit être internationale et provenir de l’O.N.U. elle-même. Israël a droit, s’il évacue Gaza et Charm-el-Cheikh, à ce que des garanties lui soient données par l’O.N.U., lui assurant la libre circulation dans le golfe d’Akaba et, plus tard, à travers le canal de Suez et l’arrêt des incursions de Fedayin. De plus, l’exécution de ces garanties doit être contrôlée par la présence d’une force internationale dépendant elle aussi de l’O.N.U. Car nous n’oublions pas qu’il y a plusieurs années déjà, l’O.N.U. avait demandé à l’Egypte de respecter la libre circulation des navires israéliens sur le canal de Suez : l’Egypte n’en a jamais tenu compte, et aucune des grandes puissances n’a alors songé à faire y pression sur elle pour qu’elle modifie son attitude (Nasser n’était pas encore au pouvoir). La zone de Gaza n’étant pas territoire égyptien, mais ex-palestinien et le golfe d’Akaba étant une voie d’eau internationale, rien ne s’oppose en droit à la présence d’une force, terrestre et navale, de l’O.N.U. dans ces lieux.

Hector de GALARD.


Le problème clé : celui des réfugiés

LES diplomates qui siègent aux Nations Unies ont, dans leurs dossiers, un rapport qu’ils feraient bien de consulter avec attention s’ils souhaitent voir réglée un jour la nouvelle question d’Orient : c’est le rapport qu’u établi pour eux M. H.-R. Labouisse, citoyen de la Nouvelle-Orléans, et présentement directeur de l’Office de Secours et de Travaux pour les réfugiés de Palestine.

Sans doute, le problème des réfugiés n’est pas le seul problème qui oppose Israël aux pays arabes, ni même le plus urgent. Mais il est le problème-clef. Tant qu’une solution ne lui sera pas apportée, aucun règlement d’ensemble ne sera jamais possible.

On connaît généralement assez mal les données de ce problème : 920.000 Arabes qui vivaient jadis dans cette portion de la Palestine qui constitue aujourd’hui l’Etat d’Israël, ne peuvent retourner dans leur ancienne patrie et doivent demeurer soit en Jordanie (512.000), soit en Syrie (90.000), soit au Liban (102.000), soit dans la région de Gaza (216.000). Certains sont parvenus à se reclasser. Mais l’immense majorité vit de l’aide que lui fournit l’Office de secours créé par les Nations Unies. 83.000 barraques et 14.000 tentes ont été dressées pour abriter les réfugiés cependant que des rations représentant 1.600 calories par jour (1.500 en été), leur sont régulièrement distribuées. Le montant de cette aide – qui concerne également l’éducation et la « réhabilitation » – s’est élevé pour le dernier exercice annuel à 32 millions de dollars. Les Etats-Unis en ont payé la moitié, la Grande-Bretagne un bon tiers ; la contribution des autres pays est très faible, l’effort d’assistance demeurant purement volontaire.

M. Labouisse demande pour les prochains 18 mois une soixantaine de millions de dollars. Cette somme contribuera à maintenir tant bien que mal la situation actuelle ; elle ne peut nullement lui apporter une solution.

Les réfugiés n’éprouvent d’ailleurs que fort peu de reconnaissance à l’égard de l’O.N.U. Celle-ci les empêche de mourir de faim, elle ne fait rien pour leur permettre de rentrer dans leur pays. Or, écrit M. Labouisse, « chez les réfugiés, le désir d’être rapatriés ne s’est jamais atténué. » Mais ce rapatriement désiré n’est pas prêt de se produire, l’Etat d’Israël ne voyant ni ne pouvant accueillir 900.000 Arabes.

A l’intérieur de l’Etat d’Israël, ces 900.000 Arabes seraient peut-être autant de rebelles. Campés à ses frontières, ils demeurent à coup sûr des adversaires. Et des adversaires d’autant plus efficaces qu’ils exercent une influence politique considérable sur les différents pays arabes qui les accueillent. Ni le gouvernement égyptien, ni le gouvernement syrien, ni le gouvernement jordanien, ni le gouvernement libanais ne pourrait invoquer la possibilité d’une paix avec Israël sans dresser aussitôt contre lui la masse des réfugiés. Et l’Irak qui n’a cependant pas de réfugiés sur son territoire suit le mouvement pour ne pas paraître moins « arabe » que l’Egypte.

Pour sortir de cette impasse, il n’y a qu’une voie, étroite, difficile, mais praticable. Il faut offrir (comme le prévoyait une résolution de l’assemblée générale des Nations Unies) à chaque réfugié un choix entre un rapatriement et une « compensation », mais faire en sorte que cette « compensation » soit suffisamment importante pour que la grande majorité des réfugiés la préfèrent au rapatriement (qui implique pour eux la nécessite de se soumettre aux lois israéliennes). Pour parler clairement, les réfugiés devraient se voir proposer une aide matérielle leur permettant de trouver dans le Moyen-Orient (mais en dehors des frontières d’Israël) des conditions de vie supérieures à celles qu’ils connaissaient jadis en Palestine.

Le rapport de M. Labouisse fait état de deux projets mis à l’étude par l’Office des réfugiés : ces projets visent à l’utilisation des eaux du bassin du Jourdain et des eaux du Nil (dans le Sinaï occidental). Mais les crédits dont dispose l’Office et surtout la situation politique présente ne permettent évidemment pas de prévoir leur réalisation prochaine. Au reste, les territoires situés à proximité même de l’Etat d’Israël ne suffiraient pas à absorber la masse des réfugiés. Il faudrait envisager la mise en valeur de certaines régions jusqu’ici incultes ou semi-incultes de la Syrie ou de l’Irak (bassin de l’Euphrate).

Pour que de tels plans soient pris en considération par les pays arabes (pour lesquels ils signifieraient un abandon définitif des revendications sur la Palestine israélienne), il faudrait d’abord que l’Organisation des Nations Unies ait à sa disposition les sommes nécessaires et ensuite que la participation des Israéliens à cet effort ne soit pas simplement symbolique. La réinstallation des réfugiés en dehors de la Palestine n’est, en effet, moralement acceptable pour les Arabes que si elle constitue aussi une réparation.

Le prix à payer paraîtra bien lourd à certains. Il est cependant moins élevé que celui qu’il a fallu payer pour financer l’expédition d’Egypte et ses désastreuses conséquences. C’est de toute manière le prix de la paix, et pour Israël celui de la sécurité.

Gilles MARTINET.


Nos lecteurs écrivent

Israël et le problème des réfugiés

Du pasteur C. Muller-Duvernoy, Cernier (canton de Neuchâtel).

Votre double-page « Israël et la gauche française » était certes bien nécessaire, et je vous en félicite. Permettez-moi cependant ces quelques lignes inspirées par votre article sur le problème-clé des réfugiés.

Il est vrai que l’on connaît en général bien mal les données de ce problème. Vous en donnez certaines, mais oubliez la donnée principale : la donnée de base, « pourquoi et comment » ?

Dans la nuit du 14 au 13 mai 1948, naquit l’Etat d’Israël par la volonté des Nations Unies. Parallèlement à cet événement cinq corps d’armée arabes attaquent Israël.

… Prévoyant cette attaque à sa naissance même, Israël, par voie de tracts, d’affiche et de radio, fit savoir à la population arabe qu’elle devait rester sur place et ne pas prendre les armes, étant appelée à bénéficier de la citoyenneté israélienne.

Hélas ! Les Chefs de la Ligue arabe, dont l’éminence grise est le Grand Mufti de Jérusalem, ancien intime d’Hitler, firent savoir à cette même population arabe qu’elle devait fuir en cas d’attaque arabe, afin de ne pas être considérée comme traître à la Ligue, et collaboratrice du Sionisme …

Ainsi, c’est sous la terreur des menaces de la Ligue arabe et non pas devant les armes israéliennes, que ces malheureux prirent la fuite. Les réfugiés de Palestine sont les victimes de la politique satanique de la Ligue, ils ne sont pas les victimes d’Israël. Cela paraît évident et clair.

Le monde entier estime qu’il est normal pour Israël de prendre totalement en charge les milliers de réfugiés juifs chassés dès 1948 des différents Etats arabes. Ne serait-il pas juste tout autant que la Ligue arabe prenne en charge ses réfugiés ?


COURRIER DES LECTEURS

LA GAUCHE FRANÇAISE CONTRE ISRAEL

L’enquête parue sous ce titre dans le dernier numéro de l’ARCHE a eu un certain retentissement. L’hebdomadaire « France Observateur » l’a reproduit presque intégralement, et nous avons reçu à la rédaction un abondant courrier. Il nous est malheureusement impossible, faute de place, de citer tous nos correspondants. Nous nous limitons à publier les lettres les plus caractéristiques qui nous sont parvenues, et en premier lieu, le texte de la réponse à l’enquête, de l’écrivain Claude Roy qui nous était parvenue trop tard pour être publiée dans notre précédente livraison.


MA SYMPATHIE RAISONNEE POUR ISRAEL …

Je n’ai de goût ni pour les dérobades ni pour la présomption – pour ceux qui s’esquivent, non plus que pour les esprits universels-réponse-à-tout.

Ce serait me dérober que de ne pas déclarer ma sympathie raisonnée pour Israël, foyer ouvert aux victimes d’un des cancers du monde moderne, l’antisémitisme, que de ne pas condamner catégoriquement et les brimades (mot faible) auxquelles le gouvernement égyptien a soumis l’Etat d’Israël, et les mesures antisémites prises par lui à l’égard des Israélites égyptiens. Ce serait aussi me dérober que de ne pas déclarer que je crois que le peuple égyptien avait le droit de nationaliser Suez, que l’agression montée par Paris et Londres, en utilisant Israël, est une infamie sotte (les pires).

Ces positions de principes (généraux) prises, il serait présomptueux de ma part d’essayer de répondre à vos questions pratiques. N’étant ni diplomate ni stratège, connaissant mai les problèmes du Proche et Moyen-Orient, il me reste à espérer que de bons esprits (et de bons cœurs) trouveront à la situation actuelle des solutions qu’aujourd’hui je ne vois pas clairement. Lénine souhaitait qu’un jour les cuisinières puissent gouverner l’Etat. Je le souhaite aussi. Mais le jour n’est pas venu encore où les écrivains pourraient résoudre en dix lignes tous les problèmes mondiaux, y compris ceux qu’ils comprennent mal.

Claude ROY.


LE FOND DU PROBLEME

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt les réponses à votre enquête sur « La Gauche française contre Israël ». Elles démontrent qu’en fait cette Gauche est plutôt pour Israël lorsqu’elle est vraiment informée de la réalité israélienne et ne se contente pas de répéter – sans songer à les vérifier – des contre-vérités comme c’est le cas pour Gilles Martinet et Marceau Pivert.

Gilles Martinet se rendra prochainement en Israël. Il pourra alors se rendre compte sur place qu’il n’existe pas de « discrimination raciale » contre les 180.000 sujets israéliens d’origine arabe. (Ses connaissances à ce sujet sont aussi vagues que ses informations puisqu’il parle de « deux cent à trois cent mille » Arabes israéliens.) Il existe des mesures de sécurité qui s’appliquent dans les régions frontalières, mesures que l’hostilité des voisins d’Israël rend indispensables et qui le resteront tant que les pays arabes n’auront pas renoncé à leur rêve de destruction de l’Etat d’Israël et à la guerre sanglante qu’ils mènent contre lui.

En ce qui concerne les rapports entre Israël et le monde afro-asiatique, je voudrais rappeler à Gilles Martinet que dès 1951, le directeur du ministère des Affaires étrangères d’Israël s’est rendu en Inde dans l’espoir que des relations diplomatiques seraient établies avec ce pays. Mais M. Nehru n’a pas eu le courage de braver l’opinion arabe et a préféré céder à la pression des pays arabes plutôt que de donner à Israël le moyen de s’intégrer au bloc de Bandoeng. J’ai dit que je voulais le rappeler à Gilles Martinet, parce que Martinet le sait et qu’il a reconnu que les efforts faits par Israël n’ont pas été encouragés par ceux qui ont pris la direction de ce troisième bloc.

Martinet comme Marceau Pivert déplacent totalement le problème en demandant à Israël de réviser sa politique alors que c’est aux adversaires d’Israël qu’il incombe de faire cette révision en commençant par accepter l’idée de l’existence d’Israël et de la possibilité de coexistence avec lui.

Il faut être très naïf ou de très mauvaise foi – ou les deux à la fois – pour affirmer comme Marceau Pivert que c’est en fonction de la politique intérieure d’Israël qu’évolueront les sentiments des pays arabes qui ont juré la perte de l’Etat Juif et sont prêts – le roi Séoud dixit – à sacrifier 10.000.000 d’Arabes pour qu’Israël disparaisse de la carte du Moyen-Orient.

Marceau Pivert croit-il vraiment que l’Arabie séoudite serait mieux disposée envers Israël si ce dernier était plus socialiste ? N’est-ce pas plutôt le socialisme d’Israël qui est aussi l’un des facteurs de la haine du monde arabe ? Est-ce parce qu’Israël n’est pas farouchement fidèle aux principes du socialisme que la Syrie et l’Irak menacent de le détruire ? Est-ce l’Egypte qui est au Moyen-Orient le vrai champion du socialisme et qui a droit, de ce fait, au soutien de tous les travailleurs et de tous les syndicalistes ?

Il y a, en Israël, égalité entre les Juifs et les Arabes dans les syndicats et les usines ; la Histadrouth a ouvert ses portes aux ouvriers arabes, a aidé les villageois arabes à créer des coopératives, a ouvert des écoles professionnelles pour les jeunes arabes. Les paysans arabes sont loin d’être des parias et les deux plus gros contribuables d’Israël donc les deux plus gros revenus – sont arabes ; les terres n’ont pas été expropriées pour absentéisme mais placées sous séquestre lorsque leurs propriétaires ont choisi de quitter le pays pour attendre à l’étranger la curée à laquelle devaient les convier les armées arabes qui ont envahi Israël en 1948.

Ce sont là des faits et des nuances qui semblent échapper trop facilement à l’attention de ceux qui s’obstinent à voir dans Israël le « valet de l’impérialisme américain » parce que les Juifs d’Amérique font des dons, à ceux qui s’obstinent à vouloir qu’Israël, et Israël, seul, fasse tous les « efforts d’imagination », toutes les concessions, donne tous les exemples et toutes les garanties alors qu’ils acceptent parfaitement que les autres soient intransigeants, violent les conventions internationales, manquent à leurs engagements, menacent l’existence d’Israël pourvu que ce soit au nom d’une révolte – plus apparente que réelle – contre le colonialisme et l’impérialisme, révolte qui est – et Marceau Pivert l’ignore-t-il ou l’oublie-t-il ? – plus nationaliste et plus chauvine que le socialisme français.

Le fond du problème c’est que les pays arabes refusent le dialogue, refusent l’idée même de paix avec Israël quel que soit son régime intérieur, quelle que soit son attitude envers ses minorités ou envers les Blocs, envers l’Occident ou l’Orient, le rejettent aujourd’hui comme valet de l’Impérialisme et le rejetteraient demain comme fourrier du Communisme. Il est regrettable de voir des hommes de gauche donner dans le piège de cette haine passionnelle et irrationnelle et essayer de lui trouver des justifications en accablant la victime de cette intransigeance.

Veuillez agréer …

David CATARIVAS,
Secrétaire général de la Fédération Sioniste,
Correspondant
démissionnaire de « France-Observateur », à Jérusalem.


ISRAEL ET LES MYTHES DE LA GAUCHE FRANÇAISE

… Dans un louable souci d’impartialité vous avez cru devoir reproduire les opinions d’un certain nombre d’hommes politiques et d’écrivains de gauche. On y trouve de la sympathie pour Israël, mais aussi, sous la plume de quelques-uns, une nette réprobation de la politique israélienne. Cette réprobation, exprimée surtout par Gilles Martinet et Marceau Pivert, s’appuie sur des mythes toujours en honneur à l’extrême gauche ou sur les arguments qui se placent en dehors de toute réalité israélienne, ou arabe.

J’aurais cependant aimé que l’ARCHE, dans le même numéro, ne laissât pas sans réponse ces deux griefs :

1° discrimination à l’égard de la minorité arabe ?

2° responsabilité d’Israël dans le sort des réfugiés palestiniens ?

Je crois que l’opinion est en général encore très mal informée.

1° sur l’origine du problème des réfugiés palestiniens dont le nombre est, d’ailleurs, grossi, par des rapports non palestiniens :

2° sur la disproportion entre l’étendue et les ressources d’Israël et celles des pays arabes ;

3° sur l’intérêt qu’avaient les Etats arabes, nouvellement nés d’ailleurs à l’indépendance, à laisser une petite place à Israël. Cela ne les obligeait pas à se serrer beaucoup ;

4° sur les facilités que présentait l’intégration des réfugiés palestiniens dans l’Etat voisin d’Israël (immensité des territoires à mettre en valeur, abondance des ressources financières dues aux redevances pétrolières). Mais la solidarité arabe existe-t-elle en dehors de l’exploitation du fanatisme religieux et racial ? L’ignorance et la terrible misère des masses laissent insensibles les féodaux.

L. SACHS,
3, rue Anatole-de-la-Forge, Paris-17e

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