Catégories
presse

Charles Kramer : En marge du colonialisme. Racisme

Article de Charles Kramer dit Devançon paru dans Le Libertaire, n° 231, 2 juin 1950, p. 1 et 4

LE Mouvement Libertaire, à travers les multiples organisations qui l’ont constitué et qui le forment aujourd’hui, s’est toujours distingué à l’avant-garde de la lutte anticolonialiste et cela dans tous les pays et sur tous les plans. Notre rejet lucide et motivé de l’oppression capitaliste, étatique et religieuse n’autorise évidemment pas d’équivoque sur ce point et il suffit de consulter les 53 articles parus depuis 1945 dans la présente série du « Libertaire » pour se convaincre que l’action anarchiste n’a pas subi les « déviations » que l’on peut reprocher à certains.

Mais il ne s’est pas seulement agi de combattre l’impérialisme étatique et capitaliste, mais aussi certaines variantes à la fois effets et causes, dérivées de l’exploitation économique : nous voulons parler de l’antisémitisme, haine des juifs, de la xénophobie, haine des étrangers du nationalisme, haine de la paix.

En effet, à côté de la lutte prolétarienne directe pour le soutien et l’émancipation des peuples opprimés, qui se traduit par la paralysie de la coercition étatique, se situe une offensive moins spectaculaire certes, mais aussi importante, pour l’extirpation de la mentalité qui soutient cette coercition :

Pour la paix au Viêt-Nam,
Pour la paix en Indonésie,
Pour la fin de la répression colonialiste en Algérie et au Maroc,
Pour la libération de nos frères d’Afrique Equatoriale,
Pour que cessent les brimades des populations malgache et martiniquaise,
Contre les racismes,
SOLIDARITE
PROLETARIENNE

Chaque jour, sur les lieux de travail, dans les écoles et facultés, dans la rue même, nous sommes témoins de brimades cruelles que subissent nos frères « étrangers ». Combien de Nord-Africains ne se voient-ils pas privés de la juste rémunération de leur travail ? Combien de Noirs, de Vietnamiens, ne sont-ils pas victimes d’une exclusive qui leur rend très difficile de trouver emploi et logement ? Combien de Juifs ne sont-ils pas victimes aussi d’un racisme injustifiable ? Et ces faits sont plus nombreux que l’on ne pense généralement et le combat exige un effort constant.

Or, même dans certains groupements qui affichent pourtant un anticolonialisme et un antiracisme effréné, existe un état d’esprit qui révèle une infrastructure psychologique réactionnaire ; qu’un « homme de couleur » demande son adhésion, elle est certes acceptée, mais avec l’indication que l’individu aura à s’occuper exclusivement d’activités anticolonialistes. On lui méconnaît implicitement le droit de s’affranchir des faux jugements, d’être une homme révolutionnaire comme les autres.

A notre avis, le révolutionnaire, d’où qu’il vienne, a cessé d’être Juif, Noir, Vietnamien ou Malgache dès qu’il a rejoint l’organisation. Le révolutionnaire est un homme libre. Libre surtout parce qu’il a conscience de toutes les oppressions et toutes les libertés : le révolutionnaire est à la fois Nègre, Juif, Malgache, manœuvre ou chômeur. La souffrance de tous les opprimés est nôtre, donc leur combat est notre combat.

Charles DEVANCON.


(1) Nous tenons à la disposition de nos lecteurs des publications anarchistes en anglais, allemand, yiddish, danois, suédois, hollandais, italien, espagnol, russe, chinois, bulgare, espéranto, etc … Spécifier le pays d’origine de la publication que vous désirez acquérir. Par exemple, pour l’anglais, spécifier : Royaume-Uni, U. S. A., Indes, Australie, etc. pour le yiddish, éditions de Paris, Londres, New-York, Tel-Aviv, de même.

(2) Sans compter dans le monde les guerres colonialistes de Birmanie, d’Indonésie et du Kenya britannique.

(3) Leurs nouveaux journaux se nomment « Aspects de la France » et « Contre-Révolution » (voir l’enquête du « Libertaire » en février 1949.)

(4) Organisation recréée par le fils de La Rocque. A l’occasion de l’anniversaire de la mort ce La Rocque. Meeting dans l’église N.-D. des Victoires à Paris avec sermon du R. P. Carré et manifestations en province.

(5) Le Mouvement de Rénovation Sociale et Economique Française en est la succursale colonialiste.