Dossier paru dans La Voix des travailleurs algériens, n° 9, avril 1979, p. 5

C.T.A. du Pays de Montbéliard
Suite à une distribution de 2 tracts racistes :
l’un anti-algérien et accusant les travailleurs immigrés algériens d’être responsables du chômage. Ce tract a été diffusé – clandestinement dans les Usines Peugeot automobiles de Sochaux avant la reprise du travail de la tournée du matin. Ce qui nous donne la preuve de la complicité de la Direction Peugeot.
l’autre anti-juif, distribué beaucoup moins que le premier mais, cette fois-ci, dans les boîtes aux lettres de certains quartiers de Montbéliard.
A la suite, les Organisations anti-racistes se sont rencontrées et ont décidé de répondre à ces mensonges par une distribution de 30 000 tracts, distribués principalement devant les usines, et dans les grands ensembles.
Cependant, nous signalons que bien que l’Amicale des Algériens et signataire, elle n’a participé à aucune réunion, comme elle n’a participé à aucune distribution de tracts. Il faut signaler que même sa signature est due à une négociation avec un membre d’une Association qui croit encore à l’AAE et à sa défense, en ce qui concerne les Travailleurs algériens.
Quant au C.T.A., il a été présent à toutes les réunions, et aux distributions de tracts dans les quartiers, notamment immigrés, et il a prouvé son engagement vis-à-vis de la défense des travailleurs immigrés Algériens et de tous les travailleurs, car quand une partie de la classe ouvrière est visée, c’est toute la classe ouvrière de France qui est attaquée.
Pour les Immigrés algériens, le C.T.A. est convaincu qu’ils finiront par comprendre qui les défend sur le terrain : le C.T.A. ou l’Amicale.
Le 13.3.79 Montbéliard
HALTE AU RACISME !
Deux tracts racistes ont été distribués sur le Pays de Montbéliard ; l’un rend les immigrés (en particulier les Algériens) responsables du chômage ; l’autre accuse les Juifs d’organiser l’immigration.
C’est faux et c’est facile à comprendre à partir d’exemples concrets :
– En Lorraine, la politique délibérée du gouvernement et du patronat en matière de restructuration a créé une situation de chômage dramatique. Les travailleurs français et immigrés luttent au coude à coude pour la défense de leur emploi ;
– ce ne sont pas les Juifs qui organisent l’immigration : c’est pour les besoins de l’économie française que l’on a fait venir les travailleurs immigrés.
CEDER AU RACISME ANTI-ARABE ET ANTI-JUIF
C’EST TOMBER DANS UN PIEGE TENDU POUR DIVISER.
ASSEZ DE MENSONGES, NON AU RACISME !
Des mesures injustes sont prises contre les travailleurs immigrés et leur famille : on veut donner l’impression qu’ils sont responsables de toutes les difficultés présentes, alors que des millions d’hommes et de femmes, français et immigrés, font face aux mêmes problèmes. Est-il normal de les diviser, de les opposer ? Cela ne peut que nuire aux uns et aux autres. C’est un moyen de masquer les causes réelles de la crise.
C’est vouloir empêcher une analyse correcte qui permettrait d’agir pour s’en sortir tous ensemble.
Alors réfléchissez.
OU EST LA VERITE ?
La vérité, c’est que :
– Les chômeurs français (en majorité des femmes, des cadres et des jeunes) n’occuperaient pas forcément les emplois que quitteraient les immigrés.
Le départ de 150 000 immigrés ne libérerait que 13 000 emplois au maximum (rapport officiel Anicet le Pors, juin 1977) et entraînerait la paralysie quasi-totale de certains secteurs de l’industrie (bâtiment, automobile, travaux publics).
– La crise sévit dans tous les pays industrialisés qu’il y ait ou non des immigrés.
La vérité, c’est que :
– La délinquance n’a rien à voir avec la nationalité, mais dépend des conditions de vie (logement, cadre de vie, scolarité … )
– Les statistiques sont grossièrement manipulées : on « met dans le même sac » les délits administratifs (papiers non en règle par exemple), et la violence.
– Les immigrés, par contre, sont, eux, victimes d’une criminalité particulièrement odieuse : la violence raciste.
La vérité, c’est que :
Les immigrés ne coûtent pas plus cher à la société française que les autres travailleurs :
– leur pays d’origine ont supporté le poids de toute leur éducation et supporteront celui de leur vieillesse ;
– leur famille quand elle vit hors de France, ne bénéficie pas de la Sécurité sociale, ni des services publics, alors qu’ils paient des cotisations et des impôts comme tous les autres salariés ;
– la plus grande partie de leurs allocations familiales ne leur est pas versée : quand une famille française touche 1000 F, une famille tunisienne touche 250 F, une famille malienne 100 F, si les enfants sont restés au pays ;
– pour les accidents du travail, on sait bien qu’ils sont les plus nombreux dans les secteurs les plus dangereux et les plus insalubres, là où les immigrés travaillent le plus souvent (bâtiment, travaux publics … )
ALORS A QUI PROFITERAIT UNE CAMPAGNE RACISTE ?
– A ceux qui détournent l’attention des travailleurs et qui cherchent à leur faire oublier leurs conditions de vie difficile, aggravées souvent par un manque d’équipements (accueil, habitat, santé, enseignement, formation … ).
– A ceux qui veulent justifier le non-renouvellement des contrats de travail ou des cartes de séjour en désignant les immigrés comme principaux responsables du chômage.
– Aux firmes nationales et multi-nationales (Peugeot y compris) qui divisent les travailleurs pour tirer le maximum de profits sans se soucier suffisamment des difficultés qu’ils rencontrent.
REGRETTONS
Regrettons l’attitude ambigüe du gouvernement qui laisse planer la menace du renvoi dans leur pays d’origine, en particulier pour 350 000 Algériens tous en France depuis plus de dix ans, et certains plus de 25 ans.
RESTONS VIGILANTS
Une action est engagée en application de la loi de 1972 contre le racisme : les auteurs de tels tracts ne doivent pas continuer à agir impunément.
La haine raciale, quelle que soit la façon dont elle se manifeste, conduit les peuples vers des situations comme celles que nous avons déjà connues il y a à peine 40 ans (souvenons nous des exterminations, des camps de concentration … ) et celles que l’on vit encore à travers le monde.
NE LAISSONS PAS NOTRE VIGILANCE SE RELACHER !
FRANÇAIS ET IMMIGRES, LUTTONS ENSEMBLE
POUR UNE VERITABLE SOLIDARITE DANS LES USINES ET LES QUARTIERS
Organisations signataires du Pays de Montbéliard :
MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples)
Amicale des Algériens
C.G.T., C.F.D.T., F.E.N.
P.C., P.S., P.S.U.
C.S.F. (Confédération syndicale des familles)
Equipes ouvrières protestantes
A.C.O. (Action catholique ouvrière), J.O.C. (Jeunesse ouvrière chrétienne)
A.E.C.I. (Amitiés et échanges culturels internationaux)
F.N.D.I.R.P. (Fédération nationale des déportés et résistants patriotes)
C.T.A. (Comité des travailleurs algériens)
Fédération Cornec
Commissions immigrées : C.E. Peugeot, Audincourt, Bethoncourt, Fesches-le-Châtel, Grand-Charmont, Montbéliard, Valentigney.
REUNION-DEBAT DU C.T.A. A MONTBELIARD
Le samedi 16 mars, s’est tenu à AUDINCOURT (pays de Montbéliard), une réunion à l’appel du Comité des travailleurs algériens. Un trentaine de travailleurs et de jeunes étaient présents.
Des camarades sont intervenus pour introduire le débat. Ils ont expliqué la situation actuelle de l’immigration en général, et plus particulièrement des travailleurs algériens et de leurs familles : exploitation, racisme, condition de logement … et surtout les conditions du renouvellement des cartes de résidence, avec toutes les menaces de renvois massifs qui pèsent sur nous aujourd’hui. Nous voulons bien, en effet rentrer en Algérie expliquaient-ils, mais pas dans n’importe quelles conditions. Nous ne voulons pas être « chassés » de France, même avec 1 million. En effet, c’est en grande partie sur notre sueur et notre sang que s’est bâtie la richesse du capitalisme français, et nous ne voulons pas être renvoyés comme on jette un citron après l’avoir pressé. Ensuite, nous avons cotisé ici et nous avons de multiples droits à toucher. Si nous partons, nous perdrons tout. Mais surtout, ce qui nous inquiète le plus aujourd’hui, ce sont les conditions dans lesquelles nous serions amenés à vivre en Algérie si nous sommes renvoyés. Rien, pratiquement rien, n’a été fait pour une réelle réinsertion des immigrés et de leur famille. Ni au niveau du travail, ni surtout au niveau du logement. Sans parler des salaires. Nous sommes prêts à toucher moins qu’en France. Mais pas si le coût de la vie est plus élevé au pays qu’en France. Enfin, il est clair que les travailleurs algériens immigrés ont acquis des droits dans leur lutte de tous les jours qu’ils n’auront pas au pays : droit de grève interdit dans le secteur d’Etat, pas de droit d’expression, d’organisation, de réunion …
Voila pourquoi, le Comité de travailleurs algériens explique : « les travailleurs n’obtiendront que ce qu’ils arracheront par leur lutte, leur unité, leur conscience et leur organisation. Aussi bien dans l’immigration qu’au pays ».
Aujourd’hui, nous devons nous réunir, discuter de nos problèmes, élaborer nos revendications, décider des formes de lutte et réaliser l’unité avec nos camarades français.
Un camarade du C.T.A. de Montbéliard expliqua cette situation en l’illustrant de multiples exemples qui ont eu lieu dans la région.
Une discussion intéressante s’est déroulée ensuite. Elle a porté sur la situation de nos frères et sœurs restés au pays sur le rôle de l’Amicale qui consiste à empêcher les travailleurs algériens de s’organiser sur leurs propres bases et surtout sur la question des papiers.
La dernière partie de la réunion fut consacrée au douloureux et grave problème des jeunes algériens immigrés. Ils sont pris entre deux feux : en France, ils ne trouvent pas à s’embaucher et sont systématiquement rejetés par la société. En Algérie, on les appelle « les immigrés » et on les traite comme des « étrangers ». Beaucoup les jalousent comme s’ils vivaient dans le luxe et le bonheur en France …
Bien d’autres choses ont été discutées encore. Mais le plus important, c’est que d’accord pour se retrouver quinze jours après pour diffuser tous ensemble un tract que le C.T.A. rédigerait sur la question des papiers (cartes de résidence … ). Comme quoi, discuter c’est bien, mais discuter pour agir c’est mieux encore !
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