Article de Pierre Vernant paru dans Lutte ouvrière, n° 373, 25 octobre 1975

ISRAEL SHAHAK, professeur de chimie à l’université de Jérusalem est au premier rang de ceux qui luttent en Israël pour l’égalité complète entre Juifs et Arabes et pour l’abolition de toutes les mesures discriminatoires dont sont victimes ces derniers.
Son livre est d’abord un témoignage sur les multiples exactions pratiquées quotidiennement par les autorités israéliennes contre la population arabe et ce aussi bien contre les Arabes citoyens israéliens que contre ceux des territoires occupés depuis 1967 et 1973. Les quatre cent mille Arabes israéliens comme le million et demi d’Arabes des territoires occupés vivent en effet tous sous le joug des lois d’exception datant de l’occupation britannique, en vertu desquelles ils relèvent de la justice et plus encore de la police militaires et non pas des autorités civiles. C’est à la dénonciation de cette violence permanente exercée contre deux millions d’hommes par l’Etat d’Israël qu’est consacré ce livre.
En vertu des lois d’exception appliquées à la population arabe – ces mêmes lois que les organisations juives dénonçaient comme nazies quand l’impérialisme britannique les utilisait contre les Juifs avant 1948 – font que tout Arabe peut se voir à tout moment convoqué dans les locaux de la police militaire, arrêté et incarcéré sans qu’aucune justification ne lui soit donnée et sans qu’aucun recours ne soit possible. Ce sont ces lois qui permettent l’assignation à résidence de tout Arabe soupçonné d’opposition ou simplement de mauvais esprit, ce qui aboutit à le séparer de sa famille parfois, à lui interdire de trouver un travail souvent.
Et puis, à côté de cette violence légale, il y a celle illégale en théorie : les tortures très fréquentes dont l’auteur cite de multiples exemples, les mauvais traitements dans des prisons surpeuplées, contre lesquels la Ligue des Droits de l’Homme intervient à chaque fois que cela est connu d’elle.
Le livre d’Israël Shahak ne s’arrête cependant pas à la simple dénonciation de la violence et de la répression anti-arabe. Il montre que c’est la nature raciste de l’Etat d’Israël qui en est la cause. C’est parce que le sionisme fait de tous les Arabes des indésirables et des ennemis que tous les coups sont permis et utilisés.
La discrimination raciale est partout en Israël. Même les statistiques officielles, ignorant la notion de citoyen israélien, distinguent Juifs et non-Juifs et portent la marque de ce racisme institutionnalisé.
Racisme qu’on retrouve dans le vol systématique des meilleures terres arabes, la destruction de villages arabes, l’interdiction pour les Arabes de fonder des entreprises dans la plupart des grandes villes, le maintien des travailleurs arabes dans les emplois sous-payés de manœuvres dans l’industrie et sur les exploitations agricoles.
C’est contre ce caractère fondamentalement raciste de l’Etat d’Israël, qui fait de chaque Juif européen ou américain un citoyen israélien à part entière pouvant s’installer en Israël, y acquérir un logement à crédit et y acheter des terres, mais qui refuse le droit de vivre aux Arabes palestiniens, que Shahak s’élève et lutte.
Israël Shahak ne croit pas à la lutte des classes et les solutions politiques qu’il entrevoit sont plutôt floues. Mais le combat qu’il poursuit contre l’injustice est celui d’un militant et fait souhaiter que beaucoup d’hommes comme lui se lèvent parmi les Juifs d’Israël.
Pierre VERNANT.

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