Article paru dans Le Drapeau rouge, 1er mai 1930

Depuis le 1er janvier se déroulent, en Algérie, les fêtes du Centenaire de l’occupation de ce pays par les Français.
A cette occasion, les propriétaires, les patrons, les banquiers, le gouvernement français essayent, sur tous les tons, de persuader les ouvriers et les paysans de France qu’ils sont alles dans votre pays pour vous donner la civilisation, que c’est avec douceur qu’ils se sont installés chez vous, que tous les Algériens sont heureux de les avoir dans leur pays.
Nous, les ouvriers et les paysans français, nous savons que ce sont des mensonges. Nous savons que nos capitalistes se sont introduits chez vous au moyen de canons et des fusils de leurs soldats. Nous savons que c’est par le viol, l’assassinat, l’incendie et le pillage qu’ils se sont imposé après vous avoir vaincus dans votre héroïque résistance.
Après s’être installés dans votre pays, ils vous ont volé vos meilleures terres et soumis à un régime de terreur pour vous obliger à travailler sur les champs qui vous ont été spoliés. Ils vous ont soumis à cet odieux Code de l’Indigénat qui vous interdit tout droit de réunion, d’association et de presse, afin de vous empêcher d’élever la moindre protestation et de lutter contre vos spoliateurs.
Privé de terre, un grand nombre d’entre vous est obligé de travailler sur les chantiers, dans les mines, sur les ports, dans les usines, pour des salaires de famine. Lorsque vous ne pouvez plus vivre dans votre propre pays et que vous cherchez à aller en France, on vous l’interdit. Et quand, malgré tout, vous êtes parvenus à vous échapper de cet enfer algérien, on vous exploite honteusement à l’usine, à l’hôtel et partout. Le Code de l’Indigénat vous poursuit jusqu’en France.
Nous savons tout cela et nous sommes persuadés pour ces raisons, et par l’exemple des grèves magnifiques des ouvriers industriels et agricoles, auxquelles vous avez participé, que les capitalistes mentent lorsqu’ils affirment que vous êtes satisfaits de votre sort. S’il en est qui sont satisfaits, ce sont les bourgeois et les gros propriétaires algériens qui, comme tous les bourgeois, n’ont qu’un objectif : celui de s’enrichir toujours davantage, même lorsque l’argent qu’ils touchent est taché du sang de leurs compatriotes.
Les bourgeois algériens sont satisfaits parce qu’ils participent à votre exploitation et qu’ils en touchent les bénéfices. Mais les capitalistes français ne le leur permettent qu’à la condition qu’ils les servent pour vous endormir et empêcher votre colère d’éclater. Partout, les bourgeois des colonies, aux Indes, en Chine, au Maroc, en Indochine, se sont faits les auxiliaires conscients des impérialistes contre les ouvriers et les paysans.
Les syndicats « jaunes » et le Parti Socialiste se font, eux aussi, les auxiliaires de leur bourgeoisie et essayent, par leurs paroles hypocrites et démagogiques, de vous calmer et de briser votre volonté de lutte.
Le Parti communiste de France qui, pour avoir défendu les Marocains insurgés du Riff, vit ses militants emprisonnés par centaines, qui a toujours été aux côtés des peuples opprimés des colonies, et les syndicats révolutionnaires groupés dans la C. G. T. U., sont à vos côtés pour lutter contre l’impérialisme français. Ils vous disent que vous n’aurez de force véritable que lorsque vous serez groupés dans vos organisations révolutionnaires. Nous ne viendrons à bout de notre ennemi commun qu’en unissant les ouvriers et paysans français aux ouvriers et paysans de l’Algérie.
En France, comme partout, les communistes et les syndicats révolutionnaires dénoncent le Centenaire comme la volonté de l’impérialisme français de renforcer votre exploitation et votre oppression et de réduire encore vos moyens d’existence. Pour leurs propres revendications, et aussi pour appuyer et défendre les opprimés d’Algérie et d’Indochine, les ouvriers et paysans français manifesteront et arrêteront le travail en masse le 1er mai.
En Algérie, forts de leur solidarité et de celle du prolétariat international, vous ferez un 1er mai imposant contre le Centenaire et pour vos revendications. Les ouvriers algériens déserteront unanimement les chantiers, les usines, les ports. Les petits commerçants et les petits artisans touchés de plus en plus par le commerce et l’industrie de la métropole, fermeront leurs boutiques le 1er mai. Les paysans algériens (les fellahs et les khammes) manifesteront leur haine des impérialistes et de leurs alliés, les bourgeois et les féodaux algériens, en refusant de payer les impôts, d’accomplir les corvées pour le Centenaire et en se rendant en masse pour manifester au siège des caïds et des administrateurs.
Pour le 1er mai, les ouvriers, les paysans, les petits artisans et les petits commerçants doivent former un large front unique anti-impérialiste de lutte. Ils ne devront pas s’arrêter là ; ils s’organiseront solidement dans leur Parti communiste algérien et dans leurs syndicats révolutionnaires. Ils constitueront de larges Comités de lutte. Ils engageront une lutte ininterrompue pour arracher l’indépendance, pour instaurer leur gouvernement ouvrier et paysan, étape vers la dictature du prolétariat.
A bas le Centenaire impérialiste !
Vive l’indépendance de l’Algérie !
Vive le gouvernement des ouvriers et des paysans d’Algérie !

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