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Mise au point : A propos d’un livre sur le MNA (2008)

Nedjib SIDI MOUSSA

doctorant en science politique

Université Paris 1

Paris, le 3 juin 2008

Il y a quelques jours est sorti aux éditions de L’Harmattan, dans la collection du CREAC dirigé par Jacques Simon un ouvrage signé par ce dernier et auquel mon nom est associé. Je tiens par cette lettre à affirmer que je n’ai signé aucun document ou contrat d’édition concernant un livre de cette nature et je ne peux donc en cautionner ni la forme ni le contenu dont certains aspects ne sont pas sans poser des problèmes méthodologiques et philosophiques.

J’avoue avoir été choqué en découvrant la quatrième de couverture d’un des derniers ouvrages de Jacques Simon, intitulé Messali avant Messali et présentant l’immigration algérienne comme « composante positive de l’identité française ». L’utilisation d’une figure majeure du nationalisme algérien associée aux thèmes de campagne de l’actuel président de la République française a de quoi laisser dubitatif quant aux motivations de l’auteur avec qui j’avais cessé tout contact.

En d’autres circonstances j’aurais pleinement assumé l’association de mon nom à celui du MNA, de son principal dirigeant et de ses militants, qui sont l’objet de ma recherche actuelle. Mais cette recherche sera le produit de la confrontation patiente et raisonnée de sources écrites, entretiens, concepts et méthodes scientifiques, sans a priori idéologique ou politique – indépendamment de mon ascendance et de mes convictions. Ceci afin d’éviter de jouer au ventriloque et de céder à la surinterprétation, la mésinterprétation, l’invective qui n’éclairent en rien les enjeux soulevés par le nationalisme, la révolution, le mouvement ouvrier et la formation de l’Etat algérien contemporain.

Dans la conclusion du livre en question, nous pouvons lire que le MNA « lutte pour faire une armée des patriotes et non de Moudjahid, il refuse le terrorisme comme méthode de lutte », contrairement au FLN qui userait seul du « terrorisme », ce qui aboutirait à la « bataille d’Alger » de janvier 1957. Il est nécessaire de préciser les choses. Pour ma part, je fais miens les propos suivants : « Que de méprisables eunuques ne viennent pas soutenir que l’esclavagiste qui, par la ruse et la violence, enchaîne un esclave est devant la morale l’égal de l’esclave qui, par la ruse et la violence, brise ses chaînes ! »

De plus, faire passer les militants du MNA pour d’inoffensifs individus, n’ayant pas eu recours au « terrorisme » – sans ici nous pencher sur la définition, les formes et les cibles dudit « terrorisme » – pourrait prêter à sourire si nous ne nous remémorions l’exécution du jeune Abderrahmane Kaab, guillotiné le 9 octobre 1957 à l’âge de dix-huit ans pour appartenance au groupe armé El Fidayoun, lié au MNA – bref, pour « terrorisme »… Sans parler de tous les autres militants – FLN comme MNA – internés, torturés, exécutés par les autorités coloniales.

On peut également lire, à propos d’un article de La Voix du Peuple sur la crise de Suez, un commentaire de Jacques Simon pour qui le MNA, sur cette question, reprendrait les « thèses du stalinisme, du nationalisme arabe et de l’islamisme radical » – rien que cela – et qui trancherait « avec la position internationaliste prise par la direction du MNA » – sans pour autant connaître dans le détail cette différenciation. Ainsi, l’hostilité affirmée au sionisme et la solidarité avec l’Egypte agressée vaut au MNA d’être subitement qualifié de stalinien, panarabiste et islamiste…

Précisons que le mot d’ordre défendu par le MNA, fut celui de la « Constituante algérienne souveraine, sans distinction de race ni de religion » et que cela ne présageait en rien de la qualité des populations concernées en dehors de leur appartenance au peuple algérien. Précisions encore que la religiosité ou l’instrumentalisation de le religion ne fut en aucun cas le monopole d’une organisation. Enfin, l’idée selon laquelle les messalistes devraient être considérés comme des « victimes du FLN » au même titre que les pieds-noirs ou les harkis est difficilement soutenable, non seulement pour ces révolutionnaires et leur descendance mais aussi et surtout du point de vue de la compréhension honnête des événements.

En démocratie, il est possible de dire une chose et son contraire. Cela est un peu moins évident quand on a des prétentions scientifiques. Pour ma part, j’apprends jour après jour, dans le plaisir et la douleur, mon métier de chercheur.

Nedjib SIDI MOUSSA

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