Articles parus dans El-Oumami, n°15, avril-mai 1981, p. 6-9
La mobilisation qui a eu lieu ces derniers mois à Alger contre l’interdiction aux femmes de sortir librement du territoire a permis de lever le voile sur l’oppression particulière qui pèse terriblement sur les femmes en Algérie. Dans la réalité, le statut d’infériorité imposé à la femme se retrouve dans tous les domaines de la vie économique, sociale et politique.
La participation des femmes algériennes à la guerre de libération nationale ne leur a pas permis pour autant de s’émanciper, au lendemain de l’indépendance, des chaînes de l’oppression traditionnelle et séculaire qui les frappait particulièrement, ni même d’alléger le fardeau de celle-ci. De ce point de vue, plus que pour toute autre couche sociale, la révolution nationale algérienne fut pour les femmes une révolution démocratique inachevée.
Malgré sa base indéniablement populaire, le radicalisme du FLN n’a jamais vraiment dépassé l’horizon national-anti-impérialiste. Le poids de la petite et moyenne bourgeoisie rurale particulièrement rétrogrades au sein de la hiérarchie de l’ALN et son alliance avec la grosse propriété foncière et les couches de la bourgeoisie traditionnelle qui se ressentent fortement de l’influence de l’Islam ont été autant de facteurs historiques qui ne pouvaient pas ne pas limiter, au lendemain de l’indépendance, l’horizon social de la révolution algérienne. Tout le monde connaît la suite : « les femmes doivent rejoindre leur foyer et laisser la place aux hommes ».
La bourgeoisie algérienne ne manque pas d’idéologues à sa solde pour prétendre que la situation de faillite économique dans laquelle se trouvait l’Algérie en 1962 ainsi que le « sous-développement » auquel se trouve confrontée l’économie algérienne empêchent les femmes de participer à la vie économique et sociale du pays et que donc, plus les masses se mobiliseront pour la fameuse « bataille de la production », plus les femmes auront des chances de s’émanciper de la situation qui leur est aujourd’hui faite.
Les apparences « matérialistes » de cette conception font que les staliniens du PAGS la reprennent à leur compte en soutenant que l’émancipation des femmes doit être liée à la réalisation des tâches d’ « édification nationale ». Bref, c’est le même discours tenu aux ouvriers, aux chômeurs et aux paysans : « Faites des sacrifices aujourd’hui en attendant que le pays se développe, vous serez bien après ! ». En attendant, les capitalistes, les parasites accumulent richesse sur richesse et consolident leur Etat, leur armée et leur police pour se préparer à réprimer dans le sang toute révolte sociale.
La réalité est toute autre que ce que prétendent les bourgeois. Certes, la véritable émancipation, l’émancipation complète de la femme signifie l’abolition de l’esclavage domestique grâce à la substitution de la grande économie collective à l’économie domestique individuelle, ce qui suppose un certain degré de développement des forces productives et l’introduction à vaste échelle de la grande industrie.
Il est certain aussi que c’est le développement du capitalisme qui pousse à la socialisation de la production, à la destruction des anciens rapports archaïques et qui, en projetant les femmes dans le procès de production, sape les bases mêmes de la famille. Mais dans la réalité ce processus n’est pas simple ni linéaire. Il s’agit d’un processus complexe et contradictoire où un grand nombre de femmes, selon les situations économiques, sont tantôt projetées dans le procès de travail, tantôt rejetées et refoulées au foyer.
Si on prend le phénomène à l’échelle internationale, on verra que le développement inégal du capitalisme (qui pour des raisons de profit tend à se développer dans certains secteurs, régions et pays au détriment des autres) aggravé à l’époque de l’impérialisme par la tendance à la concentration économique rend illusoire l’entrée effective des femmes dans le processus de production dans les pays « sous-développés » économiquement où le phénomène de « marginalisation » atteint des proportions extraordinaires comme l’atteste l’exemple de l’Algérie. Dans ces conditions, l’entrée des femmes dans l’industrie publique, chose que le capitalisme a pu réaliser plus ou moins dans les pays industrialisés, suppose la destruction de l’anarchie économique d’un mode de production capitaliste et donc la transformation communiste de la société. Seuls des réformistes aussi méprisables que les staliniens du PAGS peuvent ramener la question de l’émancipation des femmes… à la « bataille d’édification de l’économie nationale ».
L’oppression particulière des femmes plonge ses racines dans la situation d’infériorité économique de la femme mais seuls des « économistes » vulgaires peuvent réduire l’oppression des femmes au seul phénomène de son infériorité économique. La preuve, c’est que cette oppression touche même des couches sociales de la petite-bourgeoisie qui ne souffrent pas de l’exploitation économique. De la même façon, nous ne pouvons pas réduire l’oppression que subit l’ouvrière ou la paysanne pauvre à l’exploitation qu’elles subissent quotidiennement en commun avec leurs frères de classe (voire la note à ce sujet dans ce numéro).
L’oppression particulière des femmes renvoie en Algérie à un rapport de classes qui assure la domination de couches sociales dont le conservatisme économique les pousse à redouter le bouleversement des traditions rétrogrades, l’entrée des larges masses féminines dans la vie publique et à se nourrir des divisions que cette oppression crée entre les hommes et les femmes d’une même classe, car si on ne réduit pas le concept de classe au sens platement sociologique, l’écrasante majorité des femmes algériennes, même si elles n’ ont aucune activité publique, appartiennent aux classes rurales et urbaines exploitées : prolétaires des villes, ouvriers agricoles, paysans sans terre, petits paysans, chômeurs et semi prolétaires entassés dans les bidonvilles.
N’en déplaise à ceux qui se servent de l’arriération économique de l’Algérie pour justifier le maintien des femmes dans les foyers, c’est-à-dire dans l’esclavage et l’abrutissement domestique, de l’indépendance jusqu’à nos jours les problèmes qui pouvaient et qui peuvent toujours mobiliser les larges masses féminines, les faire sortir des foyers et les faire participer à la vie publique ne manquent pas et la résolution de tous ces problèmes n’a même pas besoin de fabuleux investissements que la bourgeoisie s’est toujours vantée d’avoir engagé.
L’exode rural, tant pour des raisons économiques que militaires (pour couper l’ALN de sa base sociale, l’armée coloniale a fait descendre par la force des centaines de milliers de paysans qu’elle a entassés dans des camps de concentration autour de des villes), a engendré une « bidonvillisation » incroyable : des masses misérables sont entassés dans des bidonvilles constitués à la hâte sans eau, sans électricité et sans les conditions sanitaires les plus élémentaires.
Même avec des moyens financiers très restreints, une mobilisation sociale pour construire collectivement des logements en masse, pour ramener l’eau et pour construire des installations sanitaires collectives n’ aurait-elle pas permis aux femmes, qui viennent de sortir de la guerre de libération nationale à laquelle elles avaient courageusement participé, de lutter côte à côte avec leurs frères de classe contre les multiples aspects de la misère sociale ?
La bourgeoisie avait peur du mouvement des masses. Elle a tout fait pour envoyer les familles prolétarisées dans leurs campagnes où, le plus souvent, le colonialisme avait tout brûlé (maisons, cultures, bétail). La bourgeoisie a tout fait pour interdire les constructions massives sous prétexte d’éviter le « bidonvillisation » (c’est comme si pour se débarrasser du choléra, on s’amuse à tuer tous ceux qui sont atteint par l’épidémie !).
Nous pouvons continuer à énumérer les problèmes qui auraient été autant d’objets de mobilisation et de participation des femmes à la vie publique : alphabétisation dans les quartiers populaires, construction massive d’écoles, de dispensaires, de garderies d’enfants qui pouvaient être pris en charge à tour de rôle par des femmes du quartier, etc.
Le problème c’est qu’au lendemain de l’indépendance la devise de l’alliance des classes possédantes au pouvoir a été grossièrement celle-là : « Que les anciens moudjahidines rendent leurs armes, les paysans rejoignent leurs champs, les ouvriers leurs usines, les femmes au foyer et que tout le monde se la ferme ! ». L’oppression particulière des femmes constitue sans doute l’un des aspects les plus odieux de l’oppression sociale que l’indépendance politique n’a jamais abolie, même si la bourgeoisie se sert à cette fin des traditions réactionnaires puisées dans l’Islam et dans une histoire séculaire faite d’oppression, de privations et de domination.
Cependant, au fur et à mesure que se développe la société bourgeoise et donc au fur et à mesure que s’accentuent les multiples aspects de l’exploitation et de la domination bourgeoises, l’oppression particulière des femmes et les discriminations traditionnelles deviennent insupportables. Dans ces conditions, le mouvement des femmes en lutte contre l’oppression ne fera que se développer d’autant plus que la bourgeoisie algérienne a montré plus d’une fois qu’elle demeure indifférente aux problèmes des masses tant que celles-ci n’ont pas montré à leur tour leur détermination à se battre jusqu’au bout.
Le prolétariat, dont les intérêts immédiats et historiques s’ opposent radicalement aux mécanismes de la société bourgeoise, doit avoir la plus grande sympathie pour tout mouvement social qui se dresse contre l’oppression et les discriminations. La bourgeoisie se nourrit de toutes sortes de divisions pour régner. Le prolétariat ne peut unir sous sa direction les rangs des masses exploitées et opprimées s’il ne montre pas sa complète hostilité à toutes sortes de discriminations, particulièrement celles qui frappent les femmes, et sa détermination à lutter fermement contre l’oppression particulière des femmes et pour leur égalité totale en droits.
De ce point de vue, s’il est exact de dire que l’émancipation totale de la femme est impossible sans le communisme, il n’est pas moins juste de dire que l’apport des femmes travailleuses et opprimées (même au foyer) est indispensable à la victoire de la révolution prolétarienne. Comment pouvons-nous imaginer le triomphe d’une révolution qui a pour but de bouleverser radicalement tout l’ordre social existant sans la participation de la moitié de la population exploitée et opprimée ?
Certes, la femme travailleuse constitue l’élément le plus combatif et le plus radical dans le mouvement des femmes en lutte contre l’oppression pour la raison simple qu’elle subit une double exploitation et oppression d’abord en tant que travailleuse à l’usine, au bureau ou au champ, ensuite, en tant que femme au foyer, dans la rue, etc.
De ce fait , la femme travailleuse est appelée à aller plus loin que toutes les autres composantes du mouvement des femmes. L’égalité des droits ne peut suffire pour la femme travailleuse. Son exploitation au travail ne sera abolie qu’avec l’abolition du système capitaliste et son esclavage domestique ne sera à son tour aboli que le jour où l’économie domestique se sera fondue dans l’économie sociale, ce qui suppose également la destruction du système capitaliste et l’instauration du communisme.
C’est pourquoi les communistes internationalistes appellent les femmes travailleuses, ainsi que les camarades qui veulent se mettre au service de la révolution à avancer les revendications du mouvement des femmes qui se résument dans l’EGALITE TOTALE DES DROITS dans la perspective de l’union des masses ouvrières et exploitées et de la préparation de la lutte révolutionnaire contre l’Etat bourgeois en dehors des illusions réformistes et légalistes et contre la tentative du courant féministe petit-bourgeois d’estomper l’antagonisme de classes qui existe entre la bourgeoisie d’ une part et les masses travailleuses d’autre part sous prétexte que toutes les femmes ont aujourd’hui des revendications communes.
L’oppression des femmes dans le « socialisme arabo-islamique »
Les discriminations qui touchent toutes les femmes en Algérie se retrouvent dans tous les domaines de la vie politique, économique et sociale. Moins de 100.000 femmes ont la chance de travailler. Sur une population active féminine de plus de 3 millions, cela équivaut à 3%. D’autres sources donnent un chiffre inférieur encore. Dans tous les cas, la marginalisation de la femme algérienne atteint un des taux les plus forts dans le monde. Dans la pratique, la bourgeoisie utilise donc l’arsenal des traditions islamiques pour choisir que le chômeur prioritaire soit toujours une femme. L’article 32 de l’avant-projet du code de la famille interdit carrément à la femme de travailler sans l’autorisation du mari. Les femmes qui travaillent sont pour la plupart obligées de se diriger vers les travaux subalternes, généralement sous-payés et sous-qualifiés (filles de salle dans les hôpitaux, femmes de ménage, O.S., dactylos…). Elles n’ont bien sûr aucune « sécurité de l’emploi » et seront les premières licenciées en cas de fermeture. Comme nous le verrons plus loin, elles subissent une double exploitation, non seulement du fait des discriminations d’emploi et de salaires, mais aussi du fait que la charge des tâches domestiques, après le travail, pèse entièrement sur elles. Il faut compter aussi avec l’oppression sociale étouffante liée au rôle traditionnel de femmes aux foyer qui leur est toujours réservé et qui ne manque pas de se faire sentir à tous les niveaux.
La grande majorité des femmes sont donc des femmes au foyer. Mais la bourgeoisie ne veut pas reconnaître que le chômage qui règne en Algérie touche aussi bien les femmes que les hommes (45%, plus de un million, de chômeurs et 97,5% de chômeuses, sur une population active de six millions de personnes de 19 à 65 ans). Et ce n’est qu’une manœuvre de la part de l’Etat (qui ne compte même pas les femmes « au foyer » comme « actives » dans ses statistiques officielles) que de ne pas considérer ces femmes comme chômeuses.
Car elles qui voient sans cesse les prix monter, les queues s’allonger, leurs enfants rejetés de l’école, elles ont besoin de travailler et de participer aux luttes revendicatives du prolétariat et des masses exploitées.
La crise du logement ne manque pas non plus de se répercuter particulièrement sur la situation des femmes. Le logement a été délaissé par la bourgeoisie qui investit au gré de ses appétits et des profits qu’elle en retire. « Il faudrait construire 100 000 logements par an au minimum à partir de 1980 et 200 000 à partir de 1990 ». C’est dire que l’extension des bidonvilles et des cités autour des villes n’est pas un hasard et que tous les problèmes qui en découlent (recherche de l’eau, transport, approvisionnement…) seront pris en charge surtout par les femmes, ce qui n’est pas pour alléger leur situation.
Lorsqu’on sait la difficulté qu’il y a à trouver un logement, on connaît le problème de nombreux couples obligés de vivre chez la famille (du mari en général) et ainsi se perpétue le contrôle des beaux-parents sur la femme et la lourdeur des tâches domestiques. Quand on sait que « 6.892 urbains vivent en moyenne à 7,20 personnes par pièce », on imagine la fatigue et l’usure de la femme qui s’occupe des enfants dans un espace aussi réduit, les difficultés que cela entraîne pour le travail scolaire de ceux-ci…
Les discriminations qui frappent le sexe féminin apparaissent aussi sur le plan de la scolarisation. Les filles vont moins nombreuses à l’école et son retirées plus tôt que les garçons. « de 1969/70 à 1972/73, la scolarisation des garçons a proportionnellement augmenté plus vite que celle des filles dans l’enseignement primaire et secondaire » ; d’autre part, « la différence de scolarisation tend à s’élargir au fur et à mesure qu’on monte dans la pyramide des âges ». Il faut noter qu’en 1976-1977, 34,2% des 612.229 enseignés moyens sont des filles, ainsi que 23,3% des étudiants de l’enseignement supérieur en 1977-1978.
La fille subit de fait une double discrimination :
_ d’une part du fait de l’oppression sociale qui pèse sur les femmes et qui se répercute au niveau de la famille celle-ci préférant axer tous ses efforts vers le garçon considéré plus « apte » aux études et considérant qu’à partir de 16 ans la fille doit contracter un mariage qui pourra alléger la famille (et aussi du fait des discriminations de l’emploi, le mariage représentant une « sécurité » pour elle).
_ du fait de la sélection accrue au niveau de l’enseignement secondaire liée au chômage et à l’étroitesse du marché et à l’insuffisance des structures de formation, facteurs qui pèsent plus particulièrement sur les filles.
Comme nous le montrions dans le n°11 d’El-Oumami, les femmes sont considérées comme d’éternelles mineures. Et qu’on ne s’y trompe pas, l’Etat bourgeois a pour rôle d’entretenir les traditions réactionnaires derrière une façade « progressiste ». Si la loi de 1963 fixe l’âge minimum du mariage à 18 ans pour le garçon et 16 ans pour les filles, si le mariage forcé et le mariage précoce sont interdits… le consentement personnel de l’épouse n’est toujours pas requis et la dot constitue encore la part d’une transaction hypocrite des familles. Les parents ont donc toujours une place prépondérante dans le choix du conjoint et la surveillance du père et des frères s’exerce au niveau des relations (sorties, activités des filles) jusqu’à ce que le mari prenne le relai. Et si l’on remarque une légère tendance à la famille nucléaire, c’est l’Etat qui prend le relai avec ses flics qui contrôlent les couples de jeunes… Dans la vie quotidienne, les femmes sont victimes de multiples discriminations administratives (divorce…).
L’U.N.F.A. (Union Nationale des Femmes Algériennes) est présentée démagogiquement comme ayant été créée dans le but de « l’émancipation des femmes par l’association à la vie publique dans le travail, dans la famille et dans la vie publique » (statuts). C’est en fait le type même de l’ « organisation de masses » (elle ne regroupe que 160 000 adhérentes) qui ne répond nullement aux besoins des femmes.
Elle se préoccupe surtout des travailleuses, qu’il faut « faire participer à la réalisation des objections de la révolution socialiste » (Art 1). C’est à dire qu’il n’est pas question de remettre en cause les discriminations de salaire, la situation des femmes sous-payées, sous-qualifiées, employées dans des ateliers clandestins sans aucune sécurité, l’oppression sociale touchant celles qui travaillent, puisque tout cela répond aux objectifs de la « révolution socialiste » : se serrer la ceinture et se taire.
De même pour les problèmes d’avortement et de contraception, l’installation de quelques plannings familiaux dans les centres urbains ne s’est accompagnée d’aucune information ni sensibilisation, puisque la bourgeoisie est tiraillée entre des difficultés d’ordre démographique auxquelles elle ne peut vraiment s’attaquer sans s’attaquer à leurs causes : misère, analphabétisme… et la peur du bouleversement social des traditions réactionnaires que suppose la prise en charge par les femmes des problèmes d’avortement et de contraception.
L’U.N.F.A. sert donc d’alibi à la bourgeoisie et de courroie de transmission des objectifs du F.L.N. : « L’U.N.F.A. doit expliquer les directives et résolutions du parti, défendre la révolution socialiste et participer à toutes ses réalisations ». Par un mot sur toutes les discriminations dont sont victimes les femmes dans tous les domaines de la vie publique.
Au contraire, l’U.N.F.A. a pour rôle de justifier ces discriminations dans la logique du discours du Coordinateur du FLN au congrès de l’U.N.F.A. en 1978 : « certaines s’expriment à travers la revendication de la liberté, de l’égalité des salaires et dans le travail, ainsi que dans la discussion en commun des problèmes tels que le divorce, le mariage ou la participation à l’action politique. Ce genre de préoccupations qui prévalent dans le monde capitaliste découle en réalité d’attitudes bourgeoisies dénuées de toutes dimensions sociales et procèdent de l’individualisme et de l’égoïsme ».
L’U.N.F.A. agit aussi pour « sauvegarder les fondements arabo-islamiques de notre personnalité », conformément à la politique réactionnaire de l’Etat bourgeois, elle contribue à confiner les femmes dans leur rôle traditionnel de reproductrices et de ménagères. Le tout évidemment au nom de la tradition islamique qui stipule : « Les hommes ont autorité sur les femmes du fait qu’Allah a préféré certains d’entre vous à certains autres, et du fait que les hommes font dépense de leurs biens en faveur de leurs femmes. Les femmes vertueuses font oraison et protègent ce qui doit l’être, du fait de ce qu’Allah consigne. Celles dont vous craignez l’indocilité, admonestez-les reléguez-les dans les lieux où elles couchent! frappez-les! Si elles vous obéissent, ne cherchez plus contre elles de contraintes » (Coran – Sourate IV – verset 38 [34]).
L’assemblée générale du 8 mars
Correspondance – Alger mars 1981
Le 8 mars a eu lieu une assemblée générale à l’Université d’Alger à l’initiative du Collectif des femmes algériennes. Le matin, l’Université leur a refusé une salle pour une représentation théâtrale.
Cette A.G. s’est faite indépendamment de l’U.N.F.A. Une pétition, réclamant un démenti officiel du refus de laisser sortir du territoire national les femmes non accompagnées d’un tuteur, fut signée par plus de 1.500 personnes.
Ce problème fut d’ailleurs le premier point à être débattu par l’assemblée. Il s’agissait de décider quand, comment et à qui porter cette pétition. Après avoir discuté sur le destinataire, (A.P.N., présidence, Ministère de l’Intérieur…), la question plus importante du « comment » se posa.
Trois propositions furent faites.
– La faire porter par une délégation ;
– La porter massivement ;
– La faire déposer à l’A.P.N. sous forme de plainte (!).
A une grande majorité, l’A.G. décida de la porter massivement, donc sous forme de manifestation publique. En toute logique, il fallait lever l’A.G., et partir déposer la pétition en masse, sinon il se serait fait tard s’il fallait attendre la fin de l’AG.
Les Pagsistes de service qui étaient là (U.N.J.A. …) sortirent leurs griffes et s’opposèrent de toutes leurs forces à cette décision moyennant attaques personnelles contre les membres du bureau du Collectif : arguments malhonnêtes, chantage de ne pas respecter le vote de l’AG etc. … La discussion fut interrompue par l’arrivée de représentants de la Direction Générale de la Sûreté Nationale, (D.G.S.N.), qui voulaient parler à l’A.G. … après le refus d’une partie de la salle, on leur a quand même donné la parole (démocratie oblige !!). Ils affirmèrent que toute cette histoire de refus de sortie aux femmes n’est que rumeur, ils demandent à l’A.G. d’élire une délégation qu’ils accompagneraient sur le champ chez un haut responsable de la DGSN, qui le leur confirmerait. L’A.G. refusa et exigea leur sortie.
La discussion sur « manifestation ou pas » repris, le temps s’écoule, la salle commence à se vider… la manœuvre classique a réussi…, un vote est redemandé, cette fois-ci la majorité est contre la manifestation tout de suite, mais le principe de la remettre à un autre jour est maintenu.
Les gars de la D.G.S.N. reviennent pour redemander si la délégation qu’ils ont demandée a été constituée. On leur répond : non et on leur demande de sortir. C’est bizarre comme leur manœuvre d’intimidation et de diversion se rejoint avec celle des Pagsistes !
Finalement, il semblerait que la décision d’envoyer la pétition par délégation est prise, et qu’une A.G. est prévue pour le jeudi 12 mars pour voir le résultat et décider.
A noter la position courageuse des membres du bureau du Collectif ;
– La détermination d’une bonne partie de la salle à sortir dans la rue ;
– des interventions intéressantes sur les méthodes de lutte (action directe, action de masse).
Dans cette A.G., il a été cité le cas de femmes habitant les bidonvilles de Bordj el Kiffan , qui se seraient organisées pour aller protester contre l’A.P.C., quelques unes seraient emprisonnées. Et aussi le cas d’ouvrières dans une usine privée à Baïnem, qui auraient mené une lutte. Quelques unes seraient arrêtées et des lettres seraient adressées à leurs maris les dénonçant comme des femmes ayant un comportement reprochable à l’usine.