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Article paru dans Perspectives anarchistes-communistes, n° 1, février 1967

Pour ce premier texte, nous choisissons l’ALGERIE parce qu’elle est proche de nous, et pas seulement dans le temps et dans l’espace, mais nous connaissons mieux les problèmes de nos camarades algériens qui viennent de publier un texte dont le préambule est :

 
« Nous souhaitons qu’il soit pour tous les révolutionnaires, une contribution qui nous aidera à la clarification nécessaire aux luttes en cours. »
 

Ce qui est bien en accord avec le Principe que nous développons ci-dessus.

 

« LA REVOLUTION SOCIALISTE TRIOMPHERA EN ALGERIE » est le titre de ce texte présenté par le FLN-ORP ( Front de Libération National – organisation de Résistance Populaire ) organisation née au sein même du F.L.N. après le coup d’état du 19 juin, et qui rassemble la « gauche » du FLN et une deuxième famille politique le PCA (Parti Communiste Algérien).

Cette brochure est paru en mars 1966, et est une des premières analyses sérieuses du Putsch et de la situation actuelle de l’Algérie. Même si ce texte apparaît comme un recul vis à vis de la CHARTE D’ALGER, qui caractérisait une option très nette en faveur de l’autogestion, il est toutefois la prise de conscience des manques et des faiblesses des révolutionnaires algériens, et ainsi l’actualisation de la pratique comme de l’idéologie de l’ORP. D’ailleurs, si l’ORP se veut « socialiste scientifique » et si elle n’est pas marquée par telle ou telle doctrine, au travers de ce texte, on peut très bien ressentir l’influence du PCA ; ainsi cette brochure est certainement un compromis entre les deux familles qui forment l’ORP.

A propos de ce texte, nous voulons présenter une brève analyse de la situation en Algérie.
 
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L’ALGERIE : 4 ANS APRES L’INDEPENDANCE

 
1 AN APRES LE COUP D’ETAT.
 
 
L’équipe de BEN BELLA n’était pas exempte de contradictions, mais son option pour l’autogestion semblait, malgré quelques réticences, se développer en prenant parti pour les masses populaires. Le Coup d’Etat est survenu à la veille de la réforme agraire, du retour de 30 000 militants de France pour prendre des responsabilités, de la réconciliation avec le FFS ( Front des Forces Socialistes de Ait Ahmed ), et de la conférence Afro-Asiatique, qui donnaient à l’Algérie une influence mondiale.
 

Le Coup d’état a été l’expression même de la lutte des classes en Algérie. Par l’ANP ( Armée Nationale Populaire ) de Boumédienne, c’est la petite bourgeoisie bureaucratique qui prenait le pouvoir, en s’appuyant sur la bourgeoisie exploiteuse, les classes moyennes et le capital étranger. Les révolutionnaires ne surent pas répondre. D’une part, par le manque de cohérence dû à la division des forces socialistes, d’autre part, par le confusionnisme dans les méthodes de travail du FLN et de la direction de Ben BELLA, enfin du manque de moyens mis en œuvre pour effectivement réaliser la Charte d’Alger. Ainsi le retard pris dans la formation d’une organisation d’ « Avant-garde » à laisser le champs libre à la réaction.

Il se trouve donc actuellement trois secteurs économiques différents : capitalisme privé traditionnel ( un secteur capitaliste bureaucratique d’état ( les nationalisations ) ; enfin un secteur autogéré, en théorie et dans une certaine pratique, directement aux mains des travailleurs. Ces trois secteurs sont contradictoires, et il est peu probable qu’ils puissent coexister longtemps. Il semble que ce soit l’autogestion qui est le plus en danger, car en ce qui concerne le Clan Boumédienne :

 
« Par sa nature et ses méthodes, cette dictature est antidémocratique et antipopulaire. Elle tourne le dos à la voie non capitaliste de développement et au socialisme. Sous le couvert de « retour aux sources » et au nom de l’ « efficacité » elle met en œuvre l’orientation du capitalisme d’état qui favorise les couches exploiteuses et bureaucratiques et les néocolonialistes au détriment des travailleurs, des couches populaires et du développement accéléré de l’économie nationale »
 
( La Révol. Soc. triom. … p 14 )
 

Les femmes algériennes sont particulièrement visées par ce « retour aux sources » ; retour à l’Islam et au voile, cet alibi arabo-islamique. L’autogestion, qui est le secteur révolutionnaire est sous le coup de l’ « efficacité », donc d’une réorganisation par l’état, ce qui pourrait bien être la liquidation de l’opposition révolutionnaire, les travailleurs ne pouvant, d’autre part, vraiment défendre les acquis de l’autogestion.

Le régime Boumédienne ( dont le clan connait actuellement quelques scissions ) ne s’est pas rendu populaire. C’est un régime policier de répression qui empêche toute vie politique. Ainsi la lutte des classes fut reprise par les organisations de masses, non seulement par l’ UGTA ( Union Générale des Travailleurs Algériens )  qui organisa de nombreux mouvements de grèves et pris position par ses congrès et surtout par son journal « Révolution et Travail » qui fut plusieurs fois saisi et définitivement supprimé en avril dernier ; par l’ UNEA ( Union Nationale des Etudiants Algériens ) dont les responsables sont emprisonnés à la suite du mouvement de grèves de mars dernier ; par les Jeunesses FLN et les Femmes Algériennes. Cette impopularité et cette opposition et cette opposition, plus ou moins explicite de la part des travailleurs, a obligé le régime à faire des concessions comme les nationalisations des mines d’Oujda et l’arrêt du mouvement de réappropriation des terres par des propriétaires privés. La lutte des classes n’est pas finie en Algérie, et l’enjeu est :

 
« La propriété sociale des principaux moyens de production et le pouvoir des travailleurs, seuls capables d’extirper l’exploitation de l’homme par l’homme. »
 
( La Rev. Soc. triom. … p 43 )
 

POUR LE TRIOMPHE DE LA REVOLUTION SOCIALISTE …

Pour nous, en tant que révolutionnaires, la démarche de nos camarades Algériens est une remise en question de nos propres analyses et choix. C’est autour de l’autogestion que se regroupent les révolutionnaires, tout en montrant, cependant, les principaux problèmes qui se posent à elle. Il s’agit tout d’abord de la spontanéité, dont on a trop attendu, alors qu’elle ne pouvait se structurer seule et se donner une force politique suffisante pour échapper au danger du bureaucratisme d’état, qui intervient toujours d’une manière autoritaire en conflit avec la gestion sociale des travailleurs.

 
Cette spontanéité idéalisée, aboutit au manque de cohérence des ouvriers et des paysans qui ne mirent pas en place leur propre organisation de classe. Dans le programme proposé par l’ORP, l’UGTA joue le rôle d’organisation de masse des travailleurs, mais pour l’ORP, il faut également travailler à l’élaboration d’un véritable « parti d’avant-garde, Front de toutes les forces démocratiques, unissant tous les révolutionnaires sincères et pratiquant le centralisme démocratique… Parti Unique construisant le socialisme et échappant au danger de bureaucratisme comme de totalitarisme. »

D’une part, la prise de position pour l’autogestion, une bonne critique de l’état et du bureaucratisme et de l’arbitraire, d’autre part une analyse moins nette du « Parti Unique » et du centralisme démocratique, ce qui représente un danger certain ; tel est le bilan de cette brochure de l’ORP dont malgré tout la recherche nous semble être la recherche de tous ceux qui luttent pour la révolution sociale.

Même si certains problèmes paraissent encore très flous, à travers le programme que propose l’ORP, nous voyons se développer une pratique révolutionnaire qui semble se détacher de toutes tares doctrinales et sectaires : pour un « Socialisme scientifique« . Sans jamais oublier que :

 
« L’issue dépend en grande partie de l’action qui sera menée par les forces vives de notre peuple. »

Nous aurons à revenir sur ces problèmes, comme nous espérons le succès de la lutte menée par nos camarades algériens, pour le socialisme dont les principes sont donnés dans la CHARTE D’ALGER.

 
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Nous devons également signaler la parution de la « Seconde lettre ouverte aux Algériens, 20 Juillet 1966 » de Mohamed BOUDIAF ; ainsi que la récente interview d’ Aït AHMED dans le journal COMBAT du 3 novembre 1966, où l’on retrouve quasiment les mêmes analyses et préoccupations que dans le texte plus construit de l’ORP, et le même désir de construction d’un « parti d’Avant-Garde » qui rassemblerait tous les militants révolutionnaires.

Enfin l’ OCRA (Organisation clandestine de la Révolution Algérienne) vient de recevoir l’adhésion de deux responsables du clan Boumédienne, Boumédienne se trouve ainsi de plus en plus isolé.

C’est pourtant l’analyse du contenu social de ces groupement qui est décisive. Alors que l’OCRA, Boudiaf et Ahmed se trouvent à Genève ; l’ORP est implanté en Algérie, comme plusieurs manifestations nous l’ont montré.

*** Nous tenons la brochure de l’ORP : « LA REVOLUTION SOCIALISTE TRIOMPHERA EN ALGERIE » a votre disposition. Demandez-la nous.

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