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Cercle Abdelatif Zeroual : des maoïstes, oui – des communistes révolutionnaires, non !

Article paru dans Travailleurs immigrés en lutte, n° 26, décembre 1978, p. 15-18.

 

 

Le cercle Abdallatif Zeroual est un groupe de « marxistes-léninistes » algériens. Nous lui consacrons cet article, et sans doute nous lui en consacrerons d’autres dans l’avenir, parce que nous pensons qu’il est du devoir des communistes révolutionnaires internationalistes de démasquer ceux qui se parent du drapeau du prolétariat afin de mieux le dévoyer.

Le cercle Abdellatif Zeroual est ce qu’on pourrait appeler un groupe
stalinien orthodoxe. Il se réclame de la thèse du « socialisme dans un seul pays », donc de l’URSS de Staline et de la Chine de Mao. Nous nous proposons d’aborder uniquement ses références à la révolution de 1949 en Chine, dans cet article, et par conséquent ses références à la Chine maoïste. Il est toutefois entendu que nos critiques vis-à-vis de ce groupe ne se limiteront pas à cela, mais toucheront à tous les points de son programme politique.

Si c’est par la Chine que nous commençons, c’est essentiellement parce que vu les changements survenus dans ce pays, beaucoup de militants du mouvement « marxiste-léniniste » se posent aujourd’hui des questions sur le « socialisme à la chinoise ». Nous espérons par là contribuer à en aider quelques uns à franchir le Rubicond qui sépare le camp de la contre-révolution et celui de la lutte prolétarienne authentique.

Ainsi, le cercle A. Zeroual considère que la révolution de 1949 en Chine est une révolution communiste prolétarienne, mais pour nos staliniens, le ‘ »révisionnisme » a triomphé en Chine avec l’avènement de Teng Shiao Ping, lequel aurait liquidé les soi-disant « acquis » de la Révolution Culturelle. Par ailleurs, ce groupe considère que la théorie des trois mondes est contre-révolutionnaire, parce qu’elle n’a pas de « base de classe » (1) (« Le Communiste algérien », n° 1 – 6.78) Voyons ce qu’il est est.

 

La révolution de 1949 : une révolution nationaliste chinoise

 

Le Parti Communiste Chinois s’est réclamé et se réclame comme bien d’autres du communisme et de la classe ouvrière, mais ce n’est pas là un phénomène particulier : beaucoup l’ont déjà fait et le feront encore : bien des changements effectués au service du capital l’ont été au nom de la classe ouvrière.

Le Parti Communiste Chinois est né en 1921. Il devint assez rapidement une force politique importante, implantée dans la classe ouvrière. Ses militants ont joué un rôle prépondérant dans la vague de grèves qui débuta en 1925.26, à Canton, Hankou et Changaï. Mais le PCC, contraint par la Komintern (la contre-révolution stalinienne, après avoir écrasé le prolétariat russe, s’est attaquée aux autres pays), au front unique avec le Kuomintang (Parti nationaliste de Tchang Kai Tchek), s’est vu imposé un programme nationaliste petit-bourgeois (révolution par étapes, etc…). Le résultat de l’alliance avec le Kuomintang fut le massacre en 1927.28 des ouvriers des grandes villes par Tchang Kai Tchek.

Le PCC fut complètement décimé par les armes russes du Kuomintang ; il perdit ainsi complètement le contact avec la classe ouvrière. Après, ce fut la tragique commune insurrectionnelle de Canton, dernière tentative du PCC pour retrouver une implantation ouvrière. L’écrasement du prolétariat, dont le PCC était en grande partie responsable, amena l’appareil du parti à chercher une autre hase sociale. Et ce fut le repli dans les campagnes. (cf. la théorie maoiste de l’encerclement des villes par les campagnes).

En 1949, le PCC était inexistant dans les villes ; son implantation au sein de la classe ouvrière était nulle. Par contre, l’APL (armée de Libération Populaire) était composée de soldats de métier et de paysans : 3 des 4 millions du PCC étaient des paysans. Dès lors, la force sociale qui prenait le pouvoir représentait essentiellement lés couches paysannes, dirigées par une bureaucratie issue de la bourgeoisie intellectuelle.

Sur le plan du programme politique, le PCC défendait un mélange de réforme agraire et de nationalisme. On en était à l’ « étape » démocratique bourgeoise (voir à ce sujet l’analogie avec le PAGS). Comme dans tous les pays « sous-développés », le faible développement des forces productives va rendre nécessaire l’intervention massive de l’Etat dans l’économie. La tâche de réorganisation et d’accumulation va être assumée par une bureaucratie issue de la bourgeoisie intellectuelle. L’économie chinoise se dirige vers le capitalisme d’Etat. Le gouvernement du PCC renforce son contrôle en vue d’extraire le surplus nécessaire à l’industrialisation de 1942 à 1952, la redistribution d’une partie des terres aux couches les plus pauvres de la paysannerie permit d’accroître la production agricole. L’industrie était en partie contrôlée par l’Etat, en partie par la bourgeoisie nationale (appelée, au nom du bloc des quatre classes, à participer à la construction de la « patrie »).

Avec l’aide de l’impérialisme russe, le capitalisme d’Etat va continuer à se construire en Chine. L’alliance avec la bourgeoisie nationale va être brisée, et le salariat se généraliser dans les campagnes. Voilà brièvement pour la Chine de 1949.

Mais un point mérite d’être évoqué, celui de l’absence de toute organisation autonome du prolétariat. Pas de conseils ouvriers, enfin rien dans la révolution de 1949 ne rappelle de près ou de loin des organismes de classe, permettant aux masses laborieuses d’exercer leur dictature, de participer au pouvoir. La révolution de 1949 a de toute évidence apporté bien des changements en Chine, notamment pour la paysannerie. Mais dire que la révolution de Mao est une révolution prolétarienne communiste tient ou d’une grande ignorance, ou bien c’est une affirmation intéressée…

 

A propos des acquis de la Révolution Culturelle

 

Entre 1949 et la révolution culturelle, il s’est passé « bien des choses en Chine et notamment la rupture avec l’impérialisme russe. Il n’entre pas dans notre propos de nous appesantir sur celle-ci, mais on peut dire que la révolution culturelle avait pour cause essentielle le fait que la main-mise de l’URSS sur l’économie chinoise constituait un frein à l’accumulation du capital, rien de plus.

Aucune révolution dans l’histoire n’a été décrétée, aucune révolution dans l’histoire n’a eu un encadrement institutionnel semblable à celui de la révolution culturelle ; aucune révolution n’a eu une si faible participation de ceux par qui elle était sensée être faite.

En réalité, la révolution culturelle a eu pour cause les luttes de fractions et de tendances qui partageaient la bureaucratie chinoise vers 1966. On peut dire, (même si c’est un tant soit peu caricatural) que deux tendances s’affrontaient. Celle qui préconisait une politique économique basée sur les investissements dans l’industrie lourde, l’usage de stimulants économiques pour développer la productivité, et à la limite même le retour dans le giron de l’impérialisme russe, afin de pouvoir disposer de capital fixe nécessaire à toute accumulation. Cette tendance était celle de Liu Shiao Shi. L’autre tendance était celle de Mao et des hauts cadres de l’armée. Elle préconisait plutôt une plus grande pressurisation des masses laborieuses et une hausse de la productivité par le biais d’un encadrement politique des producteurs.

La tendance de Mao a mobilisé les étudiants et l’armée, et la lutte contre la « vie bourgeoise » a commencé . Elle s’est traduite par une diminution des avantages sociaux tant pour les ouvriers que pour les paysans, et même pour une fraction de la bureaucratie (le bas de la hiérarchie). Par ailleurs, les agents de la « restauration du capitalisme » ont été évincés. Voilà en bref les « acquis » de la révolution culturelle.

 

La théorie des trois Mondes et Teng Shiao Ping

 

C’est par leur opposition à la théorie des trois Mondes et par leur attachement à la Bande des Quatre, que bien des groupes maoistes éludent les problèmes que posent la politique de la bureaucratie bourgeoise chinoise.

Le cercle A. Zeroual qualifie donc la théorie des trois Mondes comme bourgeoise. Selon cette théorie en vogue à Pékin, (même du temps de Mao et de la « bande des Quatre »), le monde se diviserait en trois : « le tiers-monde », les deux super-puissances et en troisième lieu le Japon et l’Europe. Le régime en place à Pékin préconiserait l’alliance politique et économique avec l’impérialisme US et les deux autres « mondes » contre l’ennemi principal qui serait « le social-impérialisme russe ».

Une série de remarques s’impose dores et déjà :

– la théorie des trois mondes fondait la politique de la Chine bien avant « l’avènement du révisionnisme » . Cela signifie que pour les staliniens du cercle A. Zeroual, un Etat socialiste (la Chine du temps de Mao et de la Bande des Quatre) peut avoir une politique extérieure totalement contre-révolutionnaire (il est bien entendu que la théorie des trois mondes met à la remorque de leur impérialisme les prolétariats des pays d’Europe par exemple). Est-ce que cela signifie que les intérêts du prolétariat chinois sont contradictoires avec ceux des travailleurs des autres pays ?

Une explication bien plus simple à la contradiction présumée entre la politique extérieure et la politique intérieure de la Chine, est que le prolétariat n’est pas au pouvoir et ne l’a jamais été.

Par ailleurs, les « marxistes-léninistes » pensent que Teng Hsiao Ping a rétabli le capitalisme en Chine. Mais comment se fait-il dans ce cas que le prolétariat ne soit pas intervenu pour défendre son pouvoir ? Comment se fait-il que comme lors de la révolution culturelle, la participation des masses à la défense de leurs « acquis » soit passée inaperçue ? La réponse à ces questions est évidente.

Néanmoins, il convenait d’examiner un tant soit peu ce que propose le cercle A. Zeroual aux travailleurs algériens. Malgré sa phraséologie marxisante, ce groupe (un de plus) ne propose rien d’autre aux travailleurs algériens qu’un socialisme à la chinoise, c’est-à-dire un capitalisme d’Etat. En fin de compte, nos « marxistes-léninistes » n’ont pas besoin d’aller chercher si loin des références : il pourrait tout aussi bien les trouver en Algérie. L’étatisation y a aussi des émules, Boumédiène, le PAGS etc..

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