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Algérie : Pas une larme pour le dictateur !

Articles parus dans Travailleurs immigrés en lutte, n° 28, 15 janvier-15 février 1979, p. 3-4.

Algérie : « surtout que l’ordre règne »

Depuis la mort de Boumédiène, la lutte pour le pouvoir bat son plein en Algérie. La presse à la solde du régime ne fait évidemment aucune allusion à cela, mais dans les coulisses, les magouilles vont bon train.

Officiellement, c’est le Conseil de la Révolution et le président intérimaire (Rabah Bitat pour 45 jours) qui assurent la « bonne marche des affaires » jusqu’à la désignation d’un nouveau président lors du congrès du FLN (congrès en cours de préparation). Officiellement aussi, l’unanimité et la cohésion règnent au sein de la clique dirigeante qui continuerait à œuvrer dans la ligne tracée par Boumédiène.

Or, malgré le silence total de la presse gouvernementale, il semblerait que plusieurs clans se disputent la succession. Les deux principaux étant celui des « boumédiennistes » orthodoxes, et celui des partisans d’une relative libéralisation économique. Le chef de file du premier clan serait Yayaoui, l’actuel chef du parti (soutenu par le PAGS), celui du second clan serait Bouteflika.

Il est évident que, vu le peu d’informations que l’on peut avoir sur les tripatouillages qui doivent avoir lieu dans les hautes sphères du régime, il est difficile d’être tout à fait affirmatif quant à la véracité de ce que nous venons d’évoquer ci-dessus. Il n’en reste pas moins que de toutes façons, la disparition de Boumédiène implique une lutte pour la succession, et que celle-ci, indépendamment des individus, (Bouteflika ou Yahyaoui, etc…), opposera au sein de la bourgeoisie les partisans d’une main-mise toujours plus grande de l’Etat sur l’économie, et les partisans d’une privatisation de l’économie, ou tout au moins d’une place plus grande faite aux capitalistes privés.

Actuellement, il est difficile de savoir laquelle des deux tendances s’imposera a l’autre ; on peut aussi envisager différentes formules intermédiaires, des compromis, etc…

Une chose semble en tous cas faire l’unanimité de toutes les fractions de la bourgeoisie ; éviter que la crise de succession ne dégénère en une période d’instabilité politique et de troubles sociaux. Pendant la maladie de Boumédiène et après sa mort, tout a été fait par la clique au pouvoir pour que la situation paraisse « normale » dans le pays, pour que l’ordre bourgeois règne.

Cela montre encore une fois à quel point ce régime qui se prétend socialiste est tout à fait étranger aux travailleurs.

La mort de Boumédiène, une formidable opération publicitaire pour le régime

Des centaines de milliers de personnes ont suivi le cercueil de Boumédiène à Alger, et partout dans le pays des manifestants ont clamé leur attachement à l’ancien président. On peut donc dire que celui-ci jouissait d’une incontestable popularité. Les tenants de la dictature l’ont d’ailleurs parfaitement compris et ils ont tenu à exploiter cette situation à fond.

C’est ainsi que dès l’annonce de la mort du dictateur, la radio et la télévision ont commencé à passer des discours du « sauveur suprême », des reportages sur les « acquis » de la révolution », ou bien des images montrant des individus pleurant le « grand disparu », etc.. La mort de Boumédiène a été l’occasion pour le régime de faire de la publicité, en vantant ses propres mérites (réforme agraire, etc…). La presse gouvernementale, en faisant de la disparition de Boumédiène, la disparition d’un représentant des opprimés, a essayé en fait de redorer le blason d’un régime dont la politique anti-ouvrière suscitait de plus en plus de mécontentement au sein des masses laborieuses.

L’objectif de la clique au pouvoir a été, en prétextant le fait qu’un soi-disant « grand malheur frappait la nation », de susciter l’union de la population, toutes classes réunies. Le but de la manœuvre est clair : détourner l’attention des masses, et essayer de réaliser un certain consensus…

Sous un autre aspect, la campagne qui a été faite à la radio, à la télévision, etc., et où on voyait des individus manifestant leur douleur a été énormément exagérée. Dans bien des cas, c’était carrément des membres du parti qui lisaient des textes outrancièrement laudateurs à l’égard du régime et de Boumédiène.

Le but de ces manipulations est évidemment de montrer que le régime était populaire, etc… Néanmoins, même si beaucoup de travailleurs entretiennent encore des illusions sur le régime, le fait même que celui-ci ait tant besoin de se rassurer sur sa popularité, atteste qu’il y a de plus en plus de travailleurs qui prennent conscience de sa nature de classe.

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