Dossier paru dans Travailleurs immigrés en lutte, supplément au n° 41, mai 1980, p. 1-11
Les événements au jour le jour
FIN [FEVRIER] :
Les étudiants du comité de la cité de l’université de Tizi-Ouzou projettent d’inviter l’écrivain Mouloud Mammeri à faire une conférence concernant son ouvrage « Poèmes kabyles anciens ». Les autorités universitaires ne se sont pas prononcées contre le principe d’une conférence, mais elles étaient pour son report.
LUNDI 10 MARS :
Mouloud Mammeri est intercepté par la police alors qu’il se rendait à Tizi. On lui retire ses papiers ainsi qu’aux personnes qui l’accompagnaient.
L’écrivain est alors emmené à la préfecture de Tizi où il lui est dit que la
conférence est interdite. Il demande alors une entrevue avec le recteur de l’université, celui-ci se déclare dans l’impossibilité de faire quoi que ce soit, et rejette la responsabilité de l’interdiction sur les bureaucrates du FLN… A l’université, les étudiants, les enseignants, en tout quelques milliers de personnes qui attendaient le conférencier sont informés de la tournure nouvelle des événements. Une AG est décidée pour le lendemain.
MARDI 11 MARS :
A l’AG de 10 h à l’université, une manifestation de protestation est décidée. Les 500 personnes environ qui quittent l’université forment un cortège qui grossit au fur et à mesure qu’ils sillonnent la ville. « Halte à la répression culturelle », « culture berbère, culture populaire », reprennent en chœur les manifestants. La police et la gendarmerie se sont contentées de filmer et photographier les manifestants sans intervenir.
12 MARS AU 6 AVRIL :
Toute la Kabjlie est en effervescence s meetings, AG, motions de protestation se succèdent. A Azzazga, Larbâa, Nath Iraten, des manifestations ont lieu. Parallèlement, des renforts de police arrivent à Tizi Ouzou. La ville est quadrillée par les forces de répression. Le mouvement touchait alors principalement des jeunes, étudiants, lycéens, travailleurs…
L’UNJA, organisation de jeunesse du FLN, multiplie les magouilles afin de canaliser le mouvement. Les militants du PAGS (PC algérien) sont évidemment à l’avant-garde… pour briser le mouvement ; même s’ils ne le font pas ostensiblement.
LUNDI 7 AVRIL :
Les étudiants de Tizi Ouzou, conscients du risque que comporterait
leur isolement, décident d’aller à Alger. En bus, en train et en voiture, ils vont à Alger. En route, vérifications d’identité et tracasseries policières.
A Alger une manifestation est prévue. Un rassemblement a lieu place du 1er mai, (ex-Champs de Manœuvres). Aux étudiants se sont joints des étudiants d’Alger. Les banderoles brandies et les slogans ne concernent pas uniquement les problèmes culturels, mais aussi la liberté d’expression, la démocratie.
A 10h30 environ, le cortège se met en branle ; un millier de manifestants environ. Les flics sont discrets au début. La population regarde avec curiosité les manifestants. Au niveau de l’hôpital Mustapha, les flics se montrent plus nombreux, et coupent le cortège en deux. A la tête de la manifestation, ils embarquent une centaine de manifestants. Le reste est brutalement dispersé. Refoulés, les étudiants se retrouvent à la fac centrale où un meeting est immédiatement organisé. « Liberté culturelle », « On n’est pas au Chili », « à bas la dictature », scandent-ils. Les flics empêchent qui que ce soit de sortir de la fac. Une grève illimitée est décidée pour la libération des prisonniers.
MARDI 8 AVRIL :
Tizi est en état de siège, les CNS casqués, avec chiens et boucliers
quadrillent la ville. A Alger, la grève s’étend à d’autres facs. Partout, les
militants de l’UNJA (FLN-PAGS) s’activent et tentent de dévoyer le mouvement en proposant des motions contradictoires dans les meetings et les AG. Le bruit court que presque tous les manifestants arrêtés ont été libérés.
MERCREDI 9 AVRIL :
Le régime envoie des bureaucrates négocier, en vain. Parallèlement,
une campagne de presse est orchestrée contre les étudiants. Le pouvoir prétend que le mouvement est manipulé de l’extérieur. La presse officielle calomnie, injurie, ne recule devant rien pour tenter de discréditer le mouvement.
De prétendus messages de soutien au régime remplissent les colonnes d’El Moudjahid.
JEUDI 10 AVRIL :
L’UNJA prend officiellement position contre le mouvement. Elle reprend à son compte les allégations du pouvoir concernant une soi-disant manipulation du mouvement de l’étranger. Le pouvoir essaie d’organiser une contre-manifestation à Tizi Ouzou. Malgré les méthodes utilisées, ramassage de force des travailleurs sur les lieux de travail, dans des camions affrétés par le FLN, le résultat fut minable.
DU 11 AU 15 AVRIL :
Le ministre Bererhi essaie à nouveau de discuter avec les représentants des étudiants. Mais n’ayant rien à proposer de concret, les négociations avortent. En Kabylie, la grève continue à l’université. Les lycéens, ne sont pas en reste. A Alger, par contre, la mobilisation baisse. Les militants du PAGS et de l’UNJA n’hésitent plus à manifester leur hostilité au mouvement. Des flics en civil sont partout.
MERCREDI 16 AVRIL :
L’appel des étudiants qui demandaient à l’ensemble de la population
do manifester son soutien par une journée de grève a été entendu à Tizi Ouzou et ailleurs en Kabylie. Tout est fermé, les travailleurs dans les usines refusent de travailler. Les flics, malgré leur nombre important, n’interviennent pas.
Cette grève qui a été totale a montré en quoi le mouvement des étudiants était populaire, contrairement aux allégations du régime. Indépendamment du soutien aux étudiants qu’elle manifestait on ne peut plus clairement, la grève générale en Kabylie est aussi la preuve du ras-le-bol des travailleurs concernant les pénuries, la crise du logement, etc., en un mot la dictature et l’exploitation capitaliste.
La grève générale a donné un coup de fouet à la mobilisation à Alger où le mouvement commençait à s’essouffler. Les manœuvriers du PAGS et de l’UNJA sont plus que jamais perçus par la masse des étudiants comme étant du côté du pouvoir.
DU 17 AU 19 AVRIL :
La grève continue dans les universités en Kabylie et à Alger. Le pouvoir est apparemment encore dans l’expectative. La bourgeoisie bureaucratique est encore sous le coup de la grève du 16. En Kabylie, la tension persiste.
DU 20 AU MARDI 22 AVRIL : 3 JOURS D’ÉMEUTE :
Dimanche, entre une heure et cinq heures du matin, le centre universitaire de Tizi Ouzou et l’hôpital sont assiégés par les forces de répression. La brutalité des flics cause des dégâts considérables parmi les occupants. Des dizaines de blessés. Dans la journée, la population apprend les événements de la nuit. Elle descend massivement dans les rues ; la confrontation avec les CNS et autres chiens de garde du régime est dès lors inévitable. Pendant trois jours, de dimanche à mardi, des émeutes ont lieu dans toute la ville… Des arrestations massives à Tizi, à Alger, sont effectuées (voir l’article sur les journées d’émeute à Tizi Ouzou).
23 AVRIL :
A Tizi Ouzou, on dénombre plus de six cent blessés. Des rumeurs courent : on parle de plusieurs morts. Nos camarades sur place lors des événements n’ont pu confirmer s’il y a eu effectivement des morts. Mais la répression a été sauvage. Des étudiants ont été défenestrés. L’hôpital, où sévissent des médecins militaires (les civils ont été emprisonnés pour leur soutien au mouvement) regorge de blessés. La ville est envahie d’uniformes. La population a repris le travail, mais le climat n’est pas à la morosité. Les flics en ont eu aussi pour leur grade, et on est prêt à recommencer. A Alger, une grande effervescence règne. L’université est en grève. A Oran aussi où des affrontements ont lieu avec la police.
DU 24 AVRIL AU 15 MAI :
L’agitation en milieu estudiantin n’a pas cessé. Les étudiants sont
encore en grève. Ils exigent « la libération des détenus politiques » en priorité. Des AG ont lieu dans les facs malgré la répression. Les travailleurs de la SONITEX, SONELEC, SONELGAZ revendiquent aussi la libération des détenus. Des tracts circulent : une journée de grève générale est préconisée pour la libération des détenus. En Kabylie, les CNS et autres forces de police ont apparemment reçu l’ordre de se montrer moins agressifs. Ils n’affichent plus leur morgue habituelle. Le régime semble craindre un nouvel embrasement de la région. Le calme est en apparence revenu, mais il y a de fortes chances pour que cela ne dure pas.
Les émeutes à Tizi Ouzou
C’est la brutalité de l’assaut effectué par les forces de répression (CNS, gendarmerie) contre l’université et l’hôpital de, la ville qui a tout déclenché. Dimanche matin, les rues étaient noires de monde. Les magasins et les établissements publics ont fermé en signe de protestation. Partout, des bruits couraient sur la sauvagerie des flics, sur les arrestations. CNS et gendarmes ont essayé de faire ouvrir les magasins de force. Des affrontements extrêmement violents se sont produits entre manifestants et forces de répression toute cette journée de dimanche. Les manifestants se sont attaqués à tout ce qui représentait l’Etat. Tous les édifices publics ont été saccagés.
Le lendemain, des barricades ont été dressées et âprement défendues. Des femmes aux balcons jetaient sur les CNS des pierres, des chaudrons… On a vu quelque chose d’assez extraordinaire lors de ces émeutes : dans une rue, les flics faisaient face aux manifestants ; ceux-ci armés de pierres et de gourdins,… ceux-là de grenades lacrymogènes, boucliers en plexiglas, matraques, fusils, et accompagnés de chiens dressés à l’attaque. Les manifestants chargeaient en jetant des pierres, puis refluaient, les chiens à leurs trousses… avant de se rendre compte que les chiens s’immobilisaient en entendant l’hymne national (habitude de caserne) : il était devenu facile de rendre les molosses inoffensifs, au grand dam de leurs confrères et maîtres, les flics !
C’est ce lundi que des bataillons de l’armée ont été acheminés d’urgence sur la ville, sans toutefois intervenir. Malgré leur nombre, malgré les moyens dont ils disposaient, les CNS et gendarmes ont été plus d’une fois contraints à la déroute. Les manifestants ont même réussi à isoler et à désarmer un groupe de CNS. Ils les ont ensuite fait marcher tout nus dans la rue…
Mardi, les affrontements ont continué, faisant d’importants dégâts matériels. De nombreux cars de CNS ont été incendiés.
Pendant ces trois jours, les plus révoltés, les plus déterminés contre les flics ont été les habitants des quartiers pauvres de la périphérie de Tizi, comme Ain El Haloufa, etc…, et les paysans venus des villages alentour.
Les principales usines de la région, comme le complexe textile de Dra-ben-Khedda, distant de 10 km et employant 4000 ouvriers, et celui de la SONELEC qui en occupe 1000, ont aussi activement participé au mouvement. Les travailleurs s’étaient mis en grève avec occupation et se sont violemment opposés aux forces de répression qui essayaient d’investir les usines.
A la fin de ces trois jours, les blessés se comptaient par centaines, il y aurait même eu des morts. Un grand nombre de manifestants, d’étudiants ont été arrêtés. La Kabylie a été coupée du reste du pays. La répression a été très dure, et le mercredi, le travail a repris. Mais sans aucun sentiment de défaite. Il y avait plutôt une certaine fierté : « on leur a tenu tête », « ils ne pouvaient continuellement tout se permettre ». Autre fait important, le caractère spontané de ces émeutes. Partout les manifestants tenaient à se démarquer des vieilles scissions du FLN (comme le FFS : Front des forces socialistes d’Aït Ahmed), fantomatiques partis bourgeois qui ont essayé de récupérer le mouvement.
L’attitude du régime
Le régime a réagi aux événements conformément à ce qu’ il est : une dictature bourgeoise.
Le capitalisme d’Etat algérien avait pu jusqu’à présent se donner une image relativement libérale en réprimant assez discrètement des mouvements isolés. Mais l’ampleur du mouvement d’aujourd’hui l’a amené à se démasquer. En réprimant sauvagement et massivement les masses laborieuses et les étudiants en Kabylie et ailleurs, le régime bureaucratique bourgeois montre clairement quel cas il fait de leurs revendications. Il s’est montré prêt à écraser dans le sang toutes les tentatives d’expression des populations laborieuses.
Indépendamment de l’usage de la force, il a mené toute une campagne
d’intoxication contre le mouvement. La presse et l’ensemble des médias ont commencé par prétendre que le mouvement des étudiants était le fait d’une infime minorité manipulée de l’étranger. Après la grève du 16 avril et les trois jours d’émeutes qui ont suivi, il n’était plus possible de parler d’une minorité de grévistes. Dès lors, continuant à mentir, la presse présenta les émeutiers comme des « suppôts du néo-colonialisme » et autres « vandales », qui auraient tout saccagé à Tizi Ouzou, sans motifs… « Les forces de sécurité veilleront au maintien de l’ordre » disait El Moudjahid.
Mensonges, injures, menaces et répression, voilà en peu de mots l’attitude du régime.
Les origines et les perspectives du mouvement
Le mouvement actuel est partout présenté par la presse bourgeoise comme étant uniquement un problème de culture. Qu’en est-il ?
Les problèmes culturels et linguistiques existent…
La manière dont les événements se sont déclenchés, tout comme l’endroit où ils se sont déroulés (Kabylie principalement), montrent de façon indiscutable qu’il existe en Algérie des problèmes culturels. En effet, si la langue majoritaire est l’arabe dialectal, utilisé couramment dans les milieux populaires, une très forte minorité d’Algériens – environ trois millions – est berbérophone, en particulier en Kabylie. Pourtant, les langues officielles ne sont ni le berbère, ni l’arabe dialectal, mais l’arabe littéraire et surtout, encore aujourd’hui, la langue héritée de la colonisation : le français.
Cette situation vient évidemment de toute l’histoire de l’Algérie, et en particulier de la domination impérialiste. Le régime, quant à lui, nie
l’existence de ces problèmes et sa propagande dénonce dans toutes les revendications linguistiques et culturelles la main de l’impérialisme, qui chercherait à détruire l’union nationale de l’Algérie.
Pourtant, ces problèmes sont bien réels : il est indéniable qu’une partie de la population, quand elle a affaire à l’administration pour les problèmes les plus courants de la vie quotidienne, se trouve en présence de papiers officiels rédigés dans une langue qui n’est pas la sienne.
De plus, le régime n’accorde aucune place sur le plan culturel au berbère. Bien au contraire, une sorte de mépris hautain est affiché à l’égard des « particularismes régionaux ». Après cela, il est facile de comprendre que dans le mouvement qui a eu lieu en Algérie, les questions linguistiques et culturelles ont eu une part non négligeable, surtout si l’on tient compte des brimades quotidiennes (comme l’interdiction de la conférence de Mammeri), dues à des bureaucrates qui font de l’excès de zèle.
… Mais il n’y a pas que des problèmes culturels.
Si les problèmes de cette nature existent, il serait erroné de croire que c’est la seule cause de l’explosion qui a eu lieu en Kabylie. Ces questions n’ont fait que servir de détonateur à un mécontentement qui a par ailleurs bien des raisons de s’exprimer. Evidemment, il serait facile après coup d’interpréter les événements et de leur trouver des causes qui n’en sont pas. Il n’en reste pas moins que la Kabylie est une des régions les plus pauvres d’Algérie. L’aridité du sol, comme la politique du régime (l’agriculture ayant été complètement délaissée au profit de l’industrie) ont poussé des milliers et des milliers de paysans et de jeunes à l’exode ou à l’émigration.
Parallèlement, il existe dans cette région un prolétariat concentré,
jeune et révolté (usine de textile de Dra-ben-Khedda, 4000 ouvriers, SONELEC (électronique), 1000 ouvriers, etc…). Si l’on ajoute à cela les conditions de vie désastreuses qui sont le lot des masses laborieuses en Algérie s un pouvoir d’achat en baisse constante, le chômage, le manque de logements et d’infrastructures sociales (hôpitaux, etc.), les pénuries des biens de consommation les plus élémentaires, sans oublier la dictature et l’arbitraire d’une bureaucratie tatillonne, d’une bourgeoisie qui affiche avec ostentation et arrogance ses richesses, on ce retrouvé avec une conjonction d’éléments qui no pouvait que mener un jour ou l’autre à une explosion de ce type.
Le mouvement actuel n’est pas comme le prétendent certains un mouvement culturel uniquement, c’est aussi et surtout un mouvement de classe, qui s’oppose au système et à la dictature capitaliste en Algérie. Même si cela n’est en soi une preuve de la nature du mouvement, il est bon de rappeler que des arabophones (à Tizi Ouzou) ont activement participé au mouvement contre l’Etat bourgeois. Mais ce qui atteste par dessus tout du caractère de classe de cette révolte, c’est la part prépondérante qu’y ont prise les fractions les plus défavorisées de la population (travailleurs, petits paysans, jeunes chômeurs, etc.).
Le fait que les manifestants s’en soient pris aux édifices publics, à des résidences secondaires de notables kabyles, a une valeur de symbole.
C’est l’Etat capitaliste oppresseur, ce sont les tenants du système qui ont été la cible de la colère des masses laborieuses. Celles-ci ont été bien au-delà de ce que revendiquaient les étudiants. On a d’ailleurs vu le jour des émeutes, des membres des comités étudiants parcourir la ville en appelant la population au calme : on connaît la suite…
Un moment déterminant de la lutte de classe en Algérie
La révolte qui a eu lieu en Kabylie est le début d’une nouvelle étape de la lutte de classe en Algérie. En effet, jusqu’à présent, le régime a toujours réalisé un relatif consensus autour de lui. Depuis l’indépendance, il y a effectivement eu d’innombrables grèves, les dockers, les travailleurs de la SONACOME, de la RSTA, etc. Il y a même eu des émeutes à Aïn Beida. Mais en général, ces mouvements étaient assez isolés.
Le régime avait su se faire une image de marque assez favorable (le FLN, parti historique de la lutte de libération nationale, etc.), en jouant sur le nationalisme, et un langage démagogique populiste et socialisant. Ces dernières années, on avait constaté déjà le réveil de la classe ouvrière ; les événements de Tizi Ouzou l’ont parachevé.
Il ne faut pas mythifier cependant, et croire que nous sommes à l’aube
de bouleversements décisifs. Mais la situation a changé en cela que pour la première fois, des affrontements massifs ont eu lieu entre les masses laborieuses et l’Etat bourgeois. Pour beaucoup de travailleurs, un voile est tombé. Et c’est prometteur pour l’avenir.
La satisfaction de nos revendications ne peut être obtenue que par une lutte radicale contre l’Etat bourgeois.
En Kabylie, les travailleurs ont clairement manifesté le désir de faire usage de leur langue et de leur culture. Ils ont aussi montré qu’ils étaient déterminés à lutter pour leur liberté d’expression, contre la répression et l’exploitation capitaliste. La lutte qu’ils ont menée et qu’ils sont prêts à mener encore est celle de tous les travailleurs, de tous les opprimés en Algérie.
Nous devons cependant savoir que notre oppression quotidienne est le fait du système capitaliste. Tout en luttant quotidiennement pour l’amélioration de nos conditions d’existence, nous ne devons pas oublier que la seule façon d’en finir une fois pour toute avec ce système d’oppression, c’est d’œuvrer à l’instauration d’une autre société, d’une société sans classe.
Contre l’Etat bourgeois pour que nos luttes ne soient pas dévoyées par différentes variétés de pseudo-révolutionnaires, et pour pouvoir résister à la répression, il faut nous organiser. Il nous faut pour ce faire construire un parti communiste et internationaliste, un parti de classe.
Le FLN et ses succédanés, discrédités
En s’opposant au mouvement, en répandant à son sujet les pires calomnies, le FLN s’est grandement discrédité au yeux des masses populaires. Déjà avant le mouvement, le FLN n’était qu’un appareil sans troupes et sans influence. Composé de bureaucrates incapables et connus surtout pour leur participation à toutes les magouilles, trafics d’influence et autres trucages d’élections, le « Parti », comme se plaisent à l’appeler les tenants, a perdu le peu de crédit qu’il pouvait encore avoir.
En Kabylie même, il s’est illustré par une contre-manifestation bidon à Tizi Ouzou. Ses militants, (1000 approximativement selon nos informations) sillonnaient la ville par groupes de 3, tentant en vain de monter la population contre les étudiants.
Dans les usines, les bureaucrates de l’UGTA (syndicat, courroie de transmission du FLN dans les entreprises) ont essayé par leurs tergiversations, puis leur opposition au mouvement, de faire plus d’une fois reprendre le travail. Maigre cela, les travailleurs n’ont pas cédé et les pontes syndicaux venus d’urgence d’Alger ont dû se retirer, conspués qu’ils étaient par les travailleurs.
Dans les universités, l’UNJA a elle aussi tout fait pour briser le mouvement. Perturbations des AG et autres magouilles, n’ont fait que les démasquer vis-à-vis des étudiants comme étant des agents du pouvoir, voire même carrément des flics.
Le PAGS aussi
L’attitude du PAGS est, elle, significative de ce qu’il est : un parti bourgeois. A chaque fois que la mobilisation reprenait, il faisait mine de se solidariser avec les grévistes ; mais en réalité, par en-dessous, il n’a pas cessé de tenter de freiner le mouvement. Ses militants, dans les universités, ont repris à leur compte la thèse du « complot impérialiste » que tentait de faire prévaloir le régime. Mais pour ne pas se couper complètement des étudiants, ils se sont associés aux protestations contre la répression. Toutefois, ils ont systématiquement présenté celle-ci comme étant la conséquence de bavures. A aucun moment ils n’ont arrêté de manifester leur soutien aux options fondamentales du régime. C’est d’ailleurs à eux qu’on doit des motions complaisamment reprises par la presse (notamment « Le Monde »), affirmant un prétendu attachement des étudiants à la Charte et à ses objectifs soi-disant « socialistes » !
Le PRS, libéral et petit-bourgeois
Le PRS a soutenu le mouvement. Des militants de ce groupe ont même été arrêtés. Il n’en reste pas moins que les positions politiques qu’ils ont mises en avant sont révélatrices de la nature de ce groupe.
Son appel à toutes les classes sociales, bourgeois et ouvriers confondus, montre si c’était nécessaire la place prépondérante qu’il accorde à
d’autres couches sociales que les travailleurs, dans la lutte qu’il entend mener contre le régime. Nulle part, il ne fait cas de spécificités de la classe ouvrière. Au contraire, le PRS a systématiquement utilisé comme hochet la démocratie. Pas un seul mot dans ses déclarations sur la nature de classe du régime, montrant par là à quel point il était prêt à « s’adapter » pour mieux avoir la faveur de certaines couches de la bourgeoisie, petite et grande.
La politique du PRS ne nous étonne cependant pas : organisation nationaliste petite-bourgeoise, elle ne peut que défendre un programme conforme à sa nature !
HALTE A LA RÉPRESSION !
21 personnes ont déjà été condamnées arbitrairement par les tortionnaires au pouvoir. Plusieurs dizaines d’autres croupissent dans les geôles du régime, subissent la torture.
Elles risquent de faire les frais d’une justice expéditive.
MOBILISONS-NOUS ET EXIGEONS LA LIBÉRATION DE NOS CAMARADES !