Articles parus dans Le Prolétaire, n° 383, juin 1985, p. 2
SOS Racisme par-ci, SOS Racisme par-là. SOS Racisme parcourt la France en quête d’adhérents. Meetings, concerts et bientôt une grande fête à la Concorde (tout un programme) à Paris au mois de juin.
Un pote est passé à Besançon pour exposer ses idées pour combattre le racisme. La municipalité socialiste avait prêté pour l’occasion une de ses plus belles salles. Une centaine de personnes étaient présentes. But de l’opération : créer un comité Stop-racisme fédéré à SOS Racisme. L’orateur présente SOS Racisme : une bande de jeunes, des copains qui veulent lutter contre le racisme au-delà de tout clivage politique ». Mais qui sont ces jeunes ? Ces copains ? Il suffit de lire l’article de « Libération » du 10 mai pour voir que la réalité ne colle pas au discours. Julien Dray, 10 ans à la LCR et ex-membre du comité central, aujourd’hui au PS. Même chose pour deux autres animateurs de SOS-Racisme, tous deux anciens membres de la LCR devenus « socialisant ». Bernard Pignerol, ancien assistant parlementaire d’une député socialiste.
A leurs côtés, Christian Delorme, de la CIMADE qui soutient la construction de centres de rétention et les mesures de G. Dufoix sur l’immigration familiale, « mettant à la disposition de SOS tout son réseau d’associations protestantes, catholiques, maghrébines … » ; Eric Ghebali, président de l’union des étudiants juifs de France, organisation sioniste présentée par l’orateur comme un groupe de copains qui ont formé des petits groupes informels par-ci, par-là. Voilà les nouveaux jeunes de Marek Halter, fervent soutient d’Israël, qui écartent leurs aînés (les déçus de 68).
Dans les personnalités qui soutiennent SOS on trouve ceux qui comme Bernard-Henri Lévy signe un appel pour que les USA interviennent au Nicaragua (la soi-disante Internationale de la Résistance} ou comme L. Stoléru ministre giscardien, partisan du contrôle de l’immigration (lois Bonnet-Stoléru en 79), du matraquage et de l’expulsion par les CRS des travailleurs des foyers en lutte.
Quelle belle bande de copains ! Quelle jeunesse !
Qui soutient SOS à Besançon ? Encore des copains ! L’association l’Arête dont le conseil d’administration est truffée de personnes dévouées corps et âme à la municipalité socialiste et qui veut lutter contre la délinquance.
Que fait SOS Racisme ? Elle envoie ses troupes au cimetière de Bitburg sous la pression de l’UEJF protester contre la venue de Reagan et dénoncer le fascisme ; sans doute pour mieux faire oublier le racisme de l’Etat d’Israël. Elle débarque à Miramas pour annoncer qu’elle va prendre en charge le rapatriement de la victime au mépris de la plus élémentaire pudeur (SOS adore les médias) suivant en cela l’exemple publicitaire de G. Dufoix déposant une gerbe à la mémoire de Aziz Madak, assassiné à Menton et victime indirecte de la politique de contrôle mis en œuvre par ce ministre.
Passons sur le fait que notre orateur-copain prétend que la vente des badges « n’a rien rapporté » ; dans ce cas qui finance les déplacements en avion, le million offert pour le rapatriement, le voyage en bus à Bitburg, les déplacements des copains. Plutôt que de se justifier sur l’argent récolté, il aurait été plus intéressant de dire à quoi cet argent serait employé ? Expliquer par exemple en quoi le financement de concerts musicaux est utile à la cause de l’anti-racisme ?
Mais pour ceux qui ont tenté de faire dire à l’orateur comment SOS compte combattre le racisme, la seule réponse fut de créer un comité ; comité qui s’est effectivement constitué mais où la discussion fut réduite à l’approbation des statuts de l’association. Quelle clarté pour avancer et s’organiser !
Démagogie, mensonges et illusions sont les traits caractéristiques de ces potes d’un genre un peu particulier.
Nos méthodes et perspectives de luttes contre le racisme
Dans la société capitaliste, la bourgeoisie dispose du produit social et le répartit en fonction des besoins de conservation sociale qui assure la pérennité de son régime.
L’alignement des différentes forces sociales et politiques par rapport à la politique bourgeoise détermine leur degré d’intégration et leur capacité d’encadrement des exploités et explique leur prise de position et leur attitude pratique par rapport à tel ou tel aspect de la vie sociale et politique.
Toute tentative de masquer les antagonismes de classe revient immédiatement à faire l’impasse sur les conditions concrètes de la lutte à mener et sur les objectifs à poursuivre pour parvenir non seulement à des résultats concrets mais aussi à un renforcement des rangs de ceux qui luttent.
Les luttes de l’immigration et l’approfondissement de la crise tendent à fissurer le bloc de l’unité nationale bâti autour du mythe de l’expansion économique et de la prospérité éternelle de l’après-guerre. Le racisme et le renforcement du contrôle de l’immigration sont des symptômes parmi d’autres des affrontements de classe qui se préparent.
Contre la phraséologie démagogique de SOS Racisme les militants combatifs qui veulent lutter contre le racisme, les discriminations et le contrôle de l’immigration doivent s’efforcer de le faire ou travers de comités ou groupes indépendants de toute politique bourgeoise en cherchant à coordonner leur action par le bas sur la base de luttes réelles qui concernent les différents aspects du contrôle de l’immigration (meurtres racistes, quotas HLM, expulsions, etc.) dans les quartiers et les usines.
L’union entre tous les travailleurs ne peut en aucun cas se décréter ou
se réaliser par le rassemblement de toutes les bonnes volontés ou en s’appuyant sur un groupe de la population, les jeunes par exemple, jugé plus apte à lutter sans sectarisme parce que jeunes et enthousiastes. Il est tout à fait faux de prétendre comme le fait SOS Racisme que l’adhésion d’une majorité hétéroclite au badge « touche pas à mon pote » renversera le courant raciste parce que le racisme n’est pas le produit de la bêtise, ni des discours de le Pen ou de la crise uniquement comme l’affirment certains (le PCF par exemple) mais le produit de nécessités économiques et politiques qui divisent les travailleurs entre eux et oppose des classes aux intérêts contradictoires et qui poussent divers éléments de la société (l’Etat, des partis, des couches sociales) à imposer par la violence la soumission du prolétariat aux intérêts de l’impérialisme français. De ce point de vue, le racisme est aussi une réponse aux luttes de l’immigration et prouve que lorsque les travailleurs défendent leurs intérêts, ils trouvent en face d’eux les défenseurs de la société bourgeoise. Le racisme et le contrôle de l’immigration révèlent les antagonismes de classes qui travaillent la société bourgeoise et démasquent les unités factices et les discours mensongers sur le thème de l’égalité, de la liberté et de la fraternité.
Contre cette violence et cette pression on doit opposer la résistance quotidienne en sachant que le combat sera long et difficile et qu’il sera d’autant plus efficace que les participants auront une vue claire du chemin à parcourir et des obstacles qui s’opposent à une unité toujours plus compacte des différents groupes de résistance qui se battent sur ce terrain.
La création de SOS Racisme correspond à une tentative de ressouder des intérêts opposés, qui tendent à s’affronter toujours plus ouvertement, autour de la démocratie et de la paix sociale chère à l’opportunisme ouvrier et petit-bourgeois. Les militants combatifs doivent lutter sur ce terrain pour y défendre l’indépendance de classe du prolétariat.