Article de Fuat Orcun paru dans Inprecor, n° 238, 16 mars 1987, p. 19-21
LE mouvement intégriste a récemment fait une démonstration de force en Turquie, en prenant prétexte d’une décision du Conseil supérieur de l’enseignement (CSE), interdisant aux étudiantes le port du « turban », version moderne du tchador. Il s’agissait d’une ruse des étudiantes intégristes pour se couvrir la tête, en contournant la précédente réglementation édictée par le CSE qui avait aussi interdit les moustaches et les barbes « idéologiques » (1) pour les hommes ainsi que les décolletés pour les femmes. Toute une série d’actions de protestation ont été organisées par les groupes d’étudiants intégristes. Ce mouvement, qui avait débuté dans les universités s’est ensuite étendu à d’autres couches sociales. Erbakan, le Président du Parti du salut national (islamiste, dissout après le coup d’Etat de 1980) a participé à une manifestation interdite à Istanbul regroupant 4 000 personnes, où l’on pouvait entendre « On ne peut interdire le tchador », « Turquie musulmane », « Nous voulons la charia (2) ».
Une seconde manifestation s’est déroulée à Konya, dans l’Anatolie centrale, bastion traditionnel des intégristes.
Ces protestations ont accéléré les discussions sur la force politique de l’islam en Turquie. Le Premier ministre Ozal qui avait été candidat sur les listes d’Erbakan en 1977 mais n’avait pas été élu, a déclaré qu’il ne fallait pas exagérer le danger de l’intégrisme en Turquie, ce dernier ne représentant qu’un danger « potentiel ».
En revanche, le chef de l’Etat Evren, a affirmé qu’il y avait là un danger grave. D’après Evren, les intégristes, auraient même essayé d’infiltrer l’armée et près d’un millier d’étudiants des écoles militaires auraient été renvoyés pour activisme intégriste. Pourtant, c’est ce même Evren qui avait rendu obligatoire les cours de religion dans les écoles primaires et secondaires, faisant ainsi une entorse importante à la tradition de laïcité de l’enseignement héritée de Mustafa Kemal (voir encart). Evren a également utilisé de façon systématique un vocabulaire « coranique » dans ses discours populaires afin d’obtenir l’aval des masses à ses projets.
Le potentiel électoral de l’islam en Turquie se situe aux alentours de 8 à 10%. Le Parti de la mère patrie (ANAP), au gouvernement, compte une aile islamiste. Par ailleurs, le Parti du bien être (RP) qui a succédé au parti d’Erbakan, a récolté 4,76 % des voix lors des élections municipales de 1984 et 5,6 % lors des élections partielles de septembre 1986. Enfin, en dehors des courants islamiques modérés qui s’organisent dans des partis politiques, il existe des courants plus radicaux qui refusent de s’organiser sous la forme classique des partis. Les deux courants réunis possèdent des quotidiens qui tirent à plus de 150 000 exemplaires et une trentaine de revues et journaux.
LE RENOUVEAU ISLAMISTE
L’une des raisons officielles du coup d’Etat de 1980 était justement le développement de ce mouvement islamiste. Paradoxalement, ce mouvement a connu son essor le plus important de toute la République turque sous la dictature militaire et le régime de transition qui l’a suivie.
Pendant toute cette période, les cadres islamiques ont non seulement gagné en influence au sein de l’appareil d’Etat, mais aussi, ils ont acquis un certain prestige. Ils ont été substitués aux cadres des mouvements politiques en disgrâce par le pouvoir. Pour la première fois, un gouvernement se réclamant du kémalisme a essayé de tirer l’islam de son rôle traditionnel d’opposant pour lui faire jouer celui de complément idéologique de l’Etat. Et cette opération s’est faite dans le même temps où la direction du Parti du salut national (MSP – islamiste modéré) était traînée en justice par ce même pouvoir.
Les militaires n’ont pas soutenu l’islam en tant qu’idéologie militante mais comme un des facteurs qui pouvaient aller dans le sens de la dépolitisation de la société qu’ils recherchaient. Le résultat obtenu a été tout différent. Au lieu de se transformer en une idéologie de conciliation sous le contrôle de l’Etat, l’islam a renforcé sa propre identité politico-idéologique et aujourd’hui, son influence dans la vie quotidienne est beaucoup plus forte que sa force électorale.
Depuis l’empire Ottoman, le processus de sécularisation en Turquie a connu un développement radicalement distinct de celui des autres pays musulmans. C’est dans ce domaine que l’idéologie républicaine a pris ses positions les plus radicales. L’islam, comme idéologie « d’opposition » n’a pu s’exprimer ouvertement pendant toute une période. Il s’est contenté de soutenir les partis qui s’opposaient au parti fondateur de l’Etat turc moderne, le Parti républicain du peuple (CHP) et en agissant de la sorte, a pu prendre une place effective dans le mouvement d’opposition.
Pendant des dizaines d’années les clivages politiques n’ont pas fidèlement reproduit des clivages de classe et les oppositions « laïques-religieux », « progressites-réactionnaires » ou encore, « kémalistes-anti-kémalistes », ont été admises comme clefs principales pour comprendre et analyser la société (3).
Dans les vingt dernières années, les antagonismes de classes se sont imposés et avec eux, la clarification des clivages politiques. La question de la religion est alors passée au second plan, dans une phase de « redéfinition ».
Après une phase de nombreuses convulsions, l’islam a aujourd’hui davantage de choix quant à sa fonction dans la société, qu’avant le coup d’Etat de 1980.
La montée de ces cadres islamistes dans l’appareil d’Etat lui ouvre des possibilités inespérées auparavant. Autre phénomène significatif de l’évolution de la formation des nouvelles générations, l’augmentation exceptionnelle du nombre des recrues des écoles religieuses.
Officiellement, près de 100 000 enfants suivraient les cours coraniques cette année. Quant aux écoles religieuses de l’Etat, qui donnent droit à un diplôme d’imam (prêtre musulman) leurs effectifs s’élèveraient à 220 000 étudiants, marquant ainsi un accroissement de 65% dans les quatre dernières années, et le nombre d’étudiantes est passé lui, de 1 000 à 10 000, or les femmes ne peuvent exercer la profession d’imam ! Par ailleurs, il n’y a pas une telle demande d’imam dans la société. Aussi, il est clair qu’un tel enthousiasme pour ces écoles religieuses ne peut s’expliquer ni par le seul débouché professionnel ni pour des raisons économiques.
En fait, nous assistons là à un effort délibéré et systématique du pouvoir politique pour s’assurer la base sociale et les cadres qui perpétueront l’idéologie conservatrice à même de dépasser le clivage historique et artificiel entre laïques et religieux. L’objectif est de parvenir à une paix sociale basée sur une homogénéisation sociale, en commençant par la jeunesse, dont la religion est le ciment. Le coup d’Etat a accéléré ce processus mis en branle avant 1980.
RADICAUX ET MODÉRÉS
Ce phénomène de l’islam politique, dont il ne faut pas sous-estimer les différenciations internes, mérite d’être étudié. Tout le problème est de savoir si l’islam, son aile modérée comme son aile radicale, est une opposition dirigée contre les fondements mêmes du capitalisme ou bien contre les droits et acquis démocratiques des travailleurs au sein de ce système, c’est-à-dire une opposition ouvertement réactionnaire, allant à l’encontre de la démocratie socialiste.
Dans les années soixante, la presse de gauche en Turquie pratiquait l’amalgame entre la droite, les courants réactionnaires et les courants religieux. Alors que les courants fascistes ne s’étaient pas encore manifestés en tant que tels à cette époque, la gauche avait tendance à voir la main des Etats-Unis derrière chacune des manifestations de cet islam militant, ce dernier s’organisait dans des « cercles de lutte contre le communisme », tout en ayant ses propres organisations légales ou clandestines. En 1969 pour la première fois cette force militante se dresse contre la gauche en affirmant sa propre identité politique à l’occasion des manifestations anti-américaines lors de la venue de la sixième flotte à Istanbul. Il faut rappeler que l’attitude de la gauche face à ce courant regroupé pour l’essentiel dans le Parti de la justice (AP) de Demirel, au pouvoir, n’a pas été une attitude d’indépendance de classe. La gauche s’est placée dans le cadre du kémalisme et n’a pas pu dépasser les clivages idéologiques existants au sein de la bourgeoisie. Elle s’est contentée d’attaquer l’islam avec les concepts et les terminologies kémalistes et ne s’est pas basée sur une position de classe.
Ce n’est qu’à la veille du coup d’Etat de 1971 que l’islam se constitue en parti politique indépendant, avec la formation du Parti de l’ordre national (MNP) d’Erbakan. Ce dernier était à l’époque président de l’Union des chambres de commerce et de l’industrie. A la suite du conflit ouvert avec Demirel, il est chassé de son poste et s’oriente vers la création d’un nouveau parti. C’est dire que l’apparition de l’islam sur la scène politique, avec son expression propre, remonte à un conflit entre le gouvernement et la bourgeoisie commerçante d’Anatolie, prenant l’aspect d’une divergence sur une représentation qui dévoilait les contradictions internes de la bourgeoisie.
Mustafa Kemal ou Atatürk En 1919, les puissances alliées victorieuses à l’issue de la première Guerre mondiale, occupent l’Empire Ottoman démantelé. Anglais, Français, Italiens et Grecs s’installent en Turquie. Ils se heurtent peu à peu à l’opposition d’un général turc de 38 ans, Mustafa Kemal. Celui-ci exprime une double réaction, premièrement la nécessité de chasser l’envahisseur et ensuite construire sur les ruines de l’Empire Ottoman une République laïque et progressiste. De 1919 à 1923, il s’engage dans la résistance militaire puis, dans l’action politique. En 1920, il établit des relations de solidarité avec les bolchéviques, alors que se développent les affrontements entre l’armée turque et les troupes d’occupation. Le 29 octobre 1923, la République turque est proclamée, Mustafa Kemal en devient le président. La révolution kémaliste, révolution bourgeoise, est clairement moderniste. Elle succède à la Turquie des sultans et de l’islamisme dominant. Elle est le fruit de quatre ans de lutte politico-militaire contre les grandes puissances d’Europe. Kemal meurt le 10 novembre 1937 après avoir vigoureusement et fortement dirigé l’entreprise de modernisation du pays : abolition du califat, unification de l’enseignement, suppression des ministères religieux, nouveaux codes civil et pénal, ainsi que des réformes économiques. En 1927, est votée une loi d’encouragement de l’industrie et en 1934 le premier plan quinquennal voit le jour. En avril 1930 est promulguée une loi qui donne aux jeunes le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales. La bataille pour la laïcité et pour l’alphabétisation des populations se poursuit. Le régime se heurte à d’importantes résistances cléricales. Mais d’autres problèmes surgissent, la « turquification » intensive, le ferme contrôle de « l’unité nationale » déclenchent un début d’insurrection kurde en février 1925, et la répression contre les communistes commence la même année. Le « kémalisme » s’exprima sous la forme de six concepts fondamentaux de la révolution bourgeoise – républicanisme, laïcisme, progressisme, populisme, étatisme et nationalisme – représentés symboliquement par six flèches sur l’emblème du parti. C’est cet héritage kémaliste que prétendent encore incarner aujourd’hui, les diverses fractions de la bourgeoisie turque. |
Le réveil de l’islam date de la fin des années quarante, sous le gouvernement du parti kémaliste et laïque, le Parti républicain du peuple (CHP). A la fin de son règne, le CHP avait voulu s’assurer un soutien populaire accru en s’ouvrant aux couches islamistes et en desserrant ainsi l’étau laïciste. Mais c’est son rival, le Parti démocrate (DP), ancêtre du parti de la justice de Demirel qui devait profiter de cette ouverture. Pendant les dix années que devait durer la domination de ce parti, des élections de 1950 au coup d’Etat de 1960, cet « étau laïciste » devait continuer à se relâcher, mais, contrairement à une croyance largement répandue au sein de la gauche turque, le DP demeurait « laïc » sur le fond. C’est à la fin des années soixante, quand l’industrialisation, l’urbanisation et le développement du capitalisme atteignent leur apogée que l’islam gagne une identité politique indépendante. Alors qu’on pensait qu’il disparaîtrait au fur et à mesure de la modernisation de la Turquie, il se manifeste avec plus de force qu’auparavant. Il est faux de penser que le développement du capitalisme serait à même de « moderniser » le peuple et de le laïciser. Bien au contraire, l’islam s’est développé parallèlement au capitalisme avec de plus, un discours d’opposition au capitalisme, ce dernier étant présenté comme une « invention de l’étranger ».
Le MNP a été dissous par le régime issu du coup d’Etat de 1971, mais dès 1972, le mouvement islamiste revient sur la scène politique avec le Parti du salut national (MSP) du même Erbakan. Le succès inattendu de ce parti lors des élections de 1973 — il devait totaliser 11,8 % et 1 265 771 voix — et son ascension au pouvoir dans un gouvernement de coalition avec le CHP d’Ecevit ont suscité d’importantes discussions dans la gauche. Quelles couches sociales ce parti représentait-il ? Quelles étaient la place et la fonction de l’islam dans la société turque ? Les analyses changeaient en fonction des alliances de ce parti : tantôt le MSP glissait « à gauche » quand il se rapprochait du CHP ; tantôt il glissait « à droite » quand il s’en éloignait. Finalement, les faits ont eu raison de cette discussion. Quand le MSP a pris sa place dans la coalition du front nationaliste avec le AP et le Parti du mouvement nationaliste (MHP), l’organisation fasciste des loups-gris, il est apparu aux yeux de cette gauche qu’il s’agissait d’un parti de droite. Les élections de 1977 (4) donnèrent plus d’indications sur la base sociale de ce parti. Elle ressemblait fort à celle du MHP et avait même, à certains endroits du pays, un caractère « ethnique » grâce à ses relations avec les sectes religieuses et les relations sociales traditionalistes. C’est d’ailleurs en se basant sur de telles relations, qu’on peut qualifier de tribales, que le MSP a pu se gagner une base sociale au Kurdistan et compenser par là certaines de ses pertes électorales dans les régions ouest du pays. Ce parti s’est largement chargé de mater et combattre la conscience nationale du peuple kurde. D’autre part, la ressemblance de leurs bases sociales et donc, leur rivalité, ont conduit le MHP et le MSP à s’affronter. Cette lutte s’est parfois transformée en affrontements physiques souvent à l’avantage des islamistes.
LA MONTÉE DE L’INTÉGRISME ISLAMIQUE
Après le coup d’Etat de 1980, beaucoup, en Turquie, s’attendaient à une répression sévère du parti islamiste et de ses militants. A la veille du coup d’Etat, une manifestation importante à Konya, le principal bastion des islamistes, avait été qualifiée par la junte de tentative quasi insurrectionnelle des forces « obscurantistes » et avait été l’un des principaux prétextes du coup d’Etat, surtout vis-à-vis de l’Occident.
La réalité devait être bien différente. Contrairement aux kémalistes de souche, leurs successeurs, les généraux putchistes avec Evren à leur tête, ne considèrent plus l’islam comme un élément « obscurantiste », mais comme un facteur d’homogénéisation sociale. Ils veulent s’en s’en servir pour assurer leur légitimité de pouvoir au sein du peuple, compenser la dépolitisation et pouvoir contrôler un élément qu’ils ne peuvent plus se permettre d’ignorer. L’Etat ne veut pas — et ne peut pas — se permettre de laisser se développer les groupes islamistes radicaux et militants avec lesquels il n’y a pas de conciliation possible de son point de vue. Mais paradoxalement, ces tentatives d’absorption de l’Etat ont donné une nouvelle légitimité à l’islam modéré et un nouvel élan à l’islam militant qui n’entend pas se laisser entraîner dans le giron de l’idéologie officielle. Loin de saper la base de l’islam radical, ce recentrage idéologique n’a fait que la renforcer en lui permettant de travailler plus ouvertement sur le plan légal. L’islam radical ne peut s’accommoder de la société turque actuelle, de son « occidentalisation ». Il a un autre projet de société, le retour à un Etat coranique, et ces deux projets, antagoniques, doivent tôt ou tard, s’affronter. Sur un autre plan, il semble que nous n’assisterons plus aux frictions traditionnelles entre kémalistes et l’islam modéré.
Quelle leçon peut-on tirer de cette poussée de l’islam militant ?
Premièrement, elle infirme la thèse d’un recul de la religion parallèlement au développement industriel et culturel. Le mouvement islamiste a pris sa place dans la société turque et n’est pas du tout décidé à l’abandonner de sitôt.
Deuxièmement, la présence désormais établie de cet élément, nous oblige à une étude sérieuse de la société turque, de ses valeurs morales, les différents courants idéologiques qui la traversent, les formes spécifiques prises par la lutte des classes dans ce pays.
Le projet d’éradiquer la religion par la force a échoué, même si le kémalisme a obtenu certains succès partiels.
Voilà soixante ans, le pouvoir de Mustafa Kemal interdisait les sectes et autres organisations islamiques. Aujourd’hui on peut parler de sa faillite totale face au renouveau de l’islam. Ce dernier s’est largement vengé des laïques qui l’avaient réduit au silence par des méthodes policières, juridiques et pénales. En agissant ainsi, le kémalisme avait trahi le compagnon de route avec lequel il avait gagné la lutte nationale dans les années vingt et qui l’avait aidé à fonder la république. Mais il n’a pu s’imposer à l’ensemble de la société et a fini par se trahir lui-même à cause de son impuissance devant les nouvelles et réelles luttes sociales. L’idéologie laïque n’est pas indispensable au maintien de la société bourgeoise.
Quel que soit le degré de répression et les efforts déployés pour l’empêcher de s’institutionnaliser, l’islam a su se maintenir sous une forme organisée en dehors de l’Etat.
Qui plus est, la restriction des libertés démocratiques sous le kémalisme a poussé une partie des masses croyantes à embrasser une idéologie qu’elles pensaient être libératrice alors qu’elle était aussi peu démocratique.
Car l’idéologie politique islamiste est par essence anti-démocratique, anti-pluraliste. Sa phraséologie anti-capitaliste, voire anti-impérialiste, se réduit à l’anti-occidentalisme, ce qui ne l’empêche pas de collaborer avec l’impérialisme quand il le faut. L’exemple du financement de la « contra » nicaraguayenne par le produit de la vente d’armes à l’Iran en est une démonstration éclatante.
La lutte pour la démocratie et le socialisme passe donc par une confrontation avec le courant islamiste, les socialistes n’ont besoin ni du laïcisme « à la turque » ni de l’islam radical. Mais ils ne peuvent ignorer le phénomène de l’islam dans une société composée à 99 % de musulmans. La présence de ces derniers dans le mouvement de masse est inévitable. D’ailleurs, l’existence d’une confédération syndicale islamiste (Hak-is), certes minoritaire, le montre. On ne peut demander aux travailleurs musulmans de se débarrasser de leurs croyances religieuses préalablement à leur participation à la lutte des classes. Une telle attitude reviendrait à mettre des obstacles à l’unité de classe nécessaire. La lutte pour les libertés démocratiques en Turquie passe autant par une lutte contre l’Etat, entre autre sur le terrain du droit des cultes, que par une lutte contre l’islam militant, courant anti-ouvrier réactionnaire.
FUAT ORCUN,
janvier 1987
1) Les étudiants d’extrême gauche se reconnaissaient physiquement par le port de la barbe et de moustaches tombantes, alors que les étudiants d’extrême droite portaient eux la moustache courte. L’un des premiers actes de la dictature lors du coup d’Etat fut d’interdire cet affichage idéologique sur le visage !
2) Loi religieuse comprenant l’ensemble des obligations qui découlent du Coran et de la Sunna (tradition des enseignements du prophète). Elle embrasse tous les aspects de la vie individuelle et collective des musulmans.
3) En Turquie, le terme de « réactionnaire » regroupe aussi bien tout courant religieux que tous les « conservateurs » en général… puisque dans la terminologie officielle, il n’y a que des progressistes (les kémalistes) et les « réactionnaires » (tous les autres).
4) 8.6 % pour le MSP — 1 269 918 voix — 6,4 % pour le MHP — 951 544 voix — alors qu’il avait obtenu 3,4 % en 1973. Le MHP a progressé dans les régions où le MSP reculait relativement.