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Juin 81, Casa Re-belle : Ou quand l’espérance devient violence !

Dossier paru dans Sans Frontière, n° 30, du 27 juin au 3 juillet 1981, p. 8-11

Témoignage : La revanche des enfants de mars 1965

Une semaine après la grève générale du 20 juin, et les affrontements du week-end, les témoignages continuent d’affluer et le bilan de s’alourdir. Et d’abord celui des morts.

Aux 66 morts « revendiqués » par le Ministère de l’intérieur Marocain, nous n’opposerons pas de chiffre, tellement nous sommes convaincus, et tous les témoignages que nous recevons le confirment, qu’il est beaucoup plus ample. Et même s’il n’y avait eu qu’ne seule victime, cela aurait été une de trop.

Ensuite, celui des blessés : des milliers selon les dernières informations, entassés dans les commissariats, agonisant sans soins. et arrêtés dès qu’ils commencent à se remettre. Ne portent-ils inscrite dans leurs corps, la « preuve de leur complicité » ?

Enfin celui des arrestations. Celles des cadres de l’USFP et de la CDT, mais au-delà, celles de n’importe qui. jeune ou vieux, chômeur ou travailleur. La Foire Internationale de Casa ne suffisant plus, c’est vers des camps militaires donc celui d’Aïn Harrouda, qu’on transférait les « prisonniers ».

Casablanca n’a pas encore fini de panser ses blessures et de compter ses morts, que déjà les explications fleurissent. Pour les uns, c’est la sécheresse et pour d’autres, la main de l’étranger. Deux explications faciles et qui ont un avantage commun : enterrer les revendications d’un peuple.

L’appel de l’UMT le 17 juin à une grève, le 18 juin au niveau de Casablanca et Mohammadia, appel soutenu par la CDT, avec certaine critique quant à cette décision surprenante et allant à l’encontre de l’unité de lutte, a été suivi à 100 % . La présence des forces de dissuasion ne se faisait pas sentir sauf dans un rayon de 500 mètres du siège de la CDT qui était encerclé et l’accès à ce périmètre était interdit. La police et les mokhaznis sillonnaient la ville mais discrètement.

Le jour même (le 17/06), la CDT annonce dans le journal Al Moharrir la grève générale d’avertissement pour le samedi 20 juin.

Le vendredi, le tract appelant à la grève a été distribué. La CDT dont le local était encerclé, travaillait dans les locaux de l’USFP :

Les flics passaient chez tous les épiciers pour les menacer en cas de fermeture. Un appel dans des termes très ambigus, a été lancé à la radio et à la télé pour dissuader les gens – particulièrement ceux du secteur public – de faire grève.

Le lendemain samedi, jusqu’à 9h-9h30, la ville semblait avoir un aspect normal : les trains, les bus, le port qui jeudi étaient en grève, ce samedi semblaient mener une vie normale (il faut dire que ces trois secteurs sont surtout UMT). Pourtant les boutiquiers, les grossistes et détaillants étaient fermés. Les seuls qui ont ouvert et qui voulaient profiter de cette grève pour vendre les allumettes cinquante centimes au lieu de vingt centimes ont été saccagés. Les bus qui ont osé assurer le trafic dans les quartiers populaires ont été brisés et brûlés. Des manifs ont partout éclaté, les forces de police qui circulaient dans ce quartier ont été attaquées à coups de pierres. Les banques ont toutes été attaquées, saccagées et brûlées : on compte dans le boulevard El Fida, quatre banques : trois ont été bril-lées et une saccagée. Sur quatre banques du bd Modibo Keita, trois ont été brûlées. Les voitures, les cars, soit de passage, soit en stationnement ont été attaquées à coups de pierres et brûlées sur la chaussée coupant tout passage et constituant une sorte de barricade renforcée avec des pierres, des poteaux téléphoniques, des lampadaires, des plaques de signalisation, les feux de circulation. Partout dans les quartiers populaires, le mouvement a éclaté : El Fida, Sahat Essraghna, où l’attaque a été lancée contre le 17e arrondissement, route de Médiouna Al-Baladia, derd El-Foukara, Hay el Mesjid, Koria, Avenue du 2 mars, sbata, Aïn Chok, derb El-Kébir, Hay Mohammadi, sidi Othman.

Des batailles rangées comme à Sahat Essraghna, ont eu lieu entre militaires et manifestants à hay saâda, Hay El-Hassani, Sidi-Bernoussi, Ben Msik a eu sa revanche sur l’auto-route qui s’est faite à ses détriments, par l’expulsion et la mort de ses enfants ; Ben Msik a investi l’autoroute, l’a barrée… Ni les bombes lacrymogènes, ni les balles, n’ont eu raison du peuple des bidonvilles. On essuyait ses larmes, on bouchait son nez, on se cachait dans les ruelles et on revenait à la rescousse.

Les forces le répression ont été sérieusement débordées, vers 16h30, des renforts sont arrivés : la gendarmerie, équipée d’un matériel sophistiqué, petits chars anti-émeutes, et de grands chars bondés de gendarmes en tenue de combat et avec un armement léger a commencé à investir les quartiers.

Pénétrant dans les ruelles, poursuivant les gens dans les maisons, tirant sur les fuyards mais sans s’attarder sur les lieux. L’attitude de ces forces n’était pas très claire : elles arrivaient sur les lieux et par-venaient à occuper certains en-droits, mais les abandonnaient, laissant le champ libre à la population pour les réinvestir ; le tir n’était pas systématique : il n’y avait pas le crépitement des mitraillettes qui fauchaient les passants. Parfois, au lieu d’utiliser les armes à feu, elles se défendaient à coup de pierres, on en compte pas moins plusieurs morts et de centaines de blessés. On avance le chiffre de 20 000 arrestations.

Le samedi soir, un communiqué du Ministère de l’intérieur incrimine la CDT et l’USFP d’être à l’origine des émeutes, ce qui est faux. L’appel à la grève venait bien de la CDT ; mais encore une fois, c’est un mouvement spontané des masses face à certaines provocations : les « Mokhaznis » frappaient les gens dans les rues, les quelques épiciers ouverts spéculaient, le peuple en a eu marre, il suffisait qu’un gosse jette une pierre contre les « Mokhaznis » pour que les autres suivent et les « mokhanis » de détaler et le mouvement de grossir et le feu de s’allumer, c’est ainsi que c’est arrivé au bd El-Fida. Le soir, on entendait vers Ben Msik des tirs espacés. Les hélicoptères qui ont sillonné le ciel durant toute la journée ont cessé de tourner à la tombée de la nuit.

Le lendemain, la population de Casa a vu le jour se lever sur une ville en état de siège, partout des « mokhaznis », des flics (CMI : CRS), des militaires, des gendarmes en camions, en autocars, en jeeps en fourgonnettes, des chars. Ils avaient pris position sur les lieux de combat et défendaient les endroits « stratégiques », toute la ville est sillonnée, une sorte de valse macabre avec la poursuite de temps à autre de certains jeunes dans les ruelles des quartiers, les « forces de l’ordre » font rentrer les « curieux » chez eux. Armés jusqu’aux dents, les militaires font des descentes et ratissent les quartiers. Le siège de la CDT a été investi par la police l’après-midi du dimanche.

Des journées que le pouvoir n’est pas près d’oublier. Ils ont cru avoir raison de Casablanca en 65, mais la mémoire demeure, ce sont les enfants de 65 qui aujourd’hui ont pris une certaine revanche : des jeunes de 16 à 22 ans dans leur presque totalité.

Dimanche.
Correspondance de Casablanca
A.B.S.


La CDT : Un jeune syndicat

La CDT, Confédération Démocratique du Travail est un syndicat jeune puisque son congrès constitutif s’est tend il y a moins de trois ans, le 28 novembre 1978 à Casablanca.

Issus dans leur écrasante majorité de l’USFP (Union Socialiste des Forces Populaires) et de l’UMT (Union Marocaine du Travail), les fondateurs de la CDT ont dès le départ, présenté leur initiative comme une entreprise de rénovation du mouvement syndical marocain et de sa centrale historique, l’UMT dont « les pratiques bureaucratiques et opportunistes… aboutissaient souvent à la collusion des cadres syndicaux avec la patronat ».

Dès sa création, la CDT a été au centre de controverses et de polémiques au sein de l’opposition marocaine. Pour les uns, sa constitution portait « atteinte à l’unité de la classe ouvrière », alors que ses militants et ses sympathisants considéraient qu il s’agissait là d’une « véritable opération de sauvetage du mouvement syndical ».

Les organisations syndicales mondiales vont d’ailleurs se trouer à leur tour confrontées à ce problème.

Ainsi Edmond Maire, Secrétaire général de la CFDT se verra pratiquement séquestré par les « dignitaires » de l’UMT lors de sa visite au Maroc de l’année dernière pour l’empêcher d’avoir un quelconque contact avec la CDT, qui tente en vain, de le rencontrer.

Cette dualité du mouvement syndical marocain est l’un des éléments qui permettent de comprendre la situation actuelle et les enjeux à venir.

Officiellement, c’est le 20 mars 1955, à la veille de l’indépendance, que naît, à Derb Sultan, quartier populaire de Casa, l’Union Marocaine du Travail.

L’UMT succède ainsi a l’UGSCM (Union Générale des Syndicats Confédérés du Maroc) interdite en décembre 1952 après une grève générale de protestation contre l’assassinat du dirigeant syndicaliste tunisien Ferhat Hached.

Jusqu’en 1960, l’UMT reste la seule centrale syndicale ouvrière présente sur le terrain et conne une véritable expansion sur le plan des effectifs. En mai 1956, elle ne compte pas moins d’un demi-million d’adhérents, soit 52 % de la population active non agricole. Elle encadre tous les secteurs d’activité et en 1969, elle compte 24 importantes fédérations. L’UMT négocie parallèlement avec le gouvernement et de nombreux acquis des travailleurs marocains datent de cette époque, même s’ils sont rarement appliqués, conventions collectives, médecine du travail, sécurité sociale.

L’UMT est alors au fait de sa puissance et jouit d’une renommée internationale incontestable.

Sur le plan politique, l’UMT demande l’élimination des séquelles du colonialisme (récupération des territoires encore sous domination espagnole, marocanisation de l’administration et nationalisation des secteurs clef de l’économie). Ainsi, les grèves sont déclenchées pour revendiquer l’évacuation des bases militaires étrangères.

Au sein du Parti de l’Istiqlal, les syndicalistes de l’UMT, alliés à d’autres éléments jouent un rôle essentiel dans la vie du Parti, et la fondation, en 1959, de l’UNFP, Union Nationale des Forces Populaires.

Pendant la durée du gouvernement Abdallah Ibrahim dirigeant de l’USFP à l’époque, l’UMT bénéficie de la bénédiction du gouvernement et profite de son aide matérielle : bourses du travail, détachés syndicaux, subventions annuelles.

La rupture entre « la gauche » marocaine et le pouvoir, consacrée en mai 1960, ouvre une nouvelle période : l’UMT n’est plus le syndicat « officiel » et sa direction, reconduite, depuis à chaque congrès, établit une véritable pouvoir absolu sur le syndicat, en s’opposant de plus en plus violemment à tous ceux qui, y compris au sein de l’UNFP (3), contestent ce pouvoir ou remettent en cause sa politique dite « la politique du pain ».

Ces divergences qui secouent l’UNFP ne sont rendues publiques que des années plus tard, et les opposants à la ligne de Ben Seddik, inamovible patron de l’UMT, continuent, au sein de la centrale, leurs tentatives de « redressement », alors que d’autres créent des structures indépendantes. Dès 1963, la Fédération des PTT prend son autonomie et le S.N.E. (Syndicat National de l’Enseignement) est créé en 1965, alors que les effectifs de l’UMT baissent d’année en année.

Lorsque l’aile dite de Rabat de crée l’USFP, consacrant ainsi d’une manière définitive la coupure avec Ben Seddik, et ses amis, la voie est ouverte à la création d’une autre centrale syndicale. Omar Benjelloun s’attelle à cette tache, et si son assassinat met fin à son activité, la CDT voit le jour en 1978. A son congrès constitutif, il y a déjà des fédérations importantes (phosphates, PTT, Office national du sucre et du thé, Office National d’Electricité…) et des embryons de syndicats. Dès janvier 1979, la CDT participe à divers mouvements de grèves et déclenche le 10 et 11 avril 1979, une grève nationale dans la santé et l’enseignement.

Ces mouvements de grève, qui sont massivement suivis, seront réprimés.

Une campagne d’arrestations, et des dizaines de procès avec des peines de prison ferme ont lieu et des centaines de révocations de grévistes sont décidées.

C’est en juillet 1980, que ces grévistes sont réintégrés dans leurs fonctions alors que l’on commence, dans certains milieux, à évoquer une crise au sein de la CDT et entre le syndicat et le Parti, l’USFP ; dont le Bureau politique aurait critiqué « l’aventurisme ».

Désignée maintenant par le gouvernement comme les « fauteur de troubles » en chef, la CDT, centrale ouvrière d’un pays du Tiers-Monde, se trouve face à une responsabilité qui dépasse de loin les intérêts immédiats et au sens strict de ses adhérents.

En lançant son appel à la grève générale du 20 juin, elle a ouvert une brèche dans laquelle toute une jeunesse, niée dans son existence, sans perspectives d’avenir, mais pleine d’espoir et d’énergie, s’est engouffrée pour dire son mot, et rappeler ses revendications. La brutalité, pour ne pas dire plus de la répression a fait le reste. Profitant de l’espace ouvert par la CDT en dehors de toute structure politique de l’intérieur – et bien évidemment sans aucune main de l’étranger – le peuple de Casa a encore une fois, écrit l’Histoire. Avec son sang.

Kamal Belarbi

Noubir El Amaoui (2e à gauche), Secrétaire Général de la CDT, arrêté depuis le samedi 20 juin.

TRIBUNE LIBRE

Le gouvernement français ne se taira pas

Il faut que l’opinion française sache la misère du peuple marocain au moment où a eu lieu la scandaleuse hausse des prix du 29 mai 1981:

Le peuple marocain vit essentiellement de pain et de sucre dans son thé : le 29 mai, la farine a augmenté de 40 % et le sucre de 50 %. Il est chassé des campagnes, sans travail, et sans abri dans les villes, sans soin dans les hôpitaux, et ce qui compte tant pour le peuple marocain, sans instruction pour ses enfants : 60 % des enfants seulement sont scolarisés dans le primaire, et cette année, 85 % d’échec au baccalauréat. Les émeutes de ces derniers jours sont des émeutes de la faim et de la colère.

Au moment où on parle de centaines, de milliers d’arrestations, l’opinion doit savoir qu’au Maroc, il n’y a pas d’arrestation sans coup ni sans torture, que la situation y est en permanence une situation de non-droit et de violation des droits de l’Homme. On meurt encore sous la torture au Maroc, Abdellatif Zeroual en 1974, Mohamed Grine en 1979. Et on y compte toujours quelques 400 disparus, civils et militaires, certains depuis 10 ans, et 160 prisonniers d’opinion, dont un condamné à mort et 5 à perpétuité, sont toujours détenus dans les prisons de Kenitra.

Mais en France aujourd’hui, les choses ont changé : le gouvernement français cette fois ne se taira pas comme le précédent l’avait fait pendant des années. Certains de ses membres sont sensibilisés déjà aux problèmes de la répression au Maroc, tous sont attentifs aux droits de l’Homme. Sûrement, c’est notre espoir à tous, il saura faire entendre sa voix au nom de la justice sociale, de la démocratie et des libertés.

François Della Sudda
Christine Jouvin

Les Comités de lutte contre ta répression au morue, 14 rue de Nanteuil, 75015, existent en France, aux Pays-Bas, un Belgique. Ils apportent leur soutien à toutes les victimes de la répression au Maroc, et aux partis et organisations marocaines en lutte pour les libertés et la démocratie.

Ils seront présents d la manifestation du samedi 27 Juin.


Le prétendu consensus national

Un raz-de-marée populaire d’une ampleur considérable a emporté la ville de Casablanca et sa périphérie. Contrairement aux allégations des appareils d’information du pouvoir marocain, le mouvement de manifestation et les affrontements continuent à Casablanca. Ils se sont étendus aujourd’hui (23 juin) aux autres villes du pays, notamment Meknès, Rabat, Oujda, Berkane et Agadir. Le nombre des victimes se situe entre 800 et 1000 Morts dans la seule ville de Casablanca.

Le pouvoir se retranche derrière la question nationale du Sahara Marocain, parlant de « complots étrangers » et de « complicité intérieure » (Discours de Maati Bouabid, premier Ministre). S’il y a une ingérence étrangère, elle est bien celle des grands monopoles et de l’impérialisme à travers une classe de bourgeoisie compradore et terrienne, qui pillent les richesses du pays et maintiennent des structures économiques d’exploitation archaïques.

Le corollaire de cette complicité du pouvoir avec les intérêts néo-coloniaux est une guerre de classe sans merci contre les classes laborieuses du peuple marocain qui subissent une répression sociale et politique multiformes (licenciements, exode rural, arrestations et répressions quotidiennes, démantèlement du système d’enseignement, etc…).

La décision d’augmenter de 85 % les prix des produits alimentaires indispensables, dictée par le Fonds Monétaire International (F.M.I.) a été la goutte qui a fait déborder le vase.

Les masses populaires ont rompu définitivement par ces luttes et sacrifices, le prétendu « consensus national » que le pouvoir se force encore de sauvegarder au cœur même de ces événements. C’est là le sens de la réunion qu’a tenue hier lundi (22 juin), le ministre de l’Intérieur avec les « conseillers municipaux » de Casablanca, qui ont dénoncé les événements des derniers jours. Le but de cette opération est claire : discréditer des dirigeants des partis aux yeux des masses militantes.

Quant à la tentative du pouvoir de légitimer la répression sauvage par la question nationale du Sahara marocain, elle ne peut nullement tromper les masses populaires qui savent très bien que le régime établi a toujours exploité ses intérêts de classe. Il préfère les solutions impérialistes à la véritable voie de libération populaire.

Option Révolutionnaire


Casablanca insurgée

En date du 12/6/81, nous vous avons informé sur les manifestations populaires qui se sont déroulées partout dans notre pays protester contre la des prix (100 %), imposée sur les produits alimentaires de première nécessité par le pouvoir compradore marocain.

Cette nuit même contre les mains nues des enfants, des ouvriers, des sans travail, des paysans sans terre, dans les quartiers populaires de Casablanca, les successeurs du criminel Oufkir ont ouvert le feu sur les manifestants semant les cadavres et remplissant les hôpitaux de blessés. La ville ouvrière en état de siège, coupée du reste du pays est envahie par l’armée, les flics, les tanks et survolée par les hélicoptères. Des convois militaires continuent à se diriger vers Casablanca insurgée où les affrontements continuent à faire rage.

Travailleurs,

Rien ne peut mieux prouver et démontrer la véritable nature du régime marocain que les événements historiques que traverse actuellement notre pays. Comme en 1959 dans le Rif, en 65 à Casablanca, l’assassinat des militants Mehdi Ben Barka, Dahkoun, Saida Mnebhi, Zeroual, Grina… et d’autres, en 1981, le régime sanguinaire au Maroc n’a pas fini d’assassiner froidement les meilleurs fils de notre peuple et de noyer dans le sang sa révolte a chaque fois qu’elle se manifeste.

Travailleurs marocains !!!

En ce moment solennel, où notre peuple marque un point déterminant dans notre histoire où nos familles, enfants, hommes, femmes sont dans les rues sans armes face aux tanks de Dlimi, nous ne pouvons que nous lever pour saluer la bravoure, le courage et les sacrifices de notre peuple. Nous sommes en tant que travailleurs immigrés partie organique du combat de notre peuple et prêts à assumer toute notre responsabilité dans ce cadre particulièrement en ce qui concerne la nécessaire unité et organisation de travailleurs immigrés à l’étranger, afin que nous puissions effectivement faire avancer notre lutte aussi bien à l’intérieur du pays qu’à l’étranger.

A.M.F. coordination des sections
Gennevilliers


Une réaction légitime

16 ans après le soulèvement populaire de mars 65, le peuple marocain se soulève dans les principales villes du Maroc, notamment Casablanca, et manifeste sa haine et son refus de la politique du pouvoir réactionnaire marocain.

Les causes immédiates de ce soulèvement populaire furent manifestent la dernière et flagrante hausse des prix des denrées de première nécessité, et ce à un moment où le peuple marocain vit une situation des plus explosives et des plus précaires du fait de la politique anti-populaire, antidémocratique et anti-nationale pratiqué depuis l’indépendance.

Par milliers, jeunes, étudiants, lycéens, femmes, travailleurs, chômeurs, paysans venus des alentours de la ville investissent les principales rues de Casablanca et crient à en devenir aphones les douleurs de la misère et de la vie chère…

Toutes ces manifestations qui en fait se déroulent sporadiquement depuis le mois d’avril et qui ont leur apogée sanglante en ces journées du 20 et 21 juin, sont une des réactions les plus légitimes et les plus courageuses que le peuple marocain même exprimer contre la vie chère et la misère qui hantent le pays…

L’association des Marocains en France tient aujourd’hui à saluer le courage et la volonté avec lesquels le peuple marocain impose la parole, ses revendications, sa lutte et son combat pour la dignité et la liberté.

L’AMF condamne vigoureusement la violence avec laquelle les autorités marocaines répondent à la situation. Le bilan de ces journées du samedi et du dimanche est bien lourd : plus de 30 morts, des milliers de blessés, et des arrestations par centaines qui sont « parqués » dans les halls de la Foire de Casablanca et dans les locaux du commissariat central et Derb moulay Cherif

Association des Marocains en France – Bureau National


Déjà en mars 1965

A l’origine de cette première insurrection populaire qu’a connu le Maroc indépendant en mars 1965, un malaise de la jeunesse estudiantine, qui a rapidement trouvé un écho favorable auprès des couches les plus défavorisées de la population casablancaise.

Le mécontentement des lycéens à propos d’une circulaire sur l’orientation des élèves du second degré, vers l’enseignement technique, et limitant leur accès à l’université, révélait en fait leur refus d’une politique sélective, et leur volonté à ne pas se laisser sacrifier. Des mots entendus ici et là, tel que « on ne veut pas que les pauvres s’instruisent », attestent à défaut d’une vue exacte du problème, tout un état d’esprit.

Dans les universités, depuis le 24 janvier 1965 ; les étudiants étaient en grève quasi-permanente à Rabat, Fez, et Casablanca, les uns pour réclamer un pré-salaire, les autres pour protester contre l’insuffisance de cadre de l’enseignement supérieur, mais aussi pour s’élever contre la condamnation à mort de M. Berrada, Président de l’Union Nationale des Etudiants Marocains (étroitement liée à l’UNFP), qui avait pris part contre son propre pays lors du conflit frontalier de 1963 (entre l’Algérie et le Maroc) ; son successeur M. Haloui fut arrêté en septembre 1964 pour lui avoir publiquement manifesté sa fidélité, tandis que le gouvernement intentait un procès à l’association étudiante pour non conformité de ses statuts avec la loi.

Dans le corps enseignant, le malaise se faisait de plus en plus sentir ; les traitements étaient gelés depuis plusieurs années, un instituteur gagnait à l’époque 500 DH par mois et un professeur licencié 650 DH.

Mais les manifestations, du 23 mars n’allaient pas garder longtemps le caractère d’une protestation de lycéens et d’étudiants, car nous sommes à Casablanca, une cité géante où l’exode rural a fait affluer de nombreux ruraux attirés par le mirage de la prospérité.

Voici le film des événements rapportés par un témoin (le Monde, 31 mars 1965).

« Le matin, 1 000 à 1 500 manifestants défilent en plein centre de la ville européenne en ordre et en silence, une manifestation a lieu à la délégation du ministère de l’éducation nationale, puis devant les lycées qui fonctionnent encore. Vers onze heures, les jeunes commencent à barrer les rues avec des pylônes électriques qu’ils avaient trouvé sur les trottoirs du Derb Ghallef.

En fin de matinée, les magasins sont attaqués à coup de cailloux pour les obliger à fermer. L’après-midi, le feu se met de la partie, en Nouvelle Médina : 11 autobus brûlent, 10 jeeps, un camion, des autos sont endommagées. 15h30, premiers accrochages entre manifestants et forces de l’ordre. 7 manifestants sont tués l’émeute se déchaîne : les écoles, un dispensaire, une gare, une Kissariaé (magasin d’étoffes), une banque, des transformateurs sont saccagés et brûlés. Des manifestations ont lieu dans l’ancienne médina : l’une au poste de police où les jeunes désarment les policiers et leur tirent dessus avec leurs armes.

L’autre place Verdun, où 200 jeunes détiennent les autos et pillent les magasins, boulevard du Onze janvier, tandis que des adultes à coups de masse, s’occupent des transformateurs ou commencent à mettre le feu à un cinéma. Au derb Ghallef, l’école d’infirmière est saccagée.

400 camions, chars, automitrailleuse commencent à 19 heures et se prolongeront toutes la nuit.

Deux cents morts selon l’estimation d’un journaliste qui a fait le tour des hôpitaux, de la morgue… En Médina, on parle de 300 ou même de 400 tués mais les seuls morts constatés par témoins dignes de foi s’élèvent à 109 : 6 policiers, 103 civils (30 à l’ancienne Médina, 25 aux Carrières Centrales, 10 à l’hôpital Maurice-Gand, 5 à derb Ghallef, 38 en Nouvelle Médina). Les victimes sont surtout des jeunes de 15 à 16 ans, on estime qu’il y a 500 à 600 blessés. »

Réuni d’urgence au cours de la nuit du 23 au 24 mars, le gouvernement sous la présidence du Dr Benhima prend une série de mesures qui confirment la gravité de la situation : couvre-feu décrété de 21h à 6 h du matin, interdiction de tout rassemblement, jugement immédiat des « fauteurs de troubles ».

Déjà dans l’après-midi, le général Oufkir, alors ministre de l’intérieur, s’était rendu en personne à Casablanca pour diriger les opérations assurées par les unités de police, mais aussi par des éléments réguliers de l’armée appuyés par des chars et auto-mitrailleuses, qui sillonnent les rues de Casablanca pendant plusieurs jours.

Le communiqué du gouvernement marocain diffusé le soir même indiquait :

« qu’un certain nombre d’enseignants appartenant à des organisations politiques et syndicales avaient incité les élèves des établissements secondaires à organiser des manifestations qui ont pris un caractère de violence et de vandalisme ».

Parallèlement à ces accusations contre les enseignants, le gouvernement marocain laissait entendre l’éventualité d’une « main étrangère », se basant sur le fait qu’on avait diffusé des tracts rédigés en une langue et un style très différent du dialecte arabe marocain ; ce qui justifiait l’arrestation d’enseignants irakiens et syriens à titre tout à fait préventif.

Parmi les personnes arrêtées, figuraient MM. Driss Medkouri, membre du conseil National de l’UMT (Union marocaine du travail), Simon Levy, enseignant proche du parti communiste, Edmond El Maleh, professeur de philosophie, ancien membre du PCM, M. El Mazali, proviseur du lycée Mohamed V de Casablanca, M. Haloui, président de l’UNEM, ainsi que plusieurs membres du comité exécutif de ce syndicat.

Cette explosion du mécontentement populaire devait signifier au niveau politique la rupture du pacte tacite, qui s’était établi entre les autorités gouvernementales et la grande centrale syndicale ouvrière (UMT), qui réagit à la répression des émeutes de Casablanca, par des menaces de grève générale.

Pourtant, un député de Casa déclarait que « ce n’était ni le mécontentement de l’Istiqlal, ni celui de L’UNFP, mais c’était le mécontentement tout court ».

Le 27 mars 1965, un communiqué annonçait l’exécution de 14 détenus de l’armée royale, condamnés à mort depuis 8 mois et présentés par le porte-parole officiel comme « sans rapport » avec les divers événements, mais par certains commentateurs comme un « avertissement » aux partis et aux syndicats de l’opposition.

L’État d’exception fut proclamé dans les semaines suivantes, il ne fera l’objet d’une levée qu’en 1970.

N.B.


Mehdi B. Barka : L’imposture

Il a fallu l’explosion de la colère populaire du 23 mars pour amener le Roi à reconnaître dans son discours du 7 juin, avant de proclamer l’état d’exception, la gravité du mal, sans aller jusqu’à en désigner l’origine.

C’est que ce jeu avait tellement dépassé les limites de la décence, que le peuple des grandes villes, à Casablanca notamment, est descendu dans la rue, pour mettre en cause le régime et écrire en lettres de sang sa faillite et son incapacité.

Si les élections sont truquées, si la liberté de réunion est niée, si la presse est ballonnée, si les patriotes porte-paroles des masses sont pourchassés, condamnés à mort ou à la détention ou tout simplement liquidés, comment s’étonner comme a cru pouvoir le faire le chef de l’Etat, que le peuple emploie un moyen plus direct pour se faire entendre ?

Si lentement, l’Etat, l’administration et la politique deviennent l’affaire d’une minorité privilégiée – dont le nombre diminue à mesure que la situation économique se dégrade – comment s’étonner que le peuple manifeste sa colère contre ces privilèges et ces passe-droits ?

Si la majorité de la population est maintenue dans la misère et l’inculture et si en plus, elle voit se fermer devant elle les portes de l’espérance, comment s’étonner que l’impatience prenne le masque du désespoir ?

La responsabilité directe ? Il faut la chercher dans l’imposture qui, depuis 1960, sert de fondement à la politique officielle du Maroc.

On fait applaudir les populations par contrainte ou par réduction de la misère et on fait de ces applaudissements forcés un principe de gouvernement. Mais la réalité se venge de toutes ces illusions et la seule vraie politique est la politique du Vrai.

Le Vrai s’est brusquement dévoilé. Espérons pour notre peuple que certains ne l’oublieront pas trop vite…

La fausse représentation de la volonté populaire est un obstacle supplémentaire sur la voie du progrès et un supplément d’énergie qui se perd.

Mehdi Ben Barka, juin 1965


La hausse des prix : une provocation

La hausse des prix intervenue le 29 mars 1981, est selon un communiqué du bureau exécutif de la CDT, la troisième de l’année. Elle concerne cinq denrées de base : la farine de blé (+ 40 %), le sucre (+ 39 à 60 %), l’huile de table ( + 28%), le lait (14 %), le beurre (76 %).

Du fait des augmentations précédentes, les prix de ces cinq produits ont doublé, voire triplé depuis 1979. Le SMIG (qui était à 1,40 DH en 1978 et à 2,35 DH depuis le premier mai 1981) a, quant à lui, augmenté de 68 %.

Cette augmentation doit être corrigée, ne serait-ce que parce que 60 % des entreprises marocaines paient, comme le confirment les études officielles, des salaires inférieurs au SMIG et que le chômage, réel ou déguisé, touche des millions de citoyens. A cet égard, le chiffre de 225 000 chômeurs dans les villes, avancé cette semaine par M. Taleb Bencheick, Ministre du Plan et du Développement régional parait largement au-dessous de la vérité.

Cette augmentation a été, bien évidemment répercutée dans d’autres secteurs, et a relancé la spéculation. A titre d’exemple, citons la réunion des grands transporteurs routiers tenue le mercredi 10 juin à la Chambre de Commerce de Rabat, pour réclamer du gouvernement l’autorisation d’augmenter leurs tarifs voyageurs et marchandises.

Dans un pays où il n’y a aucune véritable politique de contrôle des prix, l’augmentation a été une aubaine pour les spéculateurs.

On raconte à ce sujet que divers commerçants continuaient à appliquer les augmentations du 29 mai, même après la publication du communiqué du Premier Ministre du 6 juin, annonçant « la réduction » de moitié de la hausse des prix.

On peut se demander en effet pourquoi cette hausse brutale et vertigineuse des prix, décidée à la veille de la conférence de presse de Hassan II où il a annoncé sa décision de participer personnellement au sommet de l’OUA de Nairobi pour « clore définitivement le dossier du Sahara ».

Pour certains marocains, la décision du 29 mai n’était qu’un rideau de fumée, dont le but était de faire peser en douceur l’augmentation du 6 juin.

Le gouvernement aurait mis la barre très haut et aurait semblé reculer après un débat parlementaire et la consultation des divers groupes. On aurait ainsi d’une part fait passer les augmentations (réduites de moitié) et redonné une vigueur et une légitimité à une assemblée nationale qui n’était de fait qu’une simple chambre d’enregistrement.

Finalement, et quelque soit le but poursuivi, c’est l’effet contraire qui a été obtenu.

Au-delà de ces explications immédiates, les responsables marocains argumentent leur décision par la nécessité de réduire le déficit de la caisse de compensation, et refusent d’admettre que c’est sur la pression du FMI et de la banque Mondiale, que de telles augmentations ont été décidées.

Malgré les dénégations du Ministre du Plan réaffirmées dans un entretien publié par le Continent du 23 juin, il semble bien que ces institutions financières Internationales aient fortement suggéré de telles décisions, avant l’octroi de tout prêt pour le financement du plan quinquennal 1981-1985 qui se monte à 20 milliards de dirhams.

Le Maroc n’est d’ailleurs pas le seul pays à s’être vu proposer de telles conditions. L’Egypte et plus récemment le Sénégal ont eu des propositions similaires du FMI.

Les responsables sénégalais, à qui on demandait d’augmenter de 25 % en moyenne les prix des denrées de base (riz, essence…) comme conditions pour l’octroi du prêt ont refusé.

« Le FMI, dont les recettes, toujours les mêmes, ont conduit d’autres régimes à se suicider politiquement (l’émeute a répondu à l’augmentation des prix) s’est incliné » écrit cette semaine l’hebdomadaire Jeune Afrique en parlant du Sénégal…

Une semaine après… ce fut la grève générale du 20 juin et l’ « émeute » de Casa.

K.B.


L’USFP : Le contrat moral a été rompu

Aït Kaddour, chargé des relations à Paris de l’USFP nous déclare :

La crise actuelle n’est pas subite, c’est le résultat d’une politique dite libérale qui dure depuis près de 20 ans, et dont les gouvernements sont les seuls responsables.

Le pouvoir d’achat des masses populaires est devenu ridicule face au coût de la vie. Un smigard (et c’est déjà un privilégié puisqu’il trouve à travailler) arrivait à peine à ne pas mourir de faim.

Les millions de chômeurs sont pratiquement réduits à la famine absolue et vivent d’expédients. Face à cela, une poignée infime de privilégiés amassait des richesses et vivait au vu et au su des masses populaires dans un luxe provoquant. Le train de vie de l’Etat lui-même suscitait le même sentiment de frustration. A cela s’ajoute cette année une sécheresse dévastatrice et particulière-ment grave, et aussi les dépenses militaires que la question du Sahara a nécessité.

C’est dans ce cadre que les décisions du 28 mai apparaissent d’une irresponsabilité totale si non même d’une provocation délibérée. Les événements actuels sont à notre sens signés par les auteurs des décisions du 28 mai.

Le lendemain de ces décisions, les ministres eux-mêmes avouaient ne pas être au courant, comme si c’était une sorte de loge P 2 à la marocaine qui en aurait dicté le contenu.

La discussion qui a eu lieu au Parlement a montré que politiquement, la confiance a été retirée à ce gouvernement, bien que la motion de censure rédigée par le groupe de l’opposition n’ait pas reçu le nombre de signatures nécessaires. Finalement, le ministre des finances a vu rejetée par l’ensemble du parlement son argumentation et c’est ce qui explique que quelques jours plus tard, le gouvernement a réduit de moitié les augmentations.

Nous considérons qu’il y avait à partir de 1975 un contrat moral qui visait à préserver un consensus national au sujet de l’intégrité territoriale de notre pays.

En tant que parti d’opposition, l’USFP militait évidemment pour la préservation des acquis du mouvement populaire et l’approfondissement d’un processus véritablement démocratique.

Les élections municipales et communales de novembre 1976 ont montré que l’USFP était largement représentative puisqu’elle est sortie majoritaire dans maintes municipalités urbaines et rurales. A Rabat, par exemple, elle dispose de 29 sièges sur 39. Nous pouvons citer Fès, Meknès, et à Casablanca, deux communes sur trois et pratiquement tout le sud y compris Agadir ou des capitales rurales telles Béni-Mellal ou ouvrières telle que Khouribga. Il faut dire que le holà a été donné, car les élections législatives qui ont eu lieu l’année d’après ont donné lieu à une manipulation éhontée et une manipulation sans bornes (juin 77). A la veille du scrutin, il a été suggéré de la part des plus hautes autorités du pays, comme d’ailleurs à tous les autres leaders de parti de négocier nommément le nombre de sièges qu’on leur prédestinait. Plus précisément, il a été déclaré en ce qui nous concerne qu’on pouvait avoir droit à plus de 75 députés. Tous les partis ont transigé sauf l’USFP, car c’était là porter atteinte à l’essence même de la démocratie.

Le lendemain, le premier secrétaire de l’USFP « perdait » le siège de la ville d’Agadir qui six mois auparavant, avait donné une majorité de 85 % à son parti. Notre groupe s’est vu réduit au nombre de quinze députés.

Malgré cela, l’USFP a mainte-nu entièrement son engagement vis-à-vis du processus démocratique, car nous croyons que la démocratie est un combat et non un cadeau.

Nous avons répondu avec responsabilité à un certain nombre de missions ponctuelles aussi bien à l’intérieur qu’a l’extérieur. Les dernières étant le colloque d’Ifrane en septembre 1980, sur l’enseignement et le colloque de Marrakech sur l’agriculture en février 1981.

Subitement notre parti fut l’objet d’agressions incompréhensibles (l’affaire du mariage du siècle et l’affaire du retrait de notre groupe du parlement actuel.

Nous restons fidèles à notre ligne qui vise à installer dans notre pays une démocratie authentique et des options socialistes au niveau économique, sociales et culturelles. Nous ne sommes pas une opposition domestiquée.

Depuis un quart de siècle, l’USFP a vécu épisodiquement dans des situations de ghetto. Nous pensons que la preuve a été faite à maintes, reprises qu’une telle politique ne résout aucun problème et en tout cas, n’est pas en mesure d’avoir raison de notre détermination. C’est donc aux gouvernants de prendre leurs responsabilités et de reconnaître leurs erreurs.


« Sire, Roi … »

En décembre 1952 déjà, l’Union Générale des Syndicats Confédérés du Maroc (U.G.S.C.M) décrète une grève générale de protestation contre l’assassinat de Ferhat Hached, leader syndicaliste tunisien assassiné par l’extrême droite à Tunis.

Des milliers de « casablancais » envahissent les rues pour protester contre la politique coloniale au Maghreb et en solidarité avec les syndicalistes tunisiens.

Les autorités françaises de l’époque invoquent un prétendu complot, et la troupe tire sur les manifestants. Des dizaines de marocains sont ainsi froidement assassinés. des milliers de personnes sont arrêtées. Les partis sont dissous, leurs journaux interdits.

Casablanca et sa population avaient déjà chèrement payé, leur espoir de voir naître un Maghreb uni et solidaire.

Ce fut ensuite la fin du colonialisme et l’ère des indépendances qui s’annoncent.

Mais depuis, et des années durant, chaque peuple de la région s’est recroquevillé sur lui-même, oubliant les espoirs d’hier.

Les superpuissances aidant, les conflits régionaux n’ont pas cessé. Le dernier en date. le conflit du Sahara a exacerbé le nationalisme des uns et des autres. On avait bel et bien enterré l’idée d’un Maghreb uni.

Le Maroc, qu’on appelle en arabe « El Maghreb El Aksa » (l’extrême Maghreb) s’enferme (comme les autres paye d’ailleurs), dans sa voie « spécifique ».

Une « spécificité » qui n’exclut pas le paradoxe.

Faut-il rappeler qu’il est un des premiers pays de la région à s’être engagé sur la voie de la démocratisation, toute relative qu’elle soit.

Il faudra alors rappeler aussi les multiples crises qui ont traversé le régime.

Rappeler que des milliers de jeunes ont croupi en prison (certains y sont encore) des années durant pour « délit d’opinion » et qu’ils avaient chèrement payé ce droit tout récent et tout relatif, qui vient de voler en éclat sous les balles des militaires contre les poitrines nues de la jeunesse :

Et tout le monde au Maroc de se souvenir d’un certain 23 mars 65, le jour où des milliers de jeunes ont envahi cette même Casablanca (décidément rebelle) criant leur révolte et leur espoir de lendemains qui chantent.

Aujourd’hui encore, les enfants de 65 n’ont pas oublié leurs aînés morts ou disparus. La capitale économique du Maroc se transformant tous les 20 ans en capitale de la colère.

A leur manière, et à la manière du petit peuple de Tunis un certain 26 janvier 78, ils ont crié leur haine du régime qui les gouverne.

Ce régime, qui en utilisant les mêmes méthodes que les colons qu’il dénonçait il y a à peine 20 ans, se disqualifie lui-même.

L’espoir de vivre mieux est partout présent. Même dans l’austère Algérie, qui fut pourtant pour nous presqu’un modèle. Mais le mouvement social rampant nous interpelle de la même manière. Il faut changer de cap tout de suite, avant qu’il ne soit trop tard. La démocratisation des régimes au Maghreb est une revendication qui parcourt toute la jeunesse de ces pays bien meurtris à l’aube de ces années 80.

Le changement intervenu récemment dans la direction politique française ne peut qu’accélérer ce processus irréversible.

Les trois pays ont les yeux tournés vers ce côté de la Méditerranée.

Le Maghreb des « Papa-libérateurs » n’a que trop vécu.

« On » peut le bricoler encore, avec un « zeste de démagogie, deux cubes de répression et beaucoup d’illusions ».

Mais quel gâchis pour en arriver à ce constat ! 200 morts et des milliers de blessés pour le droit de vivre.

Faudrait-il désespérer de voir un jour les changements profonds aboutir dans nos pays de manière pacifique ?

Pourtant nos peuples sont mûrs. Ils le montrent tous les jours.

Nos dirigeants le sont moins. Beaucoup moins. Ils nous le démontrent à chaque étape importante de notre histoire.

L’esprit de Bandoung a parait-il soufflé sur nos leaders « historiques ».

Cela a donné des malades au pouvoir : « sire Roi … ».

Casa 52-Cas 65-Casa 81 : Le Maghreb des peuples est peut-être en train de naître.

Casa l’insurgée en a lourdement payé le prix.

Mejid Ammar


Manifestation de soutien au peuple marocain
Samedi 27 juin à 14 heures à Barbès

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