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Octobre 1961, à Paris…

Article paru dans Front libertaire des luttes de classes, n° 20, 1er novembre 1972, p. 5

Quand l’ordre bourgeois justifie les crimes racistes.

Les attentats de l’O.A.S. se multiplient en France contre les antifascistes et la communauté algérienne. Avec la complicité de policiers français – qui leur laissent le champ libre – les tueurs de l’OAS font sauter les cafés musulmans en France, la fermeture obligatoire à 19 h de tous les cafés fréquentés par des arabes, et l’interdiction de se déplacer par groupes de plus de deux personnes.

Immédiatement la Fédération de France du FLN décide de répondre à cette nouvelle provocation en appelant à une manifestation de masse non violente pour le 17 octobre. Plus de 50 000 ouvriers algériens avec leurs femmes et leurs enfants suivront ce mot d’ordre à Paris et tenteront de se rassembler en divers points (quartier latin, Champs Élysées, grands boulevards …). Ils vont se heurter à une répression sans précédent : Paris est quadrillé par les troupes en armes du ministre de l’Intérieur Frey (police parisienne, C.R.S. et gardes mobiles), des autobus destinés au transport des manifestants arrêtés ont été réquisitionnés ainsi que le Palais des Sports et le stade Coubertin.

En quelques heures, près de 12 000 manifestants seront arrêtés et parqués dans les deux centres de tri mentionnés. Dans certaines stations de métro on pourra voir des dizaines d’Algériens debout, mains sur la tête, attendre plusieurs heures sous les coups et les injures avant d’être « amenés » aux centres. Dans les cars de police, les autobus et les centres les fascistes s’en donnent à cœur joie et passent à tabac systématiquement. Mais là n’est pas le plus grave : au quartier latin et sur les boulevards la police tire ; sur les quais on « casse du bougnoul » et on jette ensuite les blessés à la Seine qui, au cours des semaines suivantes, rejettera plusieurs dizaines de cadavres. D’autres manifestants furent littéralement kidnappés et assassinés dans des bois de banlieue. Le lendemain, 18 octobre, une nouvelle manifestation aura lieu, et les mêmes exactions se renouvelleront. Si le bilan officiel mentionne 3 morts et 64 blessés parmi les manifestants, officieusement, et bien qu’aucun bilan n’ait pu être établi, c’est plus d’une cinquantaine d’Algériens qui ont été assassinés, des milliers de blessés et plus de 2 000 expulsions. Un film « Octobre à Paris » tourné pendant les manifestations sera aussitôt saisi par le ministère de l’Intérieur.

Les responsables de cette boucherie ne seront jamais inquiétés : bien au contraire, quatre mois plus tard ils reprendront du service à Charonne.

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