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La lutte des classes en Algérie

Article paru dans L’Éveil internationaliste, n° 1, mars 1979, p. 16


Une discussion avec un ouvrier algérien a permis à un camarade de faire connaître au lecteur que la lutte de classe n’a pas de frontière et que le détachement des ouvriers des centrales syndicales a commencé, même en Algérie.

En 1971, un ouvrier comme beaucoup d’autres en Algérie est à la recherche d’un emploi. Enfin, dans ce pays en construction – où les capitalistes et l’état pré­fèrent construire des complexes touristiques destinés à leur classe et aux étrangers – notre ouvrier trouve du travail à la construction d’un hôtel.

Contrairement à ce que disent les informations algériennes, toutes les entreprises ne sont pas natio­nalisées. Il existe de nombreux capitalistes privés comme celui à qui notre camarade se trouve contraint d’aller vendre sa force de travail (ceux-ci, d’ailleurs seraient-ils nationalisés, que les conditions pour les ouvriers – exploitation et répression – resteraient les mêmes).

Si cette entreprise du bâtiment n’est pas étatisée, les ouvriers vont rapidement connaitre l’an­nexe du gouvernement, la filiale du parti gouvernemental, c’est-à-dire le syndicat officiel, l’UGTA. Cette machine à embrigader les ouvriers a pour rôle, outre de prélever les cotisations, de rependre l’idée bourgeoise nationa­liste qu’il faut « travailler pour construire une Algérie forte et ‘socialiste' » !

Notre compagnon, bien qu’exclu du FLN (le parti gouvernemental issu de la guerre d’indépendance) quelques années plus tôt pour avoir dénoncé publiquement des « bureaucrates-profiteurs », est proposé comme collecteur. Pour conserver son emploi sans trop d’ennuis il accepte de récolter les cotisations du syndicat.

Non seulement l’exploitation des ouvriers allait bon-train, mais leur paie n’arriva pas à la date prévue.

Comme dans tous les pays capitalistes la colère des ouvriers gronde quand le gagne pain n’arrive pas. Déjà que les prolétaires ne gagnent pas l’équivalent de la valeur qu’ils ont donnée à la pierre ou à la ferraille (puisque un salaire représente juste ce qu’il faut à l’ouvrier pour se maintenir en état de travailler lui et sa famille), ce salaire ne leur est souvent remis que très tard.

Dans le cas qui nous intéresse, la date fixée étant le 8, et les paies n’étant pas versées à ce jour, les ouvriers derrière 4 camarades, dont notre ami, décla­rent par dessus la tête du syndicat qu’ils donnent 2 jours au patron pour payer, sinon… le travail cessera.

Ce qui fut fait le 10, à l’unanimité moins les délégués syndicaux : 300 gars posent truelles et pioches et attendent leur maigre dû. (1)

La réponse du capital est rapide. Après discussion entre patron et syndicat, ce sont les délégués du syndicat local qui viennent rappeler aux ouvriers que, « dans ce pays socialiste, la grève est interdite » ! « Et ne pas payer les travailleurs, c’est autorisé peut­-être ? » répondent les grévistes à l’officine gouvernement­ale qu’est l’UGTA.

Après cet échec pour briser la grève, le patron a fait appel aux forces de l’ordre : c’est mitraillette au poing que les flics « socialistes » tentent d’entrainer en prison les 4 portes-parole des grévistes. « Il faut nous enfermer tous » protestent les 300 grévistes solidaires.

Cette solidarité exemplaire pour réclamer ce qui n’est que le prix de leur esclavage, fait reculer le patron qui fait verser les salaires le jour même.

Et l’exploitation reprend…

Vient le jour de la cotisation syndicale. Le délégué vient voir notre ami qui le reçoit ainsi : « Nous, les ouvriers, nous ne vous devons rien ! », et il l’envoie chercher ses cotisations lui-même ; les ouvriers lui font la même réponse. C’est avec leur accord qu’il rend en bloc les cartes syndicales. Pour cette attitude exemplaire dans la lutte contre la bureaucratie, notre ami subira plusieurs pressions qui lui feront quitter le chan­tier avant la fin.

Ce récit est une lueur de clarté dans ce pays où règne l’exploitation que n’arrivent pas à cacher les mensonges des tenants du socialisme algérien.

Ce début de rupture d’avec les syndicats défenseurs du capitalisme, qu’ils soient gouvernementaux comme en Algérie, ou d’ « opposition » comme en France, il nous faut le développer dans tous les pays. C’est la preuve de l’urgence de créer rapidement une direction ouvrière mon­diale ayant ses antennes dans chaque pays capitaliste « libéral », comme dans ceux où l’état capitaliste collectif se dit socialiste, bref dans tous les pays du monde.


NOTE

(1) En Algérie les salaires sont restés très bas, tandis que le coût de la vie a fortement augmenté ainsi que les inégalités sociales. En 1978 un ouvrier du secteur « autogéré » (coopérative agricole) touche 800 Frs par mois, au plus 1250 Frs par mois pour un coût de la vie presque comparable à celui de la France.

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