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Jim Crow : La souffrance des Noirs aux Etats-Unis et en Afrique

Article signé Jim Crow paru dans L’Humanité, 8 avril 1928, p. 3

La race noire souffre non seulement d’une oppression impérialiste et d’une exploitation capitaliste pires que celles des ouvriers blancs, mais elle est assujettie de plus au martyre des préjuges de races, habilement entretenus par les exploiteurs capitalistes et leurs complices, les réformistes, parmi les ouvriers blancs non conscients. De ces préjugés est né ce qu’on appelle en Amérique le « Jim Crowism » (mesures appliquées contre « Jim le corbeau », sobriquet donné aux nègres) qui va de l’interdiction aux noirs de voyageur dans les infimes wagons que les blancs jusqu’au lynchage.

Aux États-Unis, dans ce pays « le plus démocratique du monde », l’esclavage existe toujours sous une forme voilée dans les États du sud. Les noirs n’y sont pas autorisés à marcher sur les trottoirs réservés aux blancs. Ils n’ont pas le droit de fréquenter les écoles, les églises, les théâtres, les restaurants, les places publiques, les promenades, etc., des blancs. Le lynchage y est aussi plus fréquent que dans les États du nord.

Les métiers bien rémunérés sont interdits aux ouvriers noirs par les organisations de l’American Fédération of Labor. Beaucoup de syndicats n’acceptent pas d’adhérents noirs, tandis que ceux qui les tolèrent les mettent dans des conditions humiliantes. C’est ainsi que, par exemple, le 29 février 1928, la Journeymen Barbers International Union (syndicat des coiffeurs) a décidé que les membres noirs de l’Union devront tenir leurs réunions dans des locaux séparés de ceux des blancs.


La situation des ouvriers noirs est très misérable. Ils sont extrêmement mal payés et mal logés. De toutes les couches travailleuses, ce sont eux qui sont frappés le plus durement par la mortalité et le chômage. D’après un récent rapport du gouverneur de New-York, il y a pour chaque place vacante onze compétiteurs noirs. En représentant de l’American Negro Labor Congress a déclaré, il y a quelques semaines, que

« la race noire en Amérique est menacée d’extermination, non pas à coups de fusil comme ce fut le cas pour les peaux rouges, mais d’une extermination causée par l’abaissement progressif du niveau, économique, social et culturel ».

Pour prévenir cette catastrophe, les ouvriers noirs des États-Unis ont commencé à s’organiser. Outre les anciennes « mutuelles » telles que la Railwaymem Brothers Hood et autres, ils viennent d’organiser à Chicago, au commencement du mois de mars, l’American Consolidated Trades Council. Ce nouveau Conseil groupe toutes les organisations ouvrières noires en vue d’unifier et d’élargir leur mouvement. En janvier dernier, la Progressive Labor League a été organisée à Milwaukee. Elle groupe fraternellement dans son sein les ouvriers blancs et noirs dans sa déclaration, elle s’est prononcée pour l’unité des ouvriers de tous les pays sans distinction de races, pour l’amélioration des conditions d’existence des travailleurs blancs et noirs pour l’abolition de la « Color Bar » (barrière de couleur) surtout dans les Trade Unions et pour la solidarité entre les races.

Comme les nègres d’Amérique, ceux de l’Afrique subissent la même misère, la même exploitation, le même joug du « Color Bar ». En Afrique comme en Amérique, les réformistes se font complices de l’impérialisme contre les ouvriers noirs.


Lorsque le gouvernement de l’Afrique du Sud promulgua le « Sédition bill » interdisant aux noirs de faire de la propagande syndicale et punissant sévèrement tout ouvrier noir qui quitterait son emploi sans autorisation du patron, lorsque les colons organisés jetèrent sur le pavé tous les ouvriers noirs syndiqués, le Comité exécutif du South African Labour Party (organisation de blancs) adopta une résolution demandant au Labour Party d’Angleterre de ne pas intervenir dans la question des races. La même résolution refusa d’admettre l’Industrial and Commercial Workers Union (syndicats des noirs) aux Trade Unions Congress, « les noirs étant encore à l’état demi-sauvage ».

Dernièrement, le gouvernement anglais vient de nommer une commission à l’effet de rechercher les moyens d’une coopération plus effective entre les blancs et noirs. Mais les indigènes ont senti le piège. La Kikuyu Central Association, représentants les grandes tribus de Kenya, a adressé à cette commission une protestation énergique dans laquelle elle exige en même temps dés garanties pour le peu de terres qui leur restent, le droit de représentation au conseil législatif, l’abolition du travail forcé imposé aux indigènes au profit des blancs, l’amélioration des conditions des indigènes, etc.

En Afrique comme en Amérique, les travailleurs noirs se rendent de plus en plus compte de leur état d’oppression et d’exploitation inouïes. Bien qu’il existe encore certaines illusions en la démocratie bourgeoise, la conviction que la seule possibilité de salut est dans une alliance avec les peuples et classes opprimés du monde entier et dans la révolution organisée contre le capitalisme impérialiste, progresse néanmoins d’une façon incessante.

JIM CROW.

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