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La situation effroyable en Algérie où l’on tue pour tuer

Article paru dans La Voix du peuple, mai 1962, p. 4 et 2


Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, les premiers coups de feu étaient tirés à travers l’ensemble du pays. La Révolution Algérienne préparée de longue date était déclenchée et pendant plus de sept ans des milliers d’Algériens sont morts pour la liberté, la dignité et la restauration nationale. Chaque Algérien endura des souffrances terribles et cette terre qui force l’admiration de par le monde, par des gestes faits de noblesse et de courage continue de cristalliser autour d’elle l’inquiétude la plus vive, car son devenir le plus immédiat est pour le moins entaché d’horreurs et de crimes qui ne relèvent plus du bon sens humain mais de la simple vertu psychiatrique.

Après que 365 longs jours de l’année écoulée eussent été entièrement consacrés aux contacts secrets et aux négociations durant lesquels le peuple Algérien fut soumis à une véritable douche écossaise, on annonça les accords d’Evian qui devaient porter en eux, selon leurs promoteurs, l’augure d’une paix et d’une indépendance prochaine. Depuis le cessez-le-feu, la situation en Algérie, ne s’est en fait que plus aggravée. Bien plus, jamais le lot quotidien des victimes de la violence stupide et criminelle des uns et des autres n’a été aussi élevé. On continue de tuer dans l’impunité la plus totale et l’Algérie dont la Révolution devait lui ouvrir la voie combien exaltante de la démocratie et de l’humanisme, offre le spectacle d’un pays déchiré et vivant dans la peur et la panique.

Jamais paix, jamais ses lendemains ne furent aussi tristes ! Pour notre peuple, le cessez-le-feu devait marquer le retour à l’apaisement dans les cœurs et les esprits. La tourmente d’hier fait place aujourd’hui à la folie : en Algérie on tue pour tuer.

Un groupe de fanatiques rétrogrades, fascistes et assassins veulent imposer la continuation de l’exploitation coloniale en tentant de faire reculer la roue de l’histoire, obligeant, par la force, leurs compatriotes à les suivre dans le gouffre. Leur but est atteint, la haine et le mépris envahissent chaque jour un peu plus les couches des communautés algériennes et la possibilité d’entente du moins s’évanouit de jour en jour.

Matérielle cette réalité est bien plus encore politique, car si les petits blancs racistes forment avec les colons de la Mitidja et de l’Oranais le support logistique de l’O.A.S., il reste que ceux-ci sont encadrés par des éléments étrangers à la terre algérienne et dont l’ambition politique fut démontrée à suffisance par les actes auxquels déjà dans un récent passé ils se sont adonnés. Ils chevauchent des chimères, le partage du pays restant l’objectif premier de ceux qui les suivent, un tremplin pour ceux qui dirigent.

Après avoir longtemps été en fait un instrument entre les mains d’un gouvernement, ayant entouré ses actes criminels de la plus grande immunité et ayant limité son action à de simples proclamations, aujourd’hui des mesures plus radicales sont annoncées. Il semble que les responsables tendent à mettre un terme à des tolérances trop longtemps permises et qui constituaient un apport considérable à l’organisation fasciste O.A.S. Des mesures exemplaires visant des personnalités ultras ont été prises. Des mesures de dissolution visant des organisations ultras telle l’A.G.E.A.(Association Générale des Etudiants d’Algérie) l’ont été également. Un pas « en avant », pour reprendre l’expression d’un quotidien du soir français a été fait dans la lutte sans cesse retardée contre l’O.A.S.

Le caractère aléatoire de ces mesures n’est pas à démontrer et bien plus pour des raisons politiques que techniques, l’organisation secrète reste malgré tout dans l’esprit des cercles gouvernementaux français une des garantes de l’association de l’Algérie à la France telle que l’ont préfigurée les accords d’Evian. Ceci expliquerait pour une large part nos préventions, tandis que le rôle criminel des Argoud et Susini apparaitrait désuet et sans fondement sitôt la formalité de l’association accomplie.

En attendant, jamais l’Algérie n’a été aussi marquée par les événements qu’elle traverse. L’aveuglement du FLN qui lança dès 1956 sous l’œil bienveillant et quasi approbateur des autorités colonialistes de l’époque, une vague d’attentats terroristes, frappant indistinctement aussi bien les policiers que l’ouvrier européen aboutit, on le sait, au résultat le plus clair qui fut de souder autour d’une politique de guerre à outrance au peuple algérien toutes les classes incluses au sein de la communauté européenne. Dès les débuts de la Révolution et bien plus dès l’implantation du nationalisme révolutionnaire et émancipateur en terre algérienne, notre Parti fut en permanence dominé par le souci et le devoir de mener une politique spécifique, visant à détacher la classe ouvrière européenne des tenants de la grande colonisation. Les appels à la raison, lancés présentement par le F.L.N., les avertissements des autorités françaises réitérés quotidiennement parviendront-ils à des gens qui ont cessé depuis longtemps de respecter le pouvoir qui, soit dit au passage, réside dans les buildings délabrés par le plasticage ? Chacun sait en effet, les difficultés qu’éprouve l’exécutif provisoire dans l’accomplissement de sa mission. La confusion, l’impatience grandissante du peuple devant les agissements criminels et pernicieux de l’O.A.S. d’une part, la carence comme l’impuissance de ceux qui ont mission d’assurer l’ordre d’autre part, contiennent les germes d’un risque de congolisation que seul un retour prompt et rapide au bon sens peut éviter.

Depuis le cessez-le-feu, la politique criminelle d’extermination du F.L.N. engagée contre les militants du M.N.A. connaît une vigueur brûlante.

Enlèvements, égorgements, se succèdent à une allure infernale, tandis que le F.L.N. reprend à son compte aujourd’hui les usages honteux employés hier par le colonialisme le plus forcené : la déportation arbitraire. Ainsi des dizaines de familles se sont vues expulsées manu militari de leurs habitations pont des gourbis malsains aux environs de Bou-Saâda.

A travers tout le territoire national, une véritable entreprise de liquidation fomentée par le F.L.N. rappelle ce que ces mêmes gens endurèrent pendant les longues luttes qu’ils ont consenties généreusement durant la lutte contre le colonialisme.

Ces luttes entre Algériens ayant la même communauté de destin font des milliers de victimes et enlèvent au peuple ses meilleurs fils. Nous osons croire que la sagesse politique prévaudra. A défaut, notre pays meurtri connaîtra le pire des lendemains et le chaos le plus total.

La réalisation de l’union et du rapprochement entre tous les Algériens revêt dans les circonstances actuelles un caractère vital, elle constitue l’espoir de tout un peuple et la condition première de la construction de la République Algérienne sur des bases démocratiques et sociales qui rayonnera dans tout le bassin méditerranéen.

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