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Libérez Claude Gérard

Articles parus dans Nouvelle Gauche, 1ère année, n° 5, 10 juin 1956, p. 2 puis Nouvelle Gauche, n° 6, 24 juin 1956, p. 7

Militante catholique, Claude Gérard entra dans la Résistance en 1940, à Lyon, au mouvement « Combat » ; traquée par la police, elle passa dans le Limousin, où elle devint l’adjointe d’Edmond Michelet, responsable régional de « Combat ». En 1943, elle assura la coordination et le commandement des maquis de l’A.S. du Limousin. Arrêtée en 1944 par la Gestapo et horriblement torturée, elle fut sauvée au dernier moment par l’action de la Résistance et des troupes alliées.

Après la Libération, elle adhéra au M.R.P. et entra au cabinet de Michelet, alors ministre des Armées. Elle fut en tant que commandant A.F.A.T. chargée d’une mission à Madagascar pendant la grande répression de 1947. C’est là qu’elle fut témoin pour la première fois de l’envergure et de la brutalité des représailles coloniales. Elle assista même, impuissante, à l’interrogatoire sous la torture d’un officier rebelle. Cette scène atroce, pendant laquelle elle faillit s’évanouir (« mais je tenais bon », disait-elle, « pour pouvoir raconter à mon retour »), décida de sa vocation. A son retour en France, elle se consacra entièrement à la lutte pour les populations coloniales dont elle avait ignoré jusque-là les souffrances. Elle a fondé une agence d’informations coloniales « Inter-Afrique Presse ». Elle a effectué récemment une enquête dans les maquis M.N.A. d’Algérie, à la suite de laquelle elle a publié un article dans l’hebdomadaire socialiste « Demain », dans le journal marocain « El Alam », ainsi que dans l’hebdomadaire catholique « La Vie populaire ». « L’Observer », de Londres, a publié un interview d’elle sur le même sujet. Son arrestation a causé une immense indignation dans les milieux de la Résistance. Un Comité de défense, présidé par Emile Kahn, président de la Ligue des Droits de l’Homme, a été immédiatement formé, auquel le Comité de Rédaction du journal « Nouvelle Gauche » a donné son adhésion.


Protestations des avocats de C. Gérard

Un journal du soir, de création récente, a publié au sujet de Claude Gérard un article, non signé, dont le titre et le texte présentent un caractère absolument inadmissible.

Les défenseurs de Claude Gérard, qui est actuellement détenue et dans l’impossibilité de répondre, pensent qu’il est de leur devoir de s’élever contre les allégations contenues dans cet article.

Ils estiment grave qu’au début d’une information judiciaire, alors que l’inculpée est une femme, une journaliste, héroïne de la guerre, emprisonnée au surplus et sans communication avec l’extérieur, un de ses confrères n’hésite pas à la présenter comme traître à son pays en faisant état de documents dont ni l’intéressée ni ses défenseurs n’ont pu avoir jusqu’alors connaissance et qui se trouveraient dans un dossier d’instruction ouvert à Alger et préservé par le secret.

Ils stigmatisent le procédé qui consiste à rapporter des faits, à reproduire des citations – d’ailleurs isolées dans leur contenu – alors que l’auteur de l’article n’a pu en vérifier ni l’authenticité, ni l’exactitude, ni le sens.

Un tel procédé, absolument contraire aux traditions de la presse française, est, au surplus, de nature à nuire gravement à la justice par la suspicion dont il peut frapper dans l’esprit du public ceux qui, par leurs fonctions, sont tenus au secret professionnel.

HERISSE, avocat à la Cour de Paris.
DECHEZELLES, avocat à la Cour de Paris.
Gisèle HALIMI, avocate à la Cour de Tunis.
Roland DUMAS, avocat à la Cour de Paris.

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