Textes parus dans Le Libertaire, n° 473, 5 avril 1956, p. 1
NOTRE camarade Pierre MORAIN, condamné à un an de prison pour sa lutte anticolonialiste, est sorti de la prison de la Santé. Pierre Morain a subi, dès son incarcération, le régime cellulaire, ce qui explique sa sortie, au bout de 9 mois de détention. Mais il ne fait aucun doute, camarades, que notre action a contribué à faire capituler la réaction : les initiatives du Comité de Libération P. Morain, qui nous ont attiré beaucoup de sympathie ; l’action dynamique et tenace du M.L.A. qui a secoué l’opinion partout, et à travers tout cela, la lutte journalière – la plus difficile à mener – de tous les militants et sympathisants de la F.C.L., chacun dans leur secteur.
Pierre Morain serait resté emprisonné jusqu’à son prochain procès, si nous ne nous étions pas battus pour obtenir sa libération. CAR PIERRE MORAIN N’EST PAS QUITTE AVEC LA JUSTICE BOURGEOISE. Les articles qui l’ont fait condamner, porteraient atteinte à la sureté extérieure de l’Etat (f. ; article 80, qui prévoit des peines de 1 à 10 ans de prison !).
Un nouveau procès, plus grave peut-être encore que le premier, se prépare.
C’est jeudi 29 mars, à 8 h. 30, que nous sommes allés accueillir Pierre Morain. Une importante délégation beaucoup plus nombreuse que nous ne l’avions prévu, attendait à la sortie de la Santé. C’est avec une émotion et une fierté formidable que nous avons retrouvé notre camarade. Mais seuls ceux qui comprennent le sens profond du mot « liberté », ressentiront peut-être ce qu’a éprouvé Pierre Morain en quittant ses geôliers et en retrouvant ses amis.
Le soir même, une grande assemblée, groupant tous les camarades de la région parisienne, a fêté la libération de Pierre Morain aux accents de l’Internationale, dans un enthousiasme indescriptible, mais qui n’excluait pas, d’ailleurs, une certaine gravité dans tous les cœurs.
Notre camarade Pierre Morain est parmi nous. Nous voulons qu’il y reste. Nous lutterons pour cela.
Salut des camarades algériens à Pierre Morain
Combien nous sommes contents de savoir que Pierre Morain est libéré des griffes des réactionnaires.
La raison de son arrestation, c’est d’avoir mené une lutte anticolonialiste et d’avoir été solidaire de nos compatriotes pour le défilé du 1er Mai à Lille.
Parmi les Algériens arrêtés avec lui, trois au moins ont été transférés dans les camps de concentration.
Ce militant communiste libertaire a profondément lié l’amitié de nos deux partis révolutionnaires.
Un groupe d’Algériens organisés.
après sa libération PIERRE MORAIN déclare
CAMARADES,
Malgré le black-out des informations, j’étais certain que la F.C.L. continuait, malgré tous les procès, sa magnifique lutte révolutionnaire. Mais libéré, j’ai constaté que cette certitude était loin au-dessous de la réalité. J’ai retrouvé un parti non changé mais amplifié en militants, en action, en influence.
AMPLIFIE EN NOMBRE DE MILITANTS :
Que de nouveaux militants rencontrés ces jours-ci à notre siège ! Militants au sens réel du terme, c’est-à-dire donnés entièrement à la cause révolutionnaire et sachant combattre avec efficacité. Parmi ces militants nouveaux, plusieurs de province avaient déjà à leur tour découvert et formé de nouveaux militants F.C.L. et M.L.A. Quant aux camarades déjà membres de notre parti, il y a neuf mois, plusieurs ont changé de professions, chassés des entreprises par la peur patronale devant leur action, ou simplement partis d’eux-mêmes pour mener une action plus urgente dans une profession que dans une autre. Ils donnent un exemple vivant de désintéressement personnel au profit de la lutte révolutionnaire qui seule doit compter.
AMPLIFIE EN INFLUENCE :
La F.C.L. est devenue, à peine trois ans après sa création, un parti qui, par ses positions, son action, compte dans la classe ouvrière, le seul représentant, au côté de nos frères algériens, de la volonté révolutionnaire des travailleurs, mais aussi un parti qui fait trembler la bourgeoisie. La répression menée contre la F.C.L. le prouve.
AMPLIFIE EN ACTION :
Actions positives, courageuses, dans la lutte politique, anticolonialiste, de quartier.
Notre lutte ira en s’amplifiant, car colonialistes, capitalistes et fascistes, dans la rage de ne pouvoir mener à leur aise leurs saloperies et l’exploitation, augmentent leur répression réactionnaire sous la couverture d’un gouvernement « socialiste ». Au moment où j’écris, C.R.S. et Police arrêtent tous les Algériens qu’ils rencontrent dans les rues de Paris. Ce matin, les locaux de « France-Observateur » ont été perquisitionnés, Claude Bourdet arrêté. Hier, à Longwy, les travailleurs algériens en grève ont été matraqués, tandis que les bombes pleuvaient sur la population civile en Algérie.
Voilà les pleins pouvoirs !
Camarades ! Depuis de nombreuses années, jamais la situation n’a présenté un tel impératif de lutte révolutionnaire à la classe ouvrière. Que par notre action, le prolétariat le comprenne avant qu’il ne soit trop tard. Et que le 1er Mai 56 soit une journée de lutte et non de trahison !
P. MORAIN.
