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40.000 Algériens manifestent à Paris derrière le MTLD à l’occasion du 14 juillet. La police tire – 7 morts – Plus de 150 blessés

Articles parus dans L’Algérie libre, 5e année, n° 72, 24 juillet 1953, p. 1 à 3

. Pour le respect des libertés démocratiques
. Pour le retour de MESSALI HADJ en Algérie
. Pour la cessation des poursuites engagées contre les dirigeants nationaux
. Pour la libération des détenus politiques


Chaque année, derrière le MTLD, les Algériens émigrés en France défilent le 14 juillet pour affirmer leur droit à la vie et à la liberté.

Ce 14 juillet, plus de 40.000 Algériens unis derrière leur parti d’avant-garde en un cortège compact, distinct des autres cortèges des organisations françaises et avec leurs mots d’ordre politiques propres, ont manifesté de la Bastille à la Nation.

A la suite d’une provocation policière préméditée ce 14 juillet fut ensanglanté. Les faits eux-mêmes suffisent à démontrer le caractère prémédité de l’agression et de la fusillade policières. Déjà vers 1 heure de l’après-midi un militant connu du MTLD fut interpellé par un commissaire de police qui lui déclara : « Où sont les manches de pioches ? » N’est-ce pas que quelque chose se préparait déjà ?

Au moment où les derniers groupes du cortège algérien se disloquaient au même endroit que les groupes précédents formés par les manifestants français, les policiers se ruèrent sur le cortège et matraquèrent sauvagement les travailleurs algériens. Sans sommation et dès la première bousculade, les policiers se mirent à tirer froidement sur la foule. Ivres de rage, ils tirent dans le tas. De nombreux blessés ruisselants de sang, gisant par terre, sont assaillis par d’autres policiers. Contrairement aux allégations de la presse réactionnaire française et du ministre de l’Intérieur, le cortège n’avait pas l’intention et n’a pas emprunté le cours de Vincennes pour se disperser. Les derniers groupes, comme les premiers, ont suivi l’ordre de dispersion en empruntant les artères prévues.

Par ailleurs, cette même presse a tenté de faire croire que « des Nord-Africains du Parti Communiste français » ont provoqué des « bagarres ». Honte à cette presse servile qui se sert du mensonge pour justifier les crimes du gouvernement de son pays. Honte à ces journalistes qui au lieu d’écouter leurs consciences pour dire la vérité et dénoncer le crime, dénaturent les faits et se font les complices des assassins.

La préméditation de la tuerie du 14 juillet est nette. La responsabilité du Gouvernement français est grande quoi qu’en dise M. Martinaud-Déplat. C’est la police qui a tiré sur de pacifiques manifestants qui réclamaient, entre autres, le respect des libertés démocratiques en Algérie. Cette tuerie, après Charleville, Montbéliard et Le Havre, vient allonger la liste des victimes des précédentes provocations qui ont été, depuis 1950, dirigées spécialement contre les Algériens résidant en France, poursuivis par un racisme forcené. Encore une fois on a tiré sur nos compatriotes. Cette fois en plein centre de Paris le jour de la fête de la liberté. A noter qu’aucune arrestation n’a été opérée ni au cours de la manifestation, ni immédiatement après les fusillades. Aucune arme n’a été trouvée sur les manifestants.

Aujourd’hui comme hier, seuls les gouvernants portent la responsabilité des actions répressives qui conduisent aux massacres. Mais aujourd’hui comme hier également, le peuple algérien derrière le MTLD, qu’appuient sans réserve tous ceux qui ont conscience des dangers que comporte une politique de répression systématique, poursuivra sa lutte libératrice qui le conduira inéluctablement à la liberté et au bien-être auxquels il aspire de toutes ses forces.


UNE PREUVE SUPPLEMENTAIRE DU RACISME POLICIER

Un inspecteur de police de service le 14 juillet, entre la Bastille et la Nation, Algérien d’origine, fut pris à partie comme tous ses compatriotes au teint bronzé. Il décline son identité en exhibant sa carte de policier. Il n’en fut pas moins matraqué sauvagement par ses collègues policiers français. Blessé sérieusement il fut hospitalisé.

Le racisme ne distingue pas le policier du patriote. Que ceux qui font de l’excès de zèle y réfléchissent !


Le vrai problème

Les dramatiques événements dont la place de la Nation fut le théâtre le 14 juillet dernier ont donné lieu à d’abondants commentaires.

Les protestations ont été nombreuses. Tous ceux qui gardent encore un minimum de probité ont exprimé leur indignation devant cette monstrueuse agression policière et ont dénoncé une fois de plus le racisme et la politique colonialiste qui demeurent les véritables causes de ces périodiques hécatombes.

Mais la presse aux ordres a saisi cette occasion pour déverser sur nous tout son fiel. Couvrant de ses sarcasmes, non les gouvernants et la police responsables, mais ceux que l’on assassine, elle a tenté de justifier scandaleusement le crime sans que cela provoquât l’indignation d’une fraction importante de l’opinion française. Pourtant il s’agit là d’une attitude contre laquelle le peuple français a peut-être plus de raisons que nous de réagir parce qu’elle procède d’un dangereux état d’esprit anti-démocratique, anti-constitutionnel et anti-républicain déterminant une véritable contre-révolution qui a déjà réussi à détruire certaines libertés et certains droits si péniblement arrachés aux régimes antérieurs à la République.

Toutefois, ne pouvant nier que la tragique journée du 14 juillet signifie en fait que « tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes« , on a tenté, avec une merveilleuse cohésion, de déplacer le problème et de prouver qu’il suffirait de quelques réalisations sociales, de quelques toits et de quelques morceaux de pain pour que les Algériens soient enfin satisfaits, qu’ils cessent par conséquent de manifester, donc de se faire tuer. Tout cela était dit avec ce ton paternaliste dont nous connaissons les tenants et les aboutissants.

Certes, l’émigration algérienne en France pose des problèmes d’ordre social et économique. Et nous applaudirons pour notre part à toutes les mesures susceptibles d’améliorer les conditions de vie de nos « émigrés de la faim ». Mais ce ne peut être là qu’un aspect d’un problème à la fois plus vaste et plus complexe.

En effet, si les Algériens émigrent c’est qu’une misère entretenue les chasse de leur pays dont les richesses sont exploitées au profit exclusif d’une minorité de privilégiés. Il est bon que tel ouvrier nord-africain trouve en France un toit et un travail rémunérateur – ce qui, hélas, est bien rare – mais cela ne peut lui faire oublier que la misère touche des millions de ses compatriotes dont le nombre ira grandissant tant que leur pays restera soumis à la domination politique et économique du ne peut lui faire oublier qu’il appartient à un peuple qu’on a spolié, qu’on a réduit à l’esclavage et qui aspire de toute son âme à une vie digne et libre.

N’est-ce pas, du reste, pour le respect des libertés démocratiques, le retour de MESSALI HADJ en Algérie, la libération des détenus politiques et la cessation de la répression, donc pour des objectifs politiques que les Algériens ont défilé ce 14 juillet sanglant ?

Oui, le problème est d’ordre politique. Il ne peut y avoir de liberté, de justice sociale et de bien-être dans le cadre des institutions coloniales qui visent avant tout au maintien de la prépondérance d’une minorité de profiteurs, prépondérance dont les inévitables corolaires sont la misère et l’assujettissement du peuple colonisé. Par delà les massacres du 14 juillet, voilà ce qu’on découvre lorsqu’on veut aller au fond des choses.

Ni les déclarations verbeuses des Gouvernants, ni les dissertations commandées des journalistes dont la servilité déshonore la profession, ne pourront modifier les données d’un problème qui ne peut trouver sa solution que dans la destruction du régime colonial et l’institution d’une véritable démocratie garantissant à tous les droits et les libertés proclamés par les Chartes internationales.


De nombreuses personnalités et organisations condamnent l’agression policière du 14 juillet

De nombreuses personnalités françaises, témoins des massacres du 14 juillet ont tenu à publier des déclarations pour rétablir les faits que la presse dévouée aux intérêts colonialistes avait tenté de dénaturer.

Nous en reproduisons ci-dessous quelques-unes parmi les plus significatives.

EMMANUEL D’ASTIER
Député

« J’interpelle le gouvernement sur le tragique incident, sur la véritable tuerie qui a ensanglanté la manifestation populaire traditionnelle du 14 juillet. J’ai été le témoin oculaire de ces incidents. La provocation policière ne fait aucun doute. Le cortège était autorisé, aucun règlement de police n’avait été enfreint à aucun moment.

« Tous les témoins, ceux qui étaient aux fenêtres de la rue, ont vu les policiers matraques en main, chargeant un groupe d’Algériens pour se saisir de pancartes et d’un portrait de Messali Hadj, alors que la dislocation s’effectuait normalement, hâtée par la pluie battante.

« Chacun a pu voir que les policiers, d’abord repoussés, sont revenus en force et ont « tiré dans le tas », ce qui a déchaîné la rage de milliers d’hommes.

« Ce matin, M. Martinaud-Déplat, dans son communiqué, parle de « légitime défense ». Nous savons que les policiers se trouvent toujours en état de légitime défense, même quand ils matraquent un photographe isolé. M. Martinaud-Déplat, dans un langage curieux, oppose ce qu’il appelle les « éléments européens » du cortège aux éléments « nord-africains ». Nous voyons là un écho de méthodes policières racistes qui cherchent à dresser les Français contre les Algériens qu’on matraque et contre lesquels on tire si aisément à Paris comme à Valenciennes. »

LOUIS DE VILLEFOSSE

« Je ne puis fournir de témoignage sur l’origine immédiate des sanglants événements qui ont éclaté, cours de Vincennes, hors de vue de la tribune, vers la fin d’un défilé qui, jusque-là, s’était effectué sans le moindre incident. Toutefois, leurs causes profondes, je les connais bien. Théoriquement « citoyens français musulmans », les Algériens sont en pratique traités en étrangers sur leur propre sol et privés de toutes les libertés politiques, de tous les droits sociaux garantis par la Constitution. Les élections sont grossièrement truquées, l’opposition est réduite au silence par un régime policier qui parfois emploie des méthodes de torture renouvelées de la Gestapo, et la misère de la majorité de la population, dépouillée de ses terres, est atroce. C’est chassés par la faim que les chômeurs d’Algérie, privés des allocations familiales, émigrent en masse en France dans l’espoir d’y trouver du travail et de permettre à leurs familles restées là-bas de manger du pain.

« Puisse le drame d’hier ouvrir les yeux de tous les hommes de cœur sur la tragédie du peuple algérien et contribuer à mettre un terme à des iniquités depuis longtemps dénoncées par les observateurs les plus impartiaux, à une situation aussi nuisible à l’amitié des deux peuples qu’incompatible avec les traditions démocratiques de la France. »

Albert CAMUS

Albert CAMUS écrit au journal « Le Monde » :

« Un certain nombre de vos lecteurs dont je suis, n’auront pas appris sans une certaine admiration qu’en conclusion de la tuerie du 14 juillet le gouvernement avait ouvert une information contre X pour violences à agents. Il y a là en effet un assez bel exemple de cynisme.

« Quand on constate encore que la plupart des journaux (le vôtre est parmi les exceptions) couvrent du nom pudique de « bagarres » ou d’ « incidents » une petite opération qui a coûté sept morts et plus d’une centaine de blessés, quand on voit enfin nos parlementaires, pressés de courir à leurs cures, liquider à la sauvette ces morts encombrants, on est fondé, il me semble, à se demander si la presse le gouvernement, le Parlement, auraient montré tant de désinvolture dans le cas où les manifestants n’auraient pas été Nord-Africains, et si, dans ce même cas, la police aurait tiré avec tant de confiant abandon. Il est bien sûr que non et que les victimes du 14 juillet ont été un peu tuées aussi par un racisme qui n’ose pas dire son nom.

« Mais, comme il est difficile de laisser croire que cette attitude puisse être partagée par tous les Français, il me semble encore que nous devrions être au moins quelques-uns à réclamer des maintenant, en dehors de tout esprit de parti, une autre enquête qui concernerait d’abord, et certainement, ceux qui ont donné l’ordre d’ouvrir le feu, mais qui, de plus, poursuivrait, jusque dans les milieux gouvernementaux, celle très ancienne conspiration de bêtise, de silence et de cruauté qui déracine les travailleurs algériens, les fait vivre misérablement dans des taudis et les désespère jusqu’à la violence pour les tuer à l’occasion.

« En vous remerciant de votre hospitalité, je vous prie de croire, monsieur le directeur … »

GILLES MARTINET
rédacteur en chef de
« L’OBSERVATEUR »

« Quand on a vu comment s’est déroulée la manifestation de mardi, c’est absolument ahurissant de penser qu’elle a pu donner lieu à des incidents sanglants. On ne peut expliquer ces incidents qu’en mettant directement en cause le Ministère de l’Intérieur et la Préfecture de Police, qui ont, depuis des mois, attisé chez les CRS et les brigades urbaines une véritable haine à l’égard des Nord-Africains et des militants ouvriers.

« Aussi l’opinion doit-elle réclamer avec énergie que des sanctions sévères soient prises et exiger en premier lieu le départ de M. Baylot. »


Protestations des organisations démocratiques françaises

De nombreuses organisations démocratiques françaises ont publié à leur tour des protestations contre les tueries du 14 juillet. Citons entre autres celles du PCF, de la CGT, du Secours Populaire Français, du Congrès des peuples anti-impérialistes, du Comité Universitaire pour la défense des libertés, de l’Union des Femmes Françaises, de l’Association des travailleurs vietnamiens en France, du Comité Chrétien d’entente France-Islam que préside M. Louis Massignon, du Syndicat National des Ingénieurs, Architectes et Cadres supérieurs du Bâtiment, de trois docteurs ès-Sciences des Institut et Laboratoire de la rue Pierre Curie, d’élèves de l’Ecole Normale supérieure, du Comité des Intellectuels français, etc.

Une résolution du Comité France – Maghreb

« Constate que pour la première fois, une manifestation populaire autorisée pour le 14 juillet se solde par sept morts et de nombreux blessés.

« Salue toutes les victimes ; s’inquiète de savoir si toutes les mesures utiles ont été prises par les responsables du maintien de l’ordre et si la violence de l’action policière n’a pas été disproportionnée à l’importance de la manifestation des travailleurs algériens.

Demande que toute la lumière soit faite …

« Souhaite que les événements du 14 juillet ne servent pas de prétexte à des mesures discriminatoires mais, qu’au contraire, rien ne soit négligé, sur le plan social, pour que les travailleurs nord-africains trouvent dans la métropole l’accueil et le compréhension qui leur sont dus. »


Magnifique solidarité ouvrière en France
Nombreux débrayages

Une forte émotion s’est emparée de l’opinion publique tant en France qu’en Algérie. En plus des protestations de nombreuses organisations et personnalités françaises, une puissante réaction a eu lieu dans les milieux ouvriers. De nombreux arrêts de travail ont été observés par les ouvriers algériens et français dans plusieurs villes de France.

Signalons notamment ceux des dockers de Bordeaux, des mineurs de fer de Moutiers, des mineurs de Salsigne, de Bagneux, du 16ème arrondissement, de Saint-Denis, des Ateliers de la Chapelle, de Suresnes, des Usines Michelin de Clermont-Ferrand, de la SNCT, de la Centrale de Gennevilliers, de Lyon, de Vincennes, de Vitry, etc …


Télégramme des organisations algériennes

Ministre Intérieur Gouvernement Français – Paris.

PEUPLE ALGERIEN A APPRIS AVEC EMOTION ET DOULEUR PROVOCATION CAUSANT MORT ALGERIENS DEFILANT 14 JUILLET Stop EN TANT QUE SES INTERPRETES ELEVONS SOLENNELLE PROTESTATION CONTRE PROCEDES COLONIALISTES Stop DEMANDONS ENQUETE ET CHATIMENT RESPONSABLES.

Pour le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques : Hocine LAHOUEL ; pour l’Union Démocratique du Manifeste Algérien : Bachir BOUYADJRA ; pour l’Association des Oulemas d’Algérie : A. TAWFIK MADANI ; pour le Parti Communiste Algérien : Larbi BOUHALI ; pour le Secrétariat des Syndicats Algériens (C.G.T.) : André RUIZ et Lakdar KAIDI ; démocrate indépendant : Médecin colonel CADI.


Un crime manqué !

LE 19 JUILLET, à 20 h. 30, rue Raymond-du-Temple, à Paris, un militant du MTLD distribuait un tract dénonçant les tueries du 14 juillet. Interpellé par un policier français, il refusa de le suivre n’ayant rien à se reprocher.

A peine s’est-il éloigné, le policier prit son revolver et, sans sommation, tira une première balle qui heureusement n’atteignit pas son but.

Le policier s’arrêta et, le revolver posé sur son bras replié – comme s’il était en exercice de tir – visa le dos de l’homme désarmé qui courait.

La cible, pour la deuxième fois fut manquée. Le vaillant policier rengaine son revolver déçu de n’avoir pas eu son Algérien.

Ainsi, malgré l’assassinat de six Algériens et d’un Français le 14 Juillet, la police française assoiffée de sang, haineuse et raciste, n’est pas encore satisfaite.

Ce crime manqué montre à quel point la flicaille de Baylot et Martinaud-Déplat est sûre de l’impunité. Il constitue une preuve supplémentaire que la chasse à l’Algérien loin d’être simplement le fait du zèle policier, procède d’un plan élaboré par les gouvernants français.


REVUE DE LA PRESSE
L’agression policière du 14 juillet

« L’OBSERVATEUR »

A Paris le 14 juillet, des Algériens furent tués et des policiers blessés. Sans la moindre hésitation, « L’Aurore » et « Le Figaro » adoptèrent les thèses de la police (pourtant « Le Figaro », depuis les « émeutes » de Casablanca, ne sait-il pas que la police est souvent menteuse et raciste ? selon qui « un commissaire de police seul, et en képi, invita les chefs de groupe de manifestants à respecter l’ordre de dislocation ».

Le compte-rendu de « Combat », celui de « France-Soir » et les témoignages directs que nous avons reçus ne laissent pas de doute : les 2.000 Algériens fuyant devant une violente averse, se sont heurtés à la police, et c’est cela qui a déclenché la bagarre.

Des agents furent, si l’on croit le communiqué, « blessés par balles ». Mais ce même communique omet de dire que des armes furent trouvées sur les manifestants arrêtés. Toujours est-il qu’aucun policier n’est mort, mais que sept manifestants furent tués.

La brutalité spéciale de la police vis-à-vis des Nord-Africains est connue. En frappant des communistes, on risque un jour des représailles … mais il n’y aura jamais de gouvernement MTLD en France. On a beau être sadique, on est aussi prudent.

M. Martinaud-Déplat va, sans doute, féliciter M. Baylot pour ce fait d’armes. On pourra aussi l’envoyer comme gouverneur ou Résident en Afrique du Nord. A Marseille, il se vantait de ses bonnes relations avec les Nord-Africains. Elles sont encore meilleures maintenant : de balle à cadavre.

Mais que ce monsieur et ses sbires prennent patience. Un jour on fera les comptes.

« FRANC-TIREUR »

Parmi les inscriptions figurant sur les banderoles des manifestants d’hier, il en était une qui rappelait la Déclaration des Droits de l’Homme : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. »

Il est tout de même abusif que la vieille Charte des libertés françaises ne soit encore qu’une revendication pour une catégorie de citoyens français.

Autrement dit, qu’il y ait en France des citoyens de deuxième zone !

« LIBERATION »

Une fois de plus, ce sont les Nord-Africains qui, en butte à un racisme systématique, ont vu se déchaîner contre eux la violence ; qui, après les injures, ont essuyé les coups de feu ; qui comptent aujourd’hui, en serrant les dents, leurs morts et leurs blessés.

« L’HUMANITE »

Au moment où la tête du groupe compact, discipliné, des Algériens, ayant dépassé la tribune, se dirigeait vers l’avenue du Trône pour se disperser et commençait à plier ses banderoles, soudain, des petites rues adjacentes, surgirent des policiers en formations serrées, fonçant sur les Algériens et les frappant à coups de pèlerine et de matraque, s’acharnant particulièrement sur le portrait de Messali Hadj. Les Algériens, d’abord surpris, refluèrent sur la place de la Nation, où leurs camarades continuaient d’avancer. Il y eut un moment de flottement, puis les Algériens, unis aux patriotes français, se ressaisissant, se défendirent avec un admirable courage contre l’incroyable, la brutale agression de la police. Ce fut la bagarre.

Et alors les paisibles Parisiens massés sur les trottoirs on attablés aux terrasses des cafés, entendirent avec horreur des coups de feu. Une salve nourrie. Puis, quelques instants plus tard, une autre. On voyait la fumée des coups de feu au-dessus de la foule, sous la pluie.

« LE MONDE »

Avouons que le Français ne fait guère de différence entre la crapule nord-africaine de Clichy (!) et les Nord-Africains en général. C’est bien là son erreur, sur laquelle les politiciens et les policiers jouent dangereusement, offrant pour cible aux ignorants et aux racistes « les bicots, les sidis » ces hommes de même race que ceux qui – en uniforme français – remportèrent un si chaleureux succès sur les Champs-Elysées le matin même de l’échauffourée de la Nation. Là encore il nous faut réfléchir. Trois guerres métropolitaines, sans parler des conquêtes coloniales, ont rassemblé autour de nos drapeaux, tirailleurs et spahis coude à coude avec nos soldats. Les cimetières d’Italie, de la Vallée du Rhône, des Vosges, d’Alsace, sont jalonnés de tombes musulmanes et de plaques commémoratives. Toujours ceux d’Alger, d’Oran, de Constantine sans parler des Marocains et des Tunisiens, ont mêlé leur sang au nôtre. Faut-il répéter le mot du maréchal De Lattre de Tassigny lors de la prise de Mulhouse, de la traversée du Rhin : « Les braves, les pauvres gens. Il n’est guère de famille nord-africaine qui ne compte son mort pour la France. » S’il est vrai qu’il faisait bon marché de sa vie, le Nord-Africain de la 1ère armée française n’en n’était pas moins fils, frère, époux, père. Peut-on oublier qu’il a payé largement, loyalement ce qu’il acceptait comme une « dette du sang » ?

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