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Georg Scheuer : Juifs et arabes sacrifiés par les « grands »

Article de Georg Scheuer alias Gaston paru dans Le Libertaire, n° 131, 28 mai 1948, p. 1-4

Un nouvel Etat est né : Israël, l’Etat Juif. Comme tous les Etats, il est la création des classes et castes dominantes et possédantes, et, dès le premier jour, il opprime et terrorise les populations laborieuses juives et arabes.

Fait significatif : il a été « reconnu » immédiatement par les Etats-Unis, et ensuite par l’U.R.S.S., alors que la Grande-Bretagne l’attaque militairement par l’intermédiaire des légions arabes, et que la France feint la neutralité, craignant des complications avec ses propres sujets musulmans.

Le grand capital, l’état-major militaire, le grand prêtre et le chef de la police ont assisté à cette nouvelle création étatique, digne de toutes les autres de la même espèce.

LE NATIONALISME MODERNE

Les révolutions bourgeoises des grandes nations européennes avaient ouvert les ghettos et jeté la base des mouvements nationalistes des peuples petits ou en retard pour des diverses raisons historiques ou géographiques.

Les révolutions bourgeoises – de la Grande Française jusqu’aux révolutions russe, chinoise et indochinoise – se proposaient de créer des états nationaux modernes, à liquider les vestiges du féodalisme et à développer le capitalisme. Leur idéologie est celle du nationalisme.

DE LA DEMOCRATIE AU TOTALITARISME

Cependant, si les révolutions bourgeoises des siècles passés ont engendré des régimes démocratiques et libéraux (Angleterre, France, etc.), celles du XXe siècle ont abouti immédiatement au totalitarisme économique et politique, bolchévique ou fasciste (la Russie de Lénine-Trotsky-Staline, la Chine de Tchang-Kaï-Chek, l’Indochine de Ho-Chi-Minh, etc.).

C’est que l’époque de la démocratie bourgeoise est à jamais révolue, et que les bourgeoisies, « en retard » dans la création de leurs Etats, passent directement au régime totalitaire.

Tel est aussi le cas de la bourgeoisie juive, dont l’Etat, dès la première minute, est dirigé par une caste fasciste et militariste (Haganah, Irgoun).

LE SIONISME INSTRUMENT BRITANNIQUE

Comme toutes les bourgeoisies « en retard », la bourgeoisie juive devait se rattacher à une grande puissance impérialiste. C’était d’abord la Grande-Bretagne, intéressée au maintien de ses positions pétrolières et stratégiques, au Proche-Orient, elle s’attribuait après la première guerre mondiale – par l’intermédiaire de la « Société des Nations – le « mandat » de la Palestine.

Par la « Balfour-declaration », l’impérialisme britannique espérait utiliser l’immigration contrôlée juive contre les populations arabes. Le Sionisme était alors l’instrument direct de la colonisation britannique contre les masses arabe qui formaient la grande majorité du pays.

LE KREMLIN ANTISIONISTE

La Russie, éternelle rivale de la Grande-Bretagne au Proche-Orient, appuyait le mouvement pan-arabe contre le sionisme. Les intérêts de l’impérialisme russe exigeaient alors la destruction du sionisme (agent de l’Angleterre) et le triomphe des mouvements d’émancipation nationale et coloniale des Arabes, des Chinois, des Indochinois, etc., contre l’Empire britannique.

Le sionisme était proscrit en U.R.S.S., l’hébreu langue interdite et les sionistes déportés en Sibérie – ce qui n’empêchait pas le Kremlin de cultiver la culture juive soviétique en yiddish et de créer un Etat juif bolchévik en Extrême-Orient, à Birobidjan, pays infect et désert en face du Japon.

L’IMPERIALISME BRITANNIQUE DEVIENT ANTISIONISTE

La situation changeait avec l’augmentation de l’immigration juive en Palestine. Minorité colonialiste et nettement privilégiée au début, les juifs forment maintenant une nombreuse population laborieuse d’ouvriers et de paysans. La fraternisation entre travailleurs juifs et arabes, contre la volonté de leurs maîtres respectifs et surtout en dépit de l’impérialisme occupant, se produisait de plus en plus fréquemment.

L’impérialisme britannique était obligé de manœuvrer entre juifs et arabes, de « diviser pour régner », et finalement de rompre les engagements de la Déclaration Balfour et de bloquer l’immigration. On connaît les scènes pénibles et inhumaines de la guerre sourde et récente des Britanniques contre les rescapés juifs, immigrants clandestins.

L’EVOLUTION FASCISTE DU SIONISME

La bourgeoisie sioniste, de son côté, a changé d’orientation ; voyant qu’elle ne pouvait plus compter sur l’Angleterre, elle s’est engagée du côté des U.S.A. et de l’U.R.S.S.

A ceci correspond le changement au sein du sionisme même. Avant la guerre, la fraction travailliste (social-démocrate) était prépondérante dans les rangs sionistes (60 % environ). Le sionisme travailliste était rattaché à la 2e Internationale. La deuxième tendance était celle du « sionisme général » (démocratique bourgeois). C’est ensuite seulement que se plaçait numériquement le « sionisme révisionniste » qui se réclamait ouvertement du fascisme, adorait. le Duce, approuvait, « en principe » le Führer (nous en ferions autant), marchait en bottes et chemises brunes et saluait à la romaine.

La guerre avec ses exterminations massives des juifs en Europe a exacerbé le nationalisme juif et renforcé le sionisme fasciste aux dépens du sionisme travailliste et général. Ce dernier était le collaborateur plus ou moins docile de l’Angleterre. Les U.S.A. et l’U.R.S.S. se sont appuyés sur le sionisme fasciste : la Haganah, fasciste national, est visiblement payée et manœuvrée par Washington, alors que l’Irgoun fasciste extrémiste fait le jeu de Moscou.

GUERRE IMPERIALISTE

Ainsi la guerre de Palestine, qu’elle soit froide, tiède ou chaude, diplomatique ou meurtrière, n’est qu’un épisode de la guerre impérialiste permanente. La position prépondérante de la Grande-Bretagne aboutit au phénomène curieux et inattendu d’un front unique des deux Grands – U.S.A. et U.R.S.S. – qui, avant de se jeter l’un sur l’autre, vont d’abord déloger la troisième puissance.

UNE PHASE DANS LA CHUTE DE L’EMPIRE BRITANNIQUE

La guerre de Palestine est une phase de la destruction de l’Empire britannique par les Etats-Unis ; cette guerre n’a jamais cessé depuis 1918, ni pendant la 2e guerre mondiale. La perte des Indes, la perte de l’Egypte et de toute une série de positions en Extrême-Orient et en Proche-Orient, marquent les jalons les plus récents de cette décadence.

GUERRE FASCISTE DES DEUX COTES

L’impérialisme britannique continue à battre en retraite. Aujourd’hui, il s’appuie sur les armées arabes dirigées par des conseillers et des officiers fascistes, anglais, arabes et allemands. Ainsi nous voyons face à face les grandes puissances (U.S.A. + U.R.S.S. contre G.B.), se servant de cliques fascistes juives ou arabes.

Une guerre impérialiste pour le pétrole et pour des points stratégiques, utilisant les phrases trompeuses et usées de « libertés nationales », etc. Le triomphe d’Abdallah, c’est le fascisme des féodaux arabes et le massacre des juifs : la triomphe de la Haganah-Irgoun signifie déjà le fascisme militaire sioniste qui fait « Oradour-sur-Glane » dans les villages arabes.

Abdallah tyrannise ses « propres » populations paisibles et étouffe tout rapprochement entre les travailleurs ; la Haganah-Irgoun terrorise les travailleurs juifs enrôlés de force dans une guerre sans issue, et brise les réalisations et les espoirs des communes. Seul le rejet de tout nationalisme et l’entente libre et fraternelle des populations travailleuses pourront sauver la Palestine de la barbarie qui va en s’étendant.

GASTON.

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