Dossier paru dans Kadimah, journal de l’Union des étudiants juifs de France, juin-juillet 1957, comprenant un éditorial, un article de Kateb Yacine, un commentaire de Kadimah, une discussion avec Kateb Yacine, puis les réponses « Pour un dialogue » par Richard Marienstras alias Richard Maruel et « Le commencement du dialogue » par Robert Misrahi

Editorial
Nous consacrons une partie importante de ce numéro aux problèmes judéo-arabes ; en effet, que ce soit en Afrique du Nord ou au Proche-Orient, la vie des Juifs dépend de la coexistence pacifique avec des Musulmans. Et, il faut le constater, Juifs et Musulmans dans leur immense majorité s’ignorent ou se détestent.
L’U.E.J.F. entend œuvrer au rapprochement judéo-musulman dans son propre domaine : contacts avec les intellectuels arabes quels qu’ils soient, et discussions sur tous les problèmes qui nous séparent comme ils peuvent nous unir si nous sommes de bonne foi.
Il ne s’agit pas pour nous de créer des rapports faussement idylliques : les problèmes, les différends existent ; par ailleurs les Juifs comme vraisemblablement les arabes sont divisés sur les solutions à apporter aux problèmes politiques mais un pas important en avant serait fait si les préjugés racistes, si l’élément passionnel disparaissaient.
Il semble qu’il soit particulièrement difficile dans les temps que nous vivons de considérer « l’autre » comme un être véritable. Nous devons réagir avec force contre cette déshumanisation et contre la substitution de la raison d’Etat ou de parti à l’homme : nous ne retirerons peut-être pas beaucoup de résultats de ces contacts d’ « intellectuels », mais déjà la valeur humaine de ceux qui comme Kateb Yacine paient de leur personne, en cette période troublée est pour nous une récompense suffisante.
Nous penserions avoir atteint notre but si les étudiants musulmans de France, acceptaient d’engager avec nous le dialogue.
Les rapports judéo-arabes
[suit l’article de Kateb Yacine paru dans Droit et Liberté en mai 1957]
« Kadimah » laisse évidemment à Kateb Yacine l’entière responsabilité de ses idées et de leur formulation.
Il nous plaît cependant de noter une volonté évidente de sa part, dans la recherche d’une perspective de solution à des problèmes aigus et difficiles, où des facteurs politiques et psychologiques se mêlent de façon arbitraire, Kateb Yacine admettre avec nous que l’amorce d’un tel dialogue a surtout été rendu possible par la culture française que nous possédons en commun, et plus particulièrement par la courtoisie intellectuelle qu’elle implique.
C’est pourquoi il nous permettra, de noter brièvement, sans que cela doive pour autant constituer une réponse sur le fond, quelques points qui demandent à être éclaircis.
1° Aucune personne juive ne peut, quel que soit engagement individuel, représenter la collectivité des Juifs algériens comme telle. Comme toute minorité juive, où qu’elle se trouve et dans quelque circonstance historique, cette communauté est a priori contre toute violence ou exaction, de quelque côté qu’elles proviennent. Cela procède non seulement de ses convictions religieuses, mais aussi de toute sa tradition historique. Elle souhaite la paix et doit œuvrer pour elle ; elle se rangera à toute solution juste et pacifique qu’elle appelle de tous ses vœux. Elle ne peut cependant intervenir ès qualités dans des problèmes où son entité religieuse devient une fiction pure et simple. C’est pourquoi on ne peut préjugé d’options « politiques » de personnes individuelles qui répondent le plus souvent à un engagement de « parti » et non de minorité.
2° L’identification entre le sionisme et ce que l’auteur, écrivain progressiste, nomme le chauvinisme racial et religieux, nous paraît assez fantaisiste. Il est possible par contre que cela réponde pour lui à des préoccupations concernant plus étroitement l’attitude des masses ou des Etats arabes devant le problème israélien. Nous ne pouvons ici que rappeler le proverbe talmudique : « Fais entendre à tes oreilles ce que tu as dit avec ta bouche », c’est-à-dire que cette volonté de dialogue et de paix se concrétise en fait. Kateb Yacine sait que nous sommes, quant à nous, prêts à l’amorcer.
« KADIMAH ».
Discussion
M. K. Yacine s’est d’abord excusé de n’avoir pu préparer sa conférence autant qu’il le voulait ; le matin même, on l’avait perquisitionné, il a profité, pour venir à l’Union d’un répit entre deux interrogatoires très serrés. D’autre part, il est difficile de reconstituer totalement l’atmosphère et la substance d’une causerie improvisée. C’est pourquoi nous commençons par nous excuser auprès de M. Yacine et de nos lecteurs des erreurs qui pourraient se glisser dans le compte-rendu, et de son caractère souvent décousu.
Le caractère à la fois lucide et calme qu’il y avait dans la conférence de M. Yacine se retrouva dans les interventions. Il venait d’une volonté générale de trouver un accord, et doit être souligné.
Question. – Il faut la paix, mais comment pourra-t-elle venir ?
Réponse. – Ce qui divise vient de l’extérieur. Nous ne sommes pas encore en nombre suffisant, mais si déjà l’on prend conscience que l’engrenage est un fait, mais non un destin, c’est un pas en avant. On nous a toujours empêchés d’avoir une explication franche. Vous ne saviez pas que nous voulions la paix, et nous ne savions pas que nous pouvions en parler aussi clairement avec vous. Ben Gourion et Nasser ont une politique fausse. Nous ne sommes pas seuls chez les arabes, à vouloir la paix. En Syrie, par exemple, les mouvements révolutionnaires s’étendent, et partout chez les Arabes. Il faut répandre l’idée de paix dans les peuples, c’est un travail de longue haleine.
Qu’elles seraient dans le cas d’une communauté judéo-arabe, les limites de la Palestine ?
L’essentiel est de s’en tenir au principe d’une double communauté.
Un Etat judéo-arabe serait-il réalisable ?
Ce qui reste à faire avec les Arabes est très important.
L’initiative de ce soin est très importante. Les progressistes des deux camps doivent mener l’action.
– Y-a-t-il un tel désir de paix chez les Arabes ? La délégation d’Helsinki des pays arabes s’était [opposée] à une prise de position en faveur d’une entente judéo-arabe.
Oui. La preuve : le mouvement de la paix. Mais son action a été partielle à cause du problème des réfugiés arabes, qui aurait pu être un lien mais on l’a saboté.
La minorité arabe se pose le problème. Mais il y a eu une conférence de paix à Haïfa sabotée par le Mapaï et il y a eu des rapprochements chez les jeunes. Avant la création de l’Etat d’Israël, les relations étaient quelquefois excellentes, il y avait une aide mutuelle. Mais le Moyen-Orient n’est qu’un échiquier pour les grandes puissances.
Par quels moyens pourrons-nous triompher ?
On ne nous a offert que la paix des esclaves. Par ailleurs, il sera difficile de faire oublier qu’Israël est une création impérialiste. Les Arabes croient avoir été bafoués. Mais l’on peut comprendre que l’Etat pour naître ait eut un besoin indispensable des dollars américains. On peut l’admettre si l’on pense à l’importance qu’avait sa création pour les Juifs qui revenaient des camps. Mais quand un enfant a eu une naissance difficile, il faut laisser le temps de l’oublier. Cela s’oublie, mais il faut du temps. Il faut tenir compte quand même des passions. Mais il faut, aussi, faire confiance aux masses. Beaucoup d’Algériens pensent comme moi.
Comment expliquez-vous l’exclusion d’Israël de la conférence de Bandoeng ?
D’une part, il y a eu le sentiment des Arabes d’avoir été bafoués. Il faut payer le mal fait par les vieilles générations. D’autre part, la conférence n’est pas un phénomène propre des petites puissances.
On fait remarquer dans la salle que le niveau moyen de vie est modeste en Israël, que l’Etat est la réalisation, en grande part, des éléments de gauche, et réalise une forme nouvelle de démocratie.
Effectivement, Israël semble se désolidariser peu à peu des puissances impérialistes.
Nasser prône la destruction d’Israël.
Il n’est pas le peuple égyptien.
La jeunesse d’Afrique du Nord est-elle pacifiste par rapport aux Juifs ? Et les événements de 48, il n’y a jamais eu de pogrom ?
Cette question soulève dans la salle des mouvements divers. Un camarade juif fait le procès violent d’Israël. Un camarade musulman rappelle que nous sommes réunis pour dépasser toutes ces violences. Il faut rechercher les causes des malentendus pour les éviter et pour résoudre les problèmes.
Enthousiasme dans la salle. Une intervention commence par : « Puisque l’heure de la franchise a sonné … la plupart des Israéliens sont pour l’indépendance algérienne.
Il y a eu des actes regrettables en Algérie, c’est vrai. Il y a toujours le phénomène du bouc émissaire.
Je ne suis pas juive, malheureusement. Mais je me suis convertie vers 12 ou 13 ans, quand une camarade juive m’a fait assister à un pogrom. Là où je ne vous suis pas, Kateb, c’est quand vous paraissez renier aux Juifs le droit d’avoir un pays, les Juifs qui …
Je ne leur renie pas ce droit, mais il faut faire là-bas une communauté judéo-arabe réelle. Si les Juifs ne le font pas, ils se condamnent à perdre leur Etat.
L’essentiel est de ne pas faire de cette soirée une joute oratoire après laquelle on va dormir, mais au contraire un commencement d’action et de confrontation.
Le caractère exceptionnel de cette soirée tenait de ce désir commun d’en faire un commencement, et de la découverte mutuelle qu’elle avait promise. En elle-même, elle était la preuve qu’un accord est possible, puisque, malgré les appréhensions que nous avions tous au début, nous avons pu le faire entre nous.
Pour comprendre le caractère exceptionnel de la soirée, il faut se rappeler que d’habitude, les conférences des étudiants sont houleuses, violentes, passionnées. Nous avions tous le sentiment que quelque chose s’était passé, ou plutôt, qu’une chose à la fois positive et insaisissable s’était créée là. Il dépend de nous de la faire mourir ou de la cultiver.
Pour un dialogue
On trouvera peut-être étrange qu’un Juif de France aborde ici certains problèmes. Loin du danger, peut-on valablement parler pour ceux qui vivent dans une insécurité permanente et qui craignent pour leur vie ? Sans doute non, on ne peut pas parler pour eux, c’est-à-dire à leur place, Mais si de nombreux Juifs ont choisi le silence ou l’abstention devant certains faits, est-il légitime de se taire soi-même ? Est-il sain, par exemple, de calquer son attitude sur cette paralysie générale qui semble pétrifier les communautés juives à la seule évocation des problèmes d’Afrique du Nord ? Je ne le crois pas non plus. La solidarité ne consiste pas toujours à s’aligner sur ceux dont on est solidaire, quitte à se faire désapprouver par eux.
On aura sans doute remarqué que Kateb Yacine, justement, a pris un risque de ce genre : pour utopiques que puissent paraître aux Juifs certaines de ses propositions, elles sont à la fois généreuses et risquées par rapport, disons, à l’opinion du « musulman moyen ». Dans sa démarche, il nous faut donc voir une tentative de dépasser la solidarité de fait qui le lie aux Arabes dans leur ensemble pour établir, au nom de certaines conventions, une solidarité plus large. Il nous faut comprendre son article comme un engagement de faire prévaloir, parmi les siens, les convictions et les principes qu’il avance, principes qui lui permettent de vouloir le dialogue avec les Juifs. On peut discuter ses propositions, mais on ne peut le faire sans prendre un risque semblable au sien : celui d’indigner certains Juifs, comme lui indignera sans doute certains Arabes.
I
Le 1er octobre 1956, le F.L.N. adressait à « Monsieur le Grand Rabbin » et à « tous les Responsables de la Communauté Israélite d’Algérie » une lettre ouverte leur demandant « … d’affirmer d’une façon solennelle (leur) appartenance à la Nation Algérienne ». A quoi le « Comité Juif Algérien d’Etudes Sociales » répondait en substance qu’aucune organisation confessionnelle ou non, ni aucune personnalité juive « ne peut prétendre parler au nom d’une collectivité qui compte dans son sein à l’image des autres groupes ethniques tout un éventail d’opinions ». Le Comité Juif Algérien proclamait, en outre, son « vœu ardent de voir la paix rétablie » et son « désir que les droits de l’homme soient assurés sur la base de l’éminente dignité de toute personne humaine ».
Il est clair qu’à une exigence d’ordre politique, le Comité Juif Algérien répondait en affirmant des principes moraux. A une demande d’engagement, il opposait son désir de neutralité. On peut ne pas goûter sa réponse et dire que demeurer neutre, dans les circonstances présentes, c’est consentir à l’oppression régnante, au colonialisme, à la présence française avec tout ce qu’elle implique, à la violence et l’injustice inscrites dans les faits et les structures. Pourtant, chez un groupe minoritaire, une telle prise de position demande à être interprétée. Quelle situation de fait recouvre-t-elle ?
Lorsque le F.L.N. demande à la communauté juive de proclamer son appartenance à la nation algérienne, il s’adresse à cette communauté « en bloc », il la considère comme une entité, comme un élément partiellement étranger à la réalité algérienne, et qui a besoin d’affirmer collectivement ce que les Musulmans, eux, ne doivent que confirmer par des actes individuels. Et bien que les différences entre Juifs et Musulmans soient nombreuses, cette façon de poser la question ne peut qu’inquiéter profondément les Juifs : elle confirme, en effet, que le F.L.N. tient encore les uns pour responsables de la position des autres, sans d’ailleurs prendre d’engagements précis quant au statut futur de cette collectivité au sein de la nation et surtout, sans que rien dans les structures actuelles du mouvement nationaliste ne révèle la force politique qui garantira que de tels engagements seraient un jour respectés. L’embarras de la communauté juive, qui se traduit par une fuite dans l’affirmation de principes assez abstraits, est donc réel et fondé : divisée en tendances pro-algériennes et pro-françaises, (avec, il faut le dire, prédominance de ces dernières), la communauté comporte des extrémistes, des libéraux, des nationalistes algériens, des sionistes, des communistes, elle est structurée en divers paliers économiques, et ces divisions mêmes sont à leur tour faussées par le contre-coup, sur la minorité juive, des nationalismes algériens et français. Habituée à être « vue en bloc », la minorité s’efforcera de ne présenter aux regards qu’une surface terne et « neutre », d’autant qu’elle a tiré de la présence française des bénéfices incontestables, ce qui ne peut manquer de lui aliéner certains Musulmans extrémistes, et qu’aux yeux du colonat français, malgré cette nationalité française acquise trois quarts de siècle avant les Arabes, elle est encore « indigène » et suspecte de sympathies « algériennes ». Coupable aux yeux des uns et des autres, ayant subi des deux côtés des déboires et des violences, tenue pour collectivement responsable des actes de ses membres les plus irresponsables, est-il si étonnant qu’elle cherche à éluder toute réponse collective ? Il y a ici, à l’égard du peuple, une méfiance que Yacine réprouvera sans doute : son idéalisme fait confiance aux peuples. Mais une minorité qui subit aujourd’hui l’histoire ne doit-elle pas interroger son destin en termes moins abstraits ? Peut-on lui reprocher de ne pas voir l’idylle future quand elle risque de souffrir très concrètement des conflits présents ?
Cette situation ambiguë, cette crainte, l’histoire des Juifs algériens en témoigne et en rend compte : après avoir recueilli les Français en libérateurs en 1830, obtenu en 1870 la nationalité française, les Juifs subissent en 1898 les émeutes fomentées par les hommes de Max Régis dans les principales villes algériennes, essuient les attaques constantes des éléments de droite (le massacre de 1934, à Constantine, auquel prirent part les Arabes, fut un point culminant) et ressentent durement les événements de 40, dont une des suites fut l’abrogation du décret Crémieux. C’est ainsi que la France aura pour eux un double visage : celui du progrès, de l’occidentalisation (ils se sont occidentalisés avec passion), des Droits de l’Homme, de l’égalité possible ou effective, de la prospérité économique, mais aussi celui de l’antisémitisme et du mépris. Si pour la plupart des Musulmans, la France des Droits de l’Homme s’est très vite effacée derrière les exactions et la misère, pour les Juifs, dont la situation économique en Algérie est satisfaisante – en tout cas, rarement désespérée -, les deux aspects ont alterné selon les circonstances. Leur émancipation n’étant pas seulement formelle, la présence française apparaîtra à un grand nombre d’entre eux comme un bien relatif ou un mal nécessaire, et parfois comme une protection contre d’éventuels pogroms, malgré les carences connues et fréquentes de l’administration.
D’autre part, s’il est vrai que de nombreux témoins, Juifs et Arabes, ont souvent parlé de la bonne entente relative entre les deux communautés, il n’est pas moins vrai que pour de nombreux Musulmans le Juif a toujours été le « youdi », le méprisé, qu’en Algérie les Juifs sont souvent assimilés en bloc aux colonisateurs, que les violences individuelles ne sont pas rares ni les pogroms tout à fait inconnus, que la tendance générale du mouvement nationaliste laisse peu de place à la tolérance et, surtout, que dans toute l’Afrique du Nord, la question sioniste a provoqué des remous violents et suscité un anti-judaïsme parfois fanatique. L’appréhension des Juifs algériens n’est donc pas dénuée de tout fondement. Sur quoi repose-t-elle ?
L’hostilité des Arabes à l’expansion sioniste s’est manifestée officiellement, dès 1929, à l’appel du Muphti de Jérusalem. Dans toute l’Afrique du Nord, la proclamation de l’Etat d’Israël a donné lieu à des troubles graves : massacre de Tripoli (alors sous mandat britannique) en 1945 (120 morts, 300 blessés, 5 synagogues détruites) qui s’étend à la même date à toute la Tripolitaine pour reprendre en juin 1948, à la suite de quoi la quasi totalité des Juifs de Cyrénaïque (près de 27.000) émigre en Israël. Au Maroc, massacres d’Oujda et de Djérada, le 7 juin 1948 (44 morts, plus de 200 blessés). Et il faut mentionner les troubles dans les pays voisins d’Israël, les mesures « administratives » contre les Juifs égyptiens, la récente interdiction faite aux Juifs marocains d’organiser l’émigration collective et la dissolution, en Tunisie, du Keren Kayemeth (organe de collecte pour l’achat de terres, dont l’existence prouve que l’argent qui a financé ces achats ne provenait pas « surtout » du capitalisme juif international).
La bonne entente judéo-arabe dépend donc de trois facteurs : règlement de la question algérienne, règlement de la situation d’Israël et de la question sioniste, dépassement des positions nationalistes. Mais il est clair que ce dernier ne saurait intervenir avant le règlement politique des deux premiers. Dans la question algérienne, nous avons vu les diverses raisons pour lesquelles les Juifs d’Algérie ne pouvaient guère intervenir collectivement. Ce sera le rôle des Juifs de gauche, en France et ailleurs, conjointement à toutes les forces de progrès, de militer pour imposer une solution négociée qui satisfasse les aspirations légitimes du peuple algérien à l’indépendance, – et il est probable que leur intervention contribuera à détendre l’atmosphère -, amènera tant soit peu les Arabes à ne plus considérer les Juifs « en bloc » et les fera glisser du nationalisme chauvin que provoquent les circonstances vers une attitude plus démocratique. Mais ce glissement est à son tour conditionné par le règlement de la question sioniste et israélienne, question qui nourrit et exacerbe l’animosité entre Juifs et Arabes, ainsi que le chauvinisme réciproque.
II
Pour les Arabes, et semble-t-il, pour Yacine lui-même, le sionisme est quelque chose comme le produit chauvin de préjugés raciaux et religieux. Il convient de ne pas oublier, en effet, qu’Israël s’est constitué sur un territoire que le pan-arabisme pouvait considérer comme sien, que la proclamation de l’Etat a été marquée par une fuite massive des Arabes après le massacre de Deir Yassin (1), que la situation des réfugiés arabes est pitoyable, que le gouvernement d’Israël a souvent tendance à négliger ce problème et que, lorsque Israël réclame la reconnaissance du statu quo, il demande que le vaincu entérine sa propre défaite. Il est donc facile de comprendre le ressentiment arabe, mais facile aussi de voir que ce ressentiment suscite la politique la plus néfaste qu’on puisse imaginer. Ceci dit, s’il est vrai que la droite israélienne n’a retenu du sionisme que ses aspects chauvins, peut-on en dire autant du Mapam et même du Mapaï ? Peut-on reprocher aux Israéliens leur patriotisme après neuf ans d’existence nationale ? Peut-on assimiler le sionisme dans son ensemble à un nationalisme chauvin et de plus, est-il légitime de parler du sionisme dans son ensemble ? Regardons-y de plus près.
Avant d’être une revendication nationaliste, le mot d’ordre « L’an prochain à Jérusalem » était sans doute l’expression d’une ferveur religieuse. Mais parmi les pionniers russes, à la fin du siècle dernier, n’y avait-il donc pas de socialistes (utopistes) et de tolstoïens ? Les groupes marxistes et socialistes n’auraient-ils donc joué aucun rôle au sein des sionismes d’Europe Centrale entre les deux guerres ? On ne peut tout de même pas oublier que les premières colonies qui fournirent par la suite des cadres à l’Etat étaient constituées d’hommes idéologiquement formés, animés d’un idéalisme souvent abstrait mais pur et vigoureux, chez qui la revendication nationaliste n’était qu’un préalable à des réalisations sociales progressistes. On ne peut pas oublier que le terrorisme indiscriminé contre les kibboutzim était le fait des Arabes, et que le mot d’ordre de la Haganah était « modération », que les membres de la Haganah subissaient une formation idéologique poussée qui les faisait répugner à manifester dans les actes la violence pure que le chauvinisme généralement suscite. C’est donc un encadrement qui n’était pas exclusivement chauvin ou fanatique – encore que sioniste – que trouvèrent plus tard les grandes immigrations de la misère ou, de l’humiliation. Oui, l’élément en était surtout petit-bourgeois ou « lumpen-prolétaire », oui, ces exilés n’avaient aucune formation idéologique, peu d’aspirations sociales ou politiques. C’est vrai qu’au sionisme actif des premières aliot se substituait lentement le sionisme passif des nouveaux immigrants que rien n’avait préparé à une existence de militant ou de pionnier. Oui, cet élément pose un problème à la gauche israélienne, mais cette gauche existe, et, quoique sioniste, son existence est une garantie effective, inscrite dans la réalité, contre le chauvinisme et ses expressions politiques. De plus, on ne peut discréditer un mouvement historique en montrant que la nécessité politique ou économique l’a renforcée au détriment des « purs motifs idéalistes » qui animaient ses promoteurs. Car c’est justement cette nécessité historique qui a enraciné et fait réussir le mouvement, qui a donné raison aux pionniers, qui les a tiré du rêve ou de l’utopie généreuse.
Or, si les Arabes se refusent à « jouer » les différents paliers de la conscience politique israélienne c’est, entre autres raisons connues, parce que leur propre nationalisme les leur masque – parce que ces paliers n’existent pas chez eux. (Après la propagande anti-juive et pro-hitlérienne du Grand Mufti Haj Amin, l’amalgame sionisme = impérialisme, lancé par les radios communistes, n’a guère assaini la question au sein de la gauche arabe. On ne dira jamais assez le tort causé par les analyses sommaires et les « erreurs » staliniennes sur la question nationale et sur les Juifs.) De plus, en Afrique du Nord, les Arabes n’ont l’expérience que d’un sionisme indifférencié – nationalisme à faibles composantes politiques – et dont les racines dans le fond populaire juif sont assez minimes. La contribution des Juifs nord-africains aux immigrations d’avant 1948 est peu importante. Et le départ des Juifs du Mellah en Israël est plutôt comparable à celui des Siciliens aux Etats-Unis qu’aux premières vagues de Juifs européens, travaillés en profondeur par tout un réseau de mouvements, de partis, d’organisations de jeunesses sionistes, spontanément surgis et fortement politisés. Au surplus, certains Juifs algériens tirent prétexte de l’anti-sionisme arabe pour se prononcer contre l’autonomie et faire corps avec la colonisation. Ce « sionisme alibi » est d’autant plus rebutant – l’émigration des Juifs algériens vers Israël est pratiquement nulle – qu’il affaiblit la juste revendication des Juifs qui tiennent à conserver, pour des raisons fort valables (2), le libre droit de circulation et de propagande.
Ces remarques, il va sans dire, ne prétendent pas rendre compte du mouvement sioniste dans toute sa complexité, mais plutôt à faire comprendre certaines difficultés concrètes auxquelles peuvent se heurter Juifs et Arabes que le fanatisme n’aveugle pas. Est-ce à dire que la situation est complètement figée ?
III
Pour sortir de l’impasse israélienne, Yacine préconise un Etat bi-national. Ignore-t-il que cette solution, préconisée par l’O.N.U. en 1947, est justement celle que les Arabes ont refusée à l’époque ? Que c’est cette proposition qui a provoqué, avec les suites que l’on sait, l’invasion de la Palestine ? Alors il eût peut-être été possible de lier les économies des futures moitiés, de trouver une solution de co-existence. Mais aujourd’hui ? La différence de niveau économique et d’évolution sociale des populations juives et arabes suffirait à rendre invivable un tel monstre. Et l’évolution politique des réfugiés, comment la négliger ? Est-il concevable de faire voisiner une quasi-dictature de type nassérien avec un Etat qui, malgré des traits originaux, est tout de même une démocratie à l’occidentale ? En 1948, l’Agence Juive était riche, le gouvernement palestinien n’était pas déficitaire. Aujourd’hui, le blocus économique des Etats arabes a littéralement rabougri l’économie israélienne, désormais liée vitalement aux versements des Juifs américains. Comment, dans ces conditions, Israël pourrait-il même réabsorber un certain nombre de réfugiés ? Ou si les réfugiés ne devaient peupler que cet Etat arabe (dont le territoire est d’ailleurs annexé par la Jordanie, avec diverses enclaves qu’Israël s’est approprié, qui ne figuraient pas dans sa part de partage et qu’il serait sans doute impossible de lui faire rétrocéder) quels seraient les rapports économiques des deux pays ? Quelles seraient, d’ailleurs, les réactions de la Syrie, de la Transjordanie, de l’Irak ? Comment faire aboutir politiquement une telle proposition ?
Il est douteux, semble-t-il, compte tenu de la situation concrète, que la gauche puisse exiger autre chose que la reconnaissance de l’Etat d’Israël par ses voisins, condition préalable à toute négociation ultérieure. Le ressentiment arabe, je l’ai souligné, est compréhensible, mais il fige et pourrit la situation et permet aux grandes puissances d’intervenir avec une apparence de justification. Reconnu par ses voisins, établissant avec eux des rapports normaux, Israël mettrait un terme à l’asphyxie qui le rend dépendant de capitaux étrangers. Il serait un ferment progressiste dans un cadre féodal et pourrait, grâce à une économie plus saine, réintégrer un certain nombre de réfugiés. Alors l’alliance entre la gauche israélienne et les forces progressistes des pays arabes pourrait se constituer, s’élargir et devenir un fait politique déterminant au Moyen-Orient. Mais aussi longtemps que le « péché originel » de son implantation empêchera les dirigeants arabes de mener une politique simplement réaliste, et la gauche arabe de formuler une ligne d’action correcte, Israël ne pourra vivre que d’expédients, verra s’accroître l’influence de ses éléments chauvins, profitera, comme pour la campagne du Sinaï, des visées impérialistes, contractera des alliances de fortune pour rompre à toute force son isolement – et la situation générale au Moyen-Orient restera ce qu’elle est : un champ clos où s’affrontent, par nations interposées, les grandes puissances et où les peuples meurent de leur pétrole.
Dans l’immédiat, un dialogue entre Juifs et Arabes contribuera sans doute à la lutte contre le chauvinisme. Mais un échange entre les milieux de gauche pourrait faire plus. Ces milieux savent que le dialogue n’est pas une suite formelle de politesses, ils savent que leur champ d’action est leur propre opinion publique, ils savent que les mots d’ordres justes qui déterminent cette action ne s’élaborent que dans le dialogue. Les forces de gauche doivent réussir, de part et d’autre, à faire s’accorder leurs volontés et ne plus lutter dans le sens de leurs chauvinismes respectifs. Car il est nécessaire et urgent que des confrontations fréquentes suscitent ce climat de discussion, de révision et d’autocritique nécessaire à l’action juste.
Richard MARUEL.
(1) En avril 1948, des éléments de l’Irgoun et du groupe Stern attaquèrent ce village, où 250 Arabes, hommes, femmes et enfants, furent tués. Les radios arabes, malgré la protestation indignée de l’Agence Juive condamnant le massacre, déclencha un mouvement de panique dans les populations. Elle avait auparavant exhorté ces mêmes populations à jeter les Juifs à la mer.
(2) Si les Israéliens possèdent ne serait-ce que l’ombre d’un droit de vivre en Palestine dans le cadre d’un Etat souverain, (et ce droit, consacré par les Nations Unies, U.R.S.S. incluse, ne saurait être sérieusement contesté aujourd’hui), ce droit ne se fonde pas seulement sur le fait accompli, ni sur le travail réalisé en Palestine par les pionniers : il se fonde également sur la volonté des Juifs, sionistes et autres, qui, depuis le siècle dernier, luttent et s’organisent pour que ce droit leur soit reconnu par les hommes. La reconnaissance de l’Etat d’Israël ne peut pas ne pas impliquer la reconnaissance par les nations du droit des Juifs à rejoindre leur Foyer National s’ils le désirent, et donc d’organiser leur émigration et leur propagande. Que les Arabes craignent, en autorisant cette émigratíon, de renforcer Israël, n’est qu’un aspect du problème, qui pourrait être résolu dans le cadre d’un accord entre Israël et ses voisins. On dira que l’U.R.S.S., anti-sioniste par idéologie, a surtout reconnu Israël par opportunisme. Il n’empêche qu’une telle reconnaissance comporte implicitement la négation de sa politique anti-sioniste d’avant-guerre. Que cette reconnaissance n’ait jamais été explicitée n’est qu’une preuve supplémentaire que le stalinisme en tant qu’idéologie n’a jamais été capable de « digérer » le fait juif.
Le commencement du dialogue
Le développement des relations amicales et pacifiques entre les Arabes et les Israéliens n’en est encore qu’à son stade embryonnaire. Mais il y a un commencement à tout et c’est dans cette perspective qu’on doit enregistrer avec satisfaction l’effort de Kateb Yacine.
Pourtant l’article de Yacine serait dépourvu de sens s’il ne visait pas à l’instauration d’une discussion, au moins élémentaire ; celle-ci est d’autant plus indispensable que le véritable commencement d’un dialogue et son vrai fondement ne sauraient résider ailleurs que dans l’information réciproque.
Notons d’abord la portée du ton amical de l’écrivain. Nous sommes enfin en présence d’un intellectuel authentique qui s’adresse à d’autres intellectuels : la grande affaire est de comprendre et d’expliquer et non plus de haïr et de combattre. La raison devient instrument de dialogue et de connaissance et c’est à l’instauration d’un droit véritable qu’on travaille enfin.
C’est précisément dans la perspective même qu’à choisie Kateb Yacine que nous voudrions nous situer. Il apparaît alors que quelques réflexions s’imposent d’elles-mêmes à la lucidité raisonnable.
Yacine commence par insister sur la profonde communauté de destin et de mœurs qui unit les Arabes et les Juifs d’Afrique du Nord. Il revient sur ce thème à la fin de son article. Il montre ainsi son esprit d’universalité et condamne par là le racisme xénophobe qui engendre violence et mysticisme. Nous voudrions dire notre accord entier, à la seule condition logique suivante : c’est qu’on fasse clairement la distinction entre les Juifs qui ont librement choisi l’assimilation et les Juifs qui ont choisi la nationalité juive, c’est-à-dire israélienne. La générosité démocratique de Yacine ne doit pas servir de prétexte à la négation de la légitimité d’une revendication proprement juive, c’est-à-dire en fait à l’émigration vers Israël.
On rencontre ici le problème du sionisme, qui est la pierre d’achoppement non seulement du texte de Yacine, mais de tout dialogue judéo-arabe. C’est le premier des grands principes que pose Yacine : le sionisme est un chauvinisme.
Il convient de faire une nouvelle distinction : le sionisme des Juifs, et celui des Israéliens. Celui-ci ne pose aucun problème : Yacine déniera-t-il sérieusement aux Israéliens le droit d’être patriote et de défendre Israël ? Je ne le crois pas, puisque j’estime l’intelligence de Yacine. Condamne-t-il l’extrémisme nationaliste de la droite israélienne ? Je serai avec lui dans ce cas, puisque nous sommes ou nous voulons être des hommes de gauche.
Il faut en venir au sionisme des Juifs du monde. C’est encore à la raison que je ferai appel : comment ignorer que les Israéliens fussent d’abord des Juifs, et que le sionisme n’est qu’un mouvement national de rassemblement de certains Juifs, au même titre que le mouvement qui rassemble certains arméniens du monde en République socialiste d’Arménie ? Comment dénier à certains Juifs le droit de décider eux-mêmes qu’ils sont des Juifs, dès lors qu’on reconnaît à l’Algérie le droit de se poser comme nation en train de se faire, et en train de revendiquer le droit de décider elle-même de son sort ? Si l’on n’accepte pas le principe rationnel de l’universalité et de la réciprocité des principes moraux et politiques, on ronge le principe même de l’existence sociale et l’on tombe dans la guerre de tous contre tous. Ce n’est certainement pas ce que les Arabes désirent.
Le sionisme est donc le mouvement national des masses juives. Il peut être exploité certes, mais non pas créé de toutes pièces par les « dirigeants ». A cet égard, Yacine affirme trop vite que les dirigeants israéliens font de la démagogie et ont créé la situation actuelle : il ne cite aucun fait, ne donne aucune analyse. Ce n’est ni raisonnable ni démocratique. Devrons-nous rappeler les menaces de mort lancées par les dirigeants arabes contre Israël, et les campagnes de sabotage des feddayin ? Nul ne rayera jamais l’histoire d’un trait de plume. Qui refuse de négocier ? Qui interdit le canal de Suez aux Israéliens ? Je ne veux pas refaire le récit des événements : je veux m’étonner que Kateb Yacine ne s’y referre pas.
Je crains qu’il ne se situe en fait un peu loin de la réalité med-orientale ; je n’en veux pour preuve que cet autre grand principe qu’il pose : la Palestine, selon lui n’est ni juive, ni arabe, mais judéo-arabe.
Je comprends bien la bonne intention de Yacine : rien ne devrait séparer Juifs et Arabes, et l’état bi-national semble être la première étape d’un internationalisme concret. Mais l’intention de promouvoir l’internationalisme doit se confronter à la réalité. On est bien obligé, alors, de constater l’existence de fait de deux communautés distinctes en Palestine ; et ces communautés de fait sont aussi des communautés de droit, dès lors qu’on relie leur présent à leur passé, leur actualité à leur histoire, leur existence à leur volonté. Cette volonté nationale étant aussi légitime chez les Juifs que chez les Arabes, il n’est possible de la nier en aucun cas, aux yeux de la justice. Mais c’est également aux yeux de la réalité qu’il n’est pas possible de songer, pour l’immédiat, à fusionner ces deux groupes : leur « âge » n’est pas le même, leur stade technique, économique et culturel n’est pas le même. Le retard des Arabes est un fait objectif aisément vérifiable et c’est par la coopération avec l’Etat moderne d’Israël que ce retard sera comblé, non par la confusion des civilisations. L’Algérie non plus n’est pas au même stade de développement que la France, et cependant toute la gauche revendique pour l’Algérie le droit de parler en première personne comme dit Amrouche (France Observateur, 17 mai 1957). L’Algérie n’est pas la France, et la Palestine arabe n’est pas l’Etat d’Israël. Un vrai démocrate devrait réclamer l’indépendance, l’autonomie, et la collaboration réciproque des deux communautés de Palestine, plutôt que leur fusion dans une entité plus vaste : celle-ci, pour des raisons de nombre, aboutirait immanquablement à l’absorption et à la disparition de la minorité israélienne, c’est-à-dire à la négation même du droit d’Israël à l’existence.
C’est ici le point crucial d’un dialogue, et la condition même de son inauguration : tous les litiges judéo-arabes peuvent se régler par des négociations aussi longues et difficiles qu’on voudra, mais le point de départ absolu qui doit être accordé comme préalable ne peut faire l’objet d’aucune discussion de fait ou de droit. C’est la reconnaissance réciproque de chacun par chacun comme existence autonome, légitime et libre. Or, Kateb Yacine doit l’admettre : seuls les Arabes ne reconnaissent pas Israël.
Mais Yacine non plus : optant pour une Palestine judéo-arabe, il nie froidement l’existence nationale des Juifs, comme les colons algériens nient froidement l’existence nationale algérienne. Ce faisant, on rend absurde l’idée d’un dialogue qu’on prétend promouvoir. Mais la raison et l’histoire imposeront à tous le poids de la vérité, c’est-à-dire du réel : l’indépendance nationale est une revendication actuellement légitime pour tous ou pour personne.
Cette condition préjudicielle admise de part et d’autre (les Arabes restent les seuls à devoir encore s’y plier) on peut raisonnablement espérer que les forces populaires finiront par imposer le dialogue diplomatique qui permettra de préparer le traité de paix qu’Israël propose en vain, et le dialogue économique qui permettra au Moyen-Orient tout entier de se moderniser et de se développer. C’est non seulement l’existence d’Israël qui est en jeu, mais aussi le niveau de vie des misérables fellahs arabes. Toutes les forces de gauche en Israël en sont conscientes : il reste à l’opinion arabe un gros travail à faire pour comprendre que, au Moyen-Orient la paix et le progrès social sont liés non pas à la victoire démagogique de l’U.R.S.S. ou des U.S.A., mais à la reconnaissance d’Israël comme Etat réel et légitime. C’est, en tout cas, le moins qu’on puisse attendre de la générosité lucide d’un écrivain de gauche.
Robert MISRAHI.
Agrégé de l’Université, Stagiaire de Recherches philosophiques au C.N.R.S. ; Membre du Bureau du Cercle Bernard-Lazare ; Membre du Bureau du Comité d’Action des Intellectuels pour la fin de la guerre en Algérie.