Article de Louis Mouscron paru dans Droit et Liberté, n° 266, octobre 1967, suivi de « Des chevaux et des hommes » par Albert Lévy et de « La paix du linceul »

LE tas de journaux est là, sur ma table. Dans chaque exemplaire, à coup sûr, je trouverai le racisme, sournois ou violent, dont ils sont coutumiers. La haine est le métier de ceux qui les écrivent : les mêmes noms, d’ailleurs, reviennent souvent d’une publication à l’autre ; que l’une disparaisse et la prose de ces spécialistes ne tarde pas à reparaître ailleurs : il n’y a pas de chômage pour la haine … Combien de titres ? Cinq, dix, peut-être quinze, certains confidentiels … Les mêmes mensonges, les mêmes excitations mille fois répétées … Alors, est-il vraiment nécessaire de remuer cette boue ? Ne vaudrait-il pas mieux vouer au mépris ces fanatiques, ces attardés, les laisser s’agiter entre eux dans leurs délires ? La tentation est forte.
Mais le racisme est un mal étrange : certains en sont atteints, et ce sont d’autres qui en meurent. Démasquer, isoler les racistes est un devoir de salubrité publique. Car on a pu voir, naguère encore, dans une effroyable contagion, les plus énormes calomnies intoxiquer les esprits par millions, cette folie furieuse s’emparer de peuples entiers : ainsi se préparent les génocides.
Il faut donc dénoncer clairement ces écrits funestes, empêcher de nuire les mystificateurs sans scrupules, montrer à ceux qui pourraient, de bonne foi, les suivre, ne serait-ce qu’un instant, dans quels pièges féroces ils risquent de tomber. Il ne suffit pas de dire : « C’est stupide », ou : « C’est odieux ». Plutôt que de mépriser le danger, il convient d’alerter les honnêtes gens qui l’ignorent.
Un fait frappe d’emblée : la crise du Moyen-Orient donne à ces feuilles l’occasion d’étaler à longueur de colonnes leurs thèmes favoris. Il est si facile de présenter ce conflit entre Etats comme un conflit ethnique opposant ces deux « races » également maudites et méprisées que sont « les Juifs » et « les Arabes » !
La politique de la trique
La complexité réelle des problèmes a cependant entraîné quelque flottement dans la doctrine de ces messieurs. Fallait-il défendre Israël au nom de l’hostilité contre les Arabes ? Ce fut matière à controverses parmi les lecteurs de Rivarol. Mais ce journal, ainsi que Minute, Aspects de la France, Carrefour et quelques autres estimèrent, en se plaçant « dans le vent » pouvoir gagner de l’influence. Ce fut aussi l’attitude de Tixier-Vignancour ou du colonel Thomazo, qui participa ostensiblement à la manifestation de la place d’Israël. Ceux pour qui la haine des juifs paraissait plus payante ont pris nettement position contre Israël, tels Défense de l’Occident, l’Europe Réelle et la Nation Européenne ; Mais qu’on ne s’y trompe pas : le soutien empoisonné apporté à l’une ou l’autre cause, en fonction d’une analyse différente de la situation, ne représente rien de plus qu’une tactique éphémère, vite dépassée, et la diversité de positions n’a pas produit la moindre cassure dans l’extrême-droite raciste. Alors même qu’ils se déclaraient pour Israël, – et par la façon même dont ils le faisaient – les nouveaux « amis des juifs », non seulement manifestaient leur hostilité contre les Arabes mais aussi développaient leurs habituelles calomnies anti-juives. Symétriquement, les nouveaux « amis des Arabes » utilisèrent des procédés similaires. Si bien que, dans la dernière période, la presse dont nous parlons a donné une ampleur sans précédent à la propagande raciste sous tous ses aspects.
Dans Minute, François Brigneau – lui qui lança à grand fracas « Les Juifs » de Roger Peyrefitte et qui fraye depuis fort longtemps avec les groupes tant anti-juifs qu’anti-arabes – a affirmé sans ambages le sens de son « appui » à l’Etat d’Israël.
« Depuis 1917, écrit-il, nous sommes engagés dans une guerre unique, permanente et totale, qui se déroule au travers des conflits contradictoires, limités et intermittents.
« L’un de ceux-ci eut pour théâtre l’Algérie, province française, tête de pont de l’Europe sur le continent africain. Nous l’avons perdu.
« Un autre se déroule actuellement dans le Moyen-Orient… » (1)
C’est donc, pour lui, une revanche, « le dernier épisode d’un long combat où nous avons fait notre part », et c’est pourquoi il souhaite la victoire aux Juifs d’Israël, même si, reconnaît-il benoîtement, « je me suis souvent heurté aux Juifs de France ». (2)
Se rendant en Israël (où il s’entretiendra avec Menachem Begin), il assimile carrément cette guerre avec celle d’Algérie, sa guerre. Il croit revoir, dans la vieille Jérusalem occupée, « les paras dans la Casbah d’Alger » :
« Je retrouvais les mêmes gestes et les mêmes expressions, le même mouvement de la crosse pour repousser la masse moutonnante, le même air dur et méprisant des visages ».
Et ce voyage le confirme dans l’idée
« qu’avec les Arabes, une seule politique est possible : celle de la trique et du coup de pied au cul. Car ils ne comprennent et ne respectent que la force ». (2)
Donnant aux événements une signification qui cadre avec ses conceptions racistes et réactionnaires, cet encombrant laudateur d’Israël explique ainsi son attitude :
(Pour) « nous qui croyons que la foi et le sang communs, la volonté et l’espérance peuvent changer le destin des hommes », « la réussite d’Israël prouve que nous avons raison de penser que l’Histoire se fait aussi contre le vent ». (2)
Et l’éloge d’Israël, on s’en aperçoit vite, permet surtout de donner plus de relief aux vieux thèmes de l’antisémitisme. Pour Brigneau et ses pareils, les juifs (en dehors d’Israël) symbolisent tout ce qu’on abhorre dans les milieux d’extrême-droite : la démocratie, le progrès, le « sens de l’histoire ». Aux juifs de France, il réserve donc les invectives bien connues :
« Ils sont progressistes, décadents, byzantins, et plus préoccupés de pilpoul intellectuel et de grattages de croûtes en commun que de bagarres contre le sol, la chaleur, la sécheresse et les Arabes ». (2)
Jacques Perret, toujours dans Minute (3), dénonce aussi « la démission des colonisateurs », cause, selon lui, de la décolonisation, et « félicite » « les Hébreux d’avoir révélé avec au tant d’éclat, sur la personnalité arabe, deux ou trois petites choses que nous savions d’elle ». Mais lorsqu’il parle des juifs de France, nous voyons percer un autre thème qui s’articule tout naturellement à ceux de Brigneau :
« Farci de préjugés, écrit-il ironiquement, je n’ai pu que m’associer de loin à l’édifiant sursaut de mes chers compatriotes plus ou moins nés natifs » …
Un nouveau « statut »
C’est, répétons-le, des juifs qu’il parle. Ce thème du « juif » considéré comme un étranger, esquissé ici, a été repris plus lourdement par d’autres, et en tout premier lieu – noblesse oblige ! – par Xavier Vallat.
L’ex-commissaire aux questions juives du Gouvernement de Vichy n’y va pas par quatre chemins. Il expose en gros caractères dans Aspects de la France (4) ses « raisons d’être sioniste ».
« Il se trouve, écrit-il, qu’une espèce d’étrangers, très caractérisés, répugne, elle, à l’assimilation, ce sont les descendants des tribus de Juda, de Lévy et de Benjamin que la Diaspora a disséminés à travers le monde ». Il faut donc « restituer aux membres de cette ethnie leur appartenance juridique à leur nation, la nation juive, en les rendant à leur condition réelle d’étrangers ». « Cela suppose que les autres nations comprennent qu’il est de leur intérêt de munir tous les fils d’Israël qu’elles hébergent d’un passeport israélien et d’une carte d’identité d’étranger ».
Ce « sionisme intégral », où cet ancien collaborateur des nazis voit la « solution raisonnable et efficace du problème juif », ressemble fort au « statut des juifs » qu’il avait élaboré sous l’occupation. Jamais encore ce aussi crûment sa volonté de poursuivre l’œuvre que la défaite hitlérienne a interrompue !
Maurice Bardèche, qui fut naguère condamné pour apologie des crimes nazis, franchit un pas de plus (5) en préconisant la « transplantation » (pour ne pas dire la concentration) des juifs sur n’importe quelle « terre libre » du monde, en dehors d’Israël. Faute de quoi, il nous prédit « le plus gigantesque pogrome de l’histoire », qu’il justifie par avance en développant longuement le thème, classique aussi, de « l’invasion juive ». Espérant susciter la révolte des braves gens, il les décrit, ces « juifs »,
« force anonyme contre laquelle nous devons protéger nos nations », « installés à tous les points stratégiques de notre vie nationale », qu’ils « commandent en réalité », « ne tolérant sous des noms divers que des exécutants qui leur soient intégralement dévoués », « injectant à volonté dans nos cervelles les préjugés qui servent leur propre intérêt ».
Jusqu’où ?
On aura reconnu la grande « conspiration » décrite en termes grotesques par les célèbres « Protocoles des Sages de Sion ». Eh ! oui, il en est là, ce prétendu « intellectuel » fasciste qui joue les « historiens », les « analystes » de Stendhal. Il n’a plus d’autres ressources que de paraphraser un faux, grossier et imbécile, qui traîne depuis des dizaines d’années dans les poubelles de l’antisémitisme policier. Sans doute en a-t-il relu le début dans L’Europe Réelle, cette feuille imprimée en Belgique et diffusée en France, qui le publie en feuilleton (c’est bien le cas de le dire) depuis son numéro de juillet.
« La publication des Protocoles, écrit G. A. Amaudruz, autre « intellectuel » à la Bardèche, vient à son heure (6). Ce document, selon la thèse juive, serait un faux, une élucubration d’un fonctionnaire tsariste. Or, notre actualité fournit de telles confirmations aux Protocoles que ce fonctionnaire aurait eu des dons de prophétie surhumains. Il faut donc admettre que ces textes troublants émanent de quelqu’un au courant d’un plan aujourd’hui en voie de réalisation ». (7)
Jean Brune (8) exposant gravement « le vieil enseignement de Maurras sur la finance juive internationale », évoque des « hommes tapis dans les coulisses des banques géantes qui pèsent sur la politique des Etats affaiblis ».
Poujade (9) se demande si « Israël est la nation juive décidée à mettre un terme aux errements de jadis », ou si « c’est le fer de lance du racisme sémite, auquel cas nous devons dénoncer cette entreprise comme un danger mondial ».
Pierre Pujo (10) dénonce « l’influence des juifs installés dans notre pays et non assimilés », « les agissements d’une communauté allogène, aux ramifications internationales, qui, sous nos républiques, a joué un rôle funeste ».
Maurras, rappelle-t-il, « souhaitait que l’on remît ces juifs à leur place de minorité étrangère ». Quant à Rivarol, qui se voit reprocher par un lecteur de faire « l’éloge des youpins » (11), il trouve, lui aussi, les juifs « quelque peu envahissants dans notre propre pays », et devant les manifestations pro-israéliennes, il s’inquiète et menace : « Il est indispensable de savoir jusqu’où il ne faut pas aller trop loin » …
Le bouc émissaire
Un autre hebdomadaire s’est signalé, pendant toute cette période, par de longs articles sur les juifs et le Moyen-Orient : Carrefour, qui colporte certains thèmes de l’antisémitisme sous une forme étrangement ambiguë.
Pour Carrefour, toutes les difficultés d’Israël et des juifs (qu’il prétend défendre) viennent… des juifs eux mêmes, ou du moins de certains d’entre eux, « de Marx à Mendès ». Ceux-là symbolisent, selon le « spécialiste » Bernard Cabanes, comme pour Brigneau, le « progressisme », « l’anticolonialisme » : c’est la faute à Mendès et à ses semblables si l’Afrique et les pays arabes sont devenus indépendants, et s’ils « menacent » aujourd’hui l’Occident.
« L’ombre de Karl Marx et l’œuvre de M. Pierre Mendès-France pèsent sur l’avenir de l’Etat juif », écrit Carrefour (12).
D’ailleurs, souligne ce journal,
« sur les deux rives de l’Atlantique, des juifs jouent les premiers rôles dans les innombrables manifestations qui prolongent la guerre sous prétexte d’obtenir la paix. La guerre du Vietnam a son Dreyfus, le capitaine américain Lévy, qui dénonce « les crimes de guerre américains au Vietnam » (13) pour éviter d’instruire les recrues ».
Ici, la « conspiration juive » prend de nouvelles dimensions. Du Moyen-Orient, nous passons, en quelques phrases, à l’ensemble des grands problèmes actuels, tels qu’on se les représente dans les milieux d’où émane cette presse haineuse.
Jugeant de tout en fonction des « races » et des conflits raciaux, ils voient dans la « décolonisation » le plus grand malheur de notre temps. Ils ne peuvent admettre que des peuples « inférieurs » prétendent à l’indépendance et l’acquièrent. Pour s’y opposer, ils prônent et exaltent la violence. Quand la violence échoue, quand ces peuples portent atteinte à la « domination blanche », il faut bien trouver une explication sauvegardant l’amour-propre de la « race supérieure » : il ne peut y avoir que la trahison, le lâche abandon, les menées « progressistes » et « pacifistes » de ceux qui préconisent le respect des droits de l’homme, les antiracistes et l’O.N.U. Parmi ces « pourrisseurs » de l’âme blanche et occidentale, les juifs jouent un rôle prépondérant, pour suivant les méfaits dont ils se sont déjà rendus coupables, selon les « classiques » de l’antisémitisme : révolution de 1789, révolution soviétique et toutes autres subversions …
Dès lors, projetant sur le monde entier les sentiments qu’éprouvent les colons évincés de leurs privilèges, la propagande raciste se présente dans une forme renouvelée comme un mouvement « défensif » : les races « inférieures », incapables de se gouverner elles-mêmes, menacent nos richesses, menacent l’Occident de métissage, et viennent jusque sur notre sol (travailleurs immigrés) menacer la vertu de nos jeunes filles …
Tel est le système faussement cohérent (dont le seul tort est de ne pas correspondre à la réalité) qui s’exprime à travers la presse raciste. Tel est le monde d’aujourd’hui vu par ces gens-là. C’est dans ce cadre que s’insère leur attitude contradictoire concernant Israël qu’ils veulent considérer comme leur allié dans la lutte contre le Tiers-monde, et les juifs, qui constituent le bouc émissaire de leurs déceptions, de leurs échecs et de leurs craintes.
Même mépris, même haine
Il y a plusieurs années déjà que Bardèche a établi une telle corrélation « doctrinale » entre le vieil antisémitisme et la décolonisation.
« L’antiracisme imprudemment proclamé comme une loi sacrée de la conscience humaine, écrivait-il, aboutit à la sécession des pays d’Afrique et d’Asie (…) C’est le résultat de vingt ans d’antiracisme furieux, (…) de frénésie judéo-marxiste (…) Le bilan de vingt ans de direction politique judéo-capitaliste est un bilan négatif ». (14)
« Réveillez-vous ! » proclame Tixier-Vignancour : « Hier l’Algérie et l’Afrique Noire, aujourd’hui la guerre du Vietnam, l’antisionisme des Arabes, la situation des Noirs américains, l’état alimentaire de l’Amérique du Sud sont d’excellents palliatifs au déclin de l’esprit révolutionnaire en Europe ». (15).
« La victoire d’Israël a démontré la fantastique supériorité de l’Occident », se réjouit un ancien condamné à mort pour collaboration, Lucien Rebatet, (16) qui reconnaît s’être « furieusement opposé aux juifs quand leur solidarité mondiale jouait contre les intérêts de mon pays »… c’est-à-dire depuis qu’il s’est fait le chantre de l’hitlérisme. Le journal où il écrit aujourd’hui (sous l’occupation, c’était Je suis partout) mène campagne parallèlement pour
« la destruction d’Hanoï, d’Haïphong, des principales agglomérations, la rupture des digues du Fleuve Rouge » : « Cette solution serait dramatique, mais c’est peut-être la seule qui puisse répondre au fanatisme des Nord-Vietnamiens ». (17).
Il exalte les mercenaires qui pillent et tuent au Congo pour y « sauver » la « civilisation blanche ». Il dépeint l’Afrique du Sud, « pays de la bible », l’idéal qu’auraient dû atteindre tous les pays coloniaux en Afrique.
De même, Aspects de la France, tout en dénonçant « les juifs non assimilés qui tiennent en France le haut du pavé », affirme que « les ennemis d’Israël sont en partie les nôtres, à savoir les agents de la subversion internationale ». (18)
Ils ne comprennent pas
Il est plaisant de suivre les efforts des collaborateurs de cette presse pour se donner bonne conscience et ennoblir leur croisade sordide. Pas un exemplaire de leurs publications où ne soit exaltée la « supériorité raciale » des blancs et « l’infériorité » des peuples de couleur. Cette pseudo-psychologie collective évite, bien entendu, de poser les vrais problèmes : le sous-développement et ses causes, l’état pitoyable où les pays du Tiers-monde ont été placés par le régime colonial dans tous les domaines : économique, technique, culturel, etc.
Jean Brunes, grand « théoricien » de l’Islam (il a fait ses preuves au temps de l’O.A.S.), est intarissable sur ce sujet. Les « faiblesses héréditaires » des Arabes n’ont pas de secret pour lui : « L’histoire de l’Europe est un havre de paix, comparée à la tumultueuse incohérence de l’histoire du « monde musulman ». Car celui-ci a pour « maladie héréditaire » « le sens de la querelle et les passions déchaînées ». De plus, un musulman ne saurait dire si, oui ou non, la terre est ronde … (19) « L’Islam, écrit-il encore, a fait des pays musulmans des agresseurs-nés » (20). « Ce sont presque tous des guerriers-nés » lance en écho Rebatet dans Rivarol. « Les Arabes adorent la guerre », renchérit Minute. (21). Pourtant, l’Islam est, selon Bernard Cabanès (22) « la religion de l’immobilisme ».
C’est encore Jean Brunes qui nous décrit en images brillantes l’ensemble du « Tiers-monde » : ces masses humaines, « qu’elles soient noires ou Jaunes, musulmanes ou bouddhistes, gardent des réflexes primaires », elles « nient cette civilisation (occidentale et chrétienne) et rêvent de la détruire parce qu’elles n’en comprennent pas encore ni la complication ni la beauté ». (23) D’ailleurs, selon Robert Anders, le thuriféraire patenté de l’apartheid, l’homme noir « n’a pas les mêmes aptitudes, ni les mêmes goûts, ni la même conception du monde » que le blanc. C’est pourquoi il faut s’opposer au « spiritualisme pseudo-humanitaire des marxistes et autres internationalistes » (24).
Les lecteurs de la presse raciste sauront donc pourquoi les peuples du Tiers-monde se débattent dans de graves difficultés, dont ne sauraient être responsables, évidemment, ni le colonialisme, ni les séquelles de ce système. Une fois les blancs partis, ce ne sont, au Congo, qu’ « étripages fraternels » (où les mercenaires fascistes, bien sûr, n’ont aucune part), et « les amas d’immondices jonchent la plupart des artères de la capitale » (24) : voilà l’indépendance ! C’est bien la preuve, Rivarol vous le dit, qu’
« en Afrique, l’homme blanc était nécessaire », « les Européens n’avaient pas le droit d’abandonner comme ils l’ont fait des peuples confiants et crédules absolument incapables de se gouverner ». (25)
On pourrait à l’infini multiplier ces échantillons du mépris, de la mauvaise foi, de la bassesse. Pourquoi faire ? Parce que, répétons-le, si « complot » il y a, c’est bien celui de cette presse contre le progrès humain, contre les droits et la dignité des peuples. Et parce que cela doit être su et combattu.
Louis MOUSCRON.
(1) Minute, 8 juin 1967.
(2) Minute, 22 juin 1967.
(3) Minute, 15 juin, 1967.
(4) Aspects de la France, 15 juin 1967.
(5) Défense de l’Occident, juillet-août 1967.
(6) L’Europe réelle, août 1987.
(7) Voir, en pages 28-29, le compte rendu du livre que l’historien Norman Cohn vient de publier sur les « Protocoles ».
(8) Aspects de le France.
(9) Fraternité Française, 2 Juin 1967.
(10) Aspects de le France, 8 juin 1967.
(11) Rivarol, 13 Juillet 1967.
(12) Carrefour, 21 Juin 1967.
(13) Les guillemets sont de Bernard Cabanès (Carrefour, 31 mai 1967).
(14) Défense de l’Occident, janvier 1965.
(15) Minute, 17 août 1967.
(16) Rivarol, 15 Juin 1967.
(17) Rivarol, 6 Juillet 1967.
(18) Aspects de la France, 6 Juillet 1967.
(19) Aspects de la France, 21 septembre 1967.
(20) Aspects de la France, 22 Juin 1967.
[21) Minute, 1er Juillet 1967.
(22) Carrefour, 30 août 1967.
(23) Aspects de la France, 24 août 1967.
(24) Rivarol, 21 septembre 1967.
(25) Rivarol, 6 juillet 1967.
DES CHEVAUX ET DES HOMMES
S’IL est évident que la crise du Moyen-Orient a réveillé en France un racisme anti-arabe toujours endémique, ce serait une tragique illusion de croire que la sympathie généralisée à l’égard d’Israël se traduit par un recul décisif du racisme anti-juif. L’analyse que nous publions dans les pages suivantes montre avec quelle astuce machiavélique la presse d’extrême droite compense par une agressivité accrue contre les juifs de France les éloges empoisonnés qu’elle prodigue à ceux d’Israël. Même si elle tire à 500.000 exemplaires, cette presse ne fait certes par l’opinion. Mais ne nous y trompons pas : les calomnies qu’elle diffuse trouvent dans les préjugés séculaires ou récents un terrain favorable qui lui permet d’avoir prise sur bien des consciences. Plus que jamais donc, s’imposent la vigilance et la riposte.
POUR combattre le racisme, les moyens ne manquent pas, et tous sont indispensables, de l’éducation des jeunes à travers l’enseignement à celle des adultes au moyen de débats, expositions, livres, films, etc., en passant par les mesures économiques, politiques et sociales qui peuvent ôter aux préjugés leur base matérielle.
Cependant, il nous faut souligner une nouvelle fois l’impuissance de la loi actuelle devant le déchaînement de haines qui constituent pour des groupes entiers d’êtres humains une atteinte permanente à leur dignité, à leur sécurité, parfois à leur vie.
La Société Protectrice des Animaux peut faire condamner les auteurs de sévices contre un cheval ou un chien. Nous n’avons rien là contre. Mais n’est-il pas anormal que des juifs ou des noirs, des Arabes ou des Gitans diffamés, frappés de discriminations odieuses ne puissent se défendre lorsqu’ils sont personnellement victimes, ni être défendus collectivement lorsque des campagnes générales sont dirigées contre eux ? Est-il tolérable que des journaux, des associations créés à cet effet se livrent sans entraves à de telles campagnes, prônant et favorisant ouvertement la violation des droits de l’homme ?
POUR mettre fin à cette situation irritante, la commission juridique du M.R.A.P. a élaboré dès 1958 des propositions de lois, qui ont été déposées depuis, à chaque législature,. par des députés de toutes tendances, et qui se trouvent à nouveau sur le bureau de l’Assemblée Nationale. les démarches faites auprès des leaders des différents groupes ont confirmé la sympathie que cette initiative rencontre au niveau parlementaire. Mais il reste à passer, après la nomination d’un rapporteur, l’étape jusqu’ici Infranchissable de l’inscription à l’ordre du jour, le vote final ne faisant aucun doute s’il y avait débat à l’Assemblée.
L’adoption des trois propositions du M.R.A.P. n’est pas seulement justifiée par la logique et les traditions antiracistes françaises. Conforme à la Convention Internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, votée par la France à l’O.N.U., elle grandirait aux yeux de tous les peuples le prestige de notre pays.
Albert LEVY.
LA PAIX DU LINCEUL
A propos du Moyen-Orient, certains continuent d’emboucher en toute sécurité et à bon compte, les trompettes de la gloire. Ainsi D. Moknachi qui proclame dans Révolution africaine, hebdomadaire paraissant à Alger : « Israël, connais pas ».
D. Moknachi illustre son « ignorance » d’arguments du plus pur style raciste. Ainsi, par exemple reprend-il à son compte la malédiction des juifs par « leur » Dieu… Pour autant qu’on se réfère au Coran, c’est Allah lui-même qui a dit au Prophète : « Nous t’avons révélé, ô Mohammed, que tu as à suivre la religion d’Abraham dont la foi était pure … » (Sourate 2).
« Peuple cupide, fervent de négoce, rejetant la foi pour les métaux précieux, rien ne nous étonne dans son esprit expansionniste, encore moins ses échecs successifs d’ « unification » : D. Moknachi ne cite pas l’auteur de cette phrase. Sans doute est-il trop peu recommandable.
« La perfidie est l’apanage des dégénérés », écrit encore l’ « ignorant ». Ne se souvient-il donc déjà plus du vocabulaire raciste de l’Algérie coloniale. Il n’y a pas si longtemps, encore, on trouvait dans le Guide bleu : « Les Touareg répugnent au travail encore plus que les Arabes » …
D. Moknachi termine ainsi sa sonnerie de trompette : « A la question juive, je propose la paix d’un grand linceul ».
D’autres avaient prédit un grand linceul aux Algériens. Ils étaient O.A.S. On sait, en Algérie, comment l’histoire s’est terminée.
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