Article de Michel Moutet paru dans Droit et Liberté, n° 246, 15 octobre – 15 novembre 1965 ; suivi de « Quand les croisés de la « suprématie blanche » partent en campagne (présidentielle) » par Louis Mouscron

IL n’était pas rare, il y a quelques années, passant aux alentours de Nanterre, du boulevard de la Chapelle ou du quartier de la Goutte-d’Or, d’apercevoir un homme ou plusieurs, Algériens manifestement, dos au mur, bras levés, tenus en respect par un ou plusieurs inspecteurs en civil, ou gendarmes en uniforme, qui les soumettaient à quelque vérification d’identité.
Le film de A. Panigel « Octobre à Paris », nous retraçait les chasses à l’homme dont étaient victimes, à cette époque, les travailleurs algériens, interdits de séjour dans les rues de la capitale à partir de 20 heures.
Les habitudes d’hier ont la vie dure ; plus de trois ans après les accords d’Evian, les germes du racisme, sources de tant de « ratonnades » et de huit années de sang, de larmes et de deuils, sont encore vivaces en France, soigneusement entretenus par les milieux politiques nostalgiques de l’Algérie Française, soigneusement propagés par une certaine presse dite d’information.
Aux « plus un sous à Ben Bella » des uns, répond la campagne d’excitation à la haine raciale menée par les autres.
Quelques titres au passage :
« Parisien Libéré » du 20 janvier 1965 : en gros caractères, en première page : « un sadique de type nord-africain, viole deux femmes, dans deux caves à Levallois, distantes de 300 mètres ; l’une est morte, l’autre est blessée … »
« Paris Jour » du 12 mars 1965 : « Jean-Claude, l’adolescent, égorgé au bois de Malmort : crime rituel ? » – cette question imprimée en gros caractères.
« Parisien Libéré » du 8 juillet 1965 : titre : « Encore un drame sordide à Nanterre. » Préambule : « Apres l’odieux assassinat d’un pensionnaire de l’hospice de vieillards par des Nord-Africains des bidonvilles, les policiers viennent de découvrir un nouveau crime ».
L’information est là, franchement tendancieuse et malhonnête : après ce préambule était expliqué qu’il s’agit, en fait, d’une chiffonnière Jeanne Lepin, laquelle a tué son frère. Il n’existe aucune relation entre ce fait divers et quelque Algérien que ce soit, ou Nord-Africain, mais la présentation de l’article aura tôt fait de créer la confusion dans l’esprit du lecteur hâtif.
« Parisien Libéré » du 7 juillet 1965 : manchette en gras : « Nous n’en pouvons plus ! » s’écrient excédés les riverains des bidonvilles de la région parisienne ; 50.000 Nord-Africains entassés dans ces cours des miracles font régner la terreur ».
EN parallèle avec cette campagne, nous constatons la persistance des habitudes policières que nous rappelions plus haut. Pendant huit années, en France, tout Algérien fut un suspect en puissance de par sa qualité même d’Algérien. Pendant huit années, l’énorme appareil répressif policier et judiciaire de notre pays fut utilisé à la recherche, la poursuite, et la condamnation de tout Algérien travaillant en France suspect de pensées et d’actions « séparatistes ».
La situation a changé, les méthodes semblent vouloir demeurer. Meurtre inexpliqué ? Crime sans coupable ? bien souvent nous est présentée la version fort commode du suspect de service « de type Nord-Africain ». La solution du mystère, la presse que nous citions et la police aussi savent bien ou la trouver : dans un de ces bidonvilles qui « terrorisent la population » « véritable cour des miracles », « nouvelle casbah », « foyer où grouille la criminalité ».
Quelques exemples :
LES RAFLES D’AVIGNON : dans la nuit du 4 au 5 septembre 1965, les quartiers d’Avignon à forte population algérienne, sont bouclés dès 21 heures par d’importantes forces de police, 120 fonctionnaires de la sûreté, 60 C.R.S. et de nombreux gendarmes. Dans cette même nuit, 750 Algériens sont interpellés au cours de cette rafle monstre, 450 sont conduits au commissariat pour « examen approfondi de leur situation »,
Motif ? La police recherche le meurtrier d’une étudiante britannique, Alix Mitchell assassinée le 17 juillet dernier, dont le cadavre fut repéché dans le Rhône en Arles.
« Droit et Liberté », dans son dernier numéro soulignait déjà le caractère incontestablement raciste d’une telle opération dépassant de loin par l’ampleur des moyens mis en œuvre et l’application exclusive de ces moyens aux travailleurs algériens, le cadre d’une enquête classique.
« Le Monde », pour sa part, s’élevait contre « cette véritable atteinte au droit des gens ».
Avec la Ligue des Droits de l’Homme, le gouvernement algérien et diverses organisations politiques et syndicales, le Bureau Confédéral de la C.G.T., dénonçait
« cet acte arbitraire qui viole les libertés individuelles les plus élémentaires et rappelle la répression anti-ouvrière, raciste et colonialiste des années noires de la guerre d’Algérie ».
Le fait n’était cependant pas nouveau.
LES RAFLES DE MARS 1964 : le 23 mars 1964, « Paris-Jour » nous apprenait que des rafles avaient été effectuées dans les 18e et 19e arrondissements, au cours desquelles 120 Algériens étaient interpellés, tandis que la Police Municipale arrêtait 20 Algériens.
« Paris-Presse », ce jour-là, titrait en gros caractères dans sa manchette de première page : « Rafle chez les Nord-Africains, la police fouille la casbah de Paris ».
Le jour suivant, le même quotidien s’interrogeait en première page : « Un problème grave et irritant : que faire des Algériens à Paris ? ». Suivait un article où figuraient en bonne place les « statistiques » de la « criminalité nord-africaine » en France.
Motif de ces rafles complaisamment souligné par « Paris-Jour » ?
« Un double crime commis dans la nuit du 20 au 21 mars 1964, dans le 19e arrondissement ; un chauffeur de taxi parisien âgé de 69 ans, ainsi qu’un ingénieur en électronique, avaient dans cette même nuit été tous deux abattus d’une balle de 7,65. Le coupable n’ayant pu être retrouvé, c’est tout naturellement vers les quartiers à population algérienne que se dirigeaient les investigations ; c’est tout naturellement qu’il fut procédé aux rafles du 23 mars 1964 ».
C’est tout naturellement aussi, que le 27 mars 1964. la police arrêtait un suspect : un nomme Brahim Benkkechem, Algérien, bien sûr.
Après interrogatoire, Benkkechem, décidément étranger à l’affaire, était relâché.
Le DOUBLE CRIME DU BOIS DE BOULOGNE : On se souvient de l’affaire Jarty et du bruit que fit à l’époque cette affaire, Iorsqu’au mois de mars 1964, le docteur Jarty et sa fille âgée de 18 ans furent retrouvés tous deux assassinés à leur domicile. L’enquête piétine, le mystère reste entier. Apparait alors le suspect algérien, celui que les journaux de l’époque nous présentent comme le suspect n° 1, la piste n° 1 de l’enquête policière.
Ce suspect si vite mis en avant, devait cependant se présenter spontanément au Commissariat intéressé :
« J’ai vu que l’on parlait de moi dans les journaux, je suis innocent, me voici ».
Et comme cet Algérien du nom d’Abbes, fournissait en même temps que ses déclarations, un alibi à toute épreuve, force était de le relâcher. « L’enquête » titrait « Paris-Jour », « repart à zéro ».
Symptomatique est l’indice de départ de cette enquête dans son orientation première, tel qu’il nous est relaté dans ce même journal :
« Le Docteur Daure, un voisin du Docteur Jarty était venu témoigner qu’un Algérien rendait depuis quelques jours, d’inquiétantes visites aux médecins du quartier ».
Comment mettre mieux en valeur les ravages que ces campagnes de presse à caractère raciste exercent sur l’opinion publique en accréditant le mythe de « l’Algérien dangereux, inquiétant, l’individu louche de type Nord-Africain ».
Ainsi, à la différence d’un Français, lorsqu’un Algérien rend visite « au médecin du quartier » sa visite est d’abord remarquée et prend aussitôt un caractère « inquiétant ».
UN innocent aux fers enchaîné tous les hommes. »
Ce vers d’Eluard paraît écrit tout exprès pour l’affaire Mehyaoui.
Reprenons brièvement cette affaire, particulièrement grave, car avec le dossier Mehyaoui, un nouveau stade est franchi : non seulement il faut un suspect, non seulement le suspect est algérien, mais, puisqu’il nie, puisque les preuves ne sont pas suffisantes, l’officier de police chargé du dossier fabriquera tout exprès de fausses preuves pour que son suspect soit aussi un coupable.
Le 9 octobre 1962, dans la petite localité d’Origny-Ste-Benoite (Aisne), on découvre les cadavres de quatre personnes : le pharmacien du village, sa femme, son beau-frère et un parent.
La police soupçonne d’emblée le préparateur en pharmacie, un Algérien père de deux enfants, M. Kaddour Mehyaoui. Il est aussitôt inculpé, il est aussitôt arrêté. Depuis trois ans, il crie son innocence. Et l’on découvre ceci : une des pièces maitresses du dossier, une empreinte de chaussure relevée sur les « lieux du crime » correspondant en tous points, d’après les laboratoires à celles que portait Mehyaoui, se révèle avoir été fabriquée pour les besoins de la cause Mehyaoui, niant farouchement, a demandé et obtenu qu’une expertise soit diligentée à propos de cette pièce versée par la Police au dossier constitué contre lui ; l’expertise révèle que cette empreinte n’a pas été relevée sur les lieux du crime, c’est-à-dire sur le sol, mais directement sur la chaussure du prétendu coupable.
Mieux encore, l’officier de police Loiseau, mis en cause par cette expertise fournit à l’expert une nouvelle photographie de l’empreinte, prétendant s’être auparavant trompé dans le classement de ses archives : cette nouvelle photographie est bien la bonne, c’est celle-là qui compte.
Mehyaoui, sans se décourager, porte alors plainte en faux à l’encontre de l’officier de police Loiseau ; cette plainte est instruite par le seul juge d’instruction de Saint-Quentin, celui même qui instruit l’affaire contre Mehyaoui, et l’a placé sous mandat de dépôt ; après enquête, ce magistrat rend une ordonnance de non-lieu, dont Mehyaoui interjette appel.
La Chambre d’accusation de la Cour d’Appel d’Amiens consent à ordonner une expertise de cette nouvelle photographie. Le professeur Ceccaldi, chargé de l’expertise démontre que cette nouvelle photo a en réalité été tirée, environ un an après le crime : pour couvrir le premier faux, l’officier de police Loiseau en a fabriqué un second.
Voilà bien les excès effroyables où conduit le racisme. Mehyaoui, parce qu’Algérien est déjà un coupable, et s’il nie, si le dossier ne suffit pas, un officier de police chargé de l’enquête n’hésitera pas à fabriquer un faux qui peut valoir à Mehyaoui la guillotine, et, la supercherie découverte, à forger un nouveau faux pour égarer les experts.
Il est grave que l’auteur de ce double crime n’ait pas encore été publiquement et avec grand éclat sanctionné.
Il est surprenant à nos yeux, que M. le Juge d’Instruction saisi de la plainte en faux de M. Mehyaoui, ait rendu un non-lieu, motif pris de ce que l’intention délictuelle des policiers ayant commis le faux n’était pas prouvée (1), ce qui, déclarait Pierre Vidal-Naquet dans le bulletin de la Ligue des Droits de l’Homme de juin 1965, « aboutit à solidariser la justice de ce pays avec des faussaires ».
Il est surprenant que M. l’avocat général près la Cour d’Assise de Laon ait, au cours de l’audience qui devait rejeter la demande de liberté provisoire de Mehyaoui, qualifié ces agissements « d’erreurs de manœuvres » (2), agissements qui, aux termes de l’article 145 du Code Pénal constitueraient le crime de faux en écriture publique passible d’une peine de réclusion criminelle à perpétuité.
Il est surprenant de constater que l’auteur de ce double crime, ayant été confondu et simplement inculpé, soit toujours en liberté, alors que sa victime, la supercherie étant découverte attend encore au fond de sa prison d’être jugé, la liberté provisoire lui ayant été refusée.
A propos de cette affaire, comme à propos des autres, il nous est aujourd’hui intolérable, de nous demander si Mehyaoui est en prison parce qu’il est coupable ou parce qu’il est ALGERIEN.
Par Michel MOUTET
Avocat à la Cour
(1) « Droit et Liberté », septembre-octobre 1965.
(2) « Humanité », 12-6-1965.
Quand les croisés de la « suprématie blanche » partent en campagne (présidentielle)
SOUS le nom de Julien Guernec, au lendemain de la Libération, il participait, avec divers collabos mal blanchis, à la rédaction de « Paroles Françaises » : ce journal fut condamné, nos amis s’en souviennent, pour une série d’articles antisémites et xénophobes sur « la médecine envahie par les métèques » … Puis sa signature figure dans une publication d’un racisme plus virulent encore : « L’Indépendance française », la seule « qui se permit, en février 1949, de rendre hommage à Drumont à l’occasion de l’anniversaire de sa mort » (1). C’était, soulignons-le, quatre ans seulement après la fin du génocide hitlérien, dont le théoricien antisémite Edouard Drumont avait été l’un des précurseurs …
Toujours dans la même voie, nous retrouvons ce personnage à « La Fronde », puis à « Rivarol », l’organe raciste et vichyste par excellence. Après un passage à « Paris-Presse », le voici maintenant rédacteur en chef de « Minute », la feuille à scandale, spécialisée dans les campagnes de haine contre les Algériens et les Noirs, et qui s’est consacrée récemment au lancement du livre « Les Juifs », de Roger Peyrefitte.
Les « leçons » de Maurras
François Brigneau – c’est de lui qu’il s’agit – est aussi, cela se comprend, l’un des piliers du « Comité de Soutien » de Tixier-Vignancour, et on le voit fréquemment sur les tribunes aux côtés de celui-ci. Bien entendu, il parle également sous l’égide d’ « Europe Action », et vient de publier dans le mensuel qui porte ce titre, un article consacré au « candidat national et libéral ».
Lire la presse néo-nazie est un travail écœurant, mais il faut bien le faire pour informer les antiracistes, et on en tire généralement des données fort instructives. Ainsi, cet article de François Brigneau, fait apparaître une fois de plus, cousue de gros fil, la tactique actuelle de Tixier-Vignancour, que nous avons déjà exposée ici. Il s’agit, pour élargir son influence, de rassurer, de faire oublier ses activités passées et ses actuels soutiens ; mais en même temps, pour que ceux-ci demeurent mobilisés, un clin d’œil en passant, rappelle où vont réellement les sympathies du « chef ».
Tixier-Vignancour « n’est pas un homme d’extrême-droite », affirme Brigneau, et le fait qu’il ait été maurrassien dans sa jeunesse ne suffit pas à le faire classer comme tel. Ce pourrait être vrai, sans doute, s’il avait changé depuis. Mais il y a dans ses positions une constance à toute épreuve des « camelots du roy » qui manifestaient contre les juifs et les républicains dans les années 30, à l’émeute du 6 février 1934 ; du soutien à Franco, en 1936, au ministère de l’Information à Vichy en 1940-41 ; de la défense des anciens collabos à celle des criminels de l’O.A.S. ; de l’appartenance, en 1956, au groupe poujadiste à l’actuelle agitation sous le signe de la réhabilitation de Pétain …
Et le clin d’œil, le voici : après tout, écrit Brigneau, « je sais bien qu’il y a de grandes leçons de liberté à écouter chez Maurras ». Vous lisez bien : chez Maurras, qui de l’affaire Dreyfus à l’occupation nazie, a été pendant un demi-siècle l’agitateur antisémite le plus nocif en France, Maurras dont le « nationalisme » s’accordait si bien avec la « collaboration » qu’il fut, des la Libération venue, condamne pour trahison !
Si Maurras est « libéral », il est normal que Tixier-Vignancour le soit aussi ! Le tout est de s’entendre sur le sens des mots …
Et résumant ensuite les objectifs du « candidat », son ami tient à préciser qu’il entend rassembler « ceux qui croient que l’Occident et l’HOMME BLANC ne peuvent mourir » … (2).
Contre I’O.N.U., pour le K.K.K.
La croisade en faveur de « l’homme blanc », de sa suprématie, réduite par la décolonisation, c’est le thème fondamental, aujourd’hui, de la presse raciste. Les peuples de couleur constitueraient une menace dans la mesure même où ils aspirent à la liberté : il faut donc les mater, les maintenir à « leur place », qui est celle de « sous-développés » et de « sous-hommes » (3).
Dans « Europe-Action » d’octobre, le petit nazi Dominique Venner, actif supporter, lui aussi, de Tixier-Vignancour, vitupère l’O.N.U., le Concile, le Pape, les communistes, parce qu’ils admettent et proclament les uns et les autres l’égalité de tous les hommes.
« Jamais, écrit-il, l’homme occidental n’a connu un tel danger de subversion ( … ) S’il ne revenait pas à lui, l’homme blanc serait bientôt anéanti sous le flot des masses sombres qui, avec la bénédiction de Monseigneur et du Commissaire se sont mises en mouvement vers nos vieilles patries. »
Voilà comment ceux qui rêvent de subversion fasciste s’efforcent de susciter la peur d’une « subversion » raciale. Et de la peur à la haine, de la haine aux discriminations et aux violences, il n’y a qu’un pas, qu’ils franchissent allègrement. Les dirigeants d’ « Europe-Action » posent en exemple les menées des racistes partout dans le monde, approuvent la ségrégation aux Etats-Unis, exaltent l’apartheid en Afrique du Sud, en même temps qu’ils constituent les groupes de choc destinées à accompagner Tixier-Vignancour dans ses déplacements.
Jean Mabire, rédacteur en chef de cette triste feuille, n’hésite même pas à raconter qu’il s’est rendu, cet été, au camp de la Fédération des Etudiants Nationalistes, en Vendée. Les participants de ce camp, on le sait, y subissaient un entraînement militaire qui attira l’attention de la police. Mais pourquoi se gêner ? Les trois dirigeants arrêtés, ne furent-ils pas relâchés au bout de 24 heures ?
Impunité totale
Et pourquoi, d’une façon générale, les racistes se gêneraient-ils ? Leurs excitations à la haine contre les Noirs, les Juifs, les Algériens ne provoquent aucune réaction des pouvoirs publics. C’est le cas de « Défense de l’Occident », que dirige un autre ami de Tixier-Vignancour, Maurice Bardèche (4). « Défense de l’Occident » où sévit encore Jean Mabire, où l’on défend surtout … le Ku-Klux-Klan et ses pareils, où l’on insulte les organisations antiracistes des Etats-Unis, « la plupart en mains juives » (5). C’est le cas de « Minute », de « Rivarol », que dirige l’hitlérien Lucien Rebatet, d’ « Aspects de la France », où écrit l’ex- « commissaire aux questions juives » Xavier Vallat, de « Nouveaux Jours », de « Lectures Françaises », l’organe d’Henry Coston, spécialiste sous l’occupation de la propagande antijuive.
Depuis de longues années, le M.R.A.P. demande des mesures vigoureuses contre les publications et les groupes qui propagent le racisme et l’antisémitisme, qui font l’apologie de Hitler ou de Pétain, et dont les fidèles couvrent les murs de graffiti injurieux quand ils ne se livrent pas à des manifestations plus violentes. Depuis des années, nos propositions de lois antiracistes sont en souffrance à l’Assemblée Nationale – malgré l’approbation de députés de toutes tendances – parce que le gouvernement refuse de les inscrire à l’ordre du jour.
Or, encouragés par l’impunité, les publications et les groupes fascistes redoublent maintenant d’audace ; ils se rassemblent autour de Tixier-Vignancour ; à la faveur de la campagne présidentielle, ils s’efforcent de « quadriller » la France et de mettre en place les structures d’un parti soi-disant « libéral », nouveau camouflage de l’extrême-droite raciste et antisémite …
Il serait temps, grand temps, qu’en haut lieu on se décide à agir.
Louis MOUSCRON.
(1) Henry Coston : « Partis, journaux et hommes politiques d’hier et d’aujourd’hui ».
(2) « Europe-Action », octobre 1965.
(3) Un numéro spécial d’ « Europe-Action » est intitulé : « Sous-developpés, sous-capables ».
(4) Lors de sa création, en 1952, Tixier-Vignancour faisait partie du comité de patronage de « Défense de l’Occident », et aussi du bureau du « Mouvement Social Européen », dont cette revue est l’organe, et qui fut fondée en liaison avec des groupes neo-nazis de divers pays. V. Coston, ouvr. cité.
(5) Pierre Hofstetter, dans un article intitulé « La vérité sur le Ku-Klux-Klan », écrit que celui-ci fut fondé pour « protéger les familles sudistes contre la piétaille nègre » (« Défense de l’Occident », août-septembre 1965.)
Tixier-Vignancour écrit au M.R.A.P.
L’incessante campagne du M.R.A.P. dénonçant le regroupement raciste qui s’opère autour de Tixier-Vignancour, gêne de plus en plus le candidat « national » et « libéral ».
Dans une lettre qu’il adresse à Charles Palant, secrétaire général du M.R.A.P., il croit devoir se livrer à une profession de foi antiraciste.
En le dénonçant comme raciste, nous nous inventerions des adversaires : « Rien ne me paraît plus dangereux pour la cause de l’antiracisme », écrit Tixier-Vignancour, pris d’une soudaine sollicitude pour notre action.
Quand il affirme que : « le racisme et l’antisémitisme existent » le candidat de « Rivarol », « Défense de l’Occident », « Minute », « Europe Action » … sait à coup sûr de quoi il parle.
Mais quand il ajoute : « Je fais ce qui est en mon pouvoir et avec quelque autorité pour que jamais ne se reproduisent les excès et les massacres des années maudites » on se demande vraiment pourquoi ce pouvoir et cette autorité tardent tant à s’exercer à l’encontre de ses encombrants amis.
Nous y reviendrons.
LE RACISME EST QUOTIDIEN
– RUE DE TURENNES …
PARCE qu’avec sa camionnette, placée en deuxième file, il gênait un automobiliste qui voulait partir, M. Edouard Storme s’est mis en fureur, l’autre jour, à Paris, rue de Turennes. Plutôt que de reconnaître son tort et de se déplacer, il s’est mis à injurier son interlocuteur :
« Vous les juifs, vous passez votre temps a vous promener … Allez donc vous promener chez vous !… »
C’est ainsi qu’un banal incident de la circulation, comme il y en a tant, dégénère, quand l’antisémitisme s’en mêle …
Un témoin, M. Michel Bryman, intervint, et il y eut une bousculade. Comme cela arrive souvent dans de pareils cas, c’est l’insulteur qui alla chercher la police, laquelle, d’ailleurs fit preuve, dit-on dans le quartier, d’une étrange partialité à son égard. M. Bryman, fort des témoignages de ses voisins et de l’appui du M.R.A.P., a porté plainte.
– A BOULOGNE
Deux Algériens paisibles et correctement vêtus voulaient consommer au café « La Grappe d’Or » à Boulogne-Billancourt. Le garçon passe à côté d’eux, ils commandent deux cafés-crèmes, et attendent. Ils attendent longtemps. Comme ils insistent : « Adressez-vous à la caissière » leur dit le garçon gêné. La caissière, elle, explique : « C’est un ordre du patron, nous ne servons pas de clientèle nord-africaine ». Quant au patron lui-même, il a refusé de les voir.
Les deux Algériens sont allés au commissariat pour porter plainte contre cette attitude discriminatoire. On leur a dit qu’il n’y avait rien à faire, que le patron est maître chez lui, et l’on a refusé leur plainte : étrange conception de la loi que les policiers ont pourtant la charge de faire appliquer.
A Boulogne également, on nous signale que rue de la Tourelle, des croix gammées et des slogans racistes ont été peints sur les murs.
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