Dossier paru dans Basta, supplément au n° 11, juillet 1978

Il est tout à fait normal de s’indigner et de dénoncer fortement, les tortures, les sévices que trois crapules ont fait subir à Ali Abdoul au bar des Arènes à Toulouse. Qu’Ali Abdoul soit soigné et secouru c’est le minimum que l’on peut attendre des services publics, de voisins ou d’amis. Ce qui apparait déjà plus suspect c’est l’empressement des partis politiques à brandir le cas de ce travailleur, à s’arracher l’honneur de l’aider et bien entendu à se disputer sur la manière convenable de secourir quelqu’un en s’accusant mutuellement de faire le jeu du pouvoir ou de la réaction.
Bien entendu les journaux et autres marchands d’idéologie ont décrit, la moindre blessure, le moindre détail sur les tortures subies ne voyant et ne voulant voir que l’acte horrible, de trois salauds au sadisme imbécile.
Personne ni la télé, ni la radio, ni les journaux n’ont parlé de l’ambiance raciste quotidienne qui existe dans les villes françaises et pourtant cette atmosphère a conduit aujourd’hui trois français moyens à agir en tortionnaires, se croyant sans doute en toute impunité puisqu’il s’agissait d’un arabe.
Comme hier le parachutiste qui défonçait le crâne d’un nord-africain dans un bar, le flic qui tuait au P.M. un arabe dans un commissariat, les 4 ou 5 membres du S.A.C. de Nice qui faisaient eux aussi des cartons sur des nord-africains, on retrouve aujourd’hui les mêmes faits divers plus ou moins odieux, plus ou moins réprimés suivant l’écho que la presse en a donné.
Mais avant d’en arriver là il faut parler des tracas que subissent les travailleurs immigrés d’une façon quasi-permanente, à l’usine dans les quartiers, les débits de boissons, au bal et aussi quelque fois en prison.
Les trois principaux responsables de cette ambiance raciste sont : en premier lieu l’armée, ensuite certains colons revenus d’Algérie et des sionistes ultra conservateurs.
Rôle de l’armée
A chaque défaite coloniale l’armée rentre en métropole avec son contingent de natifs de l’ancien pays colonisé qui ont choisis de rester français par peur de représailles ou pour l’intérêt de ce que le pouvoir a fait miroiter. Seulement arrivé en France il en va tout autrement. Les soldats rentrent dans leurs casernes ou sont démobilisés et les français d’Indochine ou d’Algérie rentrent dans des camps. Je me souviens des drames qui éclataient autour des camps d’indochinois de Villeneuve-sur-Lot, les chinois comme ils étaient appelés alors étaient pourchassés comme des bêtes ; un, même, a été lapidé.
Il en est de même pour les harkis et surtout pour leurs enfants. A peine sortis du camp ils deviennent des arabes ou comme les appellent certains soldats : « des ratons, des crouilles, des rats » et j’en passe …
Quand un pays accède à l’indépendance par sa lutte armée, tôt ou tard des accords d’immigration sont établis, et les dures lois économiques font que les pauvres vainqueurs d’hier vont travailler chez les vaincus riches. C’est le jeu et la rançon de beaucoup de victoires de libération nationale ; seulement les travailleurs immigrés le paient durement et chèrement.
La somme de haine accumulée par un légionnaire, un para, un flic, ou un gendarme qui ont « fait l’Algérie » s’imagine facilement.
A peine l’ Algérien, le Tunisien, le Marocain touchent le sol français, et ce sont les emmerdements qui commencent.
Dix parachutistes sont plus fiers après boire de courser un arabe dans les rues de Toulouse, de Paris ou de Pau que les petits gars du colonel Bigeard ne l’étaient en se promenant sur les routes algériennes.
L’engagé, l’appelé ne se moque pas à l’heure actuelle d’un arabe au non de référence historique dom il n’a rien à foutre ; la guerre d’Algérie cela fait 20 ans c’est loin , il n’a pas connu. Pourtant ses chefs lui ont dit : « les arabes c’est con » alors lui il en remet de l’injure, de la violence raciste. Il acquiert la haine de l’infime différence de couleur de peau, de coutumes et autres broutilles. Tout est prétexte au déferlement de la rage et de la rancœur ; l’injure, arrive très vite sans raison puis tôt ou tard le drame éclate. Un Nord Africain a été torturé, assassiné, gonflé avec un compresseur, sodomisé avec un manche à balai, une bouteille de bière. C’est les gros titres des journaux, c’est l’essentiel, le répréhensible alors qu’en réalité cela n’a été que l’arbre qui cache la forêt, l’effet et non les causes.
Jamais aucun soldat n’a jamais été inquiété pour propos racistes ; si cela était nous n’aurions plus d’armée ;
Les flics
Les flics possèdent une possibilité en plus, c’est de représenter la loi. Comme très souvent ce sont d’anciens militaires, ou quelques fois d’anciens colons, il ne fait pas bon pour un Algérien moyen de tomber entre les pattes de ces messieurs. Un travailleur immigré a moins de possibilité en France qu’un Français en liberté surveillée.
Je passe sur toutes les scènes de déshabillage dans les commissariats, les claques, les coups sur la gueule dont les arabes ont été les victimes. Combien d’ Africains ont été retrouvés mort chez les flics sans que cela se sache ou soit déguisé en mort naturelle. Quand les flics de l’antigang se sont fait tirer dessus par les Irakiens, les rues ne devaient pas être sures pendant un mois au moins à Paris pour les travailleurs immigrés.
Si le pouvoir qui, comme on le sait, a horreur du racisme, réprimait tous les flics coupables de menées racistes, nous n’aurions plus un poulet, plus un cogne en France.
Les anciens colons
Il est ahurissant de découvrir certains domaines achetés par d’anciens colons dont le personnel agricole est composé exclusivement d’arabes. Je me souviens dans l’Agenais avoir vu un abruti en chemise blanche sur une jeep allant houspiller des groupes de cueilleurs de pêches. Une véritable image d’Epinal. Cette crapule était comblée. Tout était chez lui comme là-bas, tapis, plateau en cuivre, serviteur ; il avait même emporté son racisme de ses propriétés algériennes. Son seul regret : qu’il ne pousse pas d’oranger au bord de la Garonne.
Certains sionistes suivent les démêlés internationaux entre Israël et les pays arabes à Toulouse dans une certaine aisance. Bien que ces gens-là aient été ou sont encore victimes de racisme en tant que juifs, ils trouvent le moyen de tenir des propos racistes à leur tour à l’encontre des Arabes qui n’ont rien à voir ni de près ni de loin avec le conflit.
Enfin, et pour finir, tout le tissu social de Toulouse et d’ailleurs est composé de haine raciste. Les Nord-Africains, les Italiens, les Espagnols, les Portugais, les Turcs et autres n’ont qu’un droit, celui de travailler et c’est tout … a n’est pas question pour eux de se loger, de se distraire, de se retrouver entre amis.
Tant que cet état de fait n’aura pas été aboli et durement combattu, des affaires Ali Abdoul reviendront encore éclabousser de sang la presse française.
FONDEMENT QUOTIDIEN DU RACISME
On peut difficilement parler de « raisonnement » raciste. Le discours raciste que l’on entend dans nos bistrots, dans les rues, qui suintent haine et mépris sont bien plus constitués de hargne irrationnelle, de lieux communs entretenus (Minute, l’Aurore, etc …) hargne dans laquelle s’expriment des comportements de compensation.
COMPORTEMENTS DE COMPENSATION
Le statut de minable qui est, dans une société dirigée par une classe de privilégiés et par le fric, celui de l’immense majorité des gens, eussent-ils leur petit pas-de-porte, ce statut est dur à avaler. Monsieur X poussé à coup de pied au cul à jouer le croisé en Indochine, en Algérie, poussé au boulot pour se retrouver sur le pavé lorsqu’on n’a plus besoin des ses services, ceci sur un marché du travail ou le patronat sait à merveille jouer de la concurrence entre les travailleurs, Monsieur X adulé en période électorale et fondamentalement méprisé le reste du temps, monsieur X a de la haine. Le bruit des voisins, les bruits de bidet, le bruit des gosses du dessous, le stress lui irritent les nerfs. Haine, mais contre qui ? Le patron, le promoteur ou le plus faible. Etre lâche, c’est plus facile. Et le racisme a cette racine de lâcheté.
Dans cette misère réelle de l’existence, il va essayer de se distinguer, il va tenter d’être reconnu par l’approbation d’attributs symboliques, de signes, affirmant extérieurement, en façade une pseudo réussite sociale. Ce à quoi pousse totalement la publicité qui appelle cela « standing ». Habits, objets de pacotille, voiture dernier cri, lui servent à singer malhabilement les classes dominantes. Il pourra alors mépriser à souhait le « plouc », le « fauché », le « minable » etc …
Cette réponse misérable à la misère réelle des gens, exploitée dans les mécanismes quotidiens du marketing, du chauvinisme, ne fait que prendre son ampleur exacerbée dans le racisme. On dit bien peu que ce racisme prend sa source dans le quotidien « normal ». Ce n’est pas un hasard si l’antisémitisme nazi, ou la haine raciale aux USA, ont pris avant tout sur les chômeurs, les sans réserve en Allemagne, et sur les petits paysans blancs du Sud aux USA, couches sociales menacées. Ce n’est pas un hasard si des prisonniers les plus défavorisés, on faisait, dans les camps, les meilleurs KAPOS.
Parmi ces comportements de compensation, d’identification à des mythes « supérieurs » qui préparent le mécanisme mental du racisme il faut souligner la catégorie intermédiaire du nationalisme. La France avant tout. La Patrie. Et avant la couleur de la PEAU, la couleur du drapeau, ce symbole par excellence, au nom de quoi tout est permis, qui affiche la supériorité d’une communauté qui se veut plus forte, plus belle, donne un corps à ce qui s’appelle spécifiquement le racisme. Quelle différence de nature entre le chauvinisme dont l’armée est le bras et la bourgeoisie la tête et le racisme ? AUCUNE.
LA NORME GENETIQUE
Il va alors être plus facile de parler de cet attribut symbolique magique qui donne à monsieur X l’illusion de sa grande valeur mondiale, en tant qu’il en est l’incarnation: la race. Il appartient à une couche sociale, à un pays, mais en plus il est blanc, il est ce qui se fait de mieux, l’Occident. Il le porte dans la texture de sa peau, dans son sang. Tout le mal vient alors de la « barbarie » extérieure, avant hier péril jaune, hier et aujourd’hui sémite, et plus précisément arabe. Toute fraternité, toute hostilité se manifeste dans cette différence essentielle, GENETIQUE ; et il va de soi que toute idéologie qui détermine autrement les champs d’affrontement, les lieux de fraternité – par exemple le concept de lutte des classes – ne peut être que Juive.
L’idéologie fasciste/raciste se fondant sur la biologie, les gènes pour fonder la supériorité de la race ne peut que glisser très vite vers le rejet de tout ce qu’elle juge, elle, « génétiquement » anormal. Elle trouve alors un bon support dans cette volonté de tout niveler, de tout normaliser que l’on trouve dans la vie courante, dans ce rejet des minorités différentes de « l’autre ». La Démocratie de la majorité (numérique) repousse tout ce qui ne vit pas « en bon père de famille ». Fou, pédé, hippie, anormal et sale arabe sont des modes différents d’un même verbe. Ainsi une bonne femme qui se vomit dans un torchon nazi, « Défense de l’Occident » en vente normale dans des kiosques normaux (et sur ça, que fait la LICA) passe-t-elle de l’un à l’autre par une suite tout à fait logique. Elle commence par la race :
« La civilisation s’éteint lentement du Nord au Sud. Or ces deux mouvements opposés n’ont pas lieu par hasard ; ils correspondent très exactement à des transferts de sang et de gènes … Très certainement, les gènes arabes sont aujourd’hui majoritaires dans toute l’Europe de l’extrême Sud, celle qui avoisine l’Afrique ».
La misère du tiers monde, de l’Afrique ne sont pas dus à l’ethnocide, que sont le colonialisme et le néo colonialisme, mais à la race. Ouf « Et c’est en réalité la civilisation arabe, avec tous ses traits dont le sous développement endémique, l’incapacité industrielle totale … qui fleurit aujourd’hui dans l’Europe de l’extrême Sud. Il faut plaindre les européens du Sud ; d’avoir eu à subir un capital « changement de sang et de gènes ». Que les travailleurs se méfient, si ils ne veulent pas travailler pour rien, si ils pensent que les intérêts du patron ne sont pas les leurs, s’ils font grève, de n’être pas assimilé à ces races à « l’incapacité industrielle ». Que les chômeurs prennent garde aussi. Car, dit la dame « les germains, les Aryens, les anciens celtes … ont l’esprit de l’ordre, ils travaillent dur et économisent beaucoup. Ils sont précis, actifs, efficients. (L’idéal de Raymond Barre et de n’importe quel négrier) Est-ce juste qu’ils entretiennent une masse d’autres hommes au sang paresseux ? » Dans la boue des chantiers, se tassant les vertèbres au marteau piqueur, ramassant les détritus occidentaux sur les trottoirs des avenues, balayant le métro : la race au sang paresseux. Que ne feraient pas, à leur place, les gens qui écrivent dans « Défense de l’Occident » et tous les racistes du monde, cette race au sang industrieux !
L’article ayant ainsi commencé, finit par le concept de Coefficient Intellectuel cher à nos psychologues (pas racistes, eux, hein il faut le préciser).
« Les différences de performance entre Noirs et Blancs en matière de Q.I. résultent d’une différence de constitution génétique, 90 % des hommes de sciences le savent ».
A part le fait que l’on parle, ici, de race – donc c’est raciste au sens strict – les valeurs fondamentales des critères utilisés, production, coefficient intellectuel, valeurs morales, ne sont pas elles racistes; on les trouve constamment dans le discours démocratique. Et telle personne capable d’être « anti-raciste » ne verra pas qu’elle REJETTE constamment des catégories entières de gens selon les mêmes modalités.
Ce n’est pas un hasard, donc, si « l’article » d’une certaine Mary Meissner (et non Meissmer) finit sur une extension non raciste du rejet social :
« Nos sociétés intègrent les tarés, les subaliénés, les criminels, les drogués. Les pédagogues dopent les moins bien doués de l’intellect, récupèrent les débiles mentaux et tous ces anormaux entrent dans le cycle reproducteur ».
Extension très courante, parfaitement intégrée aux mécanismes courants et qui ne risque pas les foudres d’une quelconque L.I.C.A.
RACISME, RACISME à REBOURS et MAUVAISE CONSCIENCE
Nous n’avons aucune mauvaise conscience quant au racisme, parce que nous même suffisamment sensibilisés au problème du rejet social que nous subissons aussi, au regard des valeurs dominantes, et suffisamment impliqués aussi dans la lutte. C’est dire que nous refusons aussi que des gens fassent du RACISME A REBOURS, se servent de CRITERES RACIAUX pour justifier, au nom de ce qu’ils ont subi historiquement, ce que l’on n’accepterait pas d’autres. Or, l’antiracisme strict et militant est bourré de mauvaise conscience raciale c’est-à-dire reprend les termes de ce qu’il combat, mais en plus ou conjointement limite sa critique. Et la rend contradictoire. Il lutte contre une manifestation de rejets sociaux qu’il accepte par ailleurs si ceux-ci ne sont pas fondés sur la race, mais sur une « anomalie » (très vite, elle aussi génétique – cas des drogués : mutants, des homosexuels, ou du fameux chromosome X que l’on a essayé d’introduire en matière criminelle). Il lutte contre le racisme alors qu’il accepte par ailleurs tout ce qui dans notre bonne démocratie capitaliste en fabrique les mécanismes. Car ces mécanismes, comme nous l’avons vu n’ont rien d’exceptionnels … et même ont pignon sur rue.
L’armée, elle « éduque » d’une façon particulière. Qui la contesterait au nom du racisme …? Et pourtant ! Les « bavures » maintes fois constatées, ratonnade classique, chasse au pédé, au gitan, viol etc … ne viennent pas de rien. A Pau, par exemple, c’est toutes les semaines qu’un groupe de fier à bras se retrouvait pour aller casser de l’homosexuel.
Plusieurs mois que l’on traitait de soldat ce chien, de merde, de fillette, de moins que rien, bon à ramper, à lécher la botte de l’adjudant. Plusieurs mois ou, dans le fourré, il chassait du rouge, du fellouze, du viet. Et un jour le moins que chien devenait para. Plus il avait été écrasé, humilié, plus son torse se gonflait, se remplissait de fierté, d’arrogance. Celui qui avait courbé l’échine, s’était aplati sous les ordres d’un petit gueulard arrogant, roulait maintenant des hanches ou des épaules, la tête vide sous son béret rouge. Un mec, un mac, un qu’à des couilles, qui saute de l’avion en beuglant sur un rythme nazi « si tu crois en ton destin … viens chez les paras » ! Tout ça, ce n’est pas raciste, c’est du conditionnement psychologique grâce auquel on fait un bon commando. Qui tue sans bavure, qui cogne ! Alors dans la rue d’une nation sans guerre, on va chercher noise à n’importe quelle petite gueule à cheveux longs, on va se faire plier d’admiration automatique une poufiasse, on va casser un raton, ah ah, comme dit l’adjudant. Halte ! Il y aurait là bavure !
Mais non, mais non, pas bavure, conséquence LOGIQUE. Ce qui est illogique c’est de râler lorsque cela se passe et d’applaudir au défilé du 14 Juillet. C’est de critiquer ce comportement et de faire l’apologie de l’armée démocratique, de vomir sur l’insoumis –
Anti-racistes, encore un effort !
BONNE CONSCIENCE DE MONSIEUR TOUT LE MONDE
Actuellement, plus que le patriotisme, les grandes causes nationales, les grandes manœuvres à l’échelle mondiale entre grandes puissances, tous les gouvernements savent sur quoi motiver les « sans-pouvoirs », les « sans-décision » que sont les classes moyennes, quotidiennement.
C’est la loi de la différence qui consiste à leur faire croire qu’ils sont menacés dans leur pauvre existence par une catégorie de gens qui ne vivent pas selon les mêmes normes qu’eux, ou qui n’ont pas les mêmes traditions et coutumes.
Et ceux-là, les français moyens, arrivent à acquérir une force par leur bêtise et leur esprit borné qui additionnés l’un à l’autre cautionnent et favorisent la bonne marche d’une société qui annihile tout désir et toute création individuelle.
Déjà ces bons citoyens n’ont pas grand chose à part le fait de travailler 8 heures par jour sans trop de danger, de vivre sans frénésie avec un loyer assuré, mais ce « pas grand chose » devient énorme quand il est menacé par d’autres.
Surtout quand ceux-ci, au lieu d’être ceux contre lesquels on ne peut rien (les cadres, les bourgeois qui traditionnellement possèdent), n’ont pas plus que nous et risquent d’en vouloir autant, sans se faire chier toute leur vie par de méritants efforts.
Le bien est de vivre comme eux, sans transgresser dans son mode de vie, de penser, la normalité d’une vie bien orchestrée dont on sait déjà tout à l’avance. De cet esprit, ce cette bonne conscience d’honnêtes gens, on acquiert progressivement un certain pouvoir qui permet des défoulements sur les catégories plus faibles.
C’est ainsi qu’on voit les petits patrons profiter du fait qu’ils ne comprennent ni ne lisent le français pour les faire travailler dans les pires conditions (bulletins de salaire comportant beaucoup moins d’heures que le travail réellement effectué afin de payer moins de charges sociales) ; qu’on voit les employés d’administrations (Agence pour l’Emploi, la Sécurité Sociale, l’Aide Médicale … ), les commerçants les traiter pire que des chiens et être prêts à tous les comportements qu’ils n’osent avoir avec personne. Ils deviennent plus facilement la tête de turc et les responsables de tous les malheurs : quelque chose a disparu, c’est sûrement le voisin arabe qui l’a volé ! C’est devenu tellement ancré dans les mœurs, qu’il n’y a qu’un pas entre ces comportements quotidiens et les tabassages touchant au sadisme.
Et personne ne se sent coupable : c’est bien connu que les arabes passent de sales quart d’heures au commissariat, qu’ils se font contrôler l’identité plutôt deux fois qu’une, alors puisque la loi et l’habitude font monnaie courante du racisme tout est permis. Combien de commentaires de ce style remplissent la rubrique des chiens écrasés dans les journaux sans faire plus de scandale.
Ce raisonnement qui conduit à cette attitude n’a d’autre fondement qu’une profonde lâcheté et un sentiment de jouissance à écraser le plus faible.
Il y a aussi un racisme qu’on ne peut pas appeler vraiment de ce nom puisqu’il n’est pas basé sur un critère racial, de couleur de peau, de nationalité, mais sur une haine de tout ceux qui ne suent pas sang et eau pour arriver à la médiocrité moyenne. La haine d’abord contre tous ceux qui violent la loi et se retrouvent en prison, la haine qui fait les pourcentages en faveur de la guillotine, comme récompense d’une vie terne et besogneuse ; la haine de ceux qui font ce qu’on n’a jamais osé faire, qui refusent de travailler toute leur vie sans rien dire et qui osent ne serait-ce que manifester dans la rue.
Alors contre tous ceux-là, le bon citoyen s’arme, assure la défense de sa piètre propriété. Quand il voit passer, à la tombée de la nuit, quelqu’un devant sa grille avec l’air un peu différent de monsieur tout-le-monde, il tire, c’est sûrement un voleur !
DE TRISTE MEMOIRE…
C’est ainsi que dans son article sur la dernière ratonnade au bar des arènes, Jacques Bertrand, appointé à la Dépêche amenait une comparaison avec les exactions de ce qu’il considère comme le dernier en date des régimes où l’on torture et où on assassine, celui des nazis de 39-45.
Fantastique pirouette à travers l’histoire, inconscience d’un journaleux qui ne devait pas être là pour l’Indochine, et couvrir les petites annonces à l’époque de la guerre d’Algérie.
Ou bien attitude réfléchie d’un journaliste respectueux du ton de son journal quant à sa manière de traiter les « faits divers » d’escamoter les problèmes.
Dans un journal qui depuis vingt ans, entretient régulièrement la chasse au « basané », à l’individu de « type Nord Africain » et à ses « coreligionnaires », il manquait un article aussi hypocrite relatant par le menu les tortures infligées à un individu, qui circonstance aggravante pour les auteurs, se trouvait être français de nationalité, et pour la moitié seulement d’origine Nord Africaine.
Déplorable maladresse de la part des tortionnaires, on aurait été plus perspicace dans un commissariat ou dans les arrières boutiques du métro parisien où la police tabasse les étrangers sous le regard bienveillant des employés de la RATP.
La conclusion de cet orange mécanique au pays du cassoulet est encore plus édifiante. Au nom de la quiétude et de la sécurité des rues toulousaines, l’auteur s’en prend aux trois violents en semblant oublier que de l’ordre et de la sécurité dont il parle, les types de ce genre en sont les plus sûrs garants, qu’en d’autres temps il y ont participé activement avec la bénédiction du pouvoir, que la justice se rend aussi bien dans les tribunaux que dans les arrières salles de bistrots, que dans un fourgon de police, ou au dernier étage d’un commissariat.
Il ne faut donc pas s’emporter mais mesurer ses articles, ne pas parler de crime là où il n’y aurait qu’une simple bavure. Ne pas cracher sur ceux qui alimentent leurs penchants naturels grâce aux faits divers d’hier et d’avant hier.
Ou alors si la Dépêche s’en prend aux amateurs de ratonnades ou de chasse aux voyous dans les grands ensembles, faut prévenir par égard pour ses lecteurs, sinon ça fait un choc.
D’autant plus que cette nouvelle façon de traiter l’événement à très bien pu provoquer l’horrible vengeance qui a suivi le feu au bar des arènes, des chaises affreusement mutilées, et d’innocents propriétaires dans la peine.
Heureusement qu’à la dernière limite, le bon sens a repris le pas à la rédaction :
La violence ne succèdera pas à la violence
La justice suivra son cours
Et Bertrand prendra une aspirine.
REBELOTE
C’est reparti pour un tour ! Comme chaque fois que la pourriture du système transparait dans les médias, les cloportes de la récupération politique se réveillent de leur torpeur.
Le conglomérat des organisations se reforme à nouveau afin d’« organiser la riposte ».
Quelle riposte ?… Bon sang mais c’est bien sûrl … en tout premier lieu : l’appel à la justice d’un système par ailleurs combattu (?). Au cas où juges et procureurs n’y penseraient pas, on leur remet même en mémoire (tract appelant à la manif du 24/10) l’existence des lois à appliquer, et on se scandalise du faible niveau des inculpations et de la mise en liberté de l’une des trois crapules …
Ça ne vous rappelle rien ?… Et oui, les campagnes et les appels à la sévérité des tribunaux, que ceux-ci se font un plaisir de suivre scrupuleusement et qui finissent toujours par retomber sur les mêmes.
Quant au P.C., égal à lui-même, il revendique aussi, avec ses options plus clairement réactionnaires, sa place dans la meute des chacals.
C’est la rentrée, les maos bon teint, et ceux de H.R. en tête, qui se spécialisent dans l’immigré comme les trotskystes dans le Chili et les écolos dans le nucléaire, ont enfourché leur destrier d’automne où les « masses » estudiantines viendront atteler leur charrette …
Démagogie, appels à l’adhésion, tout y est …
Pauvre Ali, toi dont on ignore tout, après avoir été tabassé, te voila dépossédé par ceux qui se servent de toi pour remplir leur boutique.
INFORMATION
LE 30-12-77
M’RAH AHMED
Travailleur Algérien 41 ans.
Retrouvé noyé dans le canal du Midi.
Disparu depuis le 13 voir Dépêche du 30 au 31 version de la presse sans aucune justification : qu’il était ivre.
3-6-78
Rue du Caillou Gris 18h.
Un travailleur algérien agressé par un groupe de jeunes qui sortaient du bar des Bains (établissement où on refuse de servir les immigrés).
Trois camarades de l’agressé venant à son secours, on en gros 20 agresseurs contre quatre agressés qui devront tous être hospitalisés. Dans la nuit les agresseurs reviennent briser les vitres des maisons occupées par les Algériens et brûlent la voiture appartenant à l’un d’eux.
10-6-78
Place Wilson des légionnaires cassent du nègre en l’occurrence deux marchands ambulants … qui seront emmenés par les flics.
ETC.
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