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Commémorer le 17 octobre 1961 pour combattre le racisme aujourd’hui

Dossier paru dans L’Anti-raciste, journal des Permanences anti-expulsions, n° 10, mi-octobre/mi-décembre 1981, p. 8-11

MEMOIRE POLITIQUE – IDENTITE NATIONALE

Le 17 Octobre 61, c’est encore la guerre d’Algérie. Quelques mois après, ce sera la victoire des Algériens. L’indépendance de l’Algérie est d’ores et déjà acquise, la guerre de libération nationale a vaincu le colonialisme français.

En France, à Paris, le 17 Octobre 61, les Algériens manifestent en soutien à la lutte de leurs frères en Algérie, contre le couvre-feu qui les empêche de circuler entre 21h et 6h du matin, contre la terreur policière et les rafles.

Le 17 Octobre 61 au soir, des milliers, hommes femmes et enfants algériens, « descendent » des bidonvilles de la région parisienne et convergent vers Paris. Ils manifestent, la police intervient, matraque, suspend aux arbres, jette dans la Seine, tire. Il y a plus de cent morts. Il y a plus de 10.000 arrestations, pendant plusieurs jours, les stades de Paris emprisonneront les manifestants.

IL Y A DES MEMOIRES QUE L’ON VOUDRAIT TAIRE.
IL Y A DES MEMOIRES QU’IL FAUT RAVIVER.

Qui aujourd’hui se souvient de cette manifestation, qui veut se rappeler la répression monstrueuse dont elle a été l’objet. Qui ose le faire quand on sait qu’à l’époque, peu de français se sont opposés et ont réagi à cette terreur raciste.

L’Etat de De Gaulle montrait là, toute sa capacité raciste de répression et affirmait avant même l’indépendance de l’Algérie, qu’il n’était pas question que les algériens aient des droits en France, surtout pas des droits politiques. Par cette répression sauvage, il voulait réduire à rien l’existence et l’identité nationale de la communauté algérienne.

Ceux qui ont réagi n’étaient pas nombreux : Réseaux Jeanson, Jeune Résistance, les 121 du « Manifeste » le PSU.

Ceux qui se sont tus, qui se sont terrés dans une citoyenneté purement française, étaient ralliés au camp raciste de l’Etat. La démission collective était quasi totale ; la riposte était faible, mais mettait en œuvre un anti-impérialisme militant, un authentique engagement antiraciste qui osait s’affirmer face à la gauche de tradition, PC, PS et syndicats.

Ces forces là, indépendantes de l’Etat, hétérogènes au consensus raciste, préfiguraient ce qui commence à exister et ce pourquoi nous nous battons aujourd’hui, la dynamique et l’unité politique des différentes composantes du peuple multinational.

IL Y A DES MEMOIRES QUE L’ON VOUDRAIT STERILISER
IL Y A DES MEMOIRES QU’IL FAUT GARDER INTACTES.

Les films sur la guerre d’Algérie à la télévision, les livres sur la guerre d’Algérie fleurissent ; la guerre d’Algérie est en débat, et de l’extrême droite au PCF, on se sent « objectifs », « bien documentés », on se justifie, on se présente comme malgré tout, « les bons bougres de l’histoire ».

Le gouvernement Mitterrand propose, mystification suprême, une date anniversaire pour figer à jamais cette histoire qui n’en finit pas de surgir, la rejeter dans un passé sans repère. L’enjeu est de taille car ce que l’on peut apprendre et comprendre de cette époque forge les clés de notre compréhension de la société raciste contemporaine. Démission collective et consensus raciste vont de pair avec un obscurcissement total de la conscience politique.

Il y a vingt ans pour la majorité des français, l’ennemi n’était pas l’Etat colonial et impérialiste français, mais des ouvriers et des femmes du peuple qui revendiquaient leur identité nationale.

Il y a vingt ans la terreur raciste, le meurtre, les voies de fait, les injures racistes étaient justifiables dans le cadre de l’Etat, puisqu’il régnait une sainte alliance entre l’Etat et le citoyen français contre l’étranger.

Il y a vingt ans, le peuple français a tout accepté, il a voilé sa conscience et n’a jamais voulu savoir à quel point il avait été dupe.

Mitterrand 1956-Mitterrand 1981, deux dates dont le rapprochement est inquiétant.

1956 : Mitterrand, Ministre de l’Intérieur … et les pouvoirs spéciaux à l’armée française pour mater en Algérie la révolte d’une bande de terroristes ! »

1981: Mitterrand président déclare que l’Etat doit « rassembler » la majorité des français répondre à leurs aspirations et il met en mouvement, noyé dans un discours anti-raciste, un gigantesque processus discriminatoire entre les français et les immigrés, fixant les limites de la tolérance de l’immigré à la « stabilité » et à la possibilité « d’assimilation ».

Il y a là, la volonté d’interdire que l’unité politique entre les français et les immigrés se constitue ; celle de briser l’unité entre les différentes communautés, entre les « bons » et les « mauvais » immigrés ; la volonté de nier l’existence du peuple multinational.

Octobre 61, Octobre 81.

Ce qui s’est passé, il y a vingt ans nous interpelle fortement sur notre capacité à briser la tentative de consensus raciste du gouvernement PS aujourd’hui. Nous sommes devant notre responsabilité pour que l’histoire ne se répète pas, pour que nous ne soyons pas complices de l’écrasement, de l’élimination d’une partie du peuple.

Les Permanences Anti-Expulsion ont décidé d’étudier du point de vue du peuple multinational, de sa dynamique, de son unité les époques décisives pour la compréhension de la politique raciste actuelle.

Trois groupes travaillent à construire une mémoire collective, base du respect entre les différentes communautés, appui de l’engagement anti-raciste en se penchant sur :

– L’histoire du racisme d’Etat de 1936 à 1945 à travers les lois et les décrets

– l’histoire de l’antisémitisme dans la période contemporaine du point de vue de la question de l’assimilation d’une communauté ou de son rejet

– l’histoire la société raciste française pendant la guerre d’Algérie et ses conséquences aujourd’hui.

Les Permanences Anti-expulsion vous engagent à les rejoindre pour prendre en charge ce travail.

REUNION PUBLIQUE MERCREDI 21 OCTOBRE 20H
A L’AGECA, 177 RUE DE CHARONNE 75011 métro :
Alexandre Dumas.


BILAN DU 17 OCTOBRE 1961 – PEUPLE MULTINATIONAL

RACISME DES ANNÉES 60 – RACISME D’AUJOURD’HUI

Aujourd’hui, le débat sur le bilan de la guerre d’Algérie est ouvert. Les forces parlementaires cherchent à l’enfermer dans une date sans signification (le 19 mars, date du cessez-le-feu) ou à teinture coloniale (le 16 octobre, date du rapatriement du soldat inconnu mort en Algérie). Ils veulent fermer le dossier et confirmer par leur date commémorative les bases actuelles de la société raciste française.

Or, pour les anti-racistes aujourd’hui, faire le bilan politique de cette période est essentiel. Car les formes actuelles du racisme d’Etat comme du racisme civil prennent leurs racines dans ces années noires et de honte pour le peuple. On rencontre toujours aujourd’hui sur le terrain concret de la lutte anti-raciste, les traces les plus graves de cette période :

– les quadrillages policiers de quartiers entiers, les rafles et opérations « coup de poing » dans les foyers, les cités ou les cafés, peuvent encore se déployer sans riposte populaire massive ;

– les injures et expressions racistes anti-arabe et anti-immigré sont encore de cours, non seulement dans les commissariats, mais dans les quartiers comme au travail. Elles sont encore fort peu combattues. Les comportements racistes et fascistes qui vont de la suspicion systématique des immigrés à la chasse au « faciès », à la « ratonnade », sont encore largement mis en pratique. L’expression raciste même : « ratonnade » , provient de cette période ;

– de cette période aussi, la volonté raciste de faire un tri entre les « bons immigrés » et les « mauvais immigrés », « bons » algériens ou « mauvais » algériens. Entre ceux qui vivent comme des français et ceux qui gardent leur identité nationale, ceux qui sont assimilables et les « autres ». Qui n’a pas entendu des propos du genre : « les immigrés portugais, italiens, à la rigueur, mais les arabes et les noirs c’est impossible de s’entendre ! ». De cette époque encore, la discrimination raciste systématique en matière de droits, de conditions de travail, de conditions de logement, les foyers-prisons, les cités-ghettos, ….

Faire le bilan de cette sombre période, c’est comprendre ce qui est au cœur du « racisme d’Etat », c’est comprendre le pourquoi de la démission politique de tout un peuple, fourvoyé par les Partis de gauche et les syndicats ; c’est une nécessité pour combattre le racisme aujourd’hui, pour rompre avec l’attentisme ou la démission, pour choisir une voie qui cherche à développer l’unité français/immigrés et jeter les bases d’une société civile anti-raciste.

TIRER LE BILAN POLITIQUE DE CETTE SOMBRE PÉRIODE,
C’EST RECONNAITRE AUJOURD’HUI L’EXISTENCE D’UN PEUPLE MULTINATIONAL.

Le colonialisme et la résistance au colonialisme ont eu pour effet en France même de constituer les immigrés des « ex-colonies », et en particulier les algériens, en communautés nationales particulières. L’antagonisme violent qui s’était déployé pendant des dizaines d’années entre peuples colonisés et Etat français colonisateur, a eu pour conséquence de rendre impossible en France toute politique d’assimilation. Une telle politique se voyait refusée, rejetée, comme réactionnaire et raciste, par les membres de ces communautés nationales ; tenter de l’imposer par la force allait conduire au développement, à grande échelle, du racisme d’Etat, à l’ombre duquel se déployait le racisme civil.

La répression de la manifestation du 17 octobre 1961 est le premier épisode sanglant d’une telle politique.

En effet, comment expliquer la violence de la répression ? Sûrement pas comme un « fait de guerre » : les négociations avec le FLN avaient été engagées, l’Etat colonialiste français ne pouvait plus aller à l’encontre de la volonté de tout un peuple : l’indépendance nationale. Cette répression avait en fait un autre objectif, un objectif interne à la France : l’Etat impérialiste français voulait marquer son sceau dans l’histoire ; il voulait affirmer que malgré la volonté des peuples d’acquérir l’indépendance nationale, la dignité nationale, leurs « représentants » en France, les immigrés, seront toujours considérés comme des « sous-hommes », des hommes d’une « deuxième population ». La violence de l’Etat était non seulement une revanche contre la victoire du peuple algérien, mais aussi une pièce maitresse du dispositif politique qui allait sévir contre les immigrés.

Les peuples voulaient leur indépendance, soit ; l’Etat colonial français était obligé de le reconnaître par la force des choses. Mais en France, l’Etat impérialiste comptait briser cette aspiration nationale. Il affirmait :

– « soit vous cherchez à vivre comme des français, vous perdez votre identité nationale, vous acceptez l’assimilation »

– « soit on vous rejette, on vous parque dans des cités-ghettos ou des foyers-prisons, et si vous en bougez, on vous matraque, on vous expulse ».

Les bases du racisme contemporain étaient jetées. L’inexistence de riposte populaire de masse, l’alignement et le ralliement des Partis de gauche, du PCF et des syndicats, à une telle politique, transformait son impact en un véritable consensus raciste.

ÊTRE ANTI -RACISTE AUJOURD’HUI : S’ENGAGER DANS LA BATAILLE POUR LA RÉGULARISATION DE TOUS LES SANS-PAPIERS : POPULARISER LE MOT D’ORDRE DU PEUPLE MULTINATIONAL DE FRANCE.

Nous sommes de nouveau interpelés par la conjoncture. La question de savoir si le consensus raciste en France sera renforcé ou bien brisé, reste la question politique de l’heure.

Certes, Mitterrand ne mène pas la même politique que Giscard. Il abandonne l’orientation des mesures Stoléru et de la « loi Bonnet » qui consistait à marginaliser et terroriser l’ensemble des immigrés, à créer une division – la plus profonde possible – entre français et l’ensemble des communautés immigrées ; mais si il abandonne cette politique ce n’est pas pour se rallier à l’égalité des droits, à l’unité français/immigrés. Non, son objectif est de maintenir en France un consensus raciste, construit sur de nouvelles bases.

Son objectif est double :

– rallier les français à un nouveau comportement vis-à-vis des immigrés : il ne s’agit plus de rejeter en bloc les immigrés mais d’introduire une nouvelle division entre les immigrés « stables » et ceux qui sont « instables », entre les « bons » immigrés et les « mauvais » immigrés ; relancer une politique d’assimilation qui divise les communautés et brise leur unité.

C’est donc une VERITABLE MACHINE DE GUERRE CONTRE LE CARACTERE MULTINATIONAL DU PEUPLE DE FRANCE.

Pour Mitterrand, le PS et le PCF, les « bons » immigrés, non seulement doivent avoir un travail, mais un travail « stable » ; ils doivent avoir un comportement proche de celui des français dans les cités, à l’école, … etc. Par contre, ceux qui n’ont pas de travail, ceux qui sont en intérim, ceux qui refusent l’assimilation, la répartition, ceux qui veulent préserver leur identité nationale, enfin, tous ceux qui se révoltent, sont rejetés.

Aux uns : un statut social proche de celui des français ;

aux autres : le refoulement, l’expulsion, les C.R.S. …. C’est le sort réserver aujourd’hui aux immigrés sans-papiers et sans-travail ; c’est le sort réservé aux jeunes des cités (en particulier à Lyon), qui malgré les « promesses » voient à nouveau planer le risque de l’expulsion pour « menace à la sécurité de l’Etat ».

Cette politique de division des différentes communautés, cette politique d’assimilation des uns et de rejet des autres, vont se heurter à la résistance des différentes communautés nationales, à la résistance des anti-racistes authentiques, car une telle politique ne pourra se déployer que par des mesures arbitraires et discriminatoires. Elle ne pourra se déployer que par, le racisme d’Etat, à l’ombre duquel vivra le racisme civil.

C’est ce qui a commencé aujourd’hui avec le PLAN GOUVERNEMENTAL DE REGULARISATION DES SANS-PAPIERS.


LES FILMS SUR LA GUERRE D’ALGERIE… INTERET ET CRITIQUE

« AVOIR 20 ANS DANS LES AURES »
René Vauthier

1) L’HISTOIRE

Algérie. Un groupe de jeunes rappelés bretons oppose la force d’inertie à tout engagement dans un corps de l’armée coloniale ; leur groupe est confié à un lieutenant qui les constitue en commando de chasse, petite unité qui parcourt le pays.

Une escarmouche entre le commando et 3 Algériens, fait un blessé grave chez les Français ; l’Algérien survivant est fait prisonnier.

Le groupe s’installe alors dans une bergerie en ruine pour attendre des secours médicaux.

C’est en appelant la base qu’ils apprennent la nouvelle du putsch d’Alger. Après une discussion, et après avoir écouté les généraux, les soldats refusent de se rallier au putsch et arrêtent leur lieutenant. L’attente des secours, bloqués par le putsch, continue, et De Gaulle lance son appel aux soldats.

Lorsque le putsch échoue, les soldats libèrent leur lieutenant ; les secours arrivent, le commando, avec le prisonnier reprend son chemin.

C’est alors que Noël, un des bretons, dégoûté par les pratiques racistes et fascistes du lieutenant et par la passivité de ses camarades, Noël déserte. Il trouve du secours dans une famille de nomades qui l’aide à soigner Youssouf, le prisonnier blessé. Pour remercier, Noël offre à la jeune nomade un de ses insignes militaires.

Mais la chasse au déserteur a déjà commencé, et quand les poursuivants de Noël trouvent son insigne sur la robe de la jeune fille, ils mas -sacrent toute la famille, sauf le petit garçon…

Quand peu de temps après, Noël revient au camp des nomades pour récupérer son insigne dangereux, le jeune garçon tire et le tue, pour s’apercevoir ensuite que ce soldats français était son ami.

Le film se termine par une harangue du lieutenant sur le thème :

« vous voyez comment sont les Algériens. Même ceux qui veulent les aider ils leur tirent dans le dos. C’est vraiment des s…. ; il faut venger Noël. »

2) VOILA LE CANEVAS DU FILM.

Film sur lequel on peut faire de nombreuses critiques.

A) Tout d’abord, d’un point de vue général, le film est flou : il n’est porteur d’aucune opinion franche, il ne prend aucun parti.

Ce manque de netteté, ce flou sont particulièrement visibles dans les personnages des jeunes soldats : ces jeunes, apparemment récalcitrant à la guerre, violent une jeune Algérienne, tabassent à mort sans aucune raison un jeune garçon, comme si c’était le cours normal des choses, sans aucun scrupule. Le réalisateur filme cela sans aucun point de vue non plus, comme il filme les jeunes soldats se baignant ou le Paysage des Aurès avec ses villages en ruine.

B) Pourquoi ces jeunes bretons sont-ils en Algérie ? Que pensent-ils du FLN ? Là-dessus, le film ne nous dit rien et on se demande même si les soldats eux-mêmes ont un point de vue quelconque.

La façon dont sont montrés les Algériens est d’ailleurs significative. Il s’agit toujours d’un groupe de 3, en embuscade, d’une famille de nomades…Mais de la force du peuple Algérien, organisé pour la lutte armée, de la guerre d’indépendance nationale pas un mot, pas une image ; les Algériens sont isolés, insaisissables, on ne les voit pas comme un peuple.

C) MAIS LA CRITIQUE PRINCIPALE qu’on peut faire à ce film, c’est qu’il a été fait en grande partie pour justifier la politique du PCF par rapport au rappel des jeunes, c’est à dire « Mener la lutte idéologique contre la guerre en allant à la guerre d’Algérie » (Parmi les jeunes, on trouve en effet un instituteur qui est parti pour obéir aux consignes du syndicat)

Le PCF disait :

« Il y aura sûrement quelque chose à faire au sein de l’armée contre la guerre. »

Et ce quelque chose qui nous est montré, c’est la résistance au putsch d’Alger, le refus de s’y rallier – Refus basé d’ailleurs non pas sur une quelconque solidarité avec le peuple algérien, mais sur l’idée que rallier les généraux, c’est prolonger la guerre et donc repousser d’autant la « quille ». Effectivement les jeunes bretons arrêtent leur lieutenant et attendent la suite des évènements.

Et là le réalisateur manipule complètement l’Histoire. Nous voyons des jeunes qui ont l’état d’esprit des soldats du début de la guerre (55-56), l’esprit de la quille. Et voilà que brusquement on se retrouve au putsch, en 61.Cinq ans d’armée n’avaient-ils pas eu raison de la quille au profit du « ralliement » à la chasse à l’arabe

Le film nous dit donc :

« Oui, il fallait aller en Algérie, car qui sait si le putsch n’aurait pas réussi si les appelés ne s’y étaient pas opposés ? »

Et le film ne s’arrête pas là dans la justification de la politique du PCF.

Car même l’image du déserteur est ambiguë ; le seul qui prend position concrètement, qui refuse de continuer à jouer les Ponce-Pilate sous prétexte qu’il n’a jamais tiré un seul coup de feu, celui-là échoue. Il se fait tuer par ceux-là même qu’il avait rallié, les Algériens. Accident utilisé par le lieutenant pour renverser les dernières hésitations du commando sur leur rapport aux Algériens.

Le réalisateur, René Vauthier, justifie cette fin par une remarque statistique : sur tous les jeunes qui ont désertés en Algérie, seul un en a réchappé ; donc, il n’aurait pas été « honnête » de voir Noël réussir sa désertion. Mais dans les faits, cela conforte l’opposition du PCF à la désertion, qui excluait les déserteurs.

Ce film présente donc la guerre d’Algérie vue par le PCF ; il est la justification de l’attitude du PCF pendant la guerre.

3) LE DEBAT

Dès le début de la discussion qui a suivie le film, les interventions ont portées sur la politique actuelle du PCF, Vitry en particulier. Pour beaucoup, de la guerre d’Algérie à Vitry, le PCF a suivi la même ligne et il ne faut pas s’étonner de ce qu’il fait aujourd’hui. Vauthier a eu beau essayer de justifier le vote des pouvoirs spéciaux en 56 par une erreur d’analyse, une confiance trahie dans le programme de paix de la SFIO, personne ne s’y est laissé prendre, et le PCF a été largement dénoncé par tous, sauf par les 2 « communistes français » de service, anciens d’Algérie.

4) CONCLUSION

Aujourd’hui, il est important de parler de la guerre d’Algérie, de rediscuter cette période sombre, de la comprendre et d’en faire un bilan constructif pour aujourd’hui, pour le combat de l’unité français-immigrés.

La projection de film peut être une bonne base pour des réunions sur la guerre d’Algérie.

Mais « Avoir 20 ans dans les Aurès » n’est pas un film intéressant. C’est un film flou, qui ne prend pas parti tout en justifiant le PCF.

« Elise ou la vraie vie » au contraire, me semble être beaucoup plus intéressant, parce que parlant sur la situation en France à l’époque, du rapport entre Français et Algériens, de l’indifférence de la majorité des ouvriers français et du néo-colonialisme du PCF et de la CGT, il peut servir de base à une discussion intéressante.

MARION BERNARD