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Mahmoud Bouzouzou : De deux prisons à la liberté

Source : Mahmoud Bouzouzou, « De deux prisons à la liberté », in Gabriel Marcel (dir.), Un changement d’espérance. A la rencontre du réarmement moral, Paris, Plon, 1958, p. 67-78.

Je suis né dans une ville de la côte algérienne, Bougie, qui fut, à une époque de l’histoire, la capitale de tout le Maghreb oriental, c’est-à-dire de toute l’Algérie, et le centre d’un grand rayonnement culturel pour toute l’Afrique du Nord. Ses habitants l’appellent depuis très longtemps « la petite Mecque », à cause du nombre important des saints qui y reposent.

Ce passé splendide chanté dans les poèmes arabes m’emplissait de fierté telle que j’eus à cœur de les apprendre en mon enfance, dès que je les découvris dans la bibliothèque de ma famille.

Mes ancêtres paternels étaient des magistrats et des imams. La mémoire de mon arrière-grand-père est, de nos jours encore, vénérée. Ma mère porte le nom d’Abdelmoumène, l’empereur almohade.

Je dois mes premières notions de langue arabe à mon père. Il me confia le moment venu à une école coranique où j’appris tout le Coran à l’âge de onze ans. Puis j’étudiai le français dans une école publique dont le directeur me destinait à l’Ecole Normale d’instituteurs. Cependant, désirant une double culture, j’entrai à la Médersa où, après six années d’études, je reçus un diplôme conférant le choix entre la magistrature et l’enseignement. Mon père me voulait magistrat parce que son père le fut. Mais je choisis l’enseignement par souci de répondre au besoin d’éducation du peuple.

Lorsque je reçus ma nomination, j’organisai, en dehors de mes obligations officielles, des cours pour les enfants abandonnés. Mais je dus cesser cette action bénévole au moment où une copie d’un arrêté rectoral, interdisant cet enseignement pendant les heures officielles des cours, me fut adressée.

J’exerçai successivement dans quatre localités et partout, m’intéressant à toutes les méthodes d’éducation, j’encourageai ou fondai une école libre, un groupe scout, un cercle culturel et donnai des cours à la mosquée.

Plus tard, je fus muté d’office par l’administration dans un village du Sud algérien, lieu d’exil des hommes politiques. Cette mesure me mit devant un cas de conscience : l’accepter, c’était encourager l’injustice ; la refuser, c’était prévenir la même sanction de quiconque m’imiterait. Je pensai démissionner, mais, sous la pression de mes parents et de mes amis, je demandai une mise en disponibilité. Je sus quelques années après par un juge d’instruction que cette mesure avait été motivée par le fait que je n’avais pas fait usage de mon bulletin de vote lors des élections.

L’important, c’était que cette mesure me fit voir les contradictions de la politique. Je cherchai le remède. Cependant la nécessité matérielle m’amena à accepter la responsabilité du journal de l’association islamique réformiste dont je partageais les idées d’émancipation. Mais je dus abandonner cette fonction pour me consacrer au scoutisme musulman algérien dont j’étais l’aumônier général. L’administration française voulut en faire éliminer tous les éléments nationalistes. Le refus de l’immense majorité des chefs scouts provoqua une crise. Je fus désigné à l’unanimité à la présidence. Le mouvement s’exposa alors à l’hostilité de l’administration : refus de subventions, refus d’autorisations de tenir des fêtes, de faire des quêtes, expulsions de campeurs scouts par les gendarmes, intimidations et révocations de fonctionnaires scouts…

Ceci me détermina finalement à entreprendre la lutte politique. Je pensais que nous pourrions organiser notre société, dans tous les domaines, selon le véritable intérêt de notre peuple, que si nous étions réellement libres. Sortir notre peuple de la condition de colonisé pour en faire un peuple libre, telle était la lutte qui s’imposait à ma conscience. Ne pouvant le faire avec l’association islamique précitée, qui était apolitique, je lançai, avec l’aide d’un parti nationaliste, un journal indépendant réclamant la révision des rapports entre la France et l’Algérie sur la base de la Charte des Nations Unies et de la Charte universelle des droits de l’Homme.

Je fus en butte à certaines brimades (entraves à la diffusion du journal dans certaines localités, convocation dans les bureaux des Renseignements généraux) et lorsque la révolte armée éclata en novembre 1954, je fus arrêté dans la première semaine par les agents de la DST (Défense de la Sécurité Territoriale), lesquels m’infligèrent des tortures. Celles-ci consistaient à appliquer dans la bouche et le nez de la victime déshabillée un tuyau d’où jaillissait avec force une eau glacée. Après évanouissement, la victime était ranimée par des coups à la tête et au dos. Je dus subir cette opération à trois reprises. Ensuite, je reçus aux reins des décharges électriques qui me faisaient tomber sans connaissance. L’opération, qui recommençait dès que je me ranimais, fut répétée jusqu’au moment où je ne pus me réveiller. Je reçus ensuite des coups de poing au ventre, au visage, à la tête.

Je vis la mort. Je priai Dieu. Le tortionnaire dit : « Ne fais pas le mort… tu es croyant… Dis à ton Dieu de te délivrer. » Il menaça de me jeter à la mer. Je sus plus tard qu’un jeune intellectuel algérien d’Oran avait connu cette fin tragique en cet endroit, événement rapporté par un hebdomadaire parisien à la fin de 1955. Dieu me délivra de ce sort comme Il me délivra encore plus tard, dans des circonstances semblables.

Après l’interrogatoire, je fus amené devant le juge qui m’apprit que j’étais « coupable d’atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat ». Je fus conduit en prison, considéré comme détenu de droit commun. Après avoir été mis au secret dans une cellule pendant deux semaines, il me fut permis de passer une demi-heure par jour dans une cour sans soleil. Peu à peu le nombre des détenus augmentait. Un jour, je rencontrai dans cette cour un jeune homme qui me dit : « C’est toi qui m’as amené en prison. – Mais je ne t’ai jamais rencontré et ne t’ai jamais dit d’attaquer quoi que ce soit. – C’est en lisant ton journal que le sang bouillonna dans mes veines. » Ces paroles me firent beaucoup réfléchir, ainsi que celles du juge d’instruction qui me dit : « Actuellement, il y a des chefs scouts dans le maquis et c’est vous qui en êtes responsable. » Pourtant ma lutte, aussi bien dans le scoutisme que dans le journalisme, s’inspirait de considérations purement humaines. Je pensais sérieusement à la façon d’enseigner les grandes vérités.

Après quatre mois de détention, je fus mis en liberté provisoire. Lorsque l’un de mes avocats, qui était chrétien, me demanda ce que je pensais faire contre mes tortionnaires, je dis : « Ce sont des êtres dénaturés qui ont perdu le sens de l’humain et du divin et dont l’état nécessite une désintoxication beaucoup plus qu’autre chose. » Il me répondit : « Savez-vous ce que vous venez de faire ?… Vous venez de donner à un chrétien une leçon de charité chrétienne. »

Quelques semaines après ma libération, je rencontrai un jeune homme qui me parla d’une découverte : il s’agit d’un voyage qu’il fit en Europe et qui lui permit de découvrir une qualité de vie révolutionnaire idéale pour ceux qui croient en la nécessité d’une renaissance morale et spirituelle pour notre monde. Connaissant mes soucis à ce sujet, dit-il, il était venu me chercher pour m’en faire part. Cela suscita en moi une grande curiosité, qui m’incita à visiter Caux en Suisse, en début de septembre 1955. J’y arrivai avec scepticisme et méfiance, car, après avoir été enthousiasmé par la Charte des Nations Unies et la Charte universelle des droit de l’Homme, j’étais découragé de voir que non seulement ces Chartes n’étaient pas appliquées dans mon pays, mais surtout que ceux qui en réclamaient l’application s’exposaient à l’hostilité des gouvernants.

Arrivé à Caux, je me trouvai au milieu de gens de toutes nationalités et de toutes confessions. La première chose qui me frappa, fut de voir des Anglais et des Africains du Sud unis et s’excusant mutuellement de leurs torts à l’égard des autres. Un étudiant africain dit qu’il avait une amertume telle que la disparition des Iles britanniques sous les eaux n’eût pas suffi à l’assouvir. Un autre avoua qu’il étudiait la physique dans le but de connaitre le secret atomique pour faire disparaitre un jour les Iles britanniques. Un ménage blanc du Kenya reconnut sa responsabilité dans l’apparition des Mau-Mau ; et pourtant ceux-ci avaient sacrifié le père de la femme en offrande à leurs dieux, parce qu’ils voyaient en lui le plus sage des blancs. Un jeune homme noir et sa sœur, dont le père avait été tué par les Mau-Mau, perdirent leur amertume après avoir reconnu qu’ils n’avaient pas de réponse à la division et à la haine. Tous découvrirent le secret du changement qui apporte l’unité et la paix. Ces témoignages vivants d’un changement réel chez des hommes et des femmes qui se trouvaient dans des circonstances où il est généralement difficile d’être attentif à la voix de Dieu et aux conseils de la sagesse, me bouleversèrent. Et je fus convaincu de la possibilité du changement de la nature humaine et de l’efficacité de l’expérience enseignée à Caux.

Je rencontrai à un repas des Français auxquels je racontai mon histoire et les événements de mon pays. Ils furent profondément touchés et ils me firent humblement leurs excuses. Quand je leur dis qu’ils n’étaient pas responsables de la situation en Algérie, ils affirmèrent que c’était leur mode de vie qui avait permis à leurs compatriotes de créer cette situation. Un député français, avec qui j’eus un entretien, écrivit dans son journal un article relatant mon histoire ; il fut reproduit dans Le Monde du 23 septembre 1955.

Après une dizaine de jours à Caux, je rentrai en Algérie avec le regret de n’avoir pas connu cette expérience plus tôt.

Deux semaines après, les gendarmes français de la ville où j’habitais virent m’informer que j’étais l’objet d’un arrêté d’expulsion avec le motif : « Présence de nature à entraver l’action des pouvoirs publics. » Je quittai l’Algérie au début d’octobre 1955 et j’allai à Paris dans l’intention de gagner le Caire. Je demandai un passeport ; on exigea que je justifie d’une résidence de trois mois à Paris. J’y restai pour répondre à cette exigence. Quelques jours après, je rencontrai certains amis de Caux. J’appris qu’un groupe de deux cents personnes de ce centre était en route pour Paris. J’eus la pensée de rester jusqu’à son arrivée. C’est alors que je compris l’importance de Caux à l’échelle mondiale, et j’eus l’espoir que cette qualité de vie qui reflète les vraies valeurs de la civilisation, devienne une réalité partout. C’est seulement dans un monde vivant ainsi que mon pays connaitra la paix et l’unité. La conscience de l’interdépendance entre mon pays et le monde en cette ère idéologique me décida à lutter avec ces hommes pour une ère nouvelle. La seule chose qui me fit hésiter, ce fut l’amertume que j’avais à l’égard de l’Occident à cause de son colonialisme, contre lequel j’ai toujours lutté.

On peut lutter pour ce qui est juste, sans amertume. Dans notre cas, j’ai compris que guérir l’amertume c’est résoudre la moitié du problème ; l’autre moitié, qui en est l’origine, réside dans l’esprit de domination, lequel est non moins curable. Ayant vu qu’un Occidental libéré de l’esprit de domination et un Africain libéré de l’amertume peuvent trouver l’unité, je découvris que la lutte des uns pour les autres est plus avantageuse que la lutte des uns contre les autres et que changer les ennemis en amis constitue l’action morale la plus élevée dans les relations humaines.

Les exemples vivants de changements que j’avais vus renforcèrent ma confiance et ma foi. Les Français et les Algériens pourraient, tout comme d’autres, faire cette expérience. De nouvelles relations naîtraient, d’où surgirait une Algérie renouvelée. Me trouvant alors à Paris dans une salle pleine de gens de toutes conditions, je m’excusai de mon amertume à l’égard des Français et des Occidentaux, et leur tendis une main fraternelle pour qu’ensemble nous luttions dans cet esprit, le seul susceptible d’assurer une paix réelle. L’auditoire fut très ému. Des personnalités françaises se levèrent pour exprimer leur émotion et dire leur détermination à lutter dans cet esprit.

Il était naturel que cet engagement, pris au moment où les passions étaient déchaînées dans mon pays, eût les répercussions que l’on peut deviner. En effet, à ce moment-là, ma femme et mes quatre enfants étaient en Algérie. Mon fils aîné, âgé de onze ans, entretenait la correspondance entre moi et la famille. Des amis leur apportaient un secours matériel. Quand ils apprirent mon engagement, ils retirèrent leur soutien. La lettre de mon fils qui m’apprit cette nouvelle, traduisait une grande inquiétude par la question : « Qu’allons-nous faire ? » Je répondis : « Ne pensez pas à l’argent. Pensez à Dieu et Il pourvoira. » Quelques jours après je reçus la nouvelle qu’une somme importante leur était offerte par d’anciens élèves à moi qui habitaient une localité voisine et qui s’étaient cotisés spontanément. Plus tard, des perquisitions de l’armée dans le quartier voisin de notre demeure alarmèrent ma famille. Je décidai de la mener chez mon frère qui réside depuis vingt ans au Maroc.

Puis j’allais aux Etats-Unis pour y participer aux conférences du Réarmement moral auxquelles j’étais invité. Durant mon séjour à New-York, en février 1957, la question algérienne était venue en discussion à l’Organisation des Nations Unies. J’y allai assister aux débats. J’y rencontrai deux délégations algériennes, dont chacune déniait à l’autre le droit de représenter le peuple algérien. Il n’y avait aucun contact entre elles. J’essayai de lutter pour l’unité, en vain.

Après quatre mois de séjour aux Etats-Unis, je rentrai au Maroc. Quelques semaines plus tard, je fus appelé une nuit au téléphone. J’allai à la poste mais personne ne répondit à l’autre bout du fil. Je revins à la maison. Je trouvai notre voisin debout avec une personne à côté d’une voiture. Je leur serrai la main et soudain je me vis entouré de cinq hommes braquant sur moi des revolvers. Ils me lièrent les mains derrière le dos par des menottes et je fus emmené dans la voiture vers une ferme abandonnée où je passai la nuit au clair de lune, voyant sautiller les rats et entendant siffler des serpents. Je dus copier sous la menace d’un revolver une lettre à mon frère disant que je quittais subitement la maison pour servir ma patrie. C’était la veille du 14 juillet.

Le lendemain, je fus conduit à Rabat et enfermé dans une cellule. Une personne qui paraissait être le chef de la bande et que je connaissais pour un responsable dans l’une des deux grandes organisations nationales, vint me saluer respectueusement et m’apprit que les dirigeants de son organisation voulaient un entretien avec moi. Je protestai contre la façon dont on procéda pour cet entretien et rappelai que moi-même j’étais allé à leur bureau à Rabat pour les voir, sans y trouver, malgré une longue attente, la personne qui m’y fixa rendez-vous par téléphone, et que je gardais toujours l’intention d’une rencontre, n’ayant pas à me dissimuler devant qui que ce soit. « Nous connaissons ta haute valeur morale, ta lutte magnifique, ton passé sans tache. Ceci garantira que rien de mal ne t’arrivera », dit-il. Il me donna un costume, parce que je fus pris en gandoura à l’improviste. Le chauffeur se tourna vers moi et dit : « Je suis ton ancien élève. Je connais ta grandeur morale. Nous savons apprécier les hommes. Nous n’aimons pas l’injustice. Tu seras traité comme un hôte. » A Oujda, je fus enfermé dans une maison isolée. Je recevais chaque jour un morceau de pain et deux sardines de conserve, auxquelles je préférais un verre d’eau dans lequel je trempais le pain sec. Cinq jours après, le commissaire de leur groupe et dix hommes armés, l’air menaçant, vinrent m’interroger sur mes activités, après m’avoir enlevé la chemise et lié les mains derrière le dos par des menottes. Deux semaines plus tard, le responsable principal pour le Maroc de cette organisation nationale, armé d’une mitraillette et d’une cravache, vint m’interroger à son tour. Il m’informa qu’il avait reçu de son représentant à New-York une lettre alléguant que j’appartenais à l’organisation opposée (alors que j’en étais indépendant et le demeure, sans pour autant être contre elle ni contre ses adversaires, étant convaincu de la possibilité du changement qui apporte l’unité constructive). Après avoir été torturé et menacé de mort, il me fut demandé où j’irais si j’étais libéré. Je répondis : « Je continuerais ma lutte pour le Réarmement moral du monde. » Je regagnai ma cellule avec des traces de cravache sur le corps et des douleurs au ventre et à la tête, provoquées par des coups de poings.

Plus tard, des Algériens qui étaient les premiers chefs de l’armée de libération, furent amenés dans cette prison. Après six mois de détention, l’un d’eux me suggéra de nous évader, en rappelant que notre emprisonnement n’était ni juste ni dans l’intérêt du peuple et que l’intention de ceux qui nous avaient arrêtés était de nous supprimer. Je répondis : « Dieu sait mieux que nous ce qu’il est juste de faire. Il nous a amenés ici pour une raison que nous ignorons. Nous allons Le prier de nous montrer ce qu’il faut faire : s’il est juste de nous évader, nous nous évaderons ; s’il est juste de rester, nous resterons. » Nous fîmes la prière. La nuit, je vis en rêve que je fuyais avec un ami sur un terrain couvert de gazon vert, poursuivis par un serpent énorme sans être atteints. Le lendemain, je dis à mes amis que Dieu nous autorisait à partir et que nous serions poursuivis par nos adversaires, mais que nous avions la promesse de la protection divine. Quelques jours après, nous nous évadâmes en plein jour, après avoir ligoté et désarmé les gardiens. La route que nous parcourions traversait des terrains couverts de gazon vert. Nous nous séparâmes à Casablanca, après y avoir rencontré nos adversaires et échappé à un sort tragique. Je rentrai chez moi, où je fus reçu comme un revenant. Quelques jours après, je décidai de quitter le Maroc.

Durant mon séjour à l’étranger, je vivais dans une grande inquiétude au sujet de mes amis, dont j’étais sans nouvelles. Je priais sans cesse pour eux. Plus tard, j’appris qu’ils avaient pu quitter le Maroc un mois après que je l’eus quitté moi-même et qu’ils avaient gagné l’étranger. Je vis alors clairement la véracité de la promesse divine et je compris mieux la puissance de la prière et de la confiance en Dieu, réalisant cette grande vérité qui dit que « les miracles viennent à travers l’obéissance inconditionnelle à Dieu ». En effet, après notre évasion, nous apprîmes qu’il était question de nous exécuter deux jours plus tard. Cinq semaines après, des coups de feu furent tirés à bout portant sur mes amis, mais Dieu les protégea. Comment expliquer cela autrement que comme un miracle ?

(…) La prière fut aussi d’un grand secours moral pour nous. Des prisonniers étaient emmenés de leur cellule la nuit ; le lendemain, nous ne retrouvions plus que leurs vêtements. Nous étions alors en proie à de fortes émotions, pensant que notre tour allait venir la nuit suivante. Je ne peux décrire ma douleur lorsque j’appris, par un prisonnier, la mort sous les tortures au Maroc, d’un avocat éminent d’Oran, un patriote sincère. Je pensais aussi que je pouvais subir le même sort. (…) Prôner les principes d’émancipation et les bafouer systématiquement, condamner la torture et l’assassinat et les perpétrer froidement nous ont conduit à une situation alarmante.

(…) Comment apporter la vraie liberté à l’Algérie ? Les esclaves de l’esprit de domination, d’exploitation, de supériorité, ne peuvent pas la lui donner. Les esclaves des ambitions, des craintes et des rancœurs ne peuvent pas la lui donner. Seuls des hommes réellement libres, avec un cœur pur et des mains propres, pourront apporter cette vraie liberté à leur pays et au monde. C’est pour cette liberté que j’ai décidé de lutter.

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