Article paru dans La Vérité, n° 442, 25 janvier 1957.
C’est dans le cadre des Journées d’études sur l’Afrique du Nord, organisées par le Mouvement de Libération du peuple (MLP) et qui se sont tenues les 19 et 20 janvier au centre administratif et social d’Asnières, que Robert Barrat a traité d’un sujet brûlant entre tous « les bases de la négociation en Algérie ».
Devant un public très attentif et venu nombreux pour l’écouter, l’orateur brossa un tableau de l’Algérie combattante et martyre, et de son peuple unanimement soulevé contre l’impérialisme français. L’heure de Cao Bang vient de sonner pour l’Algérie, poursuit-il, car ce sont de véritables batailles qui viennent de se dérouler à Tebessa et dans l’ouest oranais entre les forces de l’ordre et les partisans de mieux en mieux armés. En Algérie, donc, il n’y a plus de problème politique en dehors de l’indépendance.
R. Barrat analysa ensuite le malaise qui s’est emparé des cadres de l’armée, la lassitude des Européens qui lâchent de plus en plus les ultras et qui recherchent des bases pour une négociation. Avec qui? Avec le FLN, seul interlocuteur valable, nous dit Barrat, qui reprit les conditions d’un cessez-le-feu exposé dans le numéro d’août du « Moudjahidine », c’est-à-dire : reconnaissance de la nation algérienne, souveraineté dans tous les domaines, reconnaissance du FLN comme seul interlocuteur valable et garant du cessez-le-feu.
Puis la discussion s’engagea. Une militante ouvrière déclara que pour imposer le cessez-le-feu, il suffisait de lancer la grève générale. Puis un Algérien, « de la communauté juive d’Algérie, authentiquement moghrabine » affirma ne pas partager l’ostracisme lancé contre le MNA. Mes sympathies vont à ce mouvement dit-il, et à Messali Hadj, car seul le MNA offre aux minorités non musulmanes des garanties démocratiques, affirmant que le seul interlocuteur valable est le peuple algérien, qui doit se prononcer au cours d’élections libres pour une Assemblée Constituante Souveraine sans distinctions de race, de sexe ou de religion. Seule une telle assemblée peut décider de la nation algérienne, alors que le FLN réclame pour lui seul une représentativité exclusive que les faits ne justifient nullement. Il affirma également que l’antagonisme entre FLN et MNA avait un caractère de classe, la direction du FLN représentant, avec des hommes comme Abbas et Farès, la bourgeoisie commerçante et les grands propriétaires terriens, alors que le MNA incarne les aspirations démocratiques et socialistes du peuple, et inscrit dans son programme l’expropriation des terres des colons, la nationalisation des banques et de l’industrie.
Cette intervention fut applaudie par une assistance en majorité ouvrière, et une discussion fructueuse se prolongea jusqu’au soir.