Article paru dans Parti de classe, n° 8, août 1987, p. 10-14
« Régularisation des sans papiers », « lutte contre l’immigration clandestine », expulsions, « loi Pasqua du 9 sept. », réforme du code de la nationalité », etc., tous les gouvernements qu monde refoulent, expulsent, chassent « leurs étrangers ». Le contrôle du citoyen s’accentue. Dès qu’elle n’est plus rentable, la force de travail est rejetée. Hier, quand l’immigré valorisait le capital, crachait de la valeur, il ne posait aucun problème à la société. Mais aujourd’hui, c’est la crise, il y a trop de prolétaires, il s’agit donc d’en éliminer une partie. Le capital se débarrasse des forces de travail excédentaires aux besoins de sa valorisation. Il n’y a pas vingt ans, la bourgeoisie encourageait l’immigration, aujourd’hui les prolétaires sont rejetés aux poubelles du capital.
EN QUOI CONSISTE LE CODE DE LA NATIONALITE ?
Le projet de Chalandon sur le code de la nationalité, restreignant les possibilités d’acquisition de la nationalité française, touchant surtout la jeunesse issue de l’immigration, est avant tout un projet d’intégration et d’insertion sociale. En quoi consiste ce code :
– obligation de prestation de serment,
– remise en cause de l’article 23, c’est-à-dire du principe de la double naissance.
Par ce projet, la droite, ciblait surtout les jeunes issus de l’immigration algérienne nés en France après 1963. (de parents nés en Algérie avant l’indépendance… Donc en France).
Mais l’abrogation de cet article 23 aurait eu l’incidence suivante : exclure de la nationalité française « des pieds noirs », d’origine espagnole, maltaise, ou italienne ainsi que les enfants harkis.
Ce projet est la suite logique de la loi du 9 sept. ’86 concernant l’entrée et le séjour des étrangers en France : le rétablissement des visas pour tous les étrangers hors CEE pour 6 mois, afin de « lutter contre le terrorisme ».
LA QUESTION DES DROITS EST UN RAPPORT DE FORCES INDEPENDAMMENT DE TOUTE LEGISLATION.
En effet, il n’y a jamais eu d’acquisition automatique de la nationalité. Le contrôle de l’Etat a toujours été permanent. Aujourd’hui la réforme du code de la nationalité signifie le renforcement du contrôle de l’Etat, le besoin pour l’Etat d’intégrer et d’insérer totalement les immigrés, qu’ils « se sentent » français, qu’ils se soumettent à la légalité de la patrie. Le prolétaire immigré doit être un sujet reconnaissant envers 1’Etat bourgeois, d’avoir du travail, être disposé à accepter tous les sacrifices.
Les principes d’acquisition de la nationalité ont toujours varié, suivant les besoins de la France.
– Institué en 1851, le code de la nationalité instaure la règle de la double naissance: le Jus Solis (droit du sol – celui qui naît en France est français. Le Jus Solis fut imposé à l’origine pour mettre fin à « l’odieux privilège » des fils d’étrangers nés en France qui se soustrayaient aux charges qui pèsent sur les « français ». Cette appellation de français est obtenu automatiquement, pour la refuser il faut faire une démarche… Quand on a besoin de soldats, de chair à canon, on ne s’embarrasse pas de contrôles et de paperasses administratives
– La loi du 26 juin 1889 : il suffit alors d’être né en France et d’y être domicilié au moment de la majorité. On a besoin de bras et qu’importe que le sang soit impur pourvu qu’il abreuve les sillons. Cette loi élimine même tout droit de décliner cette nationalité française afin que personne ne songe à échapper à l’impôt du sang !
– L’ordonnance de 1945 prise afin de faciliter la reconstruction de la France.
– En période de reconstruction de l’économie nationale, les migrations de main-d’oeuvre ont toujours joué un rôle important. La migration clandestine associée à la migration régulière a servi à la réorganisation massive du marché.
– En période de crise, la réorganisation de 1’économie nationale signifie : expulsion de tous les irréguliers, restructurations, intensification de l’exploitation…
Nous « ne payerons pas le chômage des immigrés ». Tels sont les propos aujourd’hui tenus par la bourgeoisie. L’Etat est obligé de maintenir une couverture idéologique. Cette couverture idéologique a pour fonction de faire passer comme « mesures de sécurité » pour le bien de tous la systématisation des mesures d’exception et de répression.
LA DEFENSE DES DROITS : REPRODUCTION DE L’OPPRESSION CAPITALISTE.
Les démocrates de tous bords s’indignent, s’offusquent de ce que la démocratie parlementaire puisse peu à peu perdre son masque hypocrite et ne révèle trop son rôle dictatorial de défense de leurs propres intérêts de classe dominante. Les organisations humanistes des immigrés et les diverses associations condamnent ce projet en mettant en avant le principe des droits des immigrés : lutte pour l’égalité complète de tous les droits, intégrant les questions de vote, du logement, du racisme, du travail, etc.
– Pour S.O.S racisme et la gauche, la revendication de l’égalité des droits ne peut être satisfaite que dans l’acquisition de la nationalité française.
– Pour les associations de l’immigration ou issues de celles-ci, elle ne sera satisfaite que dans le cadre d’une nouvelle citoyenneté indépendante de la nationalité.
Ce type de luttes affaiblit le prolétariat tout entier par une chaîne de mesures et de solutions d’assistance qui visent à noyer celui-ci dans la masse des citoyens et aboutit à dissoudre la force, même à l’état d’embryon, qui se constitue à travers ses luttes, dans un front de tous les philanthropes réunis. Ces organisations ne font en fait par leurs actions que systématiser le flicage, le repérage, le contrôle de l’Etat, soumettant les prolétaires à la répression légale de l’Etat. Leurs initiatives s’inscrivent dans la liste des attaques que mène le capital contre notre classe, permettant à l’Etat de réprimer et d’expulser démocratiquement. Elles mènent les luttes ouvrières dans des impasses, détournent les prolétaires des préoccupations de classe vers des perspectives bourgeoises, camouflent les antagonismes de classe en y substituant une alternative bourgeoise. Leur critique est une critique anti-prolétarienne dans le sens où critiquer le manque de libertés, d’égalité, etc. signifie en fait lutter pour plus de droits et donc lutter pour le maintien de l’ordre de l’Etat démocratique. A cette critique passive, nous opposons la lutte pour la destruction de cet Etat avec tout son cortège de droits.
Aujourd’hui avec les organisations humanitaires des immigrés, des diverses associations comme S.O.S. racisme, l’Etat reçoit un nouveau soutien pour l’assister directement et activement dans sa répression du mouvement prolétarien, plus particulièrement en ce qui concerne le secteur explosif des immigrés. Ainsi S.O.S. racisme fut une initiative qui a permis surtout de casser « les premiers pas toujours difficiles, d’un mouvement qui s’autonomise ». En effet, depuis 4/5 ans, un certain nombre de jeunes issus de l’immigration s’auto-organisent, tentent d’affirmer leur révolte que l’Etat criminalise.
– Année 80 : création de « Rock Against Police » (RAP) : initiative qui à l’origine (avant d’être récupérée !) est la première grande tentative pour permettre la circulation des informations et des moyens de lutte entre groupes de jeunes.
– Année 81 : révoltes de jeunes prolétaires des banlieues lyonnaises et marseillaises.
– Année 84 : « Assises de Lyon » – Ce sont ceux qui se sont séparés du collectif de soutien à la marche fin 83 « pour l’égalité des droits, contre le racisme ».
Au travers de leurs révoltes, ces jeunes prolétaires las de la misère de leurs vies démontrent que cette lutte est celle de tous les exploités.
Les droits des travailleurs immigrés ne sont rien d’autre qu’une arme de la bourgeoisie pour développer les divisions par catégories, le racisme et le nationalisme. L’égalité des droits est octroyée à l’ouvrier immigré qui répond aux critères de bon citoyen français, celui qui défend l’intérêt national, la justice sociale… s’il accepte tout sans rechigner, les restrictions, les contrôles. En revendiquant des « droits égaux pour tous », les anti-racistes ne font qu’un peu plus soumettre les prolétaires « aux lois du peuple français » qui ne font que réglementer les rapports entre marchands et la bonne gestion du capital.
Jamais le prolétariat n’obtient quoi que ce soit des droits démocratiques. IL N’Y A QUE DEUX ALTERNATIVES : OU ACCEPTER LA DEMOCRATIE – servir les intérêts bourgeois – (chair à canon ou cracheur de plus-value) OU LA DETRUIRE. Les prolétaires qui disent non aux sacrifices, non à l’économie nationale, qui s’organisent pour obtenir par la force la satisfaction de leurs besoins, ceux-là sont des ennemis de la démocratie, ce ne sont que des étrangers !
L’immigré « irrégulier », « sans papiers », concrétise le fait que le prolétaire n’a que sa force de travail à vendre – déserteur de son pays et illégal dans l’autre. Il n’y a pas de terrain spécifique à la lutte des immigrés, mais une une spécificité de la lutte du prolétariat contre l’intérêt sacré de la nation, contre l’Etat, sa légalité, sa justice. Notre lutte n’a rien à voir avec le droit de se faire exploiter et réprimer démocratiquement.
A l’organisation autonome des éléments en rupture de tout le fatras démocratique pourri, au regroupement des prolétaires combatifs sur des positions de classe, la bourgeoisie oppose une meilleure répartition des sacrifices, oppose un appel à une meilleure gestion du capital. L’Etat désorganise le prolétariat par un ensemble d’éléments répressifs et l’encadre, le soumet à la discipline du travail.
L’ETAT : ORGANISATION DU CAPITAL POUR ASSURER SA PROPRE REPRODUCTION.
Son identité nationale ne sert qu’à mieux camoufler le pouvoir organisé d’une classe pour l’exploitation d’une autre. La bourgeoisie de chaque nation conserve des intérêts nationaux particuliers, mais le capital créa une classe – les prolétaires – dont les intérêts sont les mêmes dans toutes les nations.
« La nationalité du prolétariat n’est pas française, ni allemande, ni anglaise… c’est le travail, l’esclavage libre, le marchandage de soi-même. Son gouvernement n’est pas français, allemand ou anglais, c’est le capital. Son atmosphère natale n’est pas française, allemande ou anglaise, c’est l’atmosphère de l’usine. Le sol qui lui appartient en propre n’est pas français, ni allemand, ni anglais, il se trouve quelques pieds sous terre ». Marx.
L’idéologie nationale ne sert qu’à camoufler l’antagonisme de classes.
La nation sert à mener le prolétariat à la lutte contre d’autres nations, c’est-à-dire d’autres prolétaires, d’autres frères de classe !
Mais le fondement de l’Etat n’est pas national et n’a rien à voir avec des éléments tels que la langue, la race, le territoire, etc. L’Etat correspond au capital dont la réalité n’est pas nationale, mais mondiale. La réalité de l’Etat est une réalité supra-nationale. C’est une réalité mondiale. L’Etat existe et se maintient en tant qu’il est organisé pour la défense de certains intérêts déterminés d’une partie de la société. L’Etat tire son origine de conditions sociales, ces conditions sociales sont données dans les rapports qui coordonnent et lient les hommes dans une forme de production déterminée. Si la crise mondiale du capitalisme exacerbe la concurrence entre les diverses fractions de la bourgeoisie, il est un domaine où toutes se mettent d’accord : la répression de ce qui sera leur fossoyeur – le développement des luttes des prolétaires.
La lutte passe par la réappropriation des méthodes et revendications classistes, pour le communisme.
C’est l’internationalisme qu’il nous faut organiser, contre les actuels.et incessants coups de force de la bourgeoisie, contre les campagnes nationalistes pour les droits des immigrés. Cette communauté d’intérêts qui est celle de tous les prolétaires dépasse les différences de races ou de nationalité. Elle s’exprime dans la lutte. Les prolétaires rejettent tout sacrifice, toute soumission, lorsqu’ils s’organisent en dehors et contre toutes les structure de l’Etat (syndicats, associations bâtardes).
LES PROLETAIRES N’ONT PAS DE PATRIE – ILS N’ONT QU’UN MONDE A GAGNER !
ORGANISONS NOUS CONTRE TOUS LES SACRIFICES !
SOLIDARITE AVEC TOUS LES PROLETAIRES EN LUTTE !