Article paru dans Travailleurs immigrés en lutte, n° 9, avril 1977, p. 13-14
Dire qu’elle est opprimée ne donne qu’une idée très faible de la situation de la femme en Algérie. L’homme règne en maître absolu. Il ne veut pas que la femme soit autre chose qu’une esclave obéissante. Et, même s’il est vrai qu’un nombre de filles de plus en plus grand fréquente les lycées et les universités, il n’en demeure pas moins que sa situation reste fondamentalement inchangée. Elle reste étroitement surveillée dans ses moindres gestes, ou par le mari, ou par les parents. Et souvent, pour ces derniers, le fait que leur fille ait pu suivre des études, est utilisé pour demander une dot plus élevée.
Le droit algérien, qui est une application, dans ce domaine, quasi-intégrale du droit islamique, enferme la femme dans un ensemble de règles qui la réduisent à la merci de l’homme. Personne n’ignore aujourd’hui qu’un homme peut épouser quatre femmes à la fois et en même temps. Il va sans dire que la femme, elle, doit se contenter d’un seul à la fois, la polyandrie, – c’est-à-dire la possibilité d’épouser plusieurs hommes -, étant strictement interdite. Dans la « logique » des lois islamiques, la femme est considérée comme un être à part. L’esprit des marabouts, si toutefois on peut accorder une parcelle d’esprit à ces gens, est incapable de concevoir qu’une femme puisse avoir exactement les mêmes besoins que l’homme, que ses besoins soient affectifs, sexuels ou autres… Si la polygamie est admise pour ce dernier, il n’y a aucune raison tant soit peu valable, qui ferait qu’elle ne le soit pas pour les femmes. Et de la même façon, il est inadmissible que le droit de choisir son conjoint soit réservé à l’homme…
Dans le domaine particulier du mariage, le ridicule ne semble pas avoir de limites. Ainsi, il n’est pas permis à une femme de se marier si celle-ci n’est pas représentée par un membre de sa famille, de sexe masculin. C’est-à-dire qu’au cours du mariage, le fait que la femme accepte untel pour mari n’est pas suffisant : il faut en plus l’approbation du représentant familial. Si par malheur le père s’oppose à l’union, rien ne pourra y changer. Et quel que soit l’âge de la fille : qu’elle ait 3 ou 40 ans, c’est au père de décider de son sort. Il arrive qu’une femme de 30 ans ou plus, se fasse représenter par son petit frère ou son cousin de 18 ans !
Evidemment, une prétendue explication à cet état de choses existe. Le cadi vous « expliquera » que c’est pour défendre les intérêts de la femme face au mari, qu’elle doit avoir un représentant.
Et bien sûr, en admettant qu’elle doive être défendue et qu’elle ne soit pas en mesure de le faire elle-même, le fait que sa mère puisse être la représentante, est chose absolument impossible, en d’autres mots, dans ce conflit, (car le mariage est ramené par ces lois à un conflit opposant
les intérêts du mari à ceux de la femme), c’est encore à l’homme que le droit de la défendre revient. Exclusivement.
Cette scandaleuse situation est entretenue par la bourgeoisie algérienne.
Face à cet Etat qui se prétend « progressiste » et révolutionnaire, tout en proclamant l’Islam religion d’Etat, la femme ne se libérera définitivement qu’en enrayant le mal par la base, c’est-à-dire avec la destruction de la société de classes. Non qu’il lui faille se croiser les bras en attendant cet heureux jour, mais en entrant dans la production, et en participant activement aux luttes de classes, et en associant son sort à celui de la classe ouvrière.
2 réponses sur « Mariage et misère des femmes »
La situation a t-elle changé depuis 77 ? La mentalité est la même, même si on a vu des centaines de milliers de femmes au hirak…il y a du boulot…et c’est valable pour tous les pays musulmans.
La situation a évolué dans la mesure où les femmes instruites et salariées sont plus nombreuses. Pour la mentalité, c’est une autre histoire. Il y a toujours un décalage… Quant au nombre de femmes dans le hirak, c’était très variable selon les localités. Mais l’analyse de l’article reste malheureusement valable dans bien des pays où l’islam est la religion de l’Etat.