Dossier paru dans Courant alternatif, n° 42, janvier 1985, p. 14-24
Un an après la marche pour l’égalité, 55 « rouleurs » en mobylette, partant des « cinq coins de l’hexagone » ont traversé toutes les principales villes dans le but de rencontrer les jeunes des ZUP afin que ceux-ci s’expriment et prennent des initiatives. Leur seul mot d’ordre « L’égalité pour tous »… Aucune revendication nationale précise ! Aucun compromis avec l’Etat ! Aucun respect des institutions politiques et syndicales de ce pays ! A l’arrivée de cette convergence 84 à Paris, nous étions plusieurs dizaines de milliers… Il y avait belle lurette que nous ne nous étions senti « bien » parmi une foule de gens sur le pavé parisien. Il y avait là de multiples visages nouveaux, une majorité de jeunes des cités, entrant de plein pied dans un espace que l’on croyait désormais vide. Ce n’était pas une grand’ messe, ce n’était peut-être pas sans contradiction mais c’était vivant, chaleureux, et plein d’espoir. Nous publions ici l’intervention du collectif national de Convergence 84 à l’arrivée du carnaval, ce 1er décembre à Paris. Mais Convergence 84, c’était aussi et surtout ce qui a pu se passer (ou ne pas se passer) dans les villes, les ZUP, lors du passage de ces rouleurs. Nous avons réuni ici, pour ce dossier, quelques exemples, sur différents parcours de Convergence 84, de la réalité locale sur laquelle repose finalement l’émergence ou non d’un mouvement interculturel de jeunes. Ce dossier qui a quelques aspects contradictoires est de plus, nécessairement incomplet. Il y manque bien entendu un bilan-débat des initiateurs de cette démarche (que l’on espère pour le prochain CA), mais surtout les perspectives, les suites de cette initiative.
Intervention de Convergence 84 à l’arrivée du carnaval le 1er décembre à Paris…
Il y a toujours eu une personne ou deux, lors de notre passage dans les villes, pour nous dire, sur un ton navré : « le problème c’est, qu’encore une fois, nous nous retrouvons entre gens convaincus. Et c’est à cause de ça que les choses n’avancent pas… »
Au bout de quelques étapes, une question s’est imposée à nous : convaincus, certes ! Mais convaincus de quoi ?
C’est le sens de notre intervention d’aujourd’hui.
Nous avions choisi d’emblée de nous adresser à l’opinion publique et à elle seule. L’histoire de notre initiative nous oblige ici à réduire cette opinion publique aux gens qui nous ont accueillis, hébergés et nourris tout au long de notre périple. A tous ceux-là, nous nous adressons car ils sont aussi les gens qui, toute l’année, sont nos seuls interlocuteurs du centre-ville.
C’est pourquoi cette intervention prendra la forme d’une
LETTRE OUVERTE AUX GENS CONVAINCUS
Sans la Marche pour l’égalité qui, l’an dernier, rassembla 100 000 personnes à Paris, Convergence 84 pour l’égalité n’aurait pu voir le jour. Nous l’avions tout de suite déclaré : « Convergence est fille de la Marche ». Un ancien marcheur nous avait amusé en soulignant que Convergence naissait exactement neuf mois après la Marche.
100 000 personnes a Paris. Parmi elles, des organisations, des mouvements, des personnalités de gauche et de droite qui s’étaient reconnus dans ce qu’on appelait alors : « l’espoir des marcheurs ».
100 000 personnes à Paris. On pouvait, tout à coup, croire à l’instauration d’un nouveau consensus à l’égard de l’immigration. Un consensus nouveau puisqu’il occupait la rue et avec quel éclat ! Un consensus dans la grande tradition humaniste française : un consensus contre les crimes racistes.
100 000 personnes à Paris. L’immigration semblait sortir de sa réclusion solitaire. Des affirmations comme : « le silence est brise » ou encore : « rien ne sera plus jamais comme avant », l’exprimaient parfaitement.
100 000 personnes à Paris. Et tout à coup, l’exclusion n’était plus qu’un mauvais souvenir ; un vieux cauchemar qui, comme disaient certains, était, sans violence, « relégué dans les poubelles de I’histoire ».
100 000 personnes a Paris. Et c’était le changement, « ici et maintenant ». A partir de cette mobilisation, on pouvait croire à d’autres mobilisations.
C’était cela l’espoir.
Car, qu’on ne s’y méprenne pas : personne n’a cru qu’a partir de cette apparition massive, la crise n’existerait plus.
C’est en terme de luttes, c’est dans l’existence d’un mouvement au sens réel du terme, c’est-à-dire d’un mouvement qui bouge et qui bougera, que l’espoir prenait corps ce jour-la.
100 000 personnes dans la rue. Et c’était la fin du silence. Le silence : cette plaie ouverte dans laquelle s’engouffrent tous les discours de la peur, tous les discours de la haine. Le silence de la rue : celui qui consent à tous les attentats contre notre intégrité physique et morale.
100 000 personnes à Paris. Et les gens convaincus s’opposaient, dans la rue, à ce silence criminel.
Le soir du 3 décembre de l’année dernière, 100 000 personnes sont rentrées chez elles, avec chacune dans ses poches, le bout de rue qu’elles avaient occupé.
Quelques jours plus tard, premières gréves dans l’automobile. Elles s’organisaient à Talbot-Poissy. Nous découvrons alors une distinction effrayante. Une distinction faite par d’autres que nous-mêmes. Entre les vieux travailleurs et les jeunes des cités, l’espoir ne serait pas le même ? Nous devenions des orphelins sans même avoir été consulté. Lequel d’entre nous avait renié ses parents ? Aucun, évidemment !
La Marche avait-elle simplement marché pour les jeunes. Et pour les jeunes beurs uniquement. Il fallait lever ce malentendu. C’est ainsi que nous organisions la première marche familiale ou les marcheurs des Minguettes étaient présents.
Il a fallu se rendre à l’évidence : personne, pour ainsi dire, lors de ce premier rendez-vous après la grande Marche pour l’Egalité. Le moral se maintient pourtant au beau fixe. Nous avions marqué le coup. Nous avions levé un malentendu que les 100 000 (au moins) avaient certainement perçu.
Un peu plus tard encore, d’autres rendez-vous. A l’initiative de l’association des mères victimes des crimes racistes et sécuritaires. Des rendez-vous très importants.
Le 21 mars 1984, une première fois, une seconde fois le 27 octobre 1984, l’association des mères, par deux fois, a tenté d’alerter l’opinion publique, d’interpeller le garde des Sceaux Robert Badinter, sur une réalité « toute simple » : des dizaines de jeunes, enfants d’immigrés ou français, sont tués ou blessés au nom du racisme, de l’autodéfense ou de la sécurité.
Place Vendôme, ces jours-là, devant le ministère de la Justice : personne. Ou si peu de monde… Le silence de la rue regagnait du terrain.
C’est pourtant cette réalité des crimes qui avait fait le succès de la grande Marche pour l’Egalité. Quel autre malentendu empêchait les 100 000 d’être là ? Une partie au moins. Assez importante pour être entendue.
Reçues les deux fois par le cabinet de Robert Badinter, les familles n’ont plus eu de nouvelles, malgré l’engagement du ministère à suivre les dossiers, et malgré les appels de relance.
Fallait-il croire que les dossiers présentés, fruit d’un long travail précis et patient, dérangeaient à ce point.
Ces dossiers mettent en cause, il est vrai, non seulement des tontons flingueurs de la rue mais aussi des cow-boys assermentés, nous nommons là des policiers.
C’était pourtant donner à la Chancellerie la possibilité de s’appuyer sur un travail concret pour renforcer son propre travail. Le cabinet a eu cette réponse lapidaire : « le rapport des forces n’est pas favorable ».
On nous renvoyait au silence de la rue.
Plus tard encore. Elections européennes. La classe politique cède de plus en plus à la pression sécuritaire. Résultat : 11 % à l’extrême-droite. La presse titre : Immigrés, la gifle !
C’est alors que fin juin 1984, quelques « clandestins » se réunissent au Relais Ménilmontant. Ils sont jeunes, français, portugais, maghrébins et africains. Ils décident d’une grande initiative nationale. Une initiative de l’envergure de la Marche pour retrouver le rapport de forces qu’on nous réclamait tant.
Il fallait redémontrer, un an plus tard, qu’il existait ce rapport des forces sur lequel la Chancellerie pouvait s’appuyer. Il fallait retrouver les gens convaincus, au moins ceux-là, et avec eux, prouver de nouveau qu’après la grande Marche rien ne pouvait être comme avant.
Il fallait démontrer à l’Etat que le silence de la rue était une invention de leur cru.
Et nous partîmes, cinquante-cinq, le 3 novembre, de cinq villes de France.
Partis à la recherche du rassemblement de la Marche, mais cette fois en élargissant le mouvement à d’autres communautés qui n’avaient pas pu s’identifier à la « Marche des beurs ».
Nous prenions ainsi l’occasion d’en finir avec l’amalgame immigration égale forcément maghrébins. Nous profitions de Convergence pour révéler l’extrême diversité de ce pays. Diversité qui est, faut-il toujours le rappeler, aussi sa richesse.
II est vrai que les gens convaincus ne vivent pas dans les mêmes quartiers que nous. Une initiative comme Convergence 1984 le dit. Les gens qui la soutiennent habitent, pour la plupart au centre ville. Les gens soutenus habitent, eux, la périphérie, c’est-à-dire dans les banlieues, en dehors des espaces de consommations et de décision.
Nous avons refusé l’attitude stérile qui consisterait à mépriser et à rejeter tous les gens qui ne vivent pas la même réalité que nous. Nous avons proposé le dialogue pour mettre en valeur les réalités locales, aspect fondamental de l’initiative et sur lequel nous avons continué d’insister.
Nous ne voulions pas être des rouleurs-vedettes qui se contenteraient de témoigner sur une tribune. Et de témoigner d’histoires attendues… Force a été de constater que la plupart des organisations qui nous ont accueillis tout au long des trajets, se sont révélées incapables de faire le travail prévu. Faire apparaître la diversité culturelle des quartiers, susciter des initiatives locales qui, en occupant la rue, pouvait recevoir grâce au passage de Convergence une audience nationale… En un mot, faire une véritable travail de création.
Nous nous sommes retrouvés enfermés dans de grandes salles et de grands débats généraux où revenait sans cesse le leitmotiv du racisme et celui de la montée de l’extrême-droite. Discussions où toutes situations concrètes sont oubliées au profit de considérations générales qui permettent à beaucoup, nous le soupçonnons, de soulager leur mauvaise conscience.
Notre propos a été conforté par des rencontres vécues dans les quartiers, rencontres parfois vécues en prenant le chemin de l’école buissonnière, où les jeunes étaient les seuls à évoquer la réalité de l’acharnement policier, les arrestations abusives, les milices d’auto-défense.
Que fallait-il faire ?
Ménager nos alliés parce qu’ils nous offraient le gite et le couvert ? C’est justement parce qu’ils sont nos alliés que nous ne devons leur faire aucun cadeau.
Certains prétendent qu’une pareille attitude risquerait de les dissuader. D’autres répondent que s’ils sont véritablement nos amis, ils doivent accepter d’être remis en question, prendre le risque de leur choix sans pour autant changer d’opinion…
Nous avons choisi la deuxième attitude car nous n’avons pas, dans l’extrême gravité de la situation actuelle, droit au bluff.
Seule une démarche fondée sur la clarté permet d’envisager l’avenir.
A ceux qui nous accusent de faire le jeu de la droite et de l’extrême-droite, nous répondons sereinement : c’est le silence (qui se nourrit de malentendus), c’est la peur de la critique, qui permet une politique des concessions qui elle, et elle seule, renforce la droite et l’extrême-droite.
La France, depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir, en fait l’expérience dans tous les domaines.
Les malentendus, dont nous parlons, reposent sur des considérations générales sur « le racisme ». Ces considérations parlent de l’immigration à partir du seul point de vue moral. La plupart des gens convaincus se définissent comme tels, toujours au nom d’une cause. Parce que leurs idées politiques sont contraires à celles de l’extrême-droite. Parce que leur idéaux humanistes s’opposent farouchement au racisme.
Le problème c’est que lorsque l’on se mobilise au nom d’une cause, on se sent sûrement solidaires de ces pauvres bougres qui subissent des injustices intolérables mais l’on ne se sent pas vraiment concernés. On tend sa main, tout au plus, parce que l’on se sent à une distance sûre de cette souffrance.
Ainsi, lorsqu’il s’agit de s’indigner contre la vague des crimes racistes, après plusieurs mois de silence, 100 000 personnes convaincues viennent tendre cette main de la solidarité. Mais lorsque, par la suite, il devient nécessaire de passer à l’étape suivante et de préciser jusqu’où ira l’engagement des uns et des autres sur la question du jugement de ces crimes, c’est la dispersion totale.
Dispersion qui conduit, une fois de plus, à l’isolement total des jeunes des cités.
On peut citer d’autres exemples.
La présence des îlotiers dans les quartiers entraîne certaines pratiques policières qui scandalisent les gens convaincus mais il faut reconnaître, ajoutent ceux-ci, que cette présence est efficace et que les taux de délinquance diminuent.
De même, pour les questions des quotas. Les gens convaincus ne peuvent pas être d’accord sur le principe de l’expulsion des familles immigrées ou antillaises mais, ajoutent-ils, il est vrai que l’installation d’une famille immigrée dans certains logements sociaux entraîne le départ de quatre familles françaises.
En acceptant de telles logiques, nous sommes en droit de poser une question : avec qui les gens convaincus se retrouvent, de fait, solidaires ?
On découvre que l’origine des malentendus vient de la pratique systématique du double langage.
Ce double langage, on le retrouve dans d’autres sphères. C’est lui, sans doute, qui a provoqué la crise d’un pouvoir politique incapable d’assumer son discours sur le changement.
Ne pourrait-on pas comparer l’isolement actuel des jeunes des cités accueillis, l’an dernier, par une foule enthousiaste, à l’isolement de la gauche applaudie en 1981 par une foule tout aussi enthousiaste ?
Pour dépasser tous ces malentendus, les gens convaincus se doivent de casser des logiques qui sont à l’origine de leur propre isolement.
Sur la question essentielle des jeunes, il est nécessaire que les institutions anti-racistes remettent en question des pratiques qui prouvent qu’elles ne considèrent pas ces jeunes comme des partenaires à part entière.
Elles refusent actuellement de comprendre que ceux-ci ont d’autres buts que d’adopter un mode de vie qui est celui du mode de vie en caserne.
L’intégration proposée aujourd’hui signifie le sacrifice de notre intégrité.
En fait, la richesse portée par cette jeunesse vient du refus de certaines valeurs traditionnelles. Et c’est cela la véritable modernité.
Le débat sur les nouvelles formes de citoyenneté ne peut pas être envisagé avec des partenaires extérieurs avant que s’instaure un rapport de force favorable à l’expression des quartiers qui passent par la remise en cause du carcan antiraciste.
En effet, à servir le racisme à toutes les sauces, on finit par le banaliser. Et surtout occulter des problèmes qui ne sont pas exclusivement ceux de l’immigration.
Il est nécessaire que les liens entre les gens convaincus et l’immigration s’opèrent sur d’autres modes que ceux de la solidarité et du soutien parce que les résistances des jeunes des cités aujourd’hui concernent tous les habitants de ce pays.
Aucune mère ne peut croire ses enfants à l’abri des 22 long-rifle des beaufs détraqués par la folie sécuritaire.
Beaucoup de mouvements, d’organisations de gauche et d’extrême-gauche parlent de racisme à tort et à travers pour justifier les uns leur vocation, les autres pour légitimer l’inscription de la lutte anti-raciste dans leurs programmes.
L’immigration est ainsi marginalisée.
Elle devient un monde mystérieux, tellement mystérieux, qu’il finit par nourrir tous les fantasmes de l’imagination nationale. On peut en dire n’importe quoi sans prendre le risque d’être contredit. Et l’on s’en donne à cœur joie !
C’est une véritable convergence des symboles et des discours : les fachos et l’archétype des invasions barbares, les gauchos et l’étendard de la révolte des damnés de la terre, les cathos au nom de la compassion, etc.
Rien d’étonnant à ce que les habitants des cités périphériques plient sous le poids des symboles.
A l’image d’un certain marcheur qui répond à ses juges que l’absurdité des faits qui lui sont reprochés est telle qu’il préfère ne pas s’expliquer, ils choisissent le silence. Et ils finissent par devenir les otages de conflits qui ne les concernent pas.
Toumi est dans cette situation.
Toumi sur le dos duquel pèsent aujourd’hui les conflits entre la Magistrature et la Chancellerie.
Toumi incarcéré à l’issue d’un procès sommaire. Lors du procès d’appel, le réquisitoire du procureur de la république avait demandé sa libération immédiate comme geste symbole d’un acte de paix.
Comment faut-il aujourd’hui comprendre son maintien en prison et l’alourdissement de sa peine ? Quel est l’autre symbole qui jaillit ici ?
Quelques mots, vite faits, à propos de Convergence 84.
Il est essentiel de préciser que ce texte ne reflète qu’une partie de ce que les rouleurs de Convergence 84 avaient à dire au terme d’un mois de traversées de la France. Pour un certain nombre de raisons complexes et longues à expliquer une autre partie du texte — et non la moindre — ne fut pas écrite. En effet, le contenu de départ de Convergence — l’aspect positif de la démarche — a été entièrement passé sous silence, ce qui a provoqué des remous, aussi bien au sein de Convergence qu’à l’extérieur.
Au vu de ce texte, la trajectoire de Convergence apparaît comme paradoxale, voire contradictoire. D’une initiative ouverte et large, on en est arrivé à des positions de repli, de fermeture. Il est vrai que tout au long des parcours, les rouleurs n’ont pas du tout encaissé les attitudes de certains militants anti-racistes : les anecdotes rapportées sont assez révélatrices d’une coupure gigantesque, d’une incompréhension totale : tel militant justifiant l’îlotage, tel autre, poussé dans ses retranchements, finissant par avouer que pour lui, le racisme provient d’un trop grand nombre d’immigres, etc… et d’une manière générale, une méconnaissance totale de ce que vivent les jeunes dans les cités (leurs embrouilles avec les flics, leurs galères quotidiennes…)
De là à dire que tous les anti-racistes sont des beaufs et qui plus est hypocrites, le pas est vite franchi et l’on se trouve dans une situation inextricable, où plus grand chose n’est possible. Si le texte que nous publions semble séduisant par sa franchise de ton et son aspect « radical », il faut bien comprendre qu’il ne permet malheureusement pas, tel quel, de relancer ou de maintenir une mobilisation large : le mouvement autonome des jeunes immigrés, s’il constitue une PERSPECTIVE correcte, est loin d’être une RÉALITÉ effective, en tout cas suffisamment forte pour créer les conditions, par une dynamique d’envergure, d’un rapport de force favorable (combien d’associations de jeunes se sont cassé la gueule ou vivotent, faute de moyens suffisants).
En tous cas, 30.000 personnes dans la rue le 1er décembre représentent pour beaucoup un succès. Succès relatif bien sûr, mais succès qualitatif par la présence massive de jeunes, peu habitués des manifs.
Quelles seront les suites de Convergence, comment capitaliser cette mobilisation en conservant ses acquis — le dépassement d’un anti-racisme traditionnel, abstrait, paternaliste et/ou politicard — tout en évitant les dérapages conduisant à la marginalisation politique (1).
Après la marche des Beurs et Convergence 84, une troisième initiative de ce type semble, en l’état actuel des choses, bien impossible.
S’il est trop tôt pour faire des pronostics sur l’avenir immédiat, il est par contre vital que certaines choses évoluent un tant soit peu. Les différents collectifs de l’immigration et de la 2ème génération doivent, malgré les divergences et leur particularisme, régler leurs contentieux afin de travailler ensemble. De même que l’association des mères ne doit pas se retrouver seule à affronter les problèmes judiciaires.
Autre question : Les réseaux militants de « soutien » à Convergence vont- ils se disperser dans la nature ou au contraire, chercher à maintenir une présence locale et dans ce cas comment ? Soit la facilité l’emporte et ces comités se transformeront en cartels anti-fascistes comme le propose la LCR, soit une réflexion systématique s’engage, loin des slogans et mots d’ordre, sur L’ENRACINEMENT et le renforcement des luttes pour l’égalité, c’est-à-dire prendre à bras le corps l’ensemble des réalités locales, s’interroger sur le type de liens à nouer avec les jeunes – ni effacement derrière une position de soutien, ni prise en charge -, et sur une meilleure circulation des informations et analyses, avec les collectifs spécifiques déjà existants.
Les libertaires, s’ils n’arrivent pas avec leurs gros sabots idéologiques ou organisationnels, peuvent jouer un rôle déterminant dans cette recherche, car elle se situe à l’opposé d’une politique d’états-major et fait appel à une thématique d’auto-organisation.
Nous reviendrons dans un prochain CA sur tous ces points, et sans doute bien d’autres car ici comme ailleurs, un certain recul est nécessaire pour bien saisir des éléments qui ont parfois tendance à évoluer rapidement.
Paris le 15.12.84
(1) Cela ne signifie pas qu’il faille se faire instrumentaliser par une certaine gauche humaniste toujours prête à jouer les médiations avec l’Etat.
Convergence 84 à Angers
Les rouleurs de Convergence 84 sont arrivés dans la région alors que plusieurs travailleurs turcs avaient été tués ou blessés à Chateaubriand (entre Angers et Nantes), par un maniaque de la carabine, simplement par « haine de l’étranger ».
Le 17 novembre, un millier de personnes ont manifesté à Nantes aux côtés des rouleurs. Il s’agissait en majorité de jeunes des ZUP nantaises (Malakoff, Sillon de Bretagne), alors que deux jours plus tôt une manif anti-raciste avait rassemblé 2000 personnes, presqu’exclusivement des militants des orgas de gauche ou syndicales. Il y a eu quelques accrochages avec le service d’ordre du Front National qui protégeait une réunion de Romain Marie, le führer des Comités Chrétiens-Solidarité.
Le 18, les rouleurs sont allés à Angers en passant par Chateaubriand où ils ont symboliquement cassé un fusil devant le café turc. A leur arrivée à Angers ils ont été accueilli dans la ZUP de la Roseraie par plusieurs centaines de jeunes, essentiellement venus des ZUP avec qui ils ont fait la fête toute la soirée. L’importance de l’accueil a été un succès compte-rendu que la presse avait quasiment tenu sous silence l’événement. Seule la feuille de chou locale, Le Courrier de l’Ouest, avait fait un dossier durant trois jours… sur « La montée de l’intégrisme musulman en Anjou ».
Le 19, des débats furent organisés dans les écoles. Dans une école de La Roseraie, le débat a tourné court. Alors que les rouleurs avaient l’appui du directeur de l’école, les professeurs refusaient de laisser les élèves participer à cette rencontre. Qui a dit que la laïque c’était le mildiou ? (voir encadré) L’après-midi, une petite manif de mobs a fait le tour de la ZUP.
Le soir a eu lieu un débat avec environ 300 personnes avec tout le gratin des militants de la gauche française et étrangère (de l’UNEM surtout) mais aussi une centaine de jeunes des ZUP et des ouvriers immigrés.
Après avoir expliqué les buts de leur démarche, les rouleurs ont reproché aux autorités de n’avoir eu d’attitude constructive face à leur démarche. Dans certains cas, les municipalités brillaient par leur absence (Angers), dans d’autres c’était réception officielle avec vin d’honneur et petits fours (St Nazaire), mais rien de concret alors que les rouleurs auraient aimé plutôt qu’elles répondent aux demandes des jeunes de la ville. Ils ont regretté qu’aucun représentant de la municipalité ou des pouvoirs publics ne soit présent au débat. Or un adjoint au maire (PS) et un conseiller municipal (PSU) étaient là mais se sont bien gardés d’intervenir en tant que tels. Ils se sont contentés plus tard dans le débat d’intervenir anonymement avec des discours du type « élections cantonales ».
Le débat a peu porté sur le racisme. Un prof, français, déclarait que les ouvriers étaient les plus racistes. Un ouvrier marocain lui rétorqua que dans son milieu (au prof) il ne pouvait pas y avoir de racisme car il n’ y avait pas d’immigrés. Ce même ouvrier remarquait que le racisme était surtout perceptible dans les ZUP et beaucoup moins dans les usines.
Sur la question de l’identité culturelle qui semblait importante pour la plupart des rouleurs, beaucoup de jeunes étaient en contradiction : « Je suis né en France, j’y suis bien et je m’en fous que mon père soit né marocain » ; ou encore : « Quand je vais en Algérie, je me sens un étranger » etc…
Le clivage entre militants et jeunes « Beurs » a été encore plus important quand on en est arrivé à la question de l’égalité des droits. Chaque militant y est allé de son « droit de vote pour les immigrés », « respect des engagements », « on est tous frères », mais le débat a vite tourné en prise de becs entre gauchos et cathos-socialos d’où étaient absents les jeunes qu’ils prétendaient défendre. Un étudiant marocain a tout de même fait remarquer à propos du droit de vote, qu’il n’était pas sûr que les élections avaient bien changé la vie des français. En outre que la nouvelle carte de séjour de 10 ans (voulue par la gauche) est informatisée sans que ça traumatise ces militants de gauche qui s’étaient pourtant mobilisés contre l’informatisation de la carte nationale d’identité.
Angers
Convergence à Champigny
Pour comprendre la réalité d’un collectif campinois 84, il est nécessaire de donner en préambule quelques précisions géographiques et historiques.
Champigny est une des plus grandes villes de la banlieue parisienne. Sans entrer dans de fastidieuses descriptions, il est important de signaler que l’on y trouve des cités HLM (ZEP, îlots sensibles…) : Bois l’Abbé, Mordacs, Cités jardins ; et des quartiers pavillonnaires : Coeuilly, Centre…
La place manque pour une étude détaillée, mais qui dit quartier « pavillonnaire » ne dit pas forcément « bourgeois » (le crédit sur 20 ans ça existe…). La mairie est un bastion PC depuis la libération. La poussée électorale de la droite aux dernières élections, a amené le PC à refiler quelques responsabilités au PS. Par ailleurs deux conseillers PSU siègent.
Bien revenons à notre collectif local. L’idée de créer un tel regroupement est partie d’ un noyau d’individus (PSU, ex PSU, libertaires, inclassables…) qui s’étaient constitué autour d’un problème concret de délinquance/racisme sur le quartier du centre.
Au-delà du soutien à Convergence 84, cette (re)prise de contact a permis de recenser un certain nombre de problèmes :
– Classes pour enfants immigrés dans une des écoles du Bois l’Abbé.
– Contrat d’agglomération où certaines associations immigrées ont vu leurs propositions systématiquement rejetée s ou d’autres n’ont pas été contactées.
– Logement : quotas de fait appliqués par la mairie.
Dès le début s’est posé et réglé le problème du cartel ou du collectif d’individus. Le cartel a été écarté pour deux raisons :
– Les gens à l’initiative du collectif n’étant là qu’à titre individuel.
– La politique municipale et les récentes mesures gouvernementales ont de fait exclu le PS et le PC (et donc toutes leurs structures satellites ; associations, syndicats…) dans l’esprit de la plupart des membres du collectif.
Le fonctionnement du collectif mérite quelques remarques. II y a eu beaucoup de rotation dans la présence des gens au cours des réunions. Avec à chaque fois des nouvelles arrivées compensant les défections (en moyenne 15 personnes par réunion). On peut noter que cette irrégularité était flagrante chez les jeunes des cités et les militants immigrés.
Il n’est pas non plus inintéressant de savoir que des jeunes des cités (Bois l’Abbé et Mordacs) ne se sont déplacés que lorsque les réunions se sont faites dans un centre culturel d’une cité.
Concrètement le collectif a organisé « 6 heures contre le racisme, pour l’égalité » le samedi 24 novembre dans le centre culturel déjà cité. 100 personnes se sont déplacées. Ce n’est pas trop mal compte tenu du faible nombre d’affiches annonçant l’initiative, et de la courte préparation de cette soirée (4 jours).
Par ailleurs, les rouleurs ont été accueillis par une association de jeunes du Bois l’Abbé le jeudi 29 novembre pour le repas de midi. Il semble que cela se soit très bien passé… On ne peut pas en dire autant du départ collectif de Champigny pour la manif du 1er décembre : 10 à 15 personnes… Même pas toutes les personnes passées au collectif, et surtout une absence… des jeunes des cités.
Les suites de Convergence 84 à Champigny restent difficiles à pronostiquer. Il est question de maintenir un collectif qui s’attaquerait aux problèmes concrets (école, contrat d’agglomération, quotas…)
Le débat reste ouvert entre des actions « anti-racistes » ou des actions « pour une France pluri-culturelle ». Le projet d’un centre culturel autogéré sur leur cité, formulé par des jeunes du Bois l’Abbé pourrait mettre tout le monde d’accord.
Quoi qu’il en soit de nombreux problèmes restent à résoudre :
– La prise en charge réelle des jeunes et des immigrés des problèmes. Iront- il jusqu’aux conflits ?
– Les motivations et modalités de soutien des « Français » du collectif.
– Harmonisation des différents fonctionnements collectifs (« jeunes des cités », « militants »).
Nous aurons certainement l’occasion de revenir sur ces thèmes dans les prochains CA.
Champigny le 14.12.84
Convergence 84 à Caen
Tiédeur et humidité…
L’accueil sur Caen a été pris en charge par un collectif de soutien à Convergence 84 composé d’organisations politiques (PC, LCR, Groupe Communiste Libertaire), syndicales (CFDT, CGT, UNEF ID) et de quelques collectifs ou comités (collectif anti-fasciste, comité anti-fasciste, CIMADE…).
Seule l’UNEM, elle aussi participatrice, donnait à ce collectif une « couleur immigrée » aucune autre association, directement préoccupée par les problèmes de l’immigration, n’étant parti-prenante de ce collectif.
DETERMINATIONS ET AVERSES
Après avoir dégagé la route des clous semés par « d’odieux racistes » les rouleurs ont pu gagner la maison des syndicats ou les attendaient les délégations des différentes organisations membres du collectif. Une fois rassasié, tout le monde a du se rendre à l’évidence : « Nous avions pris du retard sur le planning chargé de la journée ! ». Pour les rouleurs et pour certains membres du collectif le remède était simple : « On va dans les quartiers comme prévu et on supprime les réceptions dans les mairies ! ». Déconvenue pour certains mais en route pour les quartiers. Il faut préciser que quasiment rien n’a été préparé dans les deux quartiers choisis, la majorité du collectif ayant jugé que le temps manquait… Ainsi par exemple, la CFDT avait annoncé qu’elle ne diffuserait pas de tracts sous prétexte qu’il n’y a pas assez d’immigré, ce qui sera tacitement accepté par le collectif. La conséquence sera inévitable : le contact avec la population locale sera difficile par contre les élus étaient là pour emmener les rouleurs dans leur mairie respective.
Ainsi la municipalité d’HérouvilIe PS, non partie prenante du collectif mais ayant offert l’hébergement, les entraînera dans le centre d’hébergement pour une réception avec les élus. Certes d’autres habitants d’Hérouville suivront mais sur place la discussion se fera exclusivement entre élus PS et rouleurs.
La dénonciation de la politique du gouvernement n’était sûrement pas sans intérêt mais la municipalité d’Hérouville confrontée à une très faible population d’immigré ayant une politique « modèle » par rapport a l’immigration avait des arguments locaux qui n’ont pu être approfondis.
En plus de ces deux quartiers, un lycée avait organisé une journée sur le thème du racisme et attendait les rouleurs.
L’après-midi s’est terminée par une manifestation regroupant un petit millier de personnes sous une pluie diluvienne. II s’agit là certainement de l’aspect le plus positif de la journée ; surtout que cette manif avait précédée quelques jours auparavant d’un défilé de 500 personnes pour la mort du travailleur turc abattu dans la région parisienne.
Une soirée inter-culturelle a mis fin à cette journée, sous forme d’un concert des plus ringards dans un amphithéâtre.
EN GUISE DE CONCLUSION
On peut considérer que I’objectif d’une telle journée se situe à deux niveaux.
D’une part l’aspect spectaculaire avec son audience dans les médias.
D’autre part la mobilisation engendrée ponctuellement et pour l’avenir.
A Caen, on peut dire que le premier objectif a été atteint par contre, en ce qui concerne le second, seule la manifestation a bénéficié d’une mobilisation satisfaisante ; le reste de la journée n’ayant pas été l’occasion d’une apparition active (ou participative) de la population locale immigrée.
A cela différentes raisons :
– La réalité de cartel d’organisations du collectif et son manque de pratique sur le problème de l’immigration, donc son manque d’efficacité.
– La particularité de Caen par rapport au problème de l’immigration (faible proportion de la population).
– Mais aussi la démarche de Convergence 84 qui par exemple à Caen s’est adressé à certains collectifs proches d’organisations politiques pour la préparation de leur passage…
Quoiqu’il en soit, il peut sembler important que cette démarche même incomplète se soit faite dans cette période d’isolement pouvant devenir une référence à plus long terme.
Caen
Décembre 84
COMMENTAIRE A CHAUD…
Le tract du groupe communiste libertaire se terminait par : « …Ainsi quelle meilleure réponse à la propagande « La France aux Français » qu’ un combat au coude à coude des travailleurs « Français » et « Immigrés » contre la restructuration barbare du capitalisme, que ce soit a I’usine ou dans les quartiers face a la rénovation ».
Un des rouleurs nous a expliqué qu’il n’était pas d’accord avec cela dans la mesure ou le racisme est une agression spécifique des immigrés et que c’est eux qui en sortiront par eux-même… sans commentaire… si ce n’est qu’il y avait des rouleurs Français… le refus de la récupération politique est important mais la seule solution est une certaine « cohésion politique ».
Convergence 84 à Dijon
Le 22 et 23 novembre, les rouleurs de Convergence 84 passaient à Dijon. Il est difficile de tirer un bilan cohérent, global et bien ficelé de ce passage, d’une part parce qu’il n’exprime que le point de vue de « jeunes français », même si nous étions concernés par cette démarche puisque nous sommes aussi victimes de l’idéologie insécuritaire et du contrôle social (en tant que militant politiques et de par notre mode de vie différent de la norme dominante), d’autre part parce que la démarche en elle-même était farcie de contradictions. Voici donc plutôt une série de remarques sur ce vaste sujet…
VIEUX, CATHOS DE GAUCHE, PLEINS DE BONNES INTENTIONS MAIS COMPLETEMENT DEPHASES
Bien qu’un peu caricatural c’est comme ça que nous avons ressenti le collectif d’accueil qui s’était formé pour accueillir les rouleurs (la vieillesse n’étant pas exclusivement physique, mais surtout dans les têtes…). Dès les premières réunions nous nous sommes demandé ce que nous avions en commun avec ces gens-là, qui n’ont aucune différences réelles à revendiquer, qui sont tous issus plus ou moins directement de la majorité politique au pouvoir, et qui se retrouvent tout content de faire leur BA annuelle. Situation ou nous sommes passé d’une tentative de critique constructive, à un désintéressement croissant pour les réunions, pour finir par n’assurer que le minimum militant afin d’assurer la pub nécessaire au passage des rouleurs. Il est évident que si les jeunes immigrés avaient participé massivement à ces réunions, notre attitude aurait été différente, mais les seuls représentants de cette « catégorie » étaient minoritaires et sans aucun moyen de se faire entendre dans le ronronnement tranquille. Le seul intérêt de ces soirées perdues étant peut-être de s’apercevoir que le clivage existant dépasse le simple désaccord politique pour se situer également sur la réalité quotidienne de mondes antagonistes et incompatibles, avec le regret de ne pouvoir impulser à nous tout seul un tel comité, donc d’être soumis aux décisions de ces petits bourgeois anti-racistes.
DE L’OPTIMISME AU MALAISE
Nous n’avons pas été apparemment les seuls à ressentir ce décalage. Les rouleurs avec qui nous avons discuté étaient partis de Marseille plein d’entrain et quand ils sont arrivés chez nous, ils commençaient à en avoir sérieusement ras-le-bol. Cette évolution avait eu son point de bascule a Chalon/Saône où un des militants du comité d’accueil (accueil ?) s’est pris une baffe, tant son attitude était en contradiction avec ses beaux discours. Ce n’est pas chez nous que ce malaise a pu être dissipé. Ici comme ailleurs rien ne pouvait vraiment accrocher entre les jeunes et les vieilles barbes politiciennes. C’est peut-être une image simpliste, mais comment croire qu’un prof de fac en costard/cravate peut faire un discours de bienvenue réel à des gens en cuir, jeans ou autres frusques confortables et pas chères. Cela dépasse la simple différence de look pour rejoindre en fait des différences de classe. Avec les habituels débats foireux et intemporels, l’incompréhension totale du malaise qu’avaient les rouleurs et qu’ils ne pouvaient exprimer, simplement parce que c’était pas prévu au programme.
Mais il serait aussi trop facile d’accuser toujours les méchants vieux cons de tous nos maux. En tant que collectif spécifique nous n’avons guère fait mieux, à part balancer un tract new-wave et politiquement juste (bien sûr !). Quand à Convergence 84 ils ne firent que récolter le fruit de leurs illusions et de leurs ambiguïtés. Il y a quelque part quelque chose qui cloche entre le fait de participer à une démarche essentiellement politique tout en refusant d’en assumer les conséquences (quitter les débats, ou ne pas y participer) sous prétexte « qu’on est pas des politiciens ».
Ce qui est vrai, d’ailleurs, du moins pas pour la plupart, puisque ce n’était pas des militants, donc des gens qui se retrouvent sur un terrain de paroles, de théories, d’affirmations, qui n’est pas le leur. Juste que pour l’instant, il est difficile de contourner ce terrain-là, que l’initiative même l’impliquait et qu’il est un peu bizarre de s’en apercevoir après, surtout quand on sait, qu’au moins au niveau parisien, un certain nombre de membres du groupe de départ ne sont pas des nouveaux nés du politique.
PERSPECTIVES
Ça va être rapide, y’en a pas, enfin pas dans l’immédiat et de toute façon sans rapport direct avec le passage des mobylettes. A ce sujet, il pourrait être bon de faire un bref retour en arrière. Dans CA 39 nous disions (Nous, en tant que groupe de gens partie prenante de ce que nous racontons sur Dijon au fil des pages de votre journal favori…) qu’après la venue de Le Pen un collectif anti-raciste allait se monter. C’était croire trop vite qu’une rage momentanée allait se transformer en activité militante à long terme, ou plutôt qu’en l’absence d’événements précis et émotionnels, ce ne sont plus que les « militants » qui assurent une tentative de suivi. Nous savons que les copains sont toujours là et qu’en cas de menée raciste par exemple, leur réaction sera immédiate. Mais ce ne sera justement qu’une réaction, pas des initiatives que nous pourrions prendre efficacement si nous étions plus nombreux. Et pourtant une milice de « braves gens » s’est créée dans un des quartiers les plus « chauds » de la périphérie… Et pourtant ces mêmes quartiers sont maculés de slogans racistes. Ce n’est malheureusement pas encore le déclic suffisant pour que s’organisent les victimes potentielles, bronzées ou non.
C’EST PAS SI SIMPLE (Ben voyons !)
Ce qui précède n’est pas d’un optimisme extrême. De toute façon il semble évident qu’en terme de dynamique à court terme, Convergence 84 est un échec politique. D’un autre coté le politique dans une telle démarche ne s’arrête pas forcément à l’immédiat, au théorisable. Il ne s’agissait pas non plus d’arrêter la vague nationaliste et xénophobe avec quelques bruits de pots d’échappement. Des gens, jeunes pour la plupart, sans passé activiste, sont descendus dans la rue pour gueuler et chanter qu’ils ne voulaient plus de leur ennui mortel (au propre et au figuré), nous avons bu des bières, même parfois en nous engueulant, avec des rouleuses et des rouleurs venus d’horizons différents mais dans les mêmes galères que nous, ils ont apparemment perdu pas mal de leur naïveté de départ, ce qui ne s’intègre pas du jour au lendemain, ce qui ne se dépasse pas en quelques semaines d’une action commune. C’est difficile à exprimer, difficile de ne pas sombrer dans une démagogie genre « chouette on est jeune, on est en cuir (que le capital nous vend…) on branche », et en même temps il y a l’espoir que ces leçons, cet antagonisme de plus en plus flagrant entre eux (pas les jeunes, les autres) et nous (à définir), cet apprentissage de l’autonomie comme refus sans encore de capacité de propositions valables, tout ça qui dépasse un prétendu bilan, que parallèlement il est nécessaire de faire, tout ça donc n’est pas complètement inutile.
Dijon, le 11.12.84
Convergence 84 à Reims
Le passage des « rouleurs »(parcours de I’Est) de « Convergence 84 » â Reims a coïncidé avec l’émergence dans la principale Zup de cette ville (Croix-Rouge) d’un bouillonnement interculturel porté par des jeunes. Dans cette Zup, plusieurs facteurs ont interféré : suite à la Marche pour l’égalité en 83, des jeunes du quartier avaient rencontre d’autres jeunes d’une importante Zup de St-Dizier qui s’étaient mis en association afin d’exister par eux-mêmes. D’autre part, la municipalité de Reims (RPR-UDF depuis 83) menaçait de fermer ou de reprendre en mains certaines structures du quartier dont l’une (le + Château d’eau +) sert de lieu de rencontre, de répétition à différents groupes musicaux dont certains sont nés en son sein. Ce lieu, bétonné, insolite et peu fonctionnel mais n’imposant pas d’activités précises dans lesquelles les jeunes doivent obligatoirement s’inscrire pour avoir le droit d’entrer (cas des MJC ou centres sociaux) était et est encore le seul lieu de vie des jeunes du quartier. Ainsi est née l’idée d’une association regroupant les jeunes du quartier, créée et gérée par les jeunes eux-mêmes, indépendante des structures sociales, d’animations habituelles. Le premier but de cette association est d’acquérir un local afin de permettre aux jeunes de la Zup de se regrouper et de vivre collectivement leurs envies. Nous ne reviendrons pas en détail sur ce projet d’association (qui prend corps actuellement) défini par un groupe interculturel de filles qui a fait l’objet d’une interview dans le précédent C.A.
PLACE AUX JEUNES
Trois semaines avant l’arrivée des rouleurs de « Convergence 84 » à Reims, des filles de « Croix-Rouge », en liaison avec un jeune de St-Dizier se trouvant au Collectif national de Convergence, décident de prendre en charge « Convergence 84 » sur Reims. En effet, elle se reconnaissent totalement dans cette démarche qui met l’accent sur les revendications locales, l’initiative devant être laissée aux jeunes. Leur projet d’association sur le quartier entre en symbiose avec « Convergence 84 ». Cette initiative nationale est même ressentie comme pouvant peut-être les aider à imposer un rapport de force leur permettant d’acquérir un local dans la Zup.
Parallèlement, le Collectif national de « Convergence 84 » avait pris contact avec la seule association d’immigrés reconnue sur la ville : l’A.Tra.Mi (Association des travailleurs migrants) qui était donc pressentie depuis plusieurs semaines, sinon quelques mois, pour accueillir les « rouleurs ». Cette association, dont le siège social est proche du centre ville, est reconnue comme seule interlocutrice des immigrés par toutes les composantes de la politicaillerie rémoise, mais aussi par tous les gouvernements des Etats d’origine des travailleurs migrants. C’est ainsi que l’A.Tra.Mi est liée de fait à… Hassan II…, au gouvernement turc… Cette structure largement subventionnée sert aussi à contrôler, à ficher, bien évidemment, les opposants à certains régimes. Sur Reims, tout opposant à Hassan II, tout Kurde, sait qu’au sein de l’A.Tra.Mi, des marocains, des turcs, font un travail de renseignements… pour les ambassades…
L’A.Tra.Mi se sentait donc saisie d’une nouvelle mission : organiser l’accueil des « rouleurs » à Reims. Ainsi, elle avait pris contact avec les syndicats et associations traditionnels sans oublier la municipalité. Elle projetait déjà d’organiser un meeting dans les locaux de la Maison des syndicats.
Les filles de Croix-Rouge, bientôt rejointes par d’autres jeunes de cette Zup et d’un autre quartier : « Wilson » (ou des jeunes immigrés tentent d’animer un foyer au sein d’une M.J.C. de quartier) ne l’entendaient pas de cette oreille. Pour ces jeunes, « Convergence 84 » sur Reims… ce ne pouvait être que leur affaire ! Pendant 3 semaines, ces jeunes (au moins une dizaine), en majorité des filles, vont complètement désarçonner de par leurs attitudes (qui n’entrent pas dans les schémas classiques – voir note), leurs initiatives, leur dynamisme, l’A.Tra.Mi., les syndicats, les partis ou groupuscules, les associations. Ils veulent contrôler tout… et ils contrôlent tout ! Ils imposent à toutes ces structures l’impression et la diffusion de leur tract, de leurs affiches… ou ils refusent toute co-signature (c’est ainsi que sur Reims, nous n’avons jamais vu, de mémoire de militants, la CGT et l’A.Tra.Mi. imprimer un tract où ne figure pas leur sigle !)… Finalement, toutes ces structures vont lâcher prise et se contenter de regarder en espérant que les jeunes se cassent la figure.
Note – Un exemple parmi d’autres à la 1ère réunion organisée par l’A.Tra.Mi. pour accueillir les « rouleurs », les jeunes, en arrivant, ont trouvé tout naturel de s’asseoir à la tribune, reléguant un certain nombre de « responsables » au rang de simple public…
Ces jeunes trouvent un soutien important auprès de quelques individus investis dans les quartiers qui se reconnaissent politiquement dans cette volonté d’autonomie mais qui ne représentent qu’eux-mêmes (même s’il sont par ailleurs membres d’associations). Les jeunes resteront maîtres de A jusqu’à Z de leur initiative et de sa réalisation.
L’ACCUEIL DES « ROULEURS »
Les « rouleurs », en arrivant à Reims le 27 novembre, ont donc été accueillis par des jeunes des cités.
Les jeunes avaient prévu pour cette journée des tas de choses dont certaines, faute de moyens ou de préparation, n’ont pu être des réussites. C’est ainsi que le rendez-vous à 18 h au centre ville, en vue d’une manif, fut un relatif échec. Cet échec numérique (environ 70 personnes) s’explique dans la mesure où ni les tracts, ni les affiches n’en faisaient publicité. De plus, les associations, syndicats, partis, écartés de l’accueil, ont largement boycotté, sans oublier que des tas de jeunes ont préféré s’abstenir à participer à cette forme d’expression bien traditionnelle. Malgré tout, dans cette mini-manif, les jeunes des cités étaient majoritaires.
Le comité d’accueil de Reims avait tout misé sur une « nuit » interculturelle en plein cœur de la Zup Croix-Rouge, permettant aux groupes musicaux du quartier de s’exprimer. Après en avoir débattu entre eux, il ne semblait pas utile, ni souhaitable à ces jeunes, d’organiser un débat, un meeting… car tout simplement, cette forme d’expression n’est pas la leur… et ce n’était pas un hasard pour eux, si c’était la forme d’accueil initialement prévue par l’A.Tra.Mi.
A 21 heures, la salle pouvant accueillir 400 personnes était bondée. Les jeunes organisateurs (trices) furent un peu débordé(e)s tout au long de cette nuit où 200 jeunes des quartiers étaient encore là à 3 h du matin.
Les « rouleurs », après s’être présentés, ont voulu imposer un débat à l’assemblée. S’appuyant sur le fait que leur objectif était de faire parler les jeunes de leurs problèmes, ils remettaient de fait en cause, sans s’en rendre compte, l’organisation de leur accueil par des jeunes des cités rémoises. Un mini-débat eut lieu, qui permit à certains politiciens, pourtant écartés de la démarche « Convergence 84 » de revenir sur le devant de la scène avec un discours adapté aux circonstances. Il fallait beaucoup de discernement pour comprendre qu’un tel… qui parlait concrètement depuis 5 bonnes minutes, n’était en fait qu’un militant du PCF très connu sur le quartier. Les « rouleurs » sans rien comprendre « au film » se faisaient alors largement complices de ce début de récupération. Il semble bien que les « rouleurs » avaient pour stratégie de provoquer des débats où les « anti-racistes patentés » de gôche, organisateurs habituels de leur accueil, s’exprimeraient et se feraient finalement percuter par quelques réflexions bien senties de jeunes des cités. Mais à Reims, cette stratégie était inadaptée, les politiciens ayant dû faire marche arrière bien avant que les « rouleurs » n’arrivent. Organiser un débat, c’était leur redonner la parole qu’ils avaient perdue, c’était décevoir ces jeunes qui s’étaient battus pendant 3 semaines contre la politicaillerie et qui n’avaient pas besoin d’un débat central pour exprimer leurs désirs. Cette incompréhension due au fait que les « rouleurs » se retrouvaient parachutés à Reims pour une journée était très certainement amplifiée par l’omniprésence en leur sein d’un chef, porteur de cette stratégie, dont on pouvait très vite deviner qu’il n’avait rien (ou plus rien…) d’un jeune des Zup !
Malgré cet incident de parcours, finalement sans conséquence notable, la venue des « rouleurs » de « Convergence 84 » à Reims fut un événement important. Il y avait belle lurette qu’on n’avait vu autant de monde dans une soirée très politique au sens véritable du terme. C’est ainsi que pour l’arrivée de « Convergence » à Paris, plusieurs dizaines de jeunes rémois(e)s des cités se sont déplacé (e) s. Si l’on compare avec la marche pour l’égalité de l’an dernier, la situation sur Reims est à rapprocher de ce qui a pu se passer ailleurs : un peu moins de monde… mais un maximum de jeunes qui ont remplacé avantageusement les militants de gôche restés ce jour-là dans leurs pantoufles.
« L’après Convergence » à Reims, c’est surtout l’association de jeunes qui se met en place à Croix-Rouge, les jeunes de « Wilson » qui ont plus la pêche pour gérer leur foyer, les idées de coordination entre jeunes de différentes Zup, les slogans qui se gueulent à Croix-Rouge, mémoire de l’arrivée de « Convergence 84 » à Paris le 1er décembre : « Nous sommes tous des immigrés de la 1ére, 2ème, 3ème… génération » !, les échanges qui peuvent subsister entre les « rouleurs » et certains jeunes des cités de Reims.
Chantal, Olivier et Denis
Reims, le 12-12-84
Interview de quelques « rouleurs » de l’est, de passage à Reims
De Passage à Reims, nous avons découvert ces « rouleurs » de l’est de Convergence 84.
Si leurs racines étaient diverses, il en était de même de leurs motivations. Certains étaient déjà des jeunes organisés en association dans leurs cités (ZUP de Fameck/Thionville), un autre roulait car c’était un moyen pour lui d’échapper à la misère, un autre encore avait été « poussé » par une association anti-raciste, deux autres mobilisés par un acte raciste commis par les flics dans leur cité.
Leurs expressions étaient aussi des plus diverses. Il y avait là pêle-mêle parleur très certainement habitué à jacter politique, capable de tenir le crachoir 10 bonnes minutes pour exprimer ce qui aurait pu être dit plus simplement en quelques phrases… et le « rouleur de base » s’exprimant clairement en une seule phrase. C’est ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, qu’un jeune sénégalais rétorque à une rémoise très inquiète pour Toumi (un des leaders des Minguettes et de la marche pour l’égalité en 83, criminalisé depuis et se trouvant condamné à 15 mois de prison ferme, 9 mois avec sursis, 3 ans de mise à l’épreuve pour une histoire datant de deux ans où rien n’a été prouvé juridiquement…) :
« Y-en a marre de parler de Toumi. Il y a d’autres jeunes en tôle aujourd’hui ». Au cours de la soirée rémoise de Convergence 84, nous avons pu interviewer spontanément quelques rouleurs. Il nous a semblé utile d’en reproduire ici quelques extraits.
Pensez-vous que le projet d’association des jeunes de la ZUP Croix-Rouge puisse être un moyen pour vivre autre chose au quotidien ?
C’est intéressant ! Surtout si cette association regroupe différentes ethnies, des jeunes de différents milieux, de différents quartiers. L’important c’est la communication, l’échange d’idées, entre ces jeunes. Cela peut créer une force car ce sont ceux qui vont faire la future société.
Je fais partie actuellement d’une association qui s’est créée voici deux ans dans la ZUP à Fameck (à 7 km de Thionville). On y mène des actions culturelles, des actions économiques. Nous allons bientôt lancer une coopérative ouvrière de tout service. On a aussi un « chantier jeunes » en Meuse. Nous sommes en train de retaper une ancienne abbaye. Cela permet aux jeunes de sortir de la ZUP, de voir autre chose. Nous apprenons ainsi à nous servir de nos mains, à respecter le patrimoine de différentes régions même si on est de culture différente. Jusqu’à maintenant, nous étions mis à l’écart, notre seul moyen d’expression était la violence. Depuis qu’on s’est constitué, cette violence a baissé, les jeunes essaient d’avoir plus de contact, de s’intégrer à la vie… parce que le but de l’association est d’aider les jeunes à se prendre en charge. Il faut aujourd’hui que les jeunes parlent eux-mêmes !
L’un des buts de Convergence est donc d’aider à ce que se créent un peu partout des associations de ce type ?
C’est effectivement un des buts de Convergence 84. Il y a des jeunes qui veulent prendre en charge leur vie, qui ont envie de parler de leurs problèmes. Les personnes qui parlent à leur place ne sont pas au courant de leur vie, ils ne la connaissent pas car ils ne vivent pas dans les ZUP. Ce sont déjà des gens qui ont des moyens « valables » pour survivre… tandis que les jeunes des cités n’ont rien !
Le but c’est aussi de parler d’égalité… L’égalité est un grand mot qui aujourd’hui n’a plus guère de signification. On ne connaît pas l’Egalité. Il y a d’énormes différences entre les différents milieux. Il est impossible de dire qu’on est tous égaux, qu’on est tous les mêmes… même si on a la même nationalité… même si on vit dans un même pays. Je pense que les jeunes, de par leurs connaissances, leur vécu dans les ZUP peuvent dire que l’égalité n’existe pas… Ils peuvent dire aussi comment ils la vivent !
Hier, au débat à Epernay (étape de Convergence 84 précédent celle de Reims), certains d’entre vous ont parlé de leur situation de chômeur. Vous posiez non seulement le problème du racisme mais aussi un problème social et économique. Est-ce aussi cela Convergence 84 ?
Le chômage est la cause de la montée du racisme aujourd’hui. Il y a des français et des étrangers au chômage. Ce chômage touche tout le monde. Les français subissent la récupération des partis politiques qui essaient de récupérer des voix aux élections. On parle de « la France aux français »… mais toutes les politiques du PS, PC, extrême droite, RPR, UDF vont dans le même sens ! Les étrangers sont alors ressentis comme étant la cause de la crise alors que la crise est la conséquence d’une société où certains ont toujours voulu s’en mettre plus dans les poches. Actuellement, la société se modernise et si certains veulent s’en mettre plus dans les poches… il faut qu’ils licencient. Le racisme est alors accentué ! On casse des gens, on les balance, on les met a part… Actuellement on est en train de parler de « nouveaux pauvres »… c’est un terme qui est d’ailleurs mal employé car des pauvres il y en a toujours eu… Il y en aura toujours tant que la société tournera avec des capitalistes et une masse de gens qui n’ont presque rien, à qui on ne veut même plus aujourd’hui donner de quoi vivre.
Je suis du « milieu »… on ne demande pas beaucoup… on demande de quoi vivre, vivre bien !, avoir un peu de liberté, pouvoir se balader, passer les frontières, ne plus être obligé de porter des documents (cartes…). Un autre problème est important c’est la Justice, les flics qui s’en prennent toujours à ces jeunes des banlieues, qu’ils agressent tous les jours… Les jeunes se révoltent… Jusqu’à maintenant, ils se sont révoltés avec la violence. Je pense qu’il y a un mouvement qui est en train de naître en France, qui va peut-être un jour demander la véritable égalité… Ce sont des jeunes qui ont compris que la violence ne sert plus à rien… maintenant c’est l’UNION, construire une force, à l’aide d’associations, en montrant qu’on est uni, qu’on est capable de porter des projets, qu’on est citoyen à part entière et qu’on a des droits. C’est en montrant tout ça qu’on arrivera à changer la société…
Convergence 84 va-t-il plus loin que la marche de l’an dernier ? Les politiciens ne vont-ils pas mettre leurs gros sabots à l’arrivée comme ils l’ont fait l’an dernier ?
Ils ne récupéreront pas car nous avons refusé toute leur aide. On veut leur montrer qu’on est autonome, qu’on est capable de se prendre en charge… et puis ce que nous voulons toucher c’est l’opinion publique… Ce ne sont pas les politiciens. Ils se rendront compte eux-mêmes des fautes qu’ils sont en train de commettre par rapport à la masse qu’il y aura le 1er décembre à Paris. Le 1er décembre, ce sera la fête ! un carnaval… qui permettra d’exposer des problèmes d’une autre façon que les manifs habituelles où les gens gueulent A MORT… quelqu’un ou VIVE quelque chose. Ce carnaval sera un spectacle qui devra montrer le vécu, la culture de certaines communautés minoritaires en France qu’on essaie actuellement d’écraser… Et après, ce sera à chaque région, chaque ZUP de prendre en charge ses problèmes… pour avoir l’Egalité !
A Reims, des jeunes des cités pour vous accueillir ont dû se battre contre les politiciens habituels. Comment cela s’est-il passé sur votre parcours de l’Est de la France ?
Partout c’est le même problème !
Même nous, à Fameck, quand on a dit que notre but était de nous prendre en charge, les politiciens ont essayé de nous récupérer. Quand ils ont vu qu’ils ne le pouvaient pas, ils ont essayé de nous bloquer. Là, ils ont quand même compris que nous étions capables de mener des actions plus importantes que les leurs et qu’on arrivait à toucher plus de gens. Nous sommes la dernière association qui s’est créée sur la ville mais nous sommes la plus importante : 250 adhérents. On la paye dur notre autonomie… ça paie l’autonomie, mais c’est quelque chose qui aujourd’hui coûte très cher .
Interview réalisée par l’Egregore le 27 novembre à Reims.
Une réponse sur « Dossier Convergence 84 »
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