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Statut personnel : Mobilisons-nous pour les droits des femmes les plus élémentaires !

Article paru dans Travailleurs immigrés en lutte, n° 52, février 1982, p. 6-7


Le 13 janvier dernier, lors d’un meeting à l’université d’Alger, une pétition a été déposée comptant plusieurs milliers de signatures. Cela venait clore la série de mouvements et manifestations organisés à Alger depuis le mois d’octobre 1981, qui ont rassemblé des femmes et des hommes qui s’opposent au « Code de la famille » (28 octobre, 14 novembre et 23 décembre 1981).

Le 24 janvier, le gouvernement algérien a reculé et a ajourné l’examen du projet de « statut personnel ». Manifestement, Chadli et ses ministres ont eu peur que l’opposition à ce projet se développe et entraîne des troubles à un moment où ils avaient réussi à juguler, par leur répression féroce, les actions de solidarité algéroises aux révoltes de Kabylie.

Sans doute, maintenant, le gouvernement a-t-il décidé de ne pas agir directement pour faire passer ce projet barbare et réactionnaire : pour éviter de mettre le feu aux poudres, il lui reste d’autres solutions pour en venir à ses fins. Entre autres, essayer de rééditer la parodie de « débat démocratique » qui avait précédé l’adoption de la Charte Nationale et mobiliser ses organisations (UNJA, UNFA, etc.) pour tenter de faire avaler la pilule aux travailleurs algériens.

En effet, l’Etat bourgeois algérien n’a pas intérêt à courir de risques
dans cette période de remontée des luttes et du mécontentement, et une mobilisation contre l’oppression des femmes en Algérie même si celle-ci n’a pas encore touché les masses, avec l’attaque contre la tutelle étatique islamique qu’elle engendrerait, serait un danger pour l’ « ordre bourgeois » que le gouvernement algérien préfère contourner s’il le peut. Ce qui montre, à tout le moins, que les bandes armées de Frères Musulmans ne sont pas encore assez puissantes pour que l’Etat bourgeois puisse s’en servir comme police parallèle et se croire tout permis !

La lutte a payé, donc, mais elle s’est mené parfois de façon équivoque. Bien des slogans ont été clamés, dont certains par les « têtes d’affiche-potiches » de l’UNJA qu’ils avaient sorties du placard pour l’occasion, du genre : « Participation des femmes aux débats parlementaires sur le projet du Statut », « la polygamie limitée à deux épouses » (!), etc. Ceux-là s’opposent directement à la lutte pour l’émancipation des femmes. Demander que « des femmes » participent à l’APN, c’est laisser croire d’abord que toutes les femmes, de Djamila Bouhired à l’ouvrière de la SONITEX, ont les mêmes intérêts, et d’autre part, que la lutte contre l’oppression peut se mener dans l’hémicycle du gouvernement ! Aux intérêts de sexe, nous, nous préférons les intérêts de classe !

Ce que nous voulons, ce n’est pas que « des femmes » soient consultées par Baki et consorts, pour donner bonne conscience aux bourgeois qui nous gouvernent, mais c’est que toute la classe ouvrière, homme et femmes, ainsi que les petites-bourgeoises conscientes et révoltées, se sentent concernés et défendent leurs intérêts ! Ce que nous voulons, ce n’est pas participer aux débats gouvernementaux, mais que les luttes se passent dans la rue, contre l’Etat bourgeois, contre tout « code de la famille » !

Nous devons mener la bataille sur les revendications qui nous sont propres, qui sont propres à notre classe :

– Egalité totale des droits !
– Liberté de travailler, se marier avec qui on veut, ne pas se marier, divorcer, circuler, faire des études, etc. !
– Socialisation des tâches ménagères !
– Contraception et avortement libres et gratuits !
– Levée de toute tutelle sur les femmes !
– Multiplication des crèches !
– Droit au logement pour les femmes célibataires !

Voilà notre combat, et croyons bien que l’UNFA et le PAGS, devant nos exigences, se trouvent de l’autre côté de la barrière !


Le 8 mars, une date à faire vivre pour notre compte !

Le 8 mars 1857, des travailleuses new-yorkaises de l’industrie textile manifestaient contre leurs conditions de travail inhumaines (16 heures de travail par jour, pas de congé payé, salaires de misère). Depuis, le mouvement ouvrier commémore cette date et fait de cette journée le jour international des femmes et de leur lutte spécifique.

Ne laissons pas, quant à nous, l’UNFA dévoyer cette date et s’en servir pour sa propre publicité, avant son congrès qui s’ouvre le 13 mars 1982 ! Montrons aux bourgeois que notre lutte se mènera contre eux et que nous ne sommes pas dupes de ce que représente l’UNFA, organisation gouvernementale interclassiste d’encadrement des femmes !

A l’occasion du 8 mars, rappelons juste ces quelques chiffres qui parlent d’eux-mêmes : en Algérie, 70 % des femmes ne savent ni lire ni écrire ; seules 2,5 % des femmes travaillent à l’extérieur de chez elles !

Le combat des femmes est le combat de toutes celles et de tous ceux qui veulent lutter contre l’oppression au quotidien !

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