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Les projets de SOS-Racisme

Articles parus dans Courant alternatif, n° 47, juin 1985, p. 4-5


Dans le numéro quarante-cinq de Courant Alternatif un court article sur « l’après-convergence » et la formation de S.O.S. axé surtout sur la démarche électoraliste de certains partis assurant leur soutien logistique et matériel a été critiqué lors de la commission journal à Aix-en-Provence.

Les modes d’intervention semblent très différents dans chaque comité ; il serait intéressant que se fassent connaître les lecteurs du présent numéro ayant des contacts avec les comités SOS-Racisme (1) afin de confronter leurs différentes pratiques sur le terrain (pour toutes remarques s’adresser au courrier des lecteurs). Pour lancer le débat, nous vous proposons deux articles : le premier sur les activités du comité STOP-Racisme de Reims axé en particulier sur la prévention contre le racisme sous quelque forme que ce soit, le second sur une réunion d’information qui s’est tenue à Pertuis par deux membres de SOS-Racisme de Paris afin d’envisager la création d’un comité sur Pertuis (à 20 kilomètres d’Aix-en-Provence).

Le 26 avril 200 personnes se sont réunies à l’appel d’un comité en création, ayant invité Diego (2) et Raphaël : membres créateurs de SOS-Racisme sur Paris ; ces derniers ont présenté les projets de SOS-Racisme jusqu’en décembre 1985 : formation de comités régionaux autonomes, des brochures « touche pas à mon pote » (en vente dans les kiosques), des états généraux seront tenus en octobre, le 15 juin un grand concert aura lieu sur la Place de la Concorde à Paris, nombre d’invités seront présents : B. Lavilliers, Renaud, S. Gainsbourg, Boy George, L. Ferré, Touré Kunda en Reggae, concert gratuit à ne pas manquer ! Cet été une caravane SOS-Racisme organisera des fêtes sur toutes les plages du littoral : du Pas-de-Calais à la frontière espagnole. SOS-Racisme a de nombreux contacts en Norvège, Suède, Chine populaire, de plus, dix badges « Touche pas à mon pote » sont entrés en Afrique du Sud.

Des porte-clefs, des tee-shirts, des sacs « Touche pas à mon pote » sont actuellement en vente dans toute la France, les bénéfice de ce commerce serviront à la confection de badges et de cartes d’adhésion distribués dans les comités STOP-Racisme en formation…

Le but des comités régionaux de combattre toute manifestation raciste au niveau local avec éventuellement l’appui d’autres associations de même type, pour plus ample information vous pouvez prendre contact avec les comités STOP-Racisme en création sur votre région afin d’activer le combat antiraciste propre aux idées libertaires qui sont les nôtres.

(1) L’organisation de Paris tient particulièrement à garder son nom SOS-Racisme, les comités régionaux ont par conséquent pour appellation « Comité Stop Racisme ».

(2) Diego : Jeune Sénégalais accusé d’avoir volé un portefeuille a eu avec quelques « potes » le bon réflexe de réagir en lançant la petite main « Touche pas à mon pote » sur tout l’ensemble du territoire de notre « douce » France.

Gilles d’Aix-en-Provence


SOS-Racisme Reims un épiphénomène ?

Le 21 mars 85, Aziz Madak, marocain, était « descendu » à Menton, victime du racisme. Aziz était originaire de Reims où la communauté marocaine soutenait immédiatement, financièrement et moralement, sa famille qui se sentait isolée dans son quartier. L’A.T.M.F. (Association des Travailleurs Marocains en France) prenait alors l’initiative d’une manifestation en s’appuyant sur la gauche rémoise unie (MRAP, PC, PS, CGT, CFDT…).

Le 30 mars, plus de 1000 personnes manifestèrent à Reims, derrière la famille, leur peine, leur colère et leur détermination à lutter contre le racisme. Les immigrés et les jeunes issus de l’immigration constituant largement les 3/4 du cortège prirent l’initiative… C’est dans ce contexte : « Parce qu’il faut faire quelque chose de non-ponctuel » que 3 jeunes se décidaient à prendre contact avec S.O.S.-Racisme à Paris. SOS-Racisme-Reims était ainsi né !

A leur première conférence de presse, cette initiative semblait avoir des côtés très intéressants. Il s’agissait pour eux de s’attaquer aux racisme quotidien dans les quartiers, les écoles, les usines, les cafés. Ils se déclaraient « autonomes » par rapport à toutes les structures politiques existantes. Ils semblaient même très méfiants vis-à-vis de SOS-Racisme sur Paris mais voulaient utiliser ce créneau qui devait leur permettre d’avoir le maximum de pub dans les médias. Effectivement, en quelques jours, les journaux locaux, radios et FR3 couvraient « l’événement ». Mais interviewé par une radio associative où ils avaient tout le « loisir » de s’exprimer, les 2 leaders de SOS-Racisme-Reims étonnaient en déclarant que « finalement, ils n’apportaient rien de nouveau », que « leur démarche n’était guère originale »… Ils ne croyaient pas si bien dire !

En effet, pour le 7 mai 85, journée historique pour les républicains rémois (40e anniversaire de la capitulation des nazis, signée par hasard à Reims), ne voit-on pas SOS-Racisme cosigner avec toute la gauche rémoise (du PS à la LCR…) un tract appelant à manifester et à déposer une fleur à la maison qu’occupait la Gestapo à Reims afin de « défendre les valeurs républicaines » ! (vous savez… ces valeurs qui ont tué Machoro et Nonaro… en Nouvelle-Calédonie ou qui ont massacré 1 million d’algériens pendant la guerre d’Algérie…). Où chercher les explications de cette caution apportée par ces antiracistes à cette manifestation nationaliste (ne regroupant d’ailleurs que 200 personnes) ?

– Dans une certaine naïveté politique de jeunes balancés par les médias sur le devant du spectacle donné par la gauche à la veille des législatives de 86 ?

– Dans le désir caché d’être enfin reconnu comme interlocuteur par la gauche officielle ? (alors qu’il y a seulement un an, lors de la venue de Le Pen à Reims – C.A. n° 38 – ils apparaissaient en rupture totale vis-à-vis de cette même gauche !)

Les explications possibles ne sont peut-être pas que là. En fait, les animateurs de SOS-Racisme-Reims sont quasiment coupés de la réalité des quartiers, de la vie quotidienne des jeunes des ZUP. Cette coupure sociale, économique risque de reléguer les conditions de vue (logement, travail ou chômage…), les pratiques policières quotidiennes derrière un discours incantatoire, formel et absolu où toutes les bonnes consciences de gauche, de droite libérale peuvent se retrouver. Les problèmes réels, de classe, traversent les quartiers ; la « merde » quotidienne des jeunes très bien décrite dans le film « Le thé au Harem d’Archimède » seront ainsi gommés au profit d’un antiracisme aseptisé donnant bonne conscience aux « tolérants » qui ont les moyens matériels et/ou culturels de l’être (ou de paraître…) ! mais attendons.

Bien sûr, en théorie, le port du badge « Touche pas à mon pote » peut permettre enfin à des gens de réagir collectivement face au racisme dans le quotidien… mais il faut remarquer que l’enseignant, l’étudiant, le cadre n’ont bien souvent pas les mêmes POTES que les jeunes des ZUP ! Que tous ces milliers de POTES ne craignent pas la même chose lorsqu’ils sont contrôlés par les flics, ne vivent pas le racisme au quotidien de la même manière !

Comme le faisait remarquer une jeune d’une ZUP « A part vendre des badges et tenir des discours, que vont-ils faire » ? Que peuvent-ils faire ? Ils ont des projets qui pourraient être intéressants mais dont leurs réalisations étant donné leurs contenus, risquent d’être décevantes :

– Intervention dans les écoles, les lycées… « pour faire de la prévention ». Ce travail idéologique semble difficile à mener vu la coupure réelle existante entre l’institution scolaire et le quotidien. Mais, de plus, prétendre faire de la prévention contre le racisme en sensibilisant les plus jeunes… c’est croire que le racisme n’est qu’une question d’idée !

– Permanences dans les quartiers, les ZUP afin d’intervenir contre le racisme dans le quotidien. Quelle intervention peut-on mener dans une ZUP où on en est socialement et physiquement extérieur ? Là, pas de réponse si ce n’est de croire qu’il suffit d’avoir les médias avec soi pour créer une dynamique… et quelle dynamique ? A ces permanences, seuls les militants politiques désirant se trouver un nouveau créneau et les gens déjà sensibilités par ce problème viennent pour y discuter… Comme le disait une enseignante lors d’une permanence : « C’est encore l’affaire des profs et d’étudiants ». Les jeunes des quartiers n’y viennent que pour y acheter le badge… et encore !

On est en droit de se demander si en cas d’acte raciste particulièrement dramatique, la pratique de SOS-Racisme-Reims ne se limiterait pas à s’en remettre à la Justice de « leur » pays (la France !) et à la gauche rémoise unie qui saurait organiser un beau défilé au centre-ville ?

Formellement, nous pensons que cela pourrait se passer ainsi… sans l’intervention toujours imprévisible des jeunes des ZUP, des familles, des potes… qui pourraient bousculer bien des attitudes. Alors ? Tout est possible car dans les ZUP, certains jeunes sont bien décidés à ne plus subir les soi-disantes fatalités sociales, économiques, et politiques même s’ils ne se sont pas encore donnés de structures stables et dynamiques (toujours en ébauche).

Nous avons l’impression que SOS-Racisme-Reims ne fonctionnera qu’avec des militants politiques de gauche ou d’extrême gauche… en attendant les législatives de 86 où les badges se rangeront dans l’armoire à côté de ceux de « Solidarnosc »… La roue tournera mais les vrais problèmes resteront !

EGREGORE-REIMS

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