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Pour l’union combattante des travailleurs français et immigrés !

Dossier spécial immigration paru dans Le Prolétaire, n° 375, octobre 1983, p. 1-11


Solidarité prolétarienne avec les travailleurs immigrés et sans-papiers !

Pendant tout l’été s’est développée une campagne contre les travailleurs immigrés d’une rare intensité, à laquelle ont participé des hommes politiques de tout bord, chacun tenant son rôle comme dans une pièce longuement répétée. A Chirac, qui annonce la chasse aux sans-papiers à Paris en septembre et se plaint des étrangers, source d’insécurité, à Marchelli qui veut renvoyer tous les travailleurs en France depuis moins de 10 ans, les politiciens de la majorité répliquent en critiquant les « excès », mais ajoutent aussitôt que c’est « un problème bien réel » et que les idées avancées par les premiers sont, au fond, intéressantes.

Et notre super-président daigne laisser échapper une petite phrase, reprise par tous les médias : « il faut renvoyer les travailleurs sans-papiers », il y va, paraît-il « de L’équilibre de la France ».

Le 31 août le conseil des ministres révèle le dispositif de la chasse aux sans-papiers. Il porte principalement sur les renforcements des contrôles :

– MULTIPLICATION DES CONTRÔLES D’IDENTITÉ DES IMMIGRES. On en revient à « la chasse au faciès » de l’époque Peyrefit­te.

– JUGEMENT DES PERSONNES SANS PAPIERS EN FLAGRANT DÉLIT ET EXPULSION IMMÉDIATE. Cela permet d’éviter les procédures en appel.

– CRÉATION D’UNE CARTE SPÉCIALE POUR LES MAGHRÉBINS QUI VIENNENT EN FRANCE. C’est une mesure qui complète le renforcement continuel des procédures pour entrer en France (certificat d’hébergement, billet aller-retour…).

– AUGMENTATION DES EFFECTIFS DE LA POLICE DES FRONTIÈRES.

– LIMITATIONS DES POSSIBILITÉS D’EMPLOI POUR LES        TRAVAILLEURS SAISONNIERS. Les contrats de travail des saisonniers, qui constituent une véritable forme d’esclavage salarié et contre lesquels les travailleurs dans le midi ont mené des luttes importantes ces dernières années, sont limités à 6 mois et à un seul contrat par an. Ces mesures, qui touchent plus de 110 000 travailleurs, montrent que c’est en fait au-delà des sans-papiers TOUTE L’IMMIGRATION QUI, A TERME, EST VISÉE.

Les porte-parole du gouvernement ont indiqué que DES POURPARLERS ÉTAIENT EN COURS avec les pays d’origine à ce sujet.

Mauroy a déjà parlé d’un retour important des immigrés avec Chadli et ce sera là un sujet important des discussions lors de la visite officielle que doit faire en France le président algérien, en novembre.

Le problème est que les économies des pays du Maghreb seraient bien incapables de supporter un afflux de travailleurs et le gouvernement français est trop soucieux de ses intérêts impérialistes pour envisager de gaieté de cœur des troubles sociaux au Maghreb

Mais le plus important est sans doute le nouveau climat d’hostilité qui accompagne ces mesures. Les moyens d’information ont relaté avec force détails l’arrestation, menottes aux poings, de travailleurs turcs sans-papiers et leur condamnation à l’expulsion. Les journaux sont pleins de reportages sur la chasse aux clandestins. Faut-il s’étonner après cela que lors d’une élection une liste raciste recueille plus de 17 % des suffrages ?

Faut-il considérer comme fous ceux qui cet été canardaient les arabes ? Le poison du racisme, c’est le gouvernement lui-même qui le distille par sa politique anti-immigrés. L’incitation aux crimes racistes c’est le gouvernement qui la fournit en justifiant les prétendues « bavures » policières, en renforçant l’état d’exception contre les travailleurs étrangers, en jetant en prison des milliers de sans-papiers : aujourd’hui 10 % DES OCCUPANTS DES PRISONS FRANCAISES SONT DES TRAVAILLEURS SANS-PAPIERS, selon les chiffres officiels.

Ces dispositifs de guerre anti-ouvrière le gouvernement voudrait les faire accepter en disant aux immigrés : la chasse aux sans-papiers est la condition pour qu’on puisse, par la suite, améliorer votre sort ; et aux français : le départ des immigrés permettra de diminuer le chômage, de réduire l’insécurité.

La politique de la bourgeoisie est constante : diviser la classe ouvrière, trouver des bouc-émissaires et paralyser ainsi la nécessaire riposte prolétarienne à l’offensive capitaliste.

Politique aujourd’hui d’autant plus nécessaire que les difficultés économiques imposent de nouvelles attaques contre les travailleurs. Austérité, productivité, restructurations sont les maîtres-mots des bourgeois qui se traduisent baisse des salaires réels, surexploitation et licenciements.

Les travailleurs immigrés, évidemment, évidemment moins sensibles aux discours exaltant les sacrifices dans l’intérêt de la France, sont d’autant plus dans le collimateur qu’ils ont montré ces derniers mois, notamment lors des grèves de l’automobile, qu’ils savaient se mettre à l’avant-garde des luttes. Or l’automobile sera un des secteurs chauds dans les mois qui viennent…

Plus que jamais ce sont les nécessités même de la lutte ouvrière qui démontrent et démontreront aux travailleurs français l’importance de la solidarité avec le fraction immigrée du prolétariat. Laisser sans réagir la bourgeoisie frapper une partie du prolétariat, ce n’est pas éviter les coups, c’est au contraire se mettre dans la pire des positions pour riposter à une attaque qui atteint, à des degrés divers, toute la classe.

Commencer dès maintenant à organiser concrètement la solidarité là où c’est possible, combattre la montée du racisme dans les rangs ouvriers, c’est faire les premiers pas dans la constitution du front prolétarien unissant toutes les énergies, par delà les divisions de race, de nationalité, de sexe ou de catégorie, dans la lutte anti-capitaliste. Dans cette voie les travailleurs ne pourront évidemment pas compter sur les directions syndicales qui, comme la CFDT le 1er septembre estiment que la politique vis-à-vis de l’immigration « va dans le bon sens », ni avec les organisations qui subordonnent toute réaction à l’accord préalable des syndicats et partis de gauche et pas davantage avec les démocrates ou les humanistes qui vampirisent toute lutte au nom de la paix sociale ou de la charité chrétienne.

Renouer avec les méthodes et les objectifs de classe peut sembler aujourd’hui difficile et de longue haleine, mais c’est la seule qui permette d’unifier les rangs ouvriers.

– NON AUX EXPULSIONS ET AUX REFOULEMENTS ! ARRÊT DES EMPRISONNEMENTS !

– RÉGULARISATION DE TOUS LES SANS-PAPIERS ! ABROGATION DU STATUT DE SAISONNIER !

– ÉGALITÉ DES DROITS POUR LES TRAVAILLEURS IMMIGRES !

– NON AU CONTRÔLE DE L’IMMIGRATION !

– FRANÇAIS, IMMIGRES, UNE SEULE CLASSE OUVRIÈRE !


Nouvelles attaques en préparation contre les travailleurs sans-papiers

Le 13 juillet J. Chirac, maire de Paris, annonce son intention de « LUTTER DES SEPTEMBRE CONTRE LA PROLIFÉRATION DES ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE ». Grâce aux pouvoirs de l’administration municipale il refusera l’inscription dans les crèches et les maternelles des enfants dont les parents sont en situation « pas régulière ». Il refusera à ces travailleurs l’accès aux hôpitaux de l’Assistance Publique, aux services de l’aide sociale.

Ces décisions de Chirac, retransmises à grand fracas par les journaux et les radios reçoivent quelques jours plus tard le renfort de Bergeron, secrétaire de Force Ouvrière, puis quelques jours après du porte-parole du gouvernement : « ces propos traduisent un certain nombre de réalités », tout en ajoutant : « il ne s’agit pas de trouver des boucs-émissaires ».

Mais c’est pourtant le gouvernement en la personne du premier ministre, qui avait voulu trouver des boucs-émissaires lors des grèves de l’automobile : les travailleurs font grève parce qu’ils sont manipulés par des immigrés intégristes musulmans, d’après Mauroy !

Les déclarations de Chirac s’intègrent dans la politique de toute la bourgeoisie et du gouvernement. La campagne de régularisation en 1981 a été lancée par le gouvernement dans le but de désamorcer une situation explosive, de former les frontières et de parfaire le CONTRÔLE DE L’IMMIGRATION (vote de la loi « Bonnet-bis »). Les luttes des travailleurs (1) et les manœuvres du pouvoir pour éviter une généralisation de ces luttes ont permis de donner des cartes à 130 000 travailleurs. Mais les estimations du nombre de sans-papiers allaitaient de 300 à 400 000 travailleurs !

Depuis, les mesures contre les sans-papiers n’ont cessé de se durcir. Les contrôles aux frontières ont entraîné le refoulement l’an dernier de 54 000 personnes, soit plus du double qu’auparavant. Un décret du 27/05/82 exige un certificat d’hébergement pour les étrangers rentrant en France. D’après le journal officiel « ce certificat doit être revêtu du visa du maire de la commune de résidence après vérification de l’exactitude des mentions qui y figurent ». Le maire peut refuser s’il estime que « l’étranger ne peut acre hébergé dans des conditions normales » (sic). On remet en vigueur une ordonnance du 2/02 45 qui punit l’aide « au séjour irrégulier. »

Le 18 juillet 83, Georgina Dufoix, secrétaire d’Etat à la famille et aux immigrés décidait de nouvelles pour : « LE RENFORCEMENT DES CONDITIONS D’ENTRÉE ET DE SÉJOUR DES TRAVAILLEURS IMMIGRES ». Comme cela ne suffit pas en août elle organisait un comité inter-ministériel sur l’immigration où de nouvelles mesures sont prises, elles seront annoncées en septembre.

La chasse aux sans-papiers n’attend pas, elle. Le 23 juin par exemple 15 travailleurs immigrés en grève de la faim pour obtenir leurs papiers ont été arrêtés à Lille. Pratique courante puisque Georgina Dufoix dit fièrement (15/5) qu’il y a dans les prisons 3 000 à 4 000 TRAVAILLEURS dont le seul crime est de ne pas avoir de papiers en règle : 10 % du nombre total de détenus ! Ils passent en moyenne 1 à 3 MOIS DE PRISON avant d’être expulsés.

A tel point que Badinter, le ministre de la Justice (et célèbre humaniste) faisait voter le 27 juin lors de l’abrogation de la loi « Sécurité et Liberté » un article 471 permettant l’expulsion immédiate après procédure de « flagrant délit » ceci pour « désengorger les prisons »… et éviter une procédure en appel.

Comme nous le montrons dans un autre article cette attaque contre les sans-papiers fait partie d’une offensive contre tous les travailleurs, elle vise en fait toute l’immigration.

Le 13 juillet Chirac s’en prenait à tous les étrangers. Il demandait à la police de RENFORCER LES CONTRÔLES DANS LES FOYERS DE TRAVAILLEURS IMMIGRES « SURPEUPLÉS ET SOURCE D’INSÉCURITÉ ». Il proposait, avec, paraît-il, l’accord de l’ambassadeur de Tunisie, de regrouper les travailleurs étrangers dans des quartiers réservés par nationalités : il donnait l’exemple de Nice où le maire, grand admirateur de l’Afrique du Sud et de l’apartheid, concentre les immigrés dans une cité de transit. Le 17 août, le président de la C.G.C (syndicat des cadres) demande qu’on renvoie UNE PARTIE DES TRAVAILLEURS IMMIGRES EN SITUATION RÉGULIÈRE.

La situation économique est difficile, des luttes ouvrières sont à prévoir. La bourgeoisie se prépare aux affrontements futurs en accentuant sa pression sur les travailleurs immigrés. Par différents canaux et par différentes bouches elle créé un climat de haine raciste et xénophobe. Elle renforce son appareil de lois et de réglemente. Elle sait (comme le rappelait G. Dufoix lors d’un « déjeuner-débat au cercle républicain » en juin) qu’elle ne peut renvoyer les immigrés, parce que ce serait désorganiser des pans entiers de l’industrie française. Cela risquerait en outre de déstabiliser les Etats du Maghreb (avec qui elle a passé des accords pour la « régulation du flux migratoire »). Il s’agit de diviser la classe ouvrière en dressant les français contre les étrangers qu’on accuse de créer le chômage et d’être responsables de la criminalité : lorsque les travailleurs se battent entre eux, ils ne songent pas à se battre contre le patron.

D’autre part les travailleurs immigrés sont moins intéressés dans tout l’appareil politique et matériel de contrôle social. L’oppression capitaliste doit donc se manifester sans fard pour discipliner des catégories peu sensibles à la propagande de la gauche.

Il n’est pas trop tôt pour se préparer à répondre, y compris ponctuellement aux coups de la bourgeoisie. Ce n’est qu’ainsi que pourra commencer à se construire la force capable de résister à l’exploitation et à l’oppression.

En novembre 82 des travailleurs africains regroupés autour de l’ASTI XVe à Paris ont pu déclencher une lutte et OBTENIR LA REGULARISATION DE TOUS.

Si la situation est aujourd’hui difficile, le gouvernement de gauche ayant réussi avec l’aide des organisations réformistes et opportunistes à asphyxier les pôles de lutte, les grands mouvements de lutte comme ceux des usines Citroën et Talbot ou ceux plus anciens des sans-papiers en 81 montrent qu’il est possible de résister et de vaincre !

– RÉGULARISATION DES SANS-PAPIERS !

– NON AUX MESURES CONTRE LE REGROUPEMENT DES FAMILLES ! NON AUX REFOULEMENTS ET AUX EXPULSIONS !

– NON AU CONTRÔLE DE L’IMMIGRATION !

– VIVE L’UNITÉ DES TRAVAILLEURS FRANÇAIS ET IMMIGRES !


1) Voir dans le Prolétaire de l’époque, les articles sur les luttes des sans-papiers à Paris, à Lille et dans le mi­di.


Halte aux crimes racistes !

Depuis le début de l’été les crimes racistes ont fait plus d’une quinzaine de victimes, le plus souvent parmi les jeunes dits de la « 2e génération ». Pour la police et les journaux, il ne s’agit à chaque fois que de faits divers à mettre sur le compte de la chaleur, du bruit, ou de « coups de folie ».

Mais la campagne permanente contre les immigrés menée par les grands organes de presse et relayée par les politiciens est la vraie responsable de cette vague de crimes. Accusés d’être responsables de la criminalité, des grèves, du chômage, maintenus dans un état d’infériorité sociale et soumis à un véritable RÉGIME D’EXCEPTION, les immigrés deviennent des cibles désignées aux racistes de toute espèce. Il est d’ailleurs significatif que l’on retrouve tant de policiers parmi les auteurs de ces crimes. L’oppression et la répression policière est une VIOLENCE DE CLASSE et à ce titre elle s’applique d’abord contre la classe ouvrière et notamment contre sa fraction immigrée.

GAUCHE ET DROITE UNIES CONTRE LES TRAVAILLEURS IMMIGRES

Dans ce climat anti-immigrés, la droite avec ses le Pen, Chirac et autres Marchelli fait le plus de bruit. Mais le premier rôle est tenu par la gauche maintenant au pouvoir. Elle fait bien mine de critiquer les « excès » de l’opposition elle a même cherché un temps à se poser en amie des travailleurs étrangers. Def­erre au début de l’été 81 disait que la police ne devait plus se livrer à des actes racistes. Mais maintenant le même Deferre couvre systématiquement toutes les « bavures » de ses flics et se vante d’avoir refoulé plus d’étrangers que n’importe quel ministre de l’intérieur avant lui. Sa devise, qui est celle de toute la gauche, il l’avait placardé, sur les murs de Marseille lors de la campagne municipale : « LA DROITE C’EST L’IMMIGRATION SAUVAGE, LA GAUCHE C’EST L’IMMIGRATION CONTRÔLÉE ».

QUELLE RIPOSTE CONTRE LES CRIMES RACISTES ?

Après chaque forfait raciste on voit se mobiliser une foule d’organisations, d’animateurs sociaux, de prêtres et de démocrates pour étouffer et canaliser toutes les expressions de révolte. Leur but : éviter la confluence des initiatives spontanées des jeunes et des habitants des quartiers. Leur méthode : promouvoir le « dialogue » avec les autorités qu’elles soient politiques ou policières dévoyer toutes les énergies dans le marécage du juridisme ou du « mouvement associatif ».

A Marseille dans le quartier immigré de Bassens le dialogue avec les flics et les patrons de la Zone Industrielle voisine a abouti à la création de 6 emplois pour des jeunes du quartier, payés pour maintenir le calme et encadrer leurs camarades. Les grands bénéficiaires de cet arrangement sont les industriels dont les camions étaient auparavant attaqués à coups de pierres, voire pillés. Quant aux jeunes, leur situation n’a pas changé : chômage et misère sont la règle.

A Lyon, aux Minguettes, il n’a pas suffit de fourvoyer quelques jeunes dans une grève de la faim, il a fallu leur envoyer le député, l’archevêque, l’ambassadeur d’Algérie, le représentant de la Ligue Arabe puis les promener dans différents ministères avant de leur faire rencontrer un proche de Mauroy qui leur a promis monts et merveilles.

Devant « le regain de tension » les au­torités ont décidé de surseoir à la dé­molition de 4 tours, qui avaient été murées pour ne pas avoir à y installer des familles immigrées… Mais les pom­piers sociaux ne désarment pas, Mitter­rand en personne s’est risqué courageu­sement dans le quartier (mais par sur­prise!). On lance ta perspective pour la rentrée d’une « marche pour une nation solidaire »…

Les victimes du racisme
Le 17 juin, MOUSSA, 19 ans, est abattu de sang froid et à bout portant au Radar-géant de Livry-Gargan par un surveillant, en présence de la police.

Le 20 juin, TOUMI DJAIDJA est gravement blessé aux Minguettes par un flic, sans doute ivre, qui lâchait son chien sur des gamins.

Le 20 juin, à St Brieuc, un patron de café tire sur des consommateurs tunisiens.

A Bourganeuf (Creuse) un gendarme et ses 2 amis décident d’aller punir des travailleurs turcs qui auraient voulu flirter avec des françaises. Heureusement les coups de feu ne feront pas de victimes.

Le 29 juin, à Meudon-la-Forêt, KEMAL, 17 ans, est gravement blessé à coups de faucille par 3 individus qui voulaient punir les arabes.

Le 27 juin, à Argenteuil, ABDELNABIL, 15 ans, est gravement blessé à coups de carabine.

Le 9 juillet, à la Courneuve, TOUFIK, 10 ans, est tué par un coup de carabine d’un flic de la RATP.

Le 11 juillet, ROMEO ZAMERO, martiniquais, est tué par un automobiliste.

Le 12 juillet, KADI LAYACHI est blessé gravement à Tour­coing par un policier (hors service).

Le 14 juillet, à Brignoles une bagarre éclate entre des Maghrébins et les gendarmes.

Le 17 juillet, à Noisy-le-Sec, ABDEL a le poumon perforé à coups d’épée par des racistes.

Le 20 juillet, à Grenoble, AHMED, est tué à coup de re­volver.

Le 28 juillet, SALA, 9 ans, est blessé par un coup de carabine dans une cité HLM à St Denis.

Le 27 juillet, MAMADOU BOIRD, guinéen, est tué par un voisin ancien légionnaire.

Que valent les promesses de Mauroy ? Le 19 juin TOUMI DJAIDJA, président de l’association « SOS Minguettes », créée pour assurer le dialogue était gravement blessé par un flic. Quelques jours plus tard il était inculpé sur son lit d’hôpital pour une affaire remontant à plusieurs mois.

Devant « le regain de tension » les autorités ont décidé de surseoir à la démolition de 4 tours, qui avaient été murées pour ne pas avoir à y installer des familles immigrées… Mais les pompiers sociaux ne désarment pas, Mitterrand en personne s’est risqué courageusement dans le quartier (mais par surprise !). On lance la perspective pour la rentrée d’une « marche pour une nation solidaire »…


Ces exemples témoignent de la crainte de la bourgeoisie devant le caractère explosif de la situation dans les banlieues. C’est le spectre de Brixton qui se dresse devant elle à chaque réaction de colère dans les quartiers et qui la pousse à échafauder chaque année de nouveaux « plans anti-été chaud », à renforcer d’un côté l’oppression policière et à tenter de l’autre de faire renaître toutes les illusions réformistes et pacifistes.

L’aggravation des tensions sociales est la conséquence inévitable de la crise économique où se débat le capitalisme. L’ordre bourgeois y répond non seulement en se BLINDANT (toujours plus de policiers !), en augmentant la répression contre les catégories sociales les plus susceptibles de mobilisations immédiates, mais aussi en se préparant à détourner la violence issue des rapports sociaux en affrontements inter-communautaires et en explosions racistes.

Face à cela la riposte prolétarienne ne peut s’esquisser que sur la base de L’AUTO-ORGANISATION et de L’AUTO-DÉFENSE. Ce n’est qu’ainsi que pourront se constituer des rapports de force capables de faire reculer les racistes en civil ou en uniforme. Les exemples d’auto-organisation que l’on rencontre dans les quartiers, de Marseille à la Courneuve, sont des puissants encouragements à œuvrer dans ce sens. Mais ils montrent aussi leurs limites qui tiennent à leur SPON­TANEITE et à leur CARACTÈRE ÉPHÉMÈRE. Lorsque ces noyaux organisatifs essayent de travailler à plus long terme (comme par exemple « ZAAMA » à Lyon) ils finissent encore par succomber sous la pression des démocrates après s’être embourbés dans le marais du juridisme. La saine réaction des jeunes contre les magouilles politiciennes les conduit trop souvent à un apolitisme anarchisant qui les laisse totalement désarmés devant les manœuvres les faux amis de toute espèce.

Il revient aux militants communistes de convaincre les jeunes révoltés du besoin de la politique révolutionnaire. Ils n’y arriveront qu’en travaillant, sans ultimatisme ni sans fixer de perspectives trop ambitieuses, à favoriser toutes les tentatives pour rendre PLUS PERMANENTES, PLUS COORDONNÉES toutes les poussées de résistance et en tirant les leçons des échecs passés.

– FLICS HORS DES BANLIEUES ! A BAS LA JUSTICE DE CLASSE !

– MOBILISONS-NOUS POUR LES VICTIMES DE LA RÉPRESSION ! CONTRE LES CRIMES RACISTES, AUTO-DÉFENSE PROLÉTARIENNE DES QUARTIERS OUVRIERS !

– NON AU PIÈGE DU RÉFORMISME, DU PACIFISME ET DU DIALOGUE !

– POUR L’ORGANISATION INDÉPENDANTE DES JEUNES ET DES HABITANTS DES QUARTIERS !

Contre le meurtre de M’Raidi : Nous sommes tous du gibier à flic !

La signification du racisme anti-immigrés et les tâches des révolutionnaires

Depuis que la gauche est au pouvoir la situation des travailleurs immigrés n’a fait qu’empirer. Cela s’est traduit par une intensification des mesures gouvernementales de répression dont l’action de plus en plus systématique vise à imposer une véritable situation D’ÉTAT D’EXCEPTION contre les travailleurs immigrés.

Cela s’est également traduit par un déferlement de déclarations et de campagnes de presse raciste ce qui est tout à fait normal du moment que le gouvernement de gauche a donné LE PREMIER DANS LES FAITS le feu vert en prenant l’initiative de renforcer l’oppression administrative, judiciaire et policière, c’est-à-dire une véritable politique de TERREUR quotidienne.

La traduction pratique de cette campagne raciste orchestrée par la gauche avec en complément le soutien de la droite et de l’extrême-droite a été le déchaînement de crimes racistes.

En réalité cette campagne raciste n’est qu’un des aspects de l’offensive anti-ouvrière que mènent le capitalisme impérialiste français et toutes les forces (de gauche et de droite) qui sont à son service.

En effet pour défendre les intérêts et les privilèges capitalistes l’Etat français n’a d’autres choix que de s’attaquer aux conditions de vie et de travail de l’ensemble des travailleurs. Mais pour avancer efficacement sur cette voie, et de sa part c’est de bonne guerre, le capitalisme français cherche à frapper, au départ, sélectivement les travailleurs afin de préparer des offensives de plus grande envergure. Il cherche pour préserver les intérêts de sa domination à diviser les travailleurs pour mieux les attaquer. C’est dans cette stratégie générale que prend place LA POLITIQUE RACISTE ANTI-IMMIGREE.

Cela est d’autant plus clair que les travailleurs immigrés occupent une place importante dans les secteurs qui connaissent de sérieuses difficultés comme l’automobile et le bâtiment. De plus ils ont fait preuve d’une grande combativité obligeant par là les directions syndicales opportunistes à jouer le grand jeu pour désamorcer le mouvement de lutte.

Il est donc clair que le racisme qui se développe aujourd’hui n’est pas une réaction spontanée de certaines couches populaires, comme nous l’avons montré dans d’autres articles de ce numéro. Ces réactions sont au contraire la CONSÉQUENCE d’une véritable politique raciste qui s’inscrit dans une stratégie capitaliste anti-prolétarienne. La politique raciste vise en DÉFINITIVE les détachements les plus combatifs car parmi les plus exploités de la classe ouvrière ; el­le a pour objectif de museler alors même que le gouvernement, comme tout le monde le sait, est en train de préparer de véritables plans de licenciements massifs. Ainsi plus le pouvoir pourra, au moyen notamment du racisme, atténuer les mouvements de résistance à sa politique d’­austérité et de rigueur, plus il pourra préparer des attaques supplémentaires frappant des couches de travailleurs chaque fois plus larges.

Il importe de démasquer la véritable signification de cette campagne raciste en montrant sa dimension anti-prolétarienne. Cela signifie que la dénonciation du racisme ne peut pas se faire sur la base de l’humanisme bêlant et sentimental mais bien de LA LUTTE DE CLASSES ACTIVE ET INDÉPENDANTE DE TOUTE INFLUENCE BOURGEOISE ET OPPORTUNISTE.

Cependant la lutte contre le racisme ne peut pas se résumer à un travail d’agitation, certes nécessaire, (car l’Etat bourgeois pour frapper les travailleurs a besoin de chercher à les désorienter et à les piéger), mais insuffisant à lui seul. Ce travail d’agitation doit être relié à un véritable travail d’organisation et d’intervention active qui doit se situer à plusieurs niveaux et doit chercher à faire converger ces différents niveaux dans une lutte unique.

Il ne suffit pas de préconiser en paroles l’union de tous les travailleurs il faut chercher A LA RÉALISER PRATIQUEMENT ; ce qui signifie partir de la situation réelle de division pour la dépasser.

C’est pourquoi il importe que l’intervention des révolutionnaires cherche à consolider, dans la lutte et par un travail continu d’organisation : l’union entre les travailleurs immigrés sans-papiers et ceux qui ont une situation administrative régulière, l’union entre tous les travailleurs immigrés au-delà des différences de nationalité, et l’union entre les travailleurs immigrés et les travailleurs français.

Redisons-le, la base de cette union ne saurait être la seule affirmation de l’appartenance de tous les travailleurs Français et immigrés, à une seule même classe. Une telle prise de conscience suppose au contraire obligatoirement une lutte réelle, dans les quartiers, usines, qui seule pourra cimenter ACTIVEMENT et PRATIQUEMENT l’union combattante contre l’ennemi commun : l’exploitation capitaliste et son Etat.


Gauche et droite unies contre les travailleurs immigrés

La gauche a suivi, dans le domaine de l’immigration comme dans les autres (la répression des luttes et des militants politiques, la politique salariale, la politique étrangère impérialiste et militariste), la même logique : des promesses démagogiques quand elle était dans l’opposition, un libéralisme de façade pendant « l’état de grâce » des premiers mois de pouvoir, la trique et la répression ouverte ensuite. Ainsi le gauche apparaît comme l’héritière zélée de la politique capitaliste de l’Etat français.

En réalité la gauche et la droite se sont toujours PARTAGE LE TRAVAIL pour contrôler et domestiquer l’immigration.

SOUS LE GOUVERNEMENT DE DROITE le PCF déposait régulièrement des projets de loi pour limiter plus efficacement l’immigration et accusait la droite de laxisme, dans la logique chauvine de son refrain : produire et consommer français. Les immigrés n’étaient bons qu’à cela et devaient rester chez eux ou y retourner s’ils n’avaient pas leur place dans l’é­conomie française.

Le PS reprenait les mêmes thèmes sur l’intérêt national et le contrôle de l’immigration mais en les enrobant de promesses creuses, comme l’égalité sociale, économique, politique pour les immigrés. En réalité l’égalité politique était réduite au droit de vote dans les élections municipales, dont il n’est plus question, alors que ce droit n’a rien de révolutionnaire et est introduit même par des gouvernements ouvertement bourgeois dans les pays scandinaves.

Ni le PS ni le PCF ne se sont opposés à l’arrêt de l’immigration décrété dès juillet ’74. Et dans les municipalités qu’ils détenaient avant ’81 ils montraient déjà leur vrai visage : théorie du seuil de tolérance, discrimination dans l’attribution des HLM, sabotage de la grève des foyers SONACOTRA, utilisation même de bulldozer contre des foyers d’immigrés comme à Vitry, campagnes de délation menées contre des familles maghrébines accusées de faire du trafic de drogue. Sur tous ces traits, c’est le PC qui est monté en première ligne entre ’76 et ’81, favorisant des réactions chauvines et xénophobes mime parmi des ouvriers français. Le PS essayait, lui, de se confectionner une image plus accueillante pour faire oublier le passé colonial des Mitterrand et autres Def­ferre.

APRES MAI ’81, l’offensive anti-immigrée s’est déroulée en plusieurs temps.

D’abord les mesures d’égalité promises aux immigrés ont été mises au rencart. Les frontières se sont fermées davantage encore (ce qui n’a jamais empêché l’immigration clandestine, mais met les sans-papiers à la merci d’une expulsion immédiate). Même à l’égard des réfugiés politiques, l’attitude a été de plus en plus restrictive.

Puis le gouvernement a lancé sa campagne de régularisation qui visait en réalité (des responsables comte Defferre et Max Gallo l’ont affirmé publiquement) à mieux connaître la population immigrée pour procéder ensuite à des expulsions massives. En même temps était votée une loi sur l’immigration préparée par Def­ferre qui sur le plupart des points était encore PLUS RÉPRESSIVE QUE LES LOIS BAR­RE-BONNET-STOLERU (à l’époque critiquées par la gauche). Des associations comme l’ASTI, le GISTI, pourtant illusionnées par le PS, l’ont d’ailleurs souligné. Bien sûr, cette loi respecte la « tradition républicaine » et offre aux candidats à l’expulsion certains recours juridiques purement formels en général totalement inutiles.

Depuis plus d’un an, dans le silence et l’indifférence presque générale, les refoulements et les expulsions se multiplient. Le statut de réfugié politique n’est plus attribué qu’au compte-goutte.

LES DÉCLARATIONS OFFICIELLES FONT SYSTÉMATIQUEMENT L’AMALGAME. IMMIGRATION-
DÉLINQUANCE-CHÔMAGE-TERRORISME. Ainsi une
VÉRITABLE CAMPAGNE RACISTE a été déclenchée lors des grèves dans l’automobile au début de l’année ’83 alimentée par les déclarations de Mauroy et Auroux sur le fanatisme musulman. Le gouvernement a joué à fond la carte de la division entre ouvriers français et immigrés pour éviter l’extension de la grève.

Le racisme s’est ensuite déchaîné lors des campagnes des municipales aussi bien à gauche qu’à droite. Defferre s’est vanté ouvertement d’avoir expulsé plus d’immigrés que les précédents ministres de l’intérieur : « la droite c’est l’immigration sauvage, la gauche c’est l’immigration contrôlé », telle est sa devise. On est loin du droit de vote pour les immigrés !

Il n’est pas étonnant, dans un tel climat, que les EXÉCUTIONS SOMMAIRES de jeunes immigrés se soient multipliées depuis un an.

Ce sont d’abord les auxiliaires zélés de la police qui s’en sont chargés, encouragés par l’assurance d’être couverts par leur ministre. En toute impunité, ils ont ouvert la chasse, bientôt suivis par des dizaines de citoyens ordinaires. La terrifiante série de cet été montre comment l’exemple des autorités a bien été suivi !

Toute cette odieuse campagne, à coup de déclarations, d’articles dans les journaux, de chiffres, de balles dans la peau a de plus aidé à faire passer le nouveau plan d’austérité. De plus cela vient à point pour casser la combativité des immigrés frappés plus que jamais par les licenciements par exemple dans le bâtiment e qui sont lés premiers frappés dans les grands secteurs industriel, comme l’automobile, la sidérurgie. Le responsable, l’ennemi à abattre, c’est l’autre, l’étranger, l’arabe !

A l’époque de la grève des  foyers SONACOTRA nous étions pratiquement la seule organisation politique active dans le soutien, à mettre en garde les travailleurs immigrés contre la démagogie criminelle du PS (le PC, lui, s’étant démasqué très tôt dans cette grève).

Malheureusement cette grande grève de plusieurs dizaines de milliers  de travailleurs immigrés dans toute la France, qui avait constituée un pôle important de lutte contre les lois Barre-Bonnet-Stoléru, n’a pas résisté à la répression, et aussi aux coups portés par le PS qui dans bien des municipalités a réussi à impulser des négociations foyer par foyer. L’organisation du Comi­té de Coordination étant brisée dès la fin ’78, les réactions contre les mesures du gouvernement de droite, puis de gauche ont ensuite été plus isolées et localisées.

C’est le cas en particulier des luttes de sans-papiers en ’81-82, qui ont pourtant obtenu beaucoup de régularisations et obligé le gouvernement à retarder les échéances.

La combativité des prolétaires immigrés s’est également exprimée lors des grèves de Renault en ’82 et de Talbot-Citroën en ’83.

Et aujourd’hui le sentiment de révolte et la volonté de lutte sont particulièrement vifs dans les quartiers parmi les jeunes immigrés de la 2e génération. Des réactions collectives et des tentatives d’organisation répondent presque coup par coup à tous les attentats racistes.

Nous saluons ces réactions et nous efforçons de les aider partout où cela est possible. De même, nous invitons toutes les personnes intéressées à nous transmettre des renseignements concrets sur la situation dans les quartiers, dans les entreprises, sur les cas de répression et d’attentats, sur les réactions dans l’immigration et dans la classe ouvrière.


Loin de nous l’analyse grossière selon laquelle la gauche et la droite, c’est la même chose. Il s’agit plutôt de forces COMPLÉMENTAIRES, au service d’une même cause, la défense du capitalisme, de l’intérêt national bourgeois et de l’impérialisme français. Dans le système démocratique elles sont nécessaires l’une à l’autre pour contrôler et enrôler derrière ces objectifs le plus large consensus social.

En peu de temps, depuis ’81, la gauche s’est montrée sous son vrai visage malgré son discours mielleux : anti-ouvrier, anti-immigré, et impérialiste, sachant manier aussi bien la trique que la carotte. Il est vrai que la classe ouvrière est aujourd’hui désemparée devant cette situation et qu’elle ne réagit pas à la mesure des coups qui lui sont portés. D’ailleurs pour entretenir ce désarroi, la gauche utilise les discours hystériques et haineux ainsi que les actions de la droite et de l’extrême-droite pour apparaître comme un recours, un moindre mal malgré les désillusions qu’elle provoque parmi les travailleurs, et pour de la sorte les frapper  plus facilement. Il est vrai aussi que les tendances à la division entre nationalités ont été accentuées par la politique de la gauche. Mais le calme n’est qu’apparent et les expressions de colère et de révolte ici et là préparent des tempêtes bien plus vastes et violentes qui finiront bien par secouer le navire français, qu’il soit barré par la gauche ou la droite !

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