Article de Larbi Hamdane paru dans Quatrième Internationale, n° 33, avril 1968, p. 22-26
Dans la nuit du 14 au 15 décembre, quelques unités de chars font route vers Alger, avec à leur tête Tahar Zbiri, chef d’état-major de l’A.N.P., et plusieurs officiers. Elles sont stoppées à El-Affroun, après intervention de l’aviation ; le chef de la première région militaire Saïd Abid se suicide dans des conditions pour le moins obscures (certains prétendent même qu’il aurait été fusillé tout à fait réglementairement). Voilà pour les faits les plus spectaculaires et les plus connus qui ont marqué la crise. Simple épisode d’une bataille pour le pouvoir au sein de la même famille, celle qui avait éliminé Ben Bella le 19 juin 1965, ou bien crise plus profonde ? Nous considérons, pour notre part, qu’il n’y a pas de lutte pour le pouvoir, même au sein d’un appareil très bureaucratisé, qui se situe en dehors de la dynamique des forces sociales, de leurs luttes, et du rapport des forces à un moment déterminé. Aussi, nous analyserons la signification de cette crise à la lumière de l’évolution de l’Algérie depuis 1962, et plus spécialement de l’évolution des rapports entre les classes depuis la crise du Moyen-Orient.
LA VERSION OFFICIELLE
Citons pour mémoire l’interprétation officielle : depuis que l’Algérie avait pris la position que l’on sait sur le problème du Moyen-Orient, elle était devenue la cible n° 1 de l’impérialisme ; celui-ci allait-il intervenir de l’extérieur ou de l’intérieur ? C’est bien entendu par l’intérieur qu’il choisit de le faire, par l’intermédiaire d’une bande d’aventuriers sans scrupule et d’un faible d’esprit (c’est du chef de l’A.N.P. qu’il s’agit) : les djounouds révolutionnaires et la maturité du peuple ont déjoué ses plans ; l’Algérie et son Etat sortent grands de la crise et poursuivent leur marche triomphale vers le socialisme. Quant aux divergences politiques qui, selon Boumedienne, ont surgi entre Zbiri et le Conseil de la Révolution, depuis le 1er novembre, aucune n’est dévoilée. Nous ne retiendrons qu’une seule chose de ce verbiage pseudo-révolutionnaire ; la pression des masses est encore assez forte pour obliger ceux qui liquident la Révolution à s’ériger en défenseurs de la Révolution ; transformer en conscience organisée les aspirations vagues des masses, telle est la tâche centrale et absolument décisive des révolutionnaires dans les semaines et les mois qui viennent.
BASE SOCIALE DU GOUVERNEMENT
Quant à nous, c’est dans la courte histoire de l’Algérie depuis l’indépendance que nous situerons cette nouvelle crise et que nous en chercherons l’explication.
La caractéristique fondamentale du gouvernement algérien depuis 1962 est qu’il n’exprime pas la dictature d’une classe ou d’une couche sociale sur les autres, mais qu’il résulte d’un équilibre toujours très précaire, d’un compromis entre des forces violemment antagonistes, mais dont aucune n’est assez structurée, ne possède assez d’homogénéité, de cohésion, d’organisation, de conscience de soi, pour écraser les autres.
Mais très vite, il apparaît que le compromis n’est pas viable, car il a été fondé sur un certain équilibre des forces, à un moment déterminé, que la dynamique des forces sociales a modifié ; fondamentalement, au sein de l’appareil d’Etat bourgeois, la bureaucratie se renforce, la bourgeoisie s’organise, tandis que les masses sont démobilisées par les petits-bourgeois apparatchiks du parti et du syndicat.
Pendant la première période, le poids des masses ouvrières et paysannes s’est fait sentir et l’équilibre a souvent penché en leur faveur, mais elles ont payé le compromis d’un prix très cher ; leur désorganisation complète, d’où le peu de réaction lors du coup d’état du 19 juin 1965.
Vers la fin de l’année 1964, une série importante de grèves, auxquelles succédait le 2e congres de l’U.G.T.A., rompaient l’équilibre des forces : d’où le coup d’état du 19 juin, qui est une victoire des forces réactionnaires, traduisant qualitativement les modifications moléculaires intervenues jour après jour au sein de l’appareil de l’Etat et dans l’organisation et la conscience des classes, mais dont il résulte un nouveau compromis, un nouvel équilibre des forces, qui va pencher de plus en plus en faveur de la droite, mais qui ne signifie pas sa victoire totale, ni l’écrasement de la Révolution, car la bureaucratie manque encore d’homogénéité, elle est loin d’être soudée à la bourgeoisie, et elle craint la réaction des masses.
Mais ce nouveau compromis devait se révéler encore moins viable que le premier et comme nous l’avons déjà montré dans un autre article, la crise au Moyen-Orient a joué un grand rôle en contribuant à creuser le fossé entre les classes et en stimulant leurs luttes. Ex effet, les quatre derniers numéros de Révolution et Travail (125 à 128 de novembre – décembre 67), baromètre de l’activité de la classe ouvrière algérienne pendant cette période, ont montré que celle-ci a mené ses luttes avec opiniâtreté et détermination contre le patronat, les administrations et la bureaucratie.
C’est dans ce contexte, et alors que de l’équilibre entre des forces de plus en plus antagonistes résultait un blocage complet du système, incapable de choisir entre des orientations totalement divergentes sur tous les grands problèmes : planification, réforme agraire, institutions, politique étrangère, que se produisit le second coup de force qui voit une prise en main de la réaction beaucoup plus nette : la liquidation du Secrétariat Exécutif du parti, et la montée de Kaïd Ahmed, ex-ministre des finances, au poste de Responsable du F.L.N. Cet événement survient quelques jours avant la rébellion de Tahar Zbiri, sursaut sans perspective de victimes du « coup d’Etat » des 10-12 décembre.
Il apparaît donc que cette exacerbation de la lutte des classes ces derniers mois est la cause réelle et profonde de la rupture de l’équilibre des forces, laquelle conduit au coup d’Etat. A cet égard, le communiqué de l’U.G.T.A. du 13 décembre est tout a fait symptomatique.
DEPUIS L’ECLATEMENT DE LA CRISE
Notons d’abord l’absence totale de réaction parmi les masses ; une fois de plus, ceci montre l’échec de l’action politique au sein des appareils, totalement coupée de l’action parmi les masses, indépendamment des bonnes intentions d’un Zerdani et de quelques autres.
A l’U.G.T.A., les réactions ont été ambiguës : le dernier numéro paru de Révolution et Travail, le 18 décembre (il y a donc plus d’un mois, c’est un hebdomadaire !), publiait un communiqué réclamant la démocratisation des institutions. l’organisation d’un parti d’avant-garde des travailleurs, la lutte contre la bureaucratie et la bourgeoisie ; ce numéro n’a pas été vendu dans les kiosques, mais uniquement dans les usines par les militants syndicaux ; d’autre part, convoquée par Kaïd Ahmed, la Commission Exécutive de l’U.G.T.A., ou au moins une partie d’entre elle s’alignait sur la position du gouvernement, et décidait la convocation rapide d’un congrès (déjà décidé une première rois, puis ajourné), sous la direction du parti.
Mais les faits les plus significatifs qui ont immédiatement suivi la rébellion, se sont déroulés dans l’Oranie. En effet, à Oran, la direction du parti pensait qu’en bonne logique, il était maintenant possible de frapper à gauche ; il y avait dans la région une situation agitée, de nombreuses gréves, jusque chez les fonctionnaires : les travailleurs de l’hôpital civil d’Oran. Donc, sans informer l’armée, ils arrêtèrent les principaux responsables de l’U.L. d’Oran ainsi que des étudiants d’opposition. Après diverses pressions syndicales allant des télégrammes de protestation à Boumedienne, jusqu’à des menaces de grèves, et après diverses tentatives d’intimidation des récalcitrants par des gorilles du parti, tout le monde a été finalement libéré sur intervention de l’armée. Ceci est intéressant a plus d’un titre : d’une part, cela montre la nature profonde de la crise, que l’U.G.T.A. s’y trouve au centre, et que l’organisation syndicale sera dans les prochains mois l’enjeu d’une lutte décisive entre la bureaucratie et les travailleurs ; et d’autre part, cela montre aussi la nature et le rôle profondément réactionnaire du parti, tandis que l’épilogue montre le choix fait par les diverses forces en présence à l’issue de cette crise : la recherche d’un nouveau compromis.
Du côté du nouveau pouvoir, et en dehors du fait important qui vient d’être souligné, à savoir la faiblesse de la répression et son caractère extrêmement limité, quelles ont été les réactions, quelles sont les initiatives prises ?
Du discours de Boumedienne devant les cadres du parti et de l’Etat, nous ne retiendrons que l’attaque voilée contre l’autogestion agricole, laissant entendre que le morcellement de certains domaines et la distribution des parcelles à des paysans sans terre ne sont pas à exclure.
Mais le souci majeur de l’équipe dirigeante est le suivant : rassurer les masses, en prenant toute une série d’initiatives, autour desquelles est orchestrée une campagne de propagande visant à faire croire qu’un bienfaisant vent de démocratisation souffle sur l’Algérie, et qu’enfin, le « retour à la source, le peuple », est à l’ordre du jour. D’où la création et l’installation des Assemblées départementales Economiques et Sociales, qui auraient pu être effectuées depuis près d’un an, puisqu’elles sont composées des présidents des Assemblées populaires communales de chaque département ; d’où l’annonce de la restructuration « par la base », du parti et du syndicat.
Le but réel est d’organiser l’Etat sur une base plus large que celle de l’armée, qui a complètement fait faillite, de contrôler les masses beaucoup plus étroitement, au niveau des quartiers par intermédiaire du F.L.N., au niveau des lieux de production par l’intermédiaire de l’U.G.T.A., d’intégrer totalement le parti et le syndicat à l’Etat.
Ce programme est-il réalisable ?
Tout d’abord, il faut déterminer qui représente le nouveau pouvoir, et sur qui il s’appuie. Dans la personne de Kaïd Ahmed, on peut affirmer qu’il représente aujourd’hui d’une façon assez nette les hauts fonctionnaires de l’appareil d’Etat, les technocrates, les gros commerçants, alliés au secteur traditionnel agricole, et une grande partie des commandants de l’armée.
Les instruments de l’exercice du pouvoir sont fondamentalement : l’appareil de l’Etat, quoi que très faible, les polices secrètes, certains corps de sécurité militaire, et ce qui reste de l’appareil du parti, commissaires, contrôleurs, permanents en général, liés pour la plupart aux différentes polices secrètes.
Cependant, tous ces corps ne sont pas en condition d’exercer une répression à outrance, car, comme nous l’avons déjà souligné, les couches sociales dominantes ne sont pas assez structurées pour faire face à ses conséquences, d’où la recherche du compromis, notamment avec la direction de l’U.G.T.A.
La répression étant écartée pour l’instant, l’organisation et le contrôle du parti et du syndicat sont les deux principaux objectifs de la clique dirigeante pour l’année à venir.
LE PARTI
Du parti, il ne reste pratiquement rien. Dès le lendemain du premier congrès, en avril 1964, des directives furent données pour empêcher la participation et l’organisation de la base. De l’organisation dans les usines, sur les lieux de production, on passa à l’organisation territoriale, en kasmas, fédérations… où les secteurs politisés étaient franchement minoritaires. Même cela fut saboté par la suite, puisque ni kasmas, ni fédérations n’eurent un programme concret de travail. A titre indicatif, nous pouvons affirmer que même la publication de la Charte d’Alger fut stoppée pendant plusieurs mois, le Bureau politique considérant que l’étude par la base d’un document jugé trop dangereux par de nombreux éléments ne s’imposait pas. Au moment du coup d’Etat du 19 juin, 90 % des kasmas étaient limitées aux simples responsables et ne tenaient pratiquement plus de réunion. Depuis, la situation n’a fait qu’empirer jusqu’à la quasi liquidation du parti.
La cause fondamentale de cette situation, est la contradiction, impossible à résoudre, entre les intérêts de la couche sociale représentée par sa direction, et son programme (la Charte d’Alger), quelles que soient ses limites.
Certes, en multipliant les déclarations hostiles au premier congrès du F.L.N., et à travers lui, à la Charte d’Alger, en proclamant la nécessité d’élaborer un nouveau programme, Kaïd Ahmed tente de résoudre la contradiction. Mais on peut prédire que, tant que durera le compromis entre les classes, tant que la bureaucratie sera incapable de s’exprimer de façon autonome, la construction du parti sera un travail de Sisyphe.
LE SYNDICAT
Un peu d’histoire est nécessaire pour expliquer le rôle de l’U.G.T.A. depuis l’indépendance.
Janvier 63 : le secrétaire du parti (Khider), comprenant le danger que signifiait un mouvement ouvrier fort, décide de jouer le tout pour le tout, et fait un véritable « coup de main », dans le meilleur style gangstéro-fasciste, pour imposer à l’U.G.T.A. une direction dévouée à la clique du parti. Depuis ce moment, le mouvement ouvrier algérien a subi les coups répétés qu’ « au nom de la révolution socialiste » et dans l’intérêt de la « nation », la réaction infiltrée au sein du gouvernement et du parti faisait subir aux ouvriers et aux paysans algériens.
Fin 64 : l’appareil mis en place pour contrôler les masses est incapable d’endiguer les nombreuses grèves dans lesquelles sont engagés les travailleurs. Ben Bella tente de reprendre, au bénéfice du parti, la direction du syndicat, usant de toute son autorité. Mais le congrès déborde son entreprise et impose une direction qui, bien que fruit d’un compromis, est beaucoup moins servile que la précédente, mais tout à fait incapable d’appliquer ce qui reste aussi un beau programme : la Charte syndicale.
Les « coups de main » organisés lors du premier congrès de l’U.G.T.A., la lutte contre « l’ouvriérisme » des années 63-64, les arrestations de syndicalistes pendant le congrès de l’Union locale d’Alger-Centre en 1966, et les nombreuses arrestations dont furent victimes des dirigeants syndicaux depuis l’indépendance, nous obligent à faire une analyse approfondie de la pente sur laquelle est engagé le syndicat depuis cinq ans, et des mesures qui s’imposent si nous voulons éviter la liquidation totale des objectifs socialistes fixés par le premier congrès du parti, dont la Charte syndicale est le mode d’application.
La première constatation est que les différentes directions de l’U.G.T.A. ont accepté des compromis, qu’elles ont ou bien capitulé ou tout au moins reculé dans les moments décisifs. Résultat : l’activité syndicale a considérablement diminué.
La deuxième constatation est que, si les années 1962, 63, 64, se sont caractérisées par une collaboration opportuniste avec l’Etat, le « refus de collaboration » a été appliqué avec plus ou moins de rigueur depuis 1965 ; il s’agit là d’une conquête mais bien tardive, car pendant les années 1963-64, la réaction se servait des militants en les bernant avec des slogans, tout en mettant en place un appareil de répression et tout en organisant un parti dans le parti…. Les militants ont tu toutes leurs critiques ; ils ont marché et contribué à faire marcher les ouvriers et les paysans en leur faisant croire qu’on bâtissait le socialisme, alors que les dirigeants syndicaux étaient parfaitement au courant des atteintes portées à la révolution en haut lieu. Pourquoi se sont-ils faits les complices des ennemis de la Révolution ? Sans doute certains par opportunisme, d’autres par lâcheté, mais la majorité, nous voulons le croire, par manque de compréhension, par défaut d’une analyse correcte de la société algérienne, des classes sociales qui la composent, et surtout du rôle de l’organisation syndicale dans le processus de développement de la révolution socialiste, et de sa position indépendante de l’Etat et des organisations politiques.
LES RAPPORTS PARTI-SYNDICAT
Déjà en mars 65, on avait tenté d’imposer que les dirigeants syndicaux à tous les niveaux soient obligatoirement membres du parti. Aujourd’hui, Kaïd Ahmed, secrétaire du parti, considère que c’est non seulement une obligation, mais aussi que les syndicalistes doivent se soumettre à la discipline du parti. Ceci aurait pour conséquences : premièrement que l’U.G.T.A., ne serait plus une organisation des ouvriers, mais un simple appendice de l’appareil du parti, duquel seraient exclus tous ceux qui ne sont pas dans la ligne, deuxièmement, que l’U.G.T.A., tout comme le parti aujourd’hui, perdrait toute autorité sur les masses, et serait complètement liquidée à très court terme. Si telle devait être la situation au lendemain du 3e congrès de l’U.G.T.A. (en principe vers juillet 68), les travailleurs devraient alors se créer un autre instrument pour défendre, jour après jour, leurs intérêts économiques, culturels et politiques.
Le 2e congrès de l’U.G.T.A. avait rejeté l’obligation formelle d’être membre du parti, mais admis que les responsables syndicaux pouvaient militer au F.L.N. Le fait que Kaïd Ahmed pose à nouveau le problème aujourd’hui, et en ces termes, est la preuve de la grande faiblesse du parti, dont aucun militant n’a été capable de gagner la confiance des masses au point d’être élu à des responsabilités syndicales.
Pourtant, la bureaucratie n’a pas perdu l’espoir de contrôler un instrument qui a le soutien des masses, tel que l’U.G.T.A. ; d’où l’installation des trois commissions régionales de préparation du 3e congrès par Kaïd Ahmed, où préfets, commandants de l’armée et cadres du parti présidaient tandis que les syndicalistes faisaient figure de comparses.
QUE FAIRE ?
En effet, le 20 décembre 1967, face à un nouveau coup de main, la direction de l’U.G.T.A. a capitulé. Elle se fait aujourd’hui complice d’une nouvelle machination contre les masses ; mais, l’expérience des derniers mois de l’année 1964 l’a déjà montré, les travailleurs algériens sauront passer outre le compromis au sommet et sauront exiger leurs droits. Maintenant, la lutte eut ouverte, Il s’agit de décider si le 3e congrès sera une veillée funèbre, ou bien le point de départ d’un combat à mort contre la réaction sous toutes ses formes.
Les travailleurs savent ce que veut la réaction, ils savent aussi quelle est la conséquence des compromis : janvier 63, juin 65, décembre 67. Ils devront se dresser pour rompre l’alliance des gros propriétaires fonciers, des gros commerçants, des hauts fonctionnaires, des cadres de l’armée et des éléments défaillants de la classe ouvrière, et se doter d’une direction capable d’appliquer la Charte syndicale du 2e congrès. Ils devront lutter contre toute forme de compromis à tous les niveaux, et surtout sur les lieux de production.
Ne pas faire de compromis, c’est : dénoncer sans relâche les plans de la réaction maintenir aux niveaux des union locales, des unions régionales, des usines, une organisation syndicale forte, active, qui fonde son action sur une organisation effective de tous les ouvriers à la base, en tenant des réunions régulières, en informant quotidiennement la base, et en créant une structure à l’abri de la répression policière.
Si le journal Révolution et Travail ne parait pas chaque semaine, dans chaque usine, une assemblée devra suppléer la défaillance du journal : il faut que les ouvriers soient tenus au courant de la situation locale et nationale. De même aux niveaux des unions locales et régionales.
La lutte sera âpre et dure et exigera des militants dévoués. Tout élément qui a peur, qui ne répond pas aux exigences de la lutte devra être remplacé sur le champ.
On oppose aujourd’hui les « réflexes de guerre » qu’avait acquis le mouvement syndical pendant la lutte de libération nationale, à ce que doit être son activité dans la période de construction du « socialisme » (El Moudjahid, 24-1-68) ; il faut au contraire les réapprendre, ces « réflexes de guerre », car il s’agit maintenant d’une nouvelle guerre, une guerre de classes, qu’il faut aussi gagner.
Le parti a pu être liquidé, mais les travailleurs algériens ne permettront pas que leur organisation syndicale devienne un appareil dirigé contre leurs intérêts : ils ne permettront pas qu’elle soit dirigée pat un parti fantoche au service des nouveaux bourgeois algériens.
Le 3e congrès se tiendra donc dans la perspective d’une exacerbation de la lutte des classes ; il faut que s’y expriment à fond les potentialités révolutionnaires que recèlent les masses, comme elles ont su s’exprimer il n’y a pas si longtemps face à des ennemis beaucoup plus puissants et plus intelligents que ceux auxquels elle doit faire face aujourd’hui.
Cependant, et quels que soient la direction et le programme issus du 3e congrès de l’U.G.T.A., de la tâche stratégique fondamentale pour la classe ouvrière algérienne demeure celle de l’organisation et du développement d’un parti ouvrier qui lutte pour le pouvoir des masses ouvrières et paysannes. Aujourd’hui, alors que la structuration des classes est plus avancée, que la réaction proclame plus clairement ses objectifs, que la direction de l’Etat et du parti est plus homogène et plus ouvertement réactionnaire, lutter pour un syndicat de masse qui combatte sur des bases de classe parfaitement nettes, contribuer à la construction du parti ouvrier d’avant-garde, doivent être les deux volets inséparables et complémentaires de l’activité quotidienne de tout militant révolutionnaire algérien. Il y va de l’avenir de la révolution socialiste en Algérie.
Le 28 janvier 1968.