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Richard Hoggart : Créateurs sous influence

Article de Richard Hoggart paru dans Lignes, n° 8, 1989/4, p. 21-31

Il serait quelque peu pervers de la part d’un écrivain anglais de parler, aujourd’hui, des droits et des devoirs, des libertés et des responsabilités des artistes de cette fin du XXe siècle, sans faire le point sur l’affaire qui nous préoccupe en Grande-Bretagne depuis déjà six à huit mois (1) : la publication des Versets sataniques, le dernier livre de Salman Rushdie.

S’il n’y avait pas eu d’affaire Rushdie, j’aurais essentiellement parlé des pressions souterraines que subit, dans notre Occident prospère, l’artiste d’aujourd’hui, auquel on demande d’être conformiste. Si ces pressions sont inoffensives et parfois même franchement agréables, elles n’en sont pas moins très fortes. Ce sera là le thème du début de ce texte, pour deux raisons : tout d’abord parce que, à la réflexion, il concerne de très près l’affaire qui nous intéresse.

Cependant, je parlerai surtout de Rushdie et de son livre, dont la publication nous a poussé à débattre des questions fondamentales sur la nature de la liberté d’expression. Dans nos démocraties ouvertes et rassurantes – et bien que nous ne cessions de rouspéter -, nous n’avons jamais à nous poser de telles questions, lesquelles ne nous effleurent même pas en général, alors qu’elles sont si graves qu’elles peuvent impliquer la condamnation à mort d’un écrivain.

Depuis longtemps déjà, nous pouvons prendre courageusement position en faveur de la liberté d’ expression ou trahir cette dernière sans, plus ou moins, risquer d’être l’objet de menaces physiques. En fait, en cette seconde moitié du XXe siècle, si nous sommes tentés de trahir la liberté d’expression, il semblerait qu’il s’agisse en général d’une faible tentation plutôt que d’un véritable choix.

Dans les sociétés modernes et commerçantes d’Europe, d’Amérique du Nord et d’une partie de l’Asie, il va de soi que l’on aime les artistes pour autant que l’art est considéré comme une marchandise et l’artiste comme son fabricant. n se peut que la division sociale par classes, ce vieux complexe européen, soit en train d’ouvrir la voie à une division par l’argent, la profession, le statut social et le goût ; mais le fait est qu’elle est toujours là et avec elle, les multiples signes de démarcation qui l’accompagnent souvent. Nous n’avons plus vraiment besoin d’insister là-dessus. Il suffit de voir en effet que les éditeurs ne publient que quelques titres par saison, des titres à succès, et qu’ils ignorent superbement tous les autres ouvrages, moins bien vendables à première vue mais peut-être plus importants à long terme. Que les beaux-arts soient sur le marché tout court plutôt que sur le marché de l’art prêterait à rire si, pour de nombreux jeunes artistes, cela ne constituait pas une barrière infranchissable. La vie intellectuelle authentique est reléguée dans un coin, de telle sorte que les idées dont on pense qu’elles subsisteront mais qui ne sont en fait que des opinions vite oubliées, peuvent s’imposer aux mass media chaque jour qui passe. Parce qu’il est celui d’où devrait venir la critique ou parfois la louange des valeurs de notre société, l’artiste est lui aussi relégué. Il a été remplacé par ce que l’un de mes analystes favoris mais oublié, Klages, appelait « la tour de Babel des concepts que, par nécessité, nous devons élaborer de toute urgence pour en faire des substituts ». Ce qui suppose que la mascarade d’un dissentiment simulé est prise pour argent comptant.

La vie de l’artiste conformiste (je dois m’en tenir aux écrivains) – ou plus exactement, de l’artiste qui réussit à redéfinir ce contexte de sorte qu’il lui devient entièrement favorable -, peut être fort confortable. En Grande-Bretagne, par exemple, vous serez payé quelques bons milliers de livres si votre roman intéresse les producteurs de télévision (qui s’en sortiront d’ailleurs plutôt bien, les séries télévisées britanniques comptant parmi les meilleures productions des mass media). De la même façon, si vous voulez adapter les œuvres d’autres écrivains (Dickens, Trollope ou encore Henry James), vous gagnerez également quelques milliers de livres. En revanche, qu’obtiendrez-vous de la seule publication de vos propres romans ou, pis encore, d’un petit recueil de poésie ? En comparaison, des clopinettes. Notre société d’auteurs s’est réunie afin de distribuer des bourses – de petites bourses – et j’ai été profondément choqué par la pauvreté de nombreux auteurs de qualité dont le travail est manifestement important. C’est en fait et surtout la nostalgie qui prévaut dans le monde de la littérature et de la télédiffusion. Ne vous embêtez pas avec la description du présent ou la prédiction de l’avenir sauf peut-être au moyen de la science-fiction ; contentez-vous de nous raconter notre glorieux passé car c’est cela qui se vend.

Depuis une vingtaine d’années, en Grande-Bretagne, ce qui porte le plus tort aux écrivains c’est le nombre croissant de prix littéraires, notamment le Booker Award (quoique d’autres prix aient également augmenté le montant de leur récompense). Comme vous l’aurez aisément deviné, Booker est un gigantesque conglomérat industriel. On assiste là à un processus de concentration ou de canalisation où les experts en relations publiques sont à l’apogée de leur art (tout n’est qu’applaudissements chaleureux et flatteries). Aucun écrivain n’admettra viser ce prix mais jetez plutôt un coup d’œil sur la liste de tous les lauréats du Booker Award et vous n’aurez aucun mal à dégager celles des qualités qui les caractérisent tous et, par voie de fait, celles qui ne sont pas du goût du jury.

Les mécènes de l’art étaient, avant, la monarchie, l’Eglise, la noblesse, l’Etat, la grande bourgeoisie ; et ils avaient leur façon à eux de remettre dans le droit chemin des artistes dissidents ou gênants comme Dean Swift et Dr. Johnson. Si je ne cite que ces deux écrivains britanniques c’est parce qu’ils ont su riposter superbement.

Le mécénat ancien modèle est mort et il a été remplacé par ce que certains aiment à appeler mielleusement « le peuple » – et le marché. C’est une bonne chose que ne soit plus dicté d’en haut ce que les gens doivent croire ou penser ; c’est une bonne chose que la plupart soient assez riches pour jouir d’une liberté de choix sans précédent. Le revers de la médaille est cependant qu’ils sont sans cesse sollicités, matraqués, par le discours égalitaire, flatteur et démagogique des hommes politiques, des publicitaires, des directeurs de relations publiques et de la presse populaire (la presse populaire britannique est l’une des pires que je connaisse en Europe de l’Ouest). Dans ce contexte, l’art n’est plus qu’un simple produit, offert à différents niveaux selon le statut social du public visé.

Plus aucune menace physique ne pèse sur l’artiste car la flatterie, la publicité et l’argent moyens de pression déguisés ou déclarés sont tout aussi efficaces. Je suis issu d’un milieu ouvrier très pauvre et pour moi, le plus grand apport de l’éducation a été la liberté de penser par moi-même, d’être un empêcheur de tourner en rond, un mauvais coucheur.

Pourquoi vendrais-je donc ce bien précieux pour l’argent et le renom qu’offre ce genre de gens ?

C’est dans ce contexte général que nous est tombée dessus, il y a quelques mois, l’affaire de Salman Rushdie et de ses Versets sataniques, une affaire qui a ouvert aux écrivains et intellectuels britanniques des perspectives qu’ils n’avaient pas envisagées depuis fort longtemps.

Le livre est par essence inventif, bouillonnant, pléthorique; on s’y délecte à tourner en dérision moult vaches sacrées, parmi lesquelles l’Islam et Mahomet. La contre-attaque a mis du temps à venir car rares sont les musulmans qui, en Grande-Bretagne, avaient lu – ou ont lu – ce livre. C’est à Bradford, ville du Yorkshire comptant environ 300 000 habitants dont beaucoup de musulmans, que l’on a assisté à la première réaction visible d’importance, celle d’une foule nombreuse de musulmans rassemblée dans le centre ville pour assister à l’autodafé du livre.

L’intelligentsia a été, à sa manière, aussi profondément scandalisée par cet événement que les musulmans lorsqu’ils ont appris que l’on avait raillé leur foi. Pour les écrivains et les artistes européens, qu’ils soient ou non chrétiens, l’autodafé du livre a fait resurgir le spectre du nazisme, le spectre du rejet brutal de leur principe fondamental, le droit à la liberté d’expression. Si de nombreux Anglais ont exprimé patiemment pourquoi les musulmans avaient été choqués, je n’ai pas encore entendu en revanche un musulman reconnaître que, pour les intellectuels européens, l’autodafé d’un livre est un symbole d’une horreur incommensurable.

Nous ne saurons jamais si cet événement aurait marqué la fin des manifestations formelles, car la situation a tôt fait d’empirer. En l’espace de quelques semaines en effet, l’ayatollah Khomeiny (inutile de préciser qu’il n’a pas lu le livre) a lancé, à tout le monde musulman, un appel à la mort. Il est clair que, pour les fondamentalistes, la loi coranique s’applique partout et qu’elle doit fouler aux pieds toutes les autres lois. Cela fait cinq mois maintenant (2) que Rushdie est sous la protection de la police ; Khomeiny est décédé mais la condamnation à mort a été explicitement réaffirmée. L’horreur, dans tout cela, c’est que tant qu’il sera en vie, Rushdie sera la cible de la balle ou du couteau de celui qui aura décidé de l’abattre pour honorer le Prophète.

Les fondamentalistes ont été touchés dans leur croyance la plus essentielle. Ils vivent encore dans un monde obscurantiste où la liberté d’expression est subordonnée aux exigences de l’Islam. On ne peut aller à l’encontre du Prophète ni le tourner en dérision comme le fait Rushdie qui, entre autres, critique férocement et sur un ton plutôt irrévérencieux l’exil de Khomeiny à Paris et associe les douze femmes du Prophète à douze prostituées indiennes.

Alors quoi ? C’est la question que de nombreux intellectuels britanniques ont été enclins à se poser jusqu’au moment de l’appel à la mort. Que penser du film récemment sorti sur les écrans, La dernière tentation du Christ ? Une certaine opposition s’est manifestée mais elle n’a été ni aussi violente ni aussi outrancière que celle qui accueille aujourd’hui les Versets sataniques. Ce à quoi les musulmans pourraient répondre que c’est là la preuve qu’en Occident, le christianisme n’a plus aucune envergure et que l’on n’y croit pas profondément.

De la même façon, cela ne sert pas à grand-chose de signaler que Rushdie s’attaque également à la Grande-Bretagne, à ses villes (le Londres qu’il dépeint ressemble délibérément à celui de Dickens dans Bleak house), à son racisme et à la brutalité de sa police. Pour un fondamentaliste comme pour beaucoup d’autres musulmans, comparées à l’insulte qui a été faite à leur foi, il s’agit là de questions de second ordre.

Il ne fait aucun doute à mon avis que la colère des musulmans a été ravivée par une autre considération, non religieuse cette fois : ils sont nombreux, surtout parmi les jeunes, à avoir nourri, pendant des années, un fort ressentiment pour la discrimination dont ils sont l’objet, notamment de la part de la police. Ils seraient beaucoup plus heureux, mais pas encore tout à fait satisfaits, si la loi anglaise sur le blasphème venait à concerner non seulement la religion chrétienne mais aussi l’Islam. Inutile de faire remarquer que l’on invoque rarement cette loi (elle l’a été pour la dernière fois en 1979, au sujet d’un poème où le Christ est homosexuel). Si j’étais musulman en effet, je me battrais probablement pour son extension et son utilisation plus systématique.

Il y a eu, parmi les gens politisés, qu’ils soient intellectuels ou pas, quatre prises de position différentes. A l’extrême gauche, certains se sont identifiés aux musulmans, pour s’opposer à ce qu’ils appellent l’« obstination sybarite » des écrivains astucieux. Toujours à l’extrême gauche, d’autres, plus intellectuels cette fois, se sont rangés du côté de Rushdie, clamant haut et fort son droit à une liberté totale d’expression. Le ton adopté faisait souvent penser qu’eux non plus n’avaient pas lu le livre (on le trouve facilement dans les circuits parallèles mais il coûte quand même 12,95 livres).

Pour l’extrême droite, l’affaire Rushdie a été un don du ciel : s’ils ne se plient pas à la loi britannique, ceux qu’ils appellent « les sales métèques » n’ont qu’à être renvoyés chez eux. La menace d’un harcèlement accru des musulmans s’est amplifiée et elle n’a pas été apaisée. Que les éléments les plus violents, les plus fascisants et les plus extrémistes de la droite des gens, qui si jamais il leur arrive de lire un livre, s’en tiennent à des torchons sur le sexe et la violence -, que ce genre de personnes ait défendu le droit à la liberté d’expression d’un écrivain indien est l’une des plus extraordinaires ironies de toute l’affaire. Ce qui est plus triste, c’est la réapparition que j’ai pu moi-même constater dans la région de Bradford, il y a quelques semaines à peine des sentiments racistes, généralement enfouis, des « gens ordinaires ».

Enfin, parmi les réactions du monde politique, on trouve celles de quelques membres du Parlement dont les circonscriptions électorales comptent un nombre élevé de musulmans. Ils ont été au supplice et ont souvent manqué de dignité : ils ont assuré avoir foi en la liberté d’expression et ont commencé à adopter un langage dont ils pensaient qu’il les tirerait d’affaire. Bien évidemment, ils disent que chacun se doit de respecter son prochain et ses croyances. Peut-être la loi sur le blasphème devrait-elle être étendue ; peut-être devrait -on persuader les éditions « Penguins » de ne pas publier les Versets sataniques en livre de poche, par respect et pour faire preuve de bonne volonté. Et ainsi de suite…

Ce sont les écrivains, qui ont refusé la solution de facilité consistant à prendre position politiquement, qui ont subi le plus gros choc. Ils ont essayé de comprendre la nature historique de la réaction des musulmans et des fondamentalistes, mais précisément parce qu’ils sont écrivains, la liberté d’expression reste pour eux un droit inaliénable et le mot est roi. Cependant, une voix foncièrement aliénable nous vient d’un pays non européen, d’une partie du monde n’ayant pas connu nos mouvements historiques des Droits de l’homme et, par conséquent, du droit à la liberté d’expression. Rushdie avait peut-être prévu ce qui allait lui arriver lorsque (p. 392 de l’édition anglaise), il fait dire au poète Baal condamné à la décapitation, sur le chemin le menant au supplice : « Mahound, nous, les prostituées et les écrivains, sommes le peuple que vous ne pouvez pardonner. » Et Mahound de lui répondre : « Ecrivains et prostituées, je ne vois pas où est la différence. »

L’affaire Rushdie est éclairante. Elle a joué le rôle d’un catalyseur et surtout, elle a révélé avec quelle désinvolture nous considérons que ces droits nous sont dus. Nous avons réalisé alors jusqu’à quel point le courage moral apparent avec lequel nous les affirmons tient de l’émission d’un chèque que nous ne pensions jamais voir encaisser. L’habeas corpus et des emplois bien rémunérés nous mettent à l’abri, et les institutions pour lesquelles nous travaillons souvent ne nous mettent jamais à l’épreuve, peut-être parce qu’à la base elles n’ont pas à prendre ou on ne leur demande pas de prendre ces questions au sérieux.

On nous a demandé de revoir nos positions les plus fondamentales. Certains, ils sont très rares, ont refusé de signer une lettre ouverte de protestation par peur que la menace de mort ne se retournât également contre eux. Mais la plupart d’entre nous avons signé. Ils ont été un ou deux à donner clairement leur avis dans la presse, à la radio et à la télévision. En voici un des exemples les plus intéressants : « Je signerai en faveur de Rushdie et plutôt deux fois qu’une car je ne l’aime pas en tant que personne et je n’aime pas son livre. » Il s’agissait d’un homme qui, ayant lui-même été musulman, devait savoir que certains passages des Versets sataniques offenseraient les musulmans, notamment les fondamentalistes. Si leur réaction ne pouvait étonner Rushdie, ce dernier ne pouvait pas prévoir quant à lui qu’il encourrait des menaces de mort, dont l’une officiellement prononcée à Téhéran. Mais il a droit de publier son livre et le condamner à mort est barbare. Donc, je signe.

On aurait bien voulu, au cours de ces derniers mois, que G. Orwell fût encore en vie. Un essai écrit par lui aurait été merveilleusement revigorant. Quelques écrivains s’en sont très bien sortis cependant. De ceux que j’ai vu à l’œuvre, c’est la romancière Fay Weldon qui m’a fait la plus grande impression. Elle a véritablement essayé de se mettre dans la peau de Rushdie, position vulnérable s’il en est. Lors d’un débat télévisé sur la question, alors qu’un porte-parole de la communauté musulmane essayait de justifier la condamnation à mort de l’écrivain, elle a invité le commissaire de police présent à l’arrêter pour incitation au meurtre. C’était là un franc parler hors du commun. L’embarras du commissaire nous a rappelé que le ministère public de Sa Majesté s’est catégoriquement refusé à ce que soient prononcées des accusations contre quiconque parmi les très nombreux musulmans britanniques parfois haut placés s’était rendu coupable d’incitation au meurtre.

Mon impression générale est que la plupart des écrivains et des artistes ont décliné cette invitation inhabituelle à plonger dans l’abîme. On est en train de résister à une menace plus directe que les différentes invitations charmeuses du monde marketing à solder la liberté d’expression. Cependant, qu’elle soit directe ou pas, qu’elle ait des chances ou peu d’aboutir, la menace de mort qui pèse sur nous n’est pas une plaisanterie.

Dans la plupart des cas, nous nous sommes élevés contre des mises au point dont le but était de contrecarrer l’opinion des musulmans, une opinion qui ne pouvait pas compromettre la liberté d’expression. Certains ont suggéré par exemple que, pour faire preuve de bonne volonté, il faudrait retirer dès maintenant le livre du marché ou, du moins, ne pas publier l’édition de poche. Nous sommes nombreux à avoir signé une déclaration selon laquelle la loi sur le blasphème devrait, non pas être étendue à l’Islam, mais être tout simplement abrogée. Les musulmans les moins fondamentalistes seraient ainsi en mesure de se convaincre eux-mêmes et de convaincre les autres qu’aucune foi n’est privilégiée et donc protégée du blasphème. Ensuite, s’ils le veulent, ils pourront discuter de la question et défendre, de façon persuasive, leurs arguments. Quant aux purs et durs, on ne pourra de toute façon jamais les persuader de rien.

Il semblerait que nous, Britanniques, ayons appris quelque chose sur les droits dont nous pensons qu’ils nous sont dus et par conséquent, sur nos devoirs. Quant aux musulmans, quelle leçon ont-ils tiré ? C’est difficile à dire pour le moment car ceux que l’on entend le plus sont toujours les plus extrémistes. Je pense qu’une partie de l’opinion est plus modérée et que, si elle est profondément islamique, elle n’en reconnaît pas moins la tradition occidentale de liberté d’expression. Il est encore dangereux en ce moment pour un musulman de défendre publiquement ce point de vue. En attendant, nous devons avancer pas à pas, en espérant — et je crois que notre espoir est bien fondé — que la situation s’apaisera peu à peu, sauf peut-être pour Salman Rushdie. Il suffit en effet d’un seul fanatique pour que la volonté de l’ayatollah soit faite, cette année, l’année prochaine ou un jour quelconque.

Juillet 1989
(Traduction de Catherine Lebrun.)


Richard Hoggart, sociologue anglais. Est né à Leeds en 1918. A successivement occupé les postes de professeur d’anglais et de directeur du Centre d’étude sur la culture contemporaine à l’université de Birmingham, d’assistant du directeur général de l’Unesco pour les questions d’art et de culture et de recteur au collège Goldsmith de l’université de Londres.

Est président du « European Museum of the Year Award Committee » et de l’Institut de recherche de radiodiffusion de Grande-Bretagne.

A publié : Auden, The use of literacy, Speaking to each other, Only connect, An idea and its servants, An english temper, An idea of Europe (avec Douglas Johnson), A local habitation (automne 1988).


(*) Titre de la rédaction.

(1) Ce texte date du mois de juillet 1989.

(2) Ibid.

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