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Effervescence sociale en Algérie

Article paru dans Le Prolétaire, n° 334, 3 au 16 avril 1981, p. 1-2


Un an après les manifestations et les émeutes du printemps dernier contre la répression bourgeoise, le mouvement social vient de reprendre en Algérie. Le 15 mars 1981 c’est la grève générale dans toute la Kabylie pour protester contre la farce du débat préfabriqué sur le « dossier culturel ». Par ce moyen l’Etat bourgeois espérait amortir le mouvement qui ne cesse de se développer contre la répression culturelle et pour la reconnaissance des langues populaires. Comme les manifestations de l’année dernière, la grève générale de Kabylie dépasse largement le cadre de la lutte contre les discriminations qui frappent les langues populaires. Il s’agit en réalité d’un mouvement dirigé contre les multiples aspects de la répression bourgeoise qui s’abat en Algérie sur les masses exploitées.

Par la grève générale, les travailleurs, les étudiants et les lycéens de cette région, particulièrement pauvre en ressources mais riche en traditions de luttes, entendent exprimer leur colère qui ne cesse pas de s’amplifier avec l’aggravation de la misère et l’accentuation de la répression bourgeoise. Le tract d’appel à la grève générale du 15 mars se termine par les mots d’ordre suivants : « Arabe algérien plus Tamazight (*) égalent langue nationale ! », « Union des masses populaires contre la bourgeoisie! », « Liberté d’expression ! » et « Pour le vrai socialisme ! ». La grève générale de Kabylie a été largement suivie non seulement à cause du mécontentement social grandissant, mais aussi et surtout grâce au travail de préparation des comités qui se sont constitués ces dernières années en dehors des appareils officiels de l’Etat bourgeois et de l’opportunisme.

Les nationalistes du Front des Forces Socialistes (FFS) et les staliniens du Parti d’avant-garde socialiste (PAGS) ont tout fait pour manœuvrer au sein de l’Assemblée Générale qui a décidé de la grève, en proposant notamment d’enlever le mot d’ordre d’ « Union des masses populaires contre la bourgeoisie » sous prétexte qu’il ne manquera pas d’effrayer les commerçants de la région et les dissuadera de suivre le mot d’ordre de grève. Mais la manœuvre de ces saboteurs n’a pas réussi. Plusieurs intervenants combatifs ont proposé à l’AG de forcer le cas échéant tous les commerçants à fermer boutique.

La préparation de cette grève générale, qui a été suivie par plusieurs centaines d’étudiants à Alger, permet surtout de se rendre compte de l’ardeur du mouvement social et de la combativité des travailleurs et des jeunes en lutte contre la répression bourgeoise. Profitant des vacances universitaires du mois de février, la police a réquisitionné tout le matériel d’impression de l’université (ronéo, photocopieuse, stencils, etc.), en vue d’éviter leur utilisation par les comités de lutte existants dans la ville de Tizi-Ouzou.

Tout de suite après, des jeunes sont descendus massivement à la salle de cinéma où la police avait caché le matériel d’impression. Ils ont cassé les portes de la salle et ont repris tout le matériel dont ils avaient besoin pour imprimer leurs tracts. Les diffusions du tract appelant à la grève générale se sont faites partout dans la région. Des équipes d’intervention ont été mises sur pied pour aller de village en village contacter les paysans, d’une entreprise à l’autre contacter les ouvriers, afin qu’ils prennent part au mouvement de grève contre la répression bourgeoise.

Ce mouvement fait d’autant plus peur à la bourgeoisie qu’il survient à un moment où se multiplient les grèves ouvrières et les signes de colère populaire sur l’ensemble du territoire.

Le 8 février, grève des 3.000 ouvriers de la SONITEX de Draa-Ben Khadda, le 7 mars, grève des travailleurs. de la CASORAL, CASOREC et CASORAN, (sécurité sociale d’Alger, Constantine, Oran), le 10 mars, grève des travailleurs du COUS (œuvres universitaires) d’Alger, Oran, Constantine, Annaba, Batna, Sidi-Bel-Abbès ; le 15 mars, grèves des employés de la BCA et des dockers d’Alger ; le 16 mars, grève et manifestations de rue à Bouira. Sans parler des émeutes qui ont eu lieu dans la région sinistrée d’El-Asnam où la gendarmerie et l’armée sont intervenues en matraquant les manifestants et en emprisonnant une trentaine d’entre eux.

Il s’agit là d’une véritable situation d’effervescence sociale qui trouve ses racines dans la misère et la répression croissantes auxquelles sont confrontées les masses algériennes : pénuries de biens de consommation courante, blocage du SMIC à 800 dinars depuis 1978, alors que l’inflation atteint 20 % par an, interdiction des libertés élémentaires de grève, d’expression, de réunion, d’organisation et de manifestation pour les masses.

Comme nous l’avons déjà fait remarquer dans notre presse lors des manifestations de l’année dernière, la bourgeoisie essaye de discréditer le mouvement aux yeux des masses des autres régions et des travailleurs immigrés en le faisant passer pour un mouvement « berbériste » et « régionaliste ». Le caractère mensonger des allégations de la bourgeoisie saute aux yeux à la lecture des mots d’ordre du tract d’appel à la grève générale qui posent des problèmes ressentis par l’ensemble des masses exploitées et opprimées quelle que soit la région où elles se trouvent. Cependant malgré des contacts réels existant entre les comités de Kabylie et d’Alger, la grève générale n’a pu toucher que le secteur étudiant ‘à Alger qui est pourtant seulement à 140 km de Tizi-Ouzou, chef-lieu de la Kabylie.

Le problème qui se pose donc aujourd’hui en Algérie est celui de la coordination et de l’organisation des luttes qui se déroulent dans les différentes régions et en premier lieu entre Alger et la Kabylie. C’est à ce travail que doivent se consacrer tous les militants d’avant-garde en Algérie.


(*) Il s’agit du berbère.

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