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Jacques Dubart : Algérie. Les assassins sont au pouvoir

Article de Jacques Dubart paru dans Lutter !, n° 25, novembre 1988, p. 12

Soldiers with the Algerian armed forces patrol the streets of Algiers in military tanks after riots broke out, instigated by rising food prices in a country with an unemployment rate of more than 18%. Islamic fundamentalist demonstrations and riots against Algerian President Chadli Bendjedid were severely repressed by the military, which killed hundreds of young urban poor civilians seeking work, decent housing, and public services. The riots were the most serious since Algeria gained independence in 1962. (Photo by © Patrick Robert/Sygma/CORBIS/Sygma via Getty Images)

Les « évènements » d’Algérie ont été précédés par une série de grèves contre la politique d’austérité, en particulier dans les zones industrielles de Rouiba-Reghaia, d’El-Harrach et de Bouira, où la répression a été particulièrement dure. La grève est entrée dans la capitale, le 2 octobre avec le mouvement des postiers. Puis les lycéens et les étudiants sont descendus dans la rue, suivis par l’ensemble de la jeunesse. A l’intérieur du pays, 80 % des villes ont été touchées par les émeutes. A partir du 6 octobre, l’état de siège à été décrété. Et la boucherie a commencé. Sans états d’âme, les soldats ont obéi aux ordres. Ils ont tirés sur des enfants, des gens désarmés. Au fusil-mitrailleur, à la mitrailleuse lourde. Plus de 600 tués. Un nombre considérable de blessés. Plusieurs milliers d’arrestations, touchant tous les milieux, des frères musulmans à l’extrême-gauche, et en particulier de nombreux syndicalistes.

Le mouvement algérien fait suite et prolonge d’une certaine façon les émeutes de la faim de ces dernières années en Tunisie et au Maroc. Mais l’intensité de la révolte trouve son origine dans les spécificités nationales : les conditions de la création de l’Etat algérien, après la victoire du FLN, ses dérives totalitaires et l’écrasement de toute opposition de gauche, un pouvoir qui s’appuie fondamentalement sur une armée et une police politique souvent formée en URSS, la quasi-inexistence de couches moyennes en dehors de la bureaucratie du FLN, tout cela a favorisé l’émergence d’une révolte de la société tout entière face à l’Etat FLN, ainsi qu’un tel niveau de répression de la part de l’armée.

Et contradictoirement, au moins en apparence, cela survient au moment où à la tête de l’Etat, Chadli même une politique divergente par rapport à cet héritage algérien :

Politique économique libérale, politique d’austérité qui n’a rien à envier à la thérapeutique classique du FMI — appel au marché, vérité des prix, restructuration des entreprises, verrouillage des importations — qui voudrait réformer l’économie du pays confronté à l’écroulement du prix du pétrole et du gaz (qui assurent 98% des recettes à l’exportation), et à l’explosion démographique (l’une des plus fortes du monde). Mais le libéralisme économique, ici non plus n’a pas apporté d’amélioration pour la population.

LES EMEUTES DE LA SEMOULE

Parti d’un conflit dans les entreprises avec l’appui du syndicat unique (contrôlé par le FLN, ou tout au moins par l’appareil de celui-ci), cette contestation a touché rapidement la grande majorité de la population. Les intégristes musulmans étaient au départ exclus, en particulier des manifestations ouvrières de la zone industrielle de Rouiba-Réghaïa. Puis ils ont été pris de vitesse par le démarrage des mouvements écoliers et lycéens mercredi 5 octobre dans Alger. Il est vrai qu’ils ont par la suite saisi l’occasion de la grande prière de vendredi pour essayer de prendre en marche le train des revendications.

Mais, même s’ils se sont efforcés, par la suite, de contrôler et de récupérer le mouvement de révolte de la population, ils n’y sont que très partiellement parvenus.

La réalité de ce conflit est tout autre : les augmentations faramineuses des fruits et légumes, de la viande et du poisson, conjuguées au blocage des salaires et aux pénuries chroniques sur les denrées de premières nécessités, dont la semoule base de l’alimentation en Algérie, ont jeté l’ensemble de la population algéroise dans la rue. Et lors des émeutes les symboles de la consommation de luxe accessible à une petite minorité de bureaucrates et d’affairistes (tel le centre commercial culturel Ryad-el-Feth) mais aussi ceux de l’Etat détesté ont été les plus touchés.

LES SUITES DES EMEUTES

Pour les emprisonnés à la suite des évènements, les procès ont commencé devant des tribunaux spéciaux siégeant en flagrant délit, avec une restriction considérable des droits de la défense. Les peines de 4, 6, 8 ans d’emprisonnement sont fréquentes.

Après le bâton, la carotte : à la fin des émeutes, les autorités ont sorti des stocks des denrées que les algériens avaient perdu l’habitude de voir en quantité : le beurre, la semoule, les lentilles, le café, le sucre sont là et en quantité. Et à prix subventionné.

Toutefois, les suites des émeutes ne vont pas se limiter à la répression, ni à une temporaire réapparition des denrées alimentaires en quantité suffisante. Elles vont peser un poids décisif dans l’évolution de la société algérienne. Déjà, même si il est encore trop tôt pour pouvoir connaître sa durée possible, une ouverture semble se dessiner. Dans le mouvement étudiant, le « Comité Autonome », sans lien avec le FLN et fonctionnant depuis le mouvement de grève de la rentrée 87, s’oriente vers la création d’une organisation indépendante. De même dans le rôle joué dans le mouvement par l’UGTA, le syndicat unique, va probablement permettre de redonner une certaine autonomie de certains de ses secteurs par rapport à l’Etat.

EN FRANCE

L’attitude, tant de l’Etat français, que d’une grande partie de la gauche française, se réfugiant derrière l’alibi islamiste, pendant les massacres a été de ce point de vue consternante (mais quel mouvement pourrait légitimer une telle violence d’Etat aux yeux de ces messieurs ?).

Fidèle à sa longue tradition, l’Etat s’est dispensé de dénoncer le gouvernement algérien. Mais n’oublions pas que le ministre de l’Intérieur socialiste Joxe, tout comme Pasqua quelques mois plus tôt, a apporté sa contribution à l’étouffement de toute opposition algérienne en interdisant la revue du Mouvement pour la Démocratie en Algérie, « El Badil Démocratique », au seul motif qu’Alger en faisait la demande.

Le PCF, par la voix de son Secrétaire Général, a estimé que « la France ne doit pas s’ingérer dans les affaires algérienne »… Sans doute Chadli bénéficie-t-il aux yeux du PCF de son statut d’allié de Moscou…

Quant au PS, si les voix ont été plus discordante, nous n’oublierons pas non plus la déclaration de son porte-parole : « C’est à l’intérieur du gouvernement (algérien) qu’une solution doit être trouvée »… pour se laver les mains, tous les discours sont bons.

De toutes les façons, au delà des discours, tous ceux là n’ont pas voulu que se concrétise un quelconque soutien en France, au mouvement algérien.

Seuls, au sein d’une Coordination de Solidarité avec le peuple Algérien, ont tenté de mobiliser à travers des manifestations, des associations d’immigrés, et des organisations « à gauche de la gauche », dont l’UTCL.

Jacques Dubart

Une réponse sur « Jacques Dubart : Algérie. Les assassins sont au pouvoir »

En 34 ans, aucune amélioration qd a la vie quotidienne du citoyen. Une offre de produits inutiles et farfelus, absence totale d’ instruction, une santé publique en roue libre, des édifices a l architecture démesurée, témoins d’ un état to ta li taire, telle est l’ Algerie nouvelle : marche ou crève.
 » Voi chi entrate qui abandonate ogni speranza » in Dante Allighieri, « la Divina commedia » .

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