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Les accords franco-F.L.N., le cessez-le-feu et le M.N.A.

Article paru dans le Bulletin d’information du Mouvement National Algérien, mars 1962, p. 1-4

Maintenant que le cessez-le-feu est signé après les négociations secrètes qui ont duré plus de deux ans et qui ont abouti aux accords politiques que l’on sait, il est nécessaire de préciser quelles ont été la position du M.N.A. et ses activités en faveur de la paix.

Rappelons que, dès le début de 1956, le M.N.A. a fait des propositions concrètes pour l’ouverture d’une conférence de la Table Ronde sans préalable ni exclusive afin d’examiner tous les aspects du problème algérien en vue de parvenir à un cessez-le-feu. Cette proposition a été, plusieurs fois, réitérée au cours de ces derrières années.

D’autre part, après l’échec de le Président MESSALI HADJ a lancé, le 31 Août 1960, un plan de paix. A ce propos, le M.N.A. précise que ce document a été largement propagé et porté à la connaissance de l’opinion publique. Avant Evian, le M.N.A. a également repris sa propagande en faveur d’une conférence de la Table Ronde sans préalable ni exclusive. Dans ce domaine, le parti a fourni un immense effort et pour expliquer sa position politique et pour l’ouverture de la conférence de la Table Ronde.

M. JOXE, ministre d’Etat, chargé des Affaires Algériennes, a déclaré à Oran, en réponse à une question le 30 Mars 1961, qu’il négocierait avec le M.N.A. comme il négocierait avec le F.L.N. Cette déclaration, si elle a réjoui le M.N.A. et tous les partisans de la démocratie, il n’en a pas été de même chez le F.L.N. et dans les rangs de ses supporters. Irrité, le F.L.N. qui a été de tout temps obsédé comme étant le seul représentant de la Révolution Algérienne, a refusé de se rendre à Evian pour protester contre la présence du M.N.A. aux négociations.

Il y a eu, par la suite, des contacts secrets pour négocier le retour du F.L.N. a Evian sans la présence du M.N.A. Ce sacrifice du M.N.A. sur le tapis de la négociation a certainement été l’objet de marchandage très serré. Si le F.L.N. a obtenu l’éviction du M.N.A. des négociations, il a certainement fait, en contre-partie, des concessions.

Malgré ces tractations, le M.N.A. a, dès l’ouverture de la conférence d’Evian, observé une attitude digne pour ne gêner en rien les pourparlers. Au moment où ces négociations étaient entrées dans l’impasse, le gouvernement français a tenté d’utiliser le M.N.A. comme une roue de secours et comme un moyen de pression sur le F.L.N. Aussi, notre parti a refusé avec dignité de se laisser entraîner dans cette manœuvre. Cette noble et courageuse attitude lui a valu une répression et la remise de MESSALI HADJ, au régime de la résidence forcée et surveillée dans la petite commune de Gouvieux. D’autre part, cette répression s’est propagée à travers la France et l’Algérie à l’égard des militants du M.N.A. par des perquisitions et des arrestations.

A la suite des développements de la situation, le M.N.A. a découvert en son sein, un complot qui devait l’entraîner, ainsi que l’U.S.T.A., à se transformer en Front Algérien d’Action Démocratique (F.A.A.D.) qui avait été créé et financé par les officines colonialistes. Ses auteurs : KHELIFA Ben Amar, BELHADI Lamine, BENSID Abderrahmane, AISSA El-Abdli, KHEFFACHE Laïd et autres individus de moindre importance ont été exclus. Ce F.A.A.D. a tenté, par tous les moyens, mais vainement, d’entraîner dans cette aventure colonialiste et fasciste les maquis M.N.A. du Sud algérois, en multipliant des offres d’argent, d’armement et autres subsides. Un seul individu, le nommé Abdallah SELMI, s’est laissé soudoyer par le F.A.A.D. et ses dirigeants.

Ainsi donc, malgré la répression et les difficultés, le M.N.A. a épuré de ses rangs ces individus, précisé sa position et poursuivi le combat pour la liberté et la paix, conformément aux principes de la démocratie.

Tandis que le M.N.A. se renforçait, les négociations d’Evian et de Lugrin tournaient en rond jusqu’à l’échec total. Après cet échec, les contacts, puis les négociations.secrètes ont repris jusqu’aux pourparlers des Rousses, dans le Jura, le 11 Février 1962. Celles-ci ont abouti à des accords politiques où le F.L.N. aurait fait des concessions. Il y a eu, par la suite, une réunion du C.N.R.A. à Tripoli qui a duré une semaine. Celle ci aurait connu des débats orageux à propos précisément des concessions qui auraient été faites aux négociations des Rousses comme il est dit plus haut. On attendait que la réunion de Tripoli se termine par l’annonce du cessez-le-feu. Mais, contrairement à cette attente où la « dynamique de la paix » a connu une véritable orchestration, il a été décidé de reprendre le pèlerinage d’Evian pour noircir les blancs qu’on avait découverts à Tripoli. Ce travail devait se terminer dans les quarante-huit heures. Or, il a duré douze jours au cours desquels l’opinion publique a été soumise au régime de la douche écossaise.

Le cessez-le-feu étant consommé, essayons de préciser l’attitude du M.N.A.

Avant même que le cessez-le-feu n’ait été signé, le M.N,A., par la voix du Président MESSALI HADJ, interrogé par « Le Monde » du 20 Février 1962, a déclaré en précisant que « le M.N.A. et lui-même ont, depuis le début de 1956, proposé, plusieurs fois, l’ouverture d’une conférence de la Table Ronde sans préalable ni exclusive en vue d’aboutir à un cessez-le-feu après examen du problème algérien. Cela n’a jamais été retenu ni pris en considération. Le M.N.A. a dénoncé cette attitude et cette violation de la démocratie et de l’autodétermination elle-même ».

A propos des accords politiques, MESSALI HADJ a déclaré que le M.N.A. ne pouvait les faire siens étant donné qu’il n’a pas été invité pour assister aux négociations.

Le 24 Février 1962, une délégation du gouvernement français s’est rendue auprès de MESSALI HADJ pour un entretien afin de le mettre au courant sur la politique que le général de GAULLE entend réaliser avec tous les Algériens. Devant cette délégation, MESSALI HADJ a, une fois de plus renouvelé les positions politiques antérieures du M.N.A. A ce sujet, nous rappelons qu’une relation plus détaillée à propos de cet entretien a été donnée à la presse et publiée dans « La Voix du Peuple » de Mars 1962.

Maintenant que les accords politiques ont été signés et suivis du cessez-le-feu, que faut-il en penser ? Tout d’abord, il y a lieu de préciser un certain nombre de points :

a) Jusqu’à maintenant, on ignore le contenu des accords qui ont été signés entre le F..L.N. et le gouvernement français ;

b) Il se peut que ces accords politiques soient doublées de clauses secrètes qu’on ne publiera qu’au moment opportun choisi par les deux parties contractantes ;

c) Précisons que le M.N.A., n’ayant pas été invité aux négociations, n’a pas reconnu ces accords ;

Ces accords politiques franco-F.L.N. sont déjà une prédétermination, car on croit que le peuple algérien sera appelé, au moment du référendum, à se prononcer sur ceux-ci. Cet état de choses viole le principe de l’autodétermination et vide cette dernière de toute sa substance. C’est là non seulement une violation, mais c’est encore forcer le peuple algérien à se prononcer sur une politique arrêtée avant l’autodétermination.

d) Quelles ont été la nature et l’étendue des concessions faites par le F.L.N. ? D’aucuns affirment que celles-ci seraient très importantes et qu’elles ont soulevé déjà un grand mécontentement dans les rangs du F.L.N. ;

e) L’absence de BEN BELLA et de ses amis à la cérémonie de la signature du cessez-le-feu serait une manifestation de ce mécontentement ;

f) Quelles ont été les causes qui auraient amené le F.L.N. à ces concessions ? Celles-ci seraient nombreuses. Mais la principale est certainement son obstination à être le seul interlocuteur valable.

Dans ce domaine, le M.N.A. a fait des efforts surhumains pour aboutir au rapprochement et à la réconciliation avec le F.L.N., en vue de participer, ensemble, aux négociations et de faire face, par la suite, aux difficultés qui sont inhérentes au début de l’indépendance de l’Algérie. Mais le F.L.N., toujours obsédé par le monopole de la Révolution Algérienne, n’a jamais répondu aux offres du M.N.A. Pour atteindre cet objectif le F.L.N. aurait été amené à faire ces concessions. Que le ai fait ou non des concessions importantes, cela ne regarde que lui-même. Il est seul à assumer cette responsabilité devant la Révolution Algérienne, le peuple algérien et l’histoire.

Quant au M.N.A., il reste fidèle à son programme politique et aux véritables aspirations du peuple algérien. C’est pourquoi il s’en tient aux principes de l’autodétermination qui doivent présider au règlement général du problème algérien. C’est dans cette voie que le M.N.A. entend poursuivre sa mission au service du peuple algérien, de la démocratie et de la justice sociale.

La politique du M.N.A. a été et demeure ni abandon ni surenchère stupide. Car nul mieux que lui ne sait combien la lutte est dure et combien l’indépendance de l’Algérie est difficile à réaliser sur le plan politique, économique, social, technique et culturel.

Conscient de ces nécessités indispensables pour mettre sur pied l’Etat algérien sur des bases démocratiques et sociales, le M.N.A. a, le premier, préconisé une politique de coopération entre le peuple français et le peuple algérien dans le respect de la souveraineté de chacun.

C’est à cette politique que le M.N.A. convie le peuple algérien. Aussi, il lui demande, dans les circonstances graves que traverse notre pays, de s’unir et de faire un bloc compact face à cette situation.

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