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Après le cessez-le-feu : où allons-nous ?

Article paru dans La Voix du peuple, mai 1962, p. 1

Il y a une course contre la montre entre l’indépendance de l’Algérie, l’anarchie et la destruction du pays. Nous assistons à ce marathon depuis les accords d’Evian et le cessez-le-feu. La lecture de la presse, l’écoute de la radio nous apprennent chaque instant et tous les jours des nouvelles plus sombres les unes que les autres. Les voyageurs venant du pays, fort déprimés eux mêmes racontent des faits et des scènes d’une atrocité qui dépassent toute imagination. Ce vent de folie et d’hystérie qui embrasse le pays et surtout les grandes villes n’a pas de limite. Aussi, n’épargne-t-il personne. Femmes, enfants, vieillards, malades sur leurs lits de souffrance sont froidement assassinés. Les femmes musulmanes sont abattues en allant à leur travail dans les quartiers européens.

Où allons-nous de ce train ?

Qui peut le dire, au demeurant c’est la tuerie et la terreur !

Il y a deux forces en lutte, les forces du mal et les forces du bien. Il y a dans cet affrontement un peuple qui veut vivre libre et indépendant et une organisation diabolique qui veut imposer un régime plus dégradant que ne l’appliquait la nation colonialiste d’hier.

Peut-on dire que tous les européens d’Algérie sont d’accord avec cette politique du mal ? Nous ne le pensons pas. Il est certain qu’il y a un nombre très important « de pieds noirs » qui n’approuvent guère cette folie. Mais ceux-ci terrorisés, se taisent, attendent et émigrent en attendant que la tempête se passe. Cependant le bal de Satan continue de rougir le pavé de nos villes et de nos campagnes.

Encore une fois où allons-nous ?

Cette situation conduit notre peuple de plus en plus à se replier sur lui-même et à vivre dans la misère, le chômage et l’épidémie. Il lui arrive de ne plus pouvoir enterrer ses morts ! On ne peut attendre de cet état de choses que de la haine et des explosions de colère.

On constatera que la fameuse dynamique de la paix, n’a pas donné ce que l’on attendait d’elle bien que ses auteurs n’aient pas manqué d’en varier les aspects. Après Evian, le cessez-le-feu, l’Exécutif Algérien et tous les épisodes du Rocher Noir, les discours débordants d’optimisme, on s’est jeté sur le scrutin d’autodétermination qu’on a arrêté officiellement pour le 1er juillet prochain comme une bouée de sauvetage en espérant qu’ainsi on en finira au plus vite.

Quand ce journal paraîtra, il ne restera donc plus que quatre semaines pour le référendum. La parole au peuple Algérien, l’autodétermination et la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes, revêtent une importance capitale pour notre peuple. Il sait que c’est au nom de ces principes que la bataille politique et révolutionnaire est engagée depuis quarante ans par le nationalisme algérien. C’est dire que le peuple Algérien veut absolument que cette campagne de scrutin d’autodétermination ait lieu dans les conditions les meilleures. Celle-ci exige également le rétablissement complet des libertés démocratiques et la sécurité des élections. Dans ces conditions notre peuple doit pouvoir démocratiquement et librement choisir la politique qui répond le plus à ses aspirations.

Il est prévu dans les accords d’Evian que toutes garanties nécessaires et indispensables au bon déroulement du référendum doivent être assurées par le tribunal du maintien de l’ordre. Peut-on dire dans l’état actuel des choses que l’ordre existe en Algérie ? Comme nous le disons plus haut, jamais le pays n’a connu autant de désordre, d’attentats, de vols et de crimes que depuis le cessez-le-feu.

Où allons-nous alors devant une telle situation ?

Peut-on espérer un scrutin d’autodétermination dans les formes qu’exige la démocratie ? Ou veut-on bâcler à la sauvette ce Référendum comme autrefois les élections algériennes.

Le voyage que fait actuellement M. JOXE en Algérie, après tant d’autres, en compagnie de M. MESMER, le militaire, les mesures prises et reprises tant de fois sans que celles-ci aient apporté une amélioration quelconque, indique bien que la situation en Algérie est pour le moins plus que préoccupante et que celle-ci ne permet aucune activité politique.

Il est vrai que le F.L.N. joue les accords d’Evian et continue tous les jours à donner des ordres dans ce sens à ses troupes. D’autre part, il poursuit l’enveloppement du pays sans tenir compte de l’existence des autres mouvements politiques. Ici et là, il force ses adversaires à rejoindre ses rangs par les moyens que l’on sait, moyens qui, disons le, n’ont rien de démocratique ni de socialiste. Telle est la situation présente un mois avant l’autodétermination.

On peut dire tout au moins où allons-nous et que prépare le Rocher Noir pour ce référendum qui s’annonce quelque peu obscur ? En tous cas, nous appelons le peuple Algérien et nos militants à être vigilants et à ne pas se laisser duper.

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