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L’exode et ses conséquences

Article paru dans La Voix du peuple, mai 1962, p. 3


Depuis le début des négociations, l’Algérie est devenue une sorte de chaudière soumise à une forte tension. Le cessez-le-feu, l’exécutif algérien et l’approche du scrutin d’autodétermination ont également aggravé cette situation. Les Européens qui quittent l’Algérie craignant la gravité des événements, la terreur et la mort. Il y a aussi les fausses nouvelles et l’intoxication qui viennent augmenter le désarroi au sein de la minorité européenne. Depuis quelques temps la presse, française et étrangère, se préoccupe de ce problème et en donne une description douloureuse et affligeante.

Dans le port d’Alger comme à l’Aérogare de Maison Blanche, les Européens en partance pour la France s’entassent les uns sur les autres, avec leurs enfants ; ils vivent là en attendant un bateau ou un avion dans des conditions difficiles. Ces derniers en arrivant en France sont interrogés par la presse et les reporters sur les raisons de leur exode. Certains observent le silence en laissant entendre quelques mots de colère, les autres ne cachent pas leur déception et leur rancœur. D’autres cependant manifestent leur désir de retourner en Algérie après la tempête.

Parmi les partants, il y a des fonctionnaires et des enseignants. Ces derniers compromettent le bon fonctionnement de l’enseignement en Algérie. Il en est de même pour les ingénieurs et les techniciens qui sont indispensables à la mise en valeur de notre pays. Leur départ gênera considérablement la mise en valeur du pays et la future coopération. Aussi, les nationalistes multiplient appels sur appels pour demander aux européens de ne pas quitter l’Algérie en leur promettant le travail, la sécurité, la liberté et le respect de leur bien. Pour les persuader, on cite les accords d’Evian et toutes les garanties les concernant dans tous les domaines de leur existence. Disons tout de suite que la responsabilité de cet exode n’incombe pas au peuple Algérien. En effet, les raisons viennent directement de l’O.A.S., de sa dictature et de sa politique de la terre brûlée.

Le M.N.A. qui, dès 1936, s’est préoccupé de l’avenir de la minorité européenne, avait prévu que cela pourrait se produire, ai l’on ne tenait pas compte du respect mutuel des deux communautés.

Le M.N.A. continus à croire que la minorité européenne doit trouver toute sa place dans l’Algérie de demain. Dans la mesure de ses possibilités, il continuera à œuvrer pour que celle-ci trouve sa place, sa dignité et le respect de ses droits.

Outre l’exode des européens. Il y a aussi un certain nombre de musulmans qui, d’après les statistiques des services de rapatriement, dépassent les six mille, ont également quitté l’Algérie. Par ailleurs, des groupements de harkis ont été acheminés vers des régions de France par l’année elle-même. Cet exode entraîne donc à la fois européens et musulmans. D’après les observateurs politiques, qui touchent de près les milieux gouvernementaux, on craint que les européens et les harkis ne forment une sorte de 5ème colonne en France et que demain elle participe à la prise du pouvoir par l’O.A.S. Cela évidemment inquiète le Gouvernement et le peuple Français. Tout ceci se passe tandis qu’a Rocher Noir on se préoccupe activement de la préparation du scrutin d’autodétermination. Ces constatations sont plus qu’inquiétantes parce qu’elles menacent la fais l’avenir algérien et la démocratie en France. C’est dire qu’il faut prendre au sérieux la gravité de cette situation et faire toute une politique susceptible d’apaiser les européens d’Algérie et les musulmans.

Pour mettre fin à ce danger qui menace l’Algérie, alors que celle-ci n’a pas édifié son Etat, il faut instaurer une véritable démocratie, une politique de tolérance et de respect. C’est pourquoi le M.N.A. n’a pas cessé de demander le rétablissement des libertés démocratiques et prêcher l’union et la réconciliation de tous les Algériens.

C’est pourquoi également MESSALI HADJ a demandé, dans sa dernière conférence de presse, une rencontre au sommet entre le F.L.N. et le M.N.A. en vue de mettre fin aux luttes fratricides et d’examiner ensemble tous les moyens pour éviter à notre pays l’anarchie, le chaos et l’intervention étrangère.

Après 132 ans de colonisation, sept ans de guerre et des milliers de victimes, notre peuple a besoin de la paix, de la tranquillité, du travail et de la démocratie. Aussi devons-nous donner aux européens de chez nous, au peuple Français et au monde international la preuve de nos capacités politiques et de notre volonté de gouverner notre pays dans la paix et la liberté. On ne peut rester chez nous, venir en touristes dans le pays, faire foi à notre parole et investir des capitaux que dans la mesure où règnent dans notre pays la paix et la sécurité.

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