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Les « Musulmans Noirs »

Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 44, octobre 1962, p. 10


Opinion d’un de nos lecteurs américain

Jusqu’à ces dernières années, le mouvement noir le plus important était le NAACP (Association pour l’Avancement des Gens de Couleur), qui préconisait de faire ouvrir aux noirs les portes de la société américaine par des moyens exclusivement légaux.

Las de trop attendre, les militants ont fait pression sur les dirigeants du mouvement jusqu’à ce que ceux-ci organisent des actions de masse, telles des piquets devant restaurants ou monoprix, et enfin occupation des cars, trains et restaurants refusant d’accepter les clients noirs sur un pied d’égalité avec les blancs, sous réserve toujours que tout manifestant devait pratiquer la résistance passive.

« Notre but, dit un dirigeant du NAACP, est d’opérer dans le cadre du système existant et d’avoir toujours la loi de notre côté. Nous ne voulons pas que notre lutte soit utilisée par les idéologies anti-américaines pour embarrasser notre pays ».

Mais combien de temps faut-il attendre que les lois, bloquées dans quelque sous-comité parlementaire, soient appliquées ? Combien de temps accepteront-ils de risquer d’être arrêtés pour n’importe quelle raison factice, d’être roués de coups, d’être tués même, s’ils ont le malheur de vouloir s’affirmer ? Les noirs américains n’ont pas envie d’être des martyrs, et ils l’ont démontré par leur désertion du NAACP et par leurs actions de plus en plus vigoureuses.

« Si nous ne voulons pas de leur système inhumain, nous devons le combattre sur son propre terrain, disent les »Musulmans Noirs », – nouvelle organisation qui représente les noirs des centres industriels, ceux qui connaissent l’humiliation dans ses formes les plus grossières et les plus subtiles -.

Les vraies décisions ne sont pas prises en Cour Suprême, mais par ceux qui agissent eux-mêmes. Controns la violence par la violence, et sachons pour quoi nous luttons.

Est-ce pour voter aux élections ? Aucun parlementaire, aucun Président ne représente les intérêts du peuple. A quoi nous sert-il de voter une fois tous les 4 ans pour des professionnels de la politique qui dirigeront le pays sans se soucier de notre avis ? »

Est-ce pour gagner plus d’argent ?

Les spécialistes qui cherchent à redonner de la vie au capitalisme américain tombent d’accord pour dire qu’il n’est pas « rentable » de gaspiller la force productrice et même créatrice des noirs. Il faut les intégrer pour ne pas nuire à la fois à la politique extérieure et à l’économie du pays.

Beaucoup de noirs installés dans le Nord ont déjà atteint un niveau de vie « bourgeois ». Ils vont à l’école avec les blancs et mangent aux mêmes restaurants. « Nous ne voulons pas être intégrés dans une maison qui s’écroule disent les noirs. La dignité ne se trouve à aucun échelon de la hiérarchie des salaires ».

La presse ne nous parle pas de ce nouveau mouvement qui a si rapidement gagné tous les centres industriels du Nord. Ce n’est pas par hasard, car les Musulmans Noirs posent trop de questions embarrassantes et mettent en doute les bases de la société capitaliste. Ils s’associent aux luttes des peuples colonisés pour leur indépendance et soutiennent les mouvements pour l’abolition de la bombe nucléaire. Ils essaient d’élargir leur action à toutes les sphères de la vie, car la liberté et la dignité des hommes – blancs et noirs – sont atteintes par tout ce qui n’est pas démocratique. Il est regrettable que pour soutenir son action ce groupe fasse appel à un « nationalisme » noir.

Les Musulmans noirs viennent de lancer une campagne contre les impôts, soutenant que le principe « Pas d’imposition sans représentation » qui date de la Guerre d’Indépendance n’a jamais été appliqué. C’est un problème qui veut qu’on y réfléchisse tous et nous suivrons avec intérêt les résultats d’un défi aussi fondamental.

(Plus de détails sur le mouvement des Noirs peuvent être lus dans le journal de nos camarades américains : « Correspondence ».)

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