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Jo. Swift : Brixton Rock

Article signé Jo. Swift paru dans I.R.L., journal d’expressions libertaires, n° 40, été 1981, p. 16-19

« La couleur n’a rien à voir là-dedans. Je crois que c’était une question d’autorité, de réaction à l’autorité ». (Avril 1980, un pasteur de Bristol après les émeutes noires).

« Je me fous de ce qu’on dit, seulement un être humain civilisé et normal ne se balade pas avec un cocktail molotov à la main… Ils riaient tout le temps… J’espère seulement qu’ils ont une conscience ». (Avril 1981, l’agent Haggis, 24 ans, à l’hôpital).


Il était une fois un pays d’Europe où le ministre de l’intérieur s’appelait Monsieur Loiblanche, et où des Antillais très entiers vivaient dans un faubourg triste qui s’appelait Briqueville. Il y avait aussi une fée qui n’était pas très bonne, et qui s’appelait Marguerite. Et un jour, ou plutôt un soir… Mais revenons un peu en arrière.

Briqueville, ou, pour l’appeler par son nom, Brixton, est l’un des quartiers les plus pauvres de Londres, au Sud de cette interminable étendue urbaine. Ce qui reste aujourd’hui d’un quartier bourgeois du XIXe siècle, lorsque de coquettes maisons de brique, avec leur deux-trois étages et leur jardinet minuscule, donnant sur des avenues plantées d’arbres étaient habitées par les ménages aisés de la classe moyenne. C’était le temps où le grand Londres se construisait fiévreusement à partir des bourgs campagnards qui entouraient la vieille City. Les parcs, les étangs, les canaux nombreux qui rompent étrange-ment la monotonie de l’océan des briques sales rappel-lent cette lointaine origine. Une armée de maçons, venus de toutes les régions d’Angleterre, posait ces millions de briques accumulées. Leurs unions et leurs grèves furent la base des syndicats britanniques, et même de la première internationale. Mais ceci, comme dirait Kipling, est une autre histoire.

Aujourd’hui, les prolétaires vivent là où demeuraient les bourgeois. Douteuse victoire. Des locataires de plus en plus pauvres, des propriétaires près de leurs petits sous ; les coquets pavillons ont mal vieilli. Plus d’un tiers sont « nettement en-dessous du standard moyen ». Les émigrés « colorés » du vaste Empire colonial britannique sont venu s’entasser dans certaines zones. La crise, ou soi-disant telle, a fermé une partie des boutiques, supprimé les emplois. Quelques supermarchés, vitre et néon, le luxe tape-à-l’œil et minable de la pauvreté urbaine.

A regarder les statistiques, le « Bourg » de Lambeth, où se trouve Brixton, est plutôt moins multiracial que d’autres quartiers de Londres : 62 % de « blancs » (sic), 29% de noirs, surtout Antillais, et quelques « asiatiques », 9 % de Chypriotes, Maltais et divers Hellènes. Un Maltais, pour la plupart des journaux londoniens, n’est donc pas « blanc ». Sont « blancs », au fond, les présumés Britanniques ; ce n’est pas une couleur, c’est une qualité sociale. Mais la moyenne statistique est trompeuse, comme presque toujours. A Streatham, ou même à Clapham, quartiers voisins dans Lambeth Borough, il y a beaucoup plus de « blancs », et même de blancs aisés. A Brixton, il y a entre 70 et 80 % de « noirs » Antillais, qu’on appelle ici des West Indians, gens des « Indes Occidentales », (par opposition aux East Indies, que nous appelons les Indes, et d’où viennent les Pakistanais, également très nombreux à Londres). Brixton est donc un quartier noir, pas vraiment un ghetto, puisqu’on y trouve quelques « petits blancs », et quelques « petits bourgeois pauvres », généralement à gauche. Pas de ségrégation politique comme en Afrique du Sud, juste la ségrégation économique, qui ne marche pas si mal.

La première génération était composée de gens durs au travail, très désireux d’être respectés, et pour cela « respectables », et pas spécialement contestataires : « Rule Britannia », la Grande Communauté Britannique, un Place pour Chacun et Chacun à sa Place. Les jeunes, la deuxième ou la troisième génération, sont nés ici, ils ont le Reggae, « a bit of weed » un brin d’herbe, et même parfois des diplômes. Mais ils n’ont pas de boulot, et pas de maison, ou pas beaucoup. Le chômage, c’est bien connu, à toujours eu une préférence pour les femmes et pour les jeunes. Dans le Bourg de Lambeth, il y a 13.000 chômeurs, dont une bonne moitié de « colorés », comme on dit dans les journaux. Là-dessus, 1.500 qui ont moins de 20 ans n’ont jamais eu de boulot, dont 900 noirs. A Brixton même, le chiffre des chômeurs est estimé à 2.000, dont 800 jeunes, et plus de la moitié sont noirs. Mais ce dernier chiffre est trop faible, il faut y ajouter 1.500 jeunes retirés artificiellement du chômage parce qu’ils suivent 6 mois d’« apprentissage », et un nombre indéterminé de jeunes chômeurs non-déclarés. Pour une zone de 3-4 km2, c’est pas mal. Le logement ne marche pas tellement bien non plus ; le « conseil du bourg » (la municipalité) de Lambeth est travailliste (socialiste), il semble qu’il ait fait des efforts, mais il y aurait 17.000 à 18.000 personnes sur les listes d’attente, qui ont donc encore de beaux jours devant eux. Le conseil s’est récemment aperçu que les nouveaux logements allaient principalement aux « blancs », bizarre ; il a donc décidé un quota minimum de 30 % de « noirs »… pour l’avenir. Vivre, c’est espérer. A Londres, une politique d’assistance contre la crise avait commencé à se développer dans les années 70. A Lambeth, elle n’avait débuté que tardivement, en 1978 ; et justement, en 1979, les Conservateurs gagnèrent les élections, et leur Dame de Fer, Maggie pour les intimes, commença à faire des économies. Pas de chance. Cette année, c’est 20 millions de Livres de subventions (plus de 20 milliards) qui avaient été supprimés au bourg de Lambeth. Comme l’a dit la belle Marguerite « L’argent ne peut acheter ni la confiance, ni l’harmonie entre les races… Nous devons trouver autre chose ». Autre chose de pas trop coûteux, évidemment.

Car l’harmonie ne règne pas toujours à Brixton, qui s’était fait une réputation pour le « mugging », le vol à l’arraché, plus ou moins accompagné de brutalités, de préférence à l’égard des vieux et des femmes. Il faut remarquer qu’inversement les crimes et les cambriolages y étaient plutôt rares qu’ailleurs. La réponse était évidente : des flics, plus de flics. En 1978, la nouvelle police spéciale , le SPG (Special Patrol Group, organisée sur une base non locale, avec commissariats spéciaux, nous y reviendrons) se mit au travail à Brixton, impatiente de mettre en œuvre sa méthode « Stop and search » (Tu arrêtes et tu fouilles). Base légale, la « Sus Law » (loi des suspects) tirée, si j’ai bien compris, d’un vieux texte du XIXe siècle, le Vagrancy Act (sur le vagabondage). Sacrés dirigeant anglais, ils sont formidables, toujours à faire du neuf avec du vieux. Le respect de la tradition. Ça a tout de même une autre gueule que le bricolage de Peyrefitte. Mais les jeunes de Brixton n’arrivent pas à apprécier ce style si délicieusement suranné. Les flics appellent l’avenue principale de Brixton, Railton Road, « La ligne de Front » ; les jeunes préfèrent l’appeler « Babylone » ; à chacun ses goûts.

En 1979 l’arrivée au pouvoir de Maggie n’améliorait pas les choses. Pas mal d’histoires, plus ou moins vraies commençaient à circuler sur les exploits de la police à Brixton ; les notables noirs et la municipalité réunissaient une « réunion de travail » sur la « détérioration des relations entre la police et la communauté, spécialement la communauté noire ». En 1981, ça n’allait pas mieux, et un rapport du conseil municipal dénonçait « le style et les méthodes de la police » à Brixton, spécialement du SPG. Ces critiques ne provenaient pas de vilains gauchistes : l’un des porte-paroles du conseil (une directrice) opposait aux « méthodes dures » ces « officiers de police en liaison avec les écoles » qui venaient parfois aux cours, et organisaient des matchs de foot ou des excursions pour les jeunes (!) et concluait par ce que les anglais appellent un « understatement ». C’est un travail extraordinaire, qui n’est pas assez apprécié dans les commissariats. Les pique-niques n’ayant donc soulevé l’enthousiasme ni des autorités, ni des flics de plus en plus influencés par les SPG (surtout les jeunes flics), il ne restait plus qu’à intensifier le style « classique ». C’est ainsi qu’une semaine pluvieuse et venteuse du joli mois d’avril les flics présentèrent à leur public de Brixton leur toute dernière création, l’opération Swamp 81, in french « bas-fonds 81 ». On n’est pas plus délicats. Opération à double détente : un quadrillage d’uniformes dans les grandes rues (un conseiller dira « c’était une véritable armée d’occupation » ; mais ça devait être un mal pensant, la presse l’appelle « Ted Knight le Rouge, le leader marxiste du conseil municipal ». Ciel !) ; mais aussi, ruse, 150 « plain clothes » (des hambourgeois-En-bourgeois), qui batifolaient innocemment dans les petites rues. Le quatrième jour de la semaine était passé, et les flics annonçaient triomphalement 1 000 « interrogatoires » et 100 arrestations, le double du chiffre habituel pour toute une semaine. Le cinquième jour arriva, qui était, comme on pouvait d’ailleurs s’y attendre, un vendredi. Le soir tombait.

Quatre « officiers de police » circulaient tranquillement dans un car lorsqu’il aperçurent un jeune noir, « sans chemise et portant au dos une blessure » ; il le prièrent de monter dans le car et se mirent à le questionner. Déclaration d’un officiel « les agents étaient simplement en train d’essayer d’aider le blessé ». Rien de tel qu’une conversation à bâtons rompus entre amis pour soigner un coup de couteau dans le dos. Mais le monde est bien méchant et bien ingrat. Peut-être attirés par le bruit de la conversation, plusieurs jeunes noirs sortent d’un café proche, rejoints par d’autres ; ils bloquent le car ; des bouteilles volent, puis des briques (quand les petits pavillons trop pourris se sont écroulés, il reste des terrains vagues avec des briques. La différence avec les pavés est apparemment minime). Après arrivée des renforts, on opéra sept arrestations. La statistique s’améliorait encore. Déclaration du même officiel au « Times » « l’ordre a été rétabli 20 minutes après ». Cool.

Et le sixième jour arriva (incidemment, c’était un samedi. Je préfère prévenir mes éventuels lecteurs que le septième jour sera un dimanche, et on n’en parle plus). Quatre heures de l’après-midi ne sonnèrent pas au clocher-de l’église Saint-Matthew (ou alors personne ne l’entendit). Beaucoup de jeunes, surtout des noirs, se baladaient dans les rues. Une paire de flics en voiture aperçut un chauffeur de mini-cab (petit taxi) qui s’apprêtait à démarrer. Il s’agissait d’un homme de 28 ans, qui était, par un hasard malheureusement fréquent dans ce quartier, Antillais et noirs de peau. La police voulut-elle, cette fois encore « essayer d’aider » ? Ils ne l’ont pas dit, mais ils se mirent à fouiller le taxi. Et c’est là qu’ils commencèrent à avoir de sérieux ennuis.

Au début, même scénario : attroupements, discussion, on pousse, les flics se dégagent, les premières briques partent. Les renforts arrivent pour dégager la zone, et ils se heurtent à un millier de manifestants, surtout des jeunes de moins de 20 ans. Les En-bourgeois, qui portent le nom évocateur de Snatch squad (les équipes « j’t’empoigne ») profitent de la confusion pour opérer quelques arrestations, améliorant une fois de plus le score. « J’ai vu » explique un témoin « deux meneurs, un jeune homme, noir, et une jeune femme, noire, au milieu de la rue, crier et agiter les bras, exhortant les gens à charger la police ». Ensuite, déclare un responsable de la police locale « ce fut une violence aveugle ». Une violence aveugle, peut-être, mais un tir précis, puisqu’à la fin de la journée, 165 flics étaient blessés. Les trois premiers cars de police qui arrivèrent furent stoppés, renversés, et incendiés. Désagréablement surpris, les flics lancèrent alors plusieurs charges, avec boucliers et matraques; par-vinrent à dégager tout Railton Road, et en bouclèrent les deux extrémités. Ouf. Les émeutiers se mirent alors à se déplacer par petits groupes en brisant les vitrines (pas tout à fait n’importe lesquelles, semble-t-il). Le pillage commença par une joaillerie, et par le magasin de vêtements Burton (of London of course). Les flics étaient bien embêtés, lorsqu’ils s’aperçurent que Railton Road, entre leurs deux barrages, n’était pas si « pacifiée » que ça, bien au contraire ; une barricade venait d’y être élevée, formée de plaques de tôle prises sur un chantier, et de deux camions qui brûlaient en avant. 30 malheureux défenseurs de l’ordre se lancent bien imprudemment à l’assaut. Une pluie de briques s’abat sur eux et les six premiers cocktails, suivis de beaucoup d’autres. Il était sept heures du soir. Apparemment, les flics londoniens n’avaient jamais vu ça. Les blessés à l’hôpital décrivent encore avec panique aux journalistes venus les interviewer, les boules de feu qui s’abattaient sur eux, l’un d’eux brusquement transformé en torche s’enfuyant en hurlant de terreur les slogans aussi hurlés, les cris et les applaudissements chaque fois qu’un uniforme, touché, s’écroulait. Quelques immeubles brûlent, notamment un café, le Windson Castle, qui disparaîtra entièrement. Plus loin, le centre commercial est entièrement pillé, des mères de famille, blanches ou noires, et leurs enfants, déménagent les télés et autres bonnes marchandises. A 20 heures, des notables noirs locaux viennent jusqu’à la barricade parlementer ; les barricadiers acceptent de laisser le terrain libre si la police dégage aussi. Refus de la police , Force Doit Rester à la Loi, pas de match nul. Attaques et contre-attaques confuses. Vers 21 heures, les flics tiennent enfin à la barricade ; à ce moment, deux immeubles qui brûlaient s’écroulent et bloquent totalement Railton Road, ce qui signifie que la police voit bloquer son axe principal. Les émeutiers qui ont d’autres passages, peuvent continuer à aller et venir. Les pompiers qui ont essayé d’éteindre les incendies ont été repoussés ; un de leur responsables déclare : « C’est une vraie maison de fous, des incendies éclatent dans les magasins, dans les maisons, et il nous est impossible d’y aller ». A minuit, la police a évacué le centre de Brixton, mais un millier de flics bouclent tout le quartier, empêchant les extérieurs d’y entrer.

Le lendemain matin, l’humeur des gens du quartier, d’après les témoins, était plutôt joyeuse et détendue. On circulait tranquillement à travers les rues dévastées, en habits du dimanche. On photographie un brin de soleil, le Reggae sortant des portes et des fenêtres ouvertes. Les jeunes étaient très fiers d’eux. Les reporteurs saisissent des discussions, comme celle, rapportée par le réactionnaire Daily Mail, qui oppose le couple âgé des propriétaires du Pub George, pillé et incendié, et des « agitateurs » blancs et noirs. Les propriétaires, décrivant des violences pas bien jolies, les « agitateurs » prétendant qu’ils refusaient de servir les noirs, les propriétaires répondant que la moitié du club de fléchettes de leur café était composée de noirs, etc. L’après-midi, le Ministre de l’Intérieur (Whitelaw) et le Chef de la Police font une visite éclair de 10 minutes au commissariat de Brixton, sous bonne escorte et après bouclage de la zone. Quelques coureurs franchissent les barrages et les saluent « Sieg Heil ». Une demi-heure auparavant, simple coïncidence, les cars du SPG ont fait leur apparition ; les flics tentent d’opérer deux arrestations. Briques. Renforts. Un mégaphone appelle les manifestants à se rassembler à Railton Road. Des groupes se hâtent vers le rendez-vous autant de blancs que de noirs. Une vingtaine de cars de Police foncent sur eux pour tenter de les disperser. Pas mal de gens se baladent là-dedans, y compris des jeunes mamans avec bébé et poussette incorporés. Apparemment, tout le monde a fait un effort d’organisation : les flics lancent leurs cars, par colonnes de 12, et leurs charges par groupes de 200. Ils ont amené des chiens. Ils ont un hélicoptère. Les manifestants ont un mégaphone, pas mal de cocktail, des barres de fer, qu’ils récupèrent en arrachant les rambardes métalliques des carrefours. Les groupes qui harcèlent la police sont plus importants ; certains d’entre eux opèrent ponctuellement dans les quartiers voisins, obligeant la police à déconcentrer ses troupes. De véritables petites embuscades sont tendues aux cars isolés (utilisation des toits, attaque par des manifestants planqués des deux côtés de la rue). Moins « spectaculaire » que samedi, mais plus dur. Un Comité de Défense de Brixton a été constitué, officiellement pour la défense juridique des arrêtés. Il convoque à un grand meeting pour le dimanche prochain (25 autres quartiers ou villes ayant de fortes communautés allogènes sont contactés). Le lundi soir, encore des attaques contre les cars, mais les flics ont mis la pédale douce. Tout se tasse. Le meeting de dimanche n’aura pas lieu, après accord avec les notables et le gouvernement. Au Parlement, les députés de gauche profitent de l’occasion pour leur parler chômage et subventions. On leur répond austérité. Le député fasciste, pardon, nationaliste, Enoch Powell profite de l’occase pour prophétiser que tout ça n’est que le commencement de la fin, il l’avait bien dit, Angleterre Réveille-Toi, etc.

Le Ministre de l’Intérieur ouvre solennellement une enquête, et la confie à une « personnalité indépendante », Lord Scarman, une nullité distinguée et pompeuse. Questions posées : la Police avait-elle vraiment bien agi ? Y-avait-il des agitateurs et des menées conspiratives ? Le brave homme expliquait complaisamment à la Radio qu’il était immédiatement parti faire un tour à pied à Brixton, Mais sans parler à personne pour ne pas être influencé, et que cette promenade lui avait déjà beaucoup appris. Élémentaire, My Lord, les voyages forment la vieillesse. Et à nous, que peut apprendre Brixton, sur l’Angleterre, et sur nous-mêmes ? Que se passe-t-il à Londres, à Berlin (cf. dernier IRL), à Paris quand la ville dort ? Et pour rester à Lyon, dans un passé récent, pêle-mêle, les Charpennes, le meeting international du PFN, les opérations style Hernu, les jeunes immigrés nés en France qu’on expulse…

(suite au prochain numéro)

Jo. Swift

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