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Des militants et intellectuels de gauche protestent contre les assassinats de dirigeants de l’U.S.T.A.

Appel paru dans Nouvelle Gauche, 2e année, n° 34, du 12 au 25 octobre 1957 ; suivi d’un article paru dans Nouvelle Gauche, n° 36, du 9 au 22 novembre 1957 ; appel paru avec d’autres signatures dans La Vérité, n° 473, 17 octobre 1957

LE 20 septembre 1957, Ahmed Semmache, militant syndicaliste, dirigeant de la Région parisienne de l’U.S.T.A., était lâchement assassiné. Il fut l’un des promoteurs de cette Centrale syndicale et avait participé très activement à son congrès de fondation.

Le 24 septembre 1957, Mellouli Saïd, militant de l’U.S.T.A., responsable de la section de cette Union syndicale à la Régie Renault, tombait, à son tour, sous les balles.

Le même jour, Hocine Maroc, militant de l’U.S.T.A., ouvrier métallurgiste aux Usines Panhard, agressé boulevard Saint-Germain, était, à son tour, assassiné. Il était le frère de Mohamed Maroc, l’un des plus remarquables leaders du M.N.A., qui purge actuellement une peine de deux ans d’emprisonnement qui lui a été infligée pour son activité nationaliste.

Cette succession d’attentats s’est produite quelques semaines après l’appel qu’avait lancé Messali Hadj à ses compatriotes pour qu’ils prennent conscience de l’immense préjudice que porte à la cause algérienne l’emploi de pareilles méthodes pour régler les différends politiques entre Nationalistes.

Cet appel semblait avoir été largement entendu par les Algériens résidant en France puisque, pendant plus de deux semaines, les règlements de compte avaient presque entièrement cessé.

Après une accalmie, que les démocrates français avaient enregistrée avec joie, les attentats ont repris. Ils sont dirigés essentiellement contre les responsables syndicalistes de l’U.S.T.A.

Aux trois attentats que nous avons rappelés, est venu s’en ajouter un quatrième.

Le 7 octobre, dans la matinée, Filali Abdallah, secrétaire général adjoint de l’U.S.T.A., était frappé, rue d’Enghien, de quatre balles dans le dos. Grièvement blessé, il était transporté à l’hôpital.

La personnalité de la victime souligne encore la gravité de l’attentat. Filali Abdallah est l’une des figures marquantes du nationalisme algérien. Compagnon de Messali Hadj depuis 1933, il a participé à toutes les luttes contre le colonialisme. Condamné sous Vichy aux travaux forcés, condamné à mort par contumace en 1945, ayant passé toute une partie de sa vie dons les prisons, aucune épreuve n’a pu venir à bout de son dynamisme et de sa confiance dans un avenir fraternel du peuple français et du peuple algérien libéré du colonialisme.

Devant de pareils attentats, il n’est pas possible de se taire.

Nous ignorons qui a armé le bras des meurtriers, et il est étonnant, en effet, que les récents attentats aient été particulièrement dirigés contre les syndicalistes de l’U.S.T.A. Mais, même si ces crimes ont été commis à l’instigation de dirigeants nationalistes, ils n’en demeurent pas moins des crimes.

Il appartient, certes, aux nationalistes algériens de diriger eux-mêmes leur lutte, et nous n’avons jamais prétendu leur donner des conseils. Mais il est une forme de paternalisme aussi pernicieuse que nous rejetons : c’est celle qui consiste à approuver tout ce que font les nationalistes, quels qu’ils soient, même si leurs actes visent à des fins et usent de méthodes anti-démocratiques.

Nous ne pouvons pas ne pas crier notre indignation contre des crimes qui atteignent des hommes aussi valeureux que Filali Abdallah et ses camarades syndicalistes. Il y va de notre conception même de la dignité et de la fraternité humaines.

Au surplus, de tels actes portent un tort immense à la cause algérienne et risquent d’élever un mur d’incompréhension entre les travailleurs français et algériens.

Seuls les ultra-colonialistes peuvent se réjouir de tels actes grâce auxquels sont supprimés des hommes que la répression n’était pas parvenue à abattre.

Quant à ceux, militants et organisations, qui ont toujours eu à cœur de lutter contre le colonialisme et de manifester leur sympathie au peuple algérien, il leur importe de crier leur indignation.

Le silence deviendrait complicité.

Premiers signataires :

Colette Audry, Marcel Baufrère, André Breton, Robert Chéramy, Maurice Clavel, Jean Calmejane, Louis-Maurice Colonna, Jean Cassou, A.-J. Capocci, René Dumont, Jacqueline Delange, Yves Dechézelles, Claude Gérard, Alexandre Hébert, Pierre Hespel, Pierre Hervé, Louis Houdeville, Yves Jouffa, Sékou Kaba, Daniel Guérin, Pierre Lambert, L.-P. Letonturier, Auguste Lecoeur, Charles Lemoine, Michel Leiris, Edgar Morin, Pierre de Massot, Clara Malraux, Maurice Nadeau, Benjamin Péret, Marceau Pivert, Paul Ruff, Jean Rous, Geneviève Serreau, Laurent Schwartz, Philippe Viannay.

Les personnes qui sont d’accord avec la protestation ci-dessus peuvent écrire à M. L.-M. Colonna, 39, Résidence Sainte-Claire, La Celle-Saint-Cloud (Seine et Oise).


Contre l’assassinat des militants de l’U.S.T.A.

L’APPEL que nous avons publié dans notre numéro du 12 octobre a suscité un large écho. Nombreux sont les militants et personnalités qui ont tenu à s’associer à l’appel condamnant l’assassinat des militants et dirigeants de l’Union Syndicale des Travailleurs algériens. Parmi les signatures reçues, notons celles de Jean-Marie Domenach, directeur de la revue « Esprit », MM. André Ferrat et Jacques Robin, de la direction de l’hebdomadaire « Demain » ;

Henri Marrou, professeur à la Sorbonne ;

MM. Etiemble, Jacques Nantet, Jean Daniel, Claude Aveline, Maurice Henry, François Fejtö, Robert Tréno ;

Jean-Jacques Marie, Michel Pansu, Alain Chauvet, Jean Garabuau, Maurice Dufour, des Jeunesses Socialistes S.F.I.O. de la Seine ;

Michel Ely, Michel Lequenne, Georges Ducaroy, Jacques Piraud, Yves Garestier, Claude Meillassoux et Lucien Rioux, R. Brandely, Henri Ferbos, de la Nouvelle Gauche.

Lucente, Lepage, Maoul, Tribout, Crivaux, Dussaussois, militants C.F.T.C. de chez Renault. Marcel Valière, Jean Lescure, Daniel-Henry Kahnweiler, Kostas Axelos, Gérard Bloch, Daniel Renard.


Appel à l’opinion

[parmi les premières signatures : Jean Duvignaud, Jacques Danos, Lucien Kiner, Charles Ronsac, Marcel Rousseau]

(…) Louis-Martin CHAUFFIER : « Entièrement d’accord sur le principe de la condamnation des attentats dirigés contre des hommes dont l’action a toujours été digne de respect. »

Roger LAPEYRE, à qui cet appel a été soumis, condamne énergiquement l’attentat organisé contre Abdallah FILALI. Il y voit la preuve de l’erreur foncière de la C.I.S.L, qui a choisi entre l’U.G.T.A. et l’U.S.T.A.

Pour toute adhésion à cet appel, adressez vos signatures à Louis HOUDEVILLE, 170, boulevard Aristide-Briand, Montreuil (Seine).

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