Editorial paru dans Le Monde libertaire, n° 74, novembre 1961, p. 1
S’IL est vrai comme on en a accusé bien légèrement la population allemande, qu’un peuple est responsable de son régime, de quels crimes les Français auraient-ils à rendre compte à l’humanité !
Ces crimes sont consommés à un tel rythme et grandissent tellement en horreur que les rares hommes qui croient encore à l’humaine dignité, n’ont ni le temps ni les moyens d’en appeler à la conscience universelle.
Nous sommes dans la seconde moitié (bien entamée) du vingtième siècle, nous nous émerveillons d’une technique qui grandit tous les jours, nous nous gargarisons du mot progrès et cependant on arrête sans jugement, on emprisonne, on torture, on fait disparaître, on assassine deux cents ans ou presque après la destruction de la Bastille.
La lettre de cachet est à l’honneur et relève non d’un monarque, mais d’un simple argousin.
Notre société est un coupe-gorge et chaque jour des Nord-Africains, sans appartenance politique d’aucune sorte (et sans qu’on prenne la peine de s’en assurer) sont jetés dans des culs de basse-fosse.
Pourquoi ? Pour rien, parce qu’ils s’appellent Mohamed et qu’ils commettent le crime, leur travail terminé, de rentrer chez eux.
Les camarades d’atelier constateront que celui qui a eu l’audace de naître de l’autre côté de la Méditerranée n’a pas reparu à sa place habituelle.
Où se trouve-t-il ? Embastillé ? A la salle de tortures ? Tué ?
La police ne va pas condescendre jusqu’à rendre des comptes.
Un bicot de plus ou de moins est-ce que ça se remarque ?
Cependant du haut des tribunes on continue à pérorer sur le respect dû aux communautés et sur les possibilités d’une réconciliation fraternelle.
Au lendemain de ces événements qui ont troublé Paris, qui ont permis à la police de donner la mesure de sa férocité et de sa sauvagerie face à une manifestation pacifique, qui de nous n’a senti peser la grande ombre du triomphateur de la dernière guerre.
Oui, mort ou vivant, son armée écrasée ou non, c’est Hitler qui est le vainqueur.
C’est Hitler qui fait peser sa loi puisque la torture est toujours pratiquée, les camps de concentration toujours en place et gorgés d’hommes et les populations des nations du globe muettes devant tout ce qui fut la gloire du fascisme.
A genoux devant Hitler, gouvernants de ce monde !
A genoux devant Hitler, peuples qui n’avez combattu qu’un ennemi de votre pays, et non pas un ennemi de l’humanité.
LA REDACTION.
