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Après l’attentat de Marseille contre le consulat d’Algérie. L’action commune : un coup d’arrêt à la campagne raciste

Article paru dans La Tribune du travailleur algérien, mensuel de la C.G.T. pour les travailleurs algériens, 7e année, n° 53, janvier 1974, p. 2

A TRAVERS L’ASSASSINAT DES TRAVAILLEURS ALGÉRIENS, DES BUTS POLITIQUES SONT POURSUIVIS

Le lâche attentat fasciste et raciste contre le consulat d’Algérie à Marseille a provoqué l’indignation de tous les travailleurs français et immigrés.

Les nouvelles campagnes racistes et fascistes prennent prétexte de la prétendue crise du pétrole. A travers des actes criminels dirigés particulièrement contre les travailleurs algériens, ce sont des buts politiques qui sont poursuivis : exercer un chantage contre les pays arabes, diviser les travailleurs français et immigrés pour aggraver leur situation.

DÉNONCER LA RESPONSABILITÉ DU GOUVERNEMENT ET DU PATRONAT DANS LA CRISE ÉCONOMIQUE

Il s’agit en effet de la crise profonde qui affecte les économies capitalistes et non d’une crise du pétrole.

Les centrales syndicales qui ont riposté aux nouvelles campagnes racistes ont dénoncé une fois de plus les manœuvres de diversion et de division visant à masquer la responsabilité du gouvernement et du patronat dans la crise économique, dans les mesures d’austérité qui viennent d’être prises et que subissent tous les travailleurs.

LA RIPOSTE DES TRAVAILLEURS ET DE LEURS ORGANISATIONS LE 14 DÉCEMBRE 1973

Les organisations de la C.G.T. des Bouches-du-Rhône ont réussi par la promptitude de leur action à consolider l’unité entre les travailleurs français et immigrés et à organiser une réaction responsable de tous les travailleurs.

Indigné par l’attentat fasciste et raciste, le Bureau confédéral de la C.G.T. a immédiatement publié un communiqué exigeant la poursuite et le châtiment exemplaire des auteurs de ce crime ainsi que l’interdiction immédiate de tous les groupes fascistes et racistes. Il a appelé ses organisations et les travailleurs français et immigrés unis à riposter sans tarder.

Les organisations de la C.G.T. dans les entreprises et les localités se sont mobilisées pour organiser la riposte des travailleurs.

LE 15 DÉCEMBRE 1973

La C.G.T. et la C.F.D.T. se sont réunies en présence de l’Amicale des Algériens, s’élevant avec force contre l’odieux attentat raciste et fasciste.

Les deux centrales se sont élevées contre le fait que malgré leurs protestations répétées, en particulier depuis 1971 et lors des assassinat de travailleurs algériens dans la dernière période, le gouvernement laisse le champ libre aux groupes racistes et fascistes qui poursuivent impunément leurs crimes et leurs agressions.

Elles ont exigé notamment :

1°) la poursuite et le châtiment exemplaire des auteurs de l’attentat de Marseille et de toutes agressions racistes ;

2°) la stricte application de la loi antiraciste du 1er juillet 1972.


La C.G.T. et la C.F.D.T. ont appelé toutes leurs organisations et les travailleurs français et immigrés unis, à protester contre l’attentat de Marseille, à être vigilants contre toute tentative de division et agir massivement contre toutes campagnes et mesures visant les travailleurs immigrés et à exiger du gouvernement que soit assurée la sécurité des travailleurs immigrés en France, notamment Algériens, et que soit enfin reconnue l’égalité complète et effective des droits entre tous les travailleurs.

LES 16 ET 17 DÉCEMBRE 1973

A la levée des corps des victimes, le Bureau Confédéral de la C.G.T. a adressé des télégrammes de condoléances et de solidarité à l’Amicale des Algériens, à Marseille, ainsi qu’à l’U.G.T.A., à Alger.

LE 19 DÉCEMBRE 1973

La C.F.D.T., la F.E.N. et la C.G.T. se sont rencontrées en présence d’une délégation de l’U.G.T.A. conduite par son secrétaire général adjoint le camarade Azzi, ainsi que de l’Amicale des Algériens en Europe. Un communiqué commun a été publié.

Les trois centrales syndicales ont décidé de rester en contact étroit pour développer ensemble la riposte qui s’impose et pour prendre les décisions nécessaires, et d’assurer, d’autre part, une liaison étroite sur ces problèmes avec l’U.G.T.A. et l’Amicale des Algériens en Europe.

LE 20 DÉCEMBRE 1973

A la suite de la décision de l’Amicale des Algériens en Europe d’organiser des rassemblements de la population algérienne, dans le but d’adopter des pétitions de protestation, la C.G.T., la C.F.D.T. et la F.E.N. ont réaffirmé leur volonté de développer une action massive et unitaire contre les campagnes racistes, tout en déjouant les provocations policières, fascistes ou aventuristes visant à dresser les travailleurs et la population contre la communauté algérienne.

Dans ce cadre, elles ont de mandé à leurs organisations de témoigner leur solidarité agissante en participant aux rassemblements prévus.

Des actions de différentes formes se sont multipliées dans les entreprises et les localités allant de meetings et manifestations aux grèves et arrêts de travail.

AINSI LES TRAVAILLEURS ONT REPONDU FAVORABLEMENT A L’APPEL DE LEURS ORGANISATIONS SYNDICALES QUI ONT REÇU LE SOUTIEN DES PARTIS DE GAUCHE.

UNE FOIS DE PLUS UN COUP D’ARRET A ETE PORTE AUX CAMPAGNES RACISTES PAR L’ACTION UNIE DES TRAVAILLEURS FRANÇAIS ET IMMIGRES.

DE NOUVELLES ACTIONS SONT ENVISAGEES POUR METTRE EN ECHEC DEFINITIF TOUTES LES CAMPAGNES RACISTES ET FASCISTES.


Français et Immigrés : NOUS NE LAISSERONS PAS TOUCHER A NOTRE UNITÉ

Le racisme et la xénophobie, plus précisément la haine de l’étranger, n’est pas un penchant naturel de l’être humain, comme le prétendent les fascistes et les racistes.

C’est le phénomène qui repose pour l’essentiel sur des bases économiques, des bases de classe.

On a connu en effet de telles vagues lors de la crise des années 30, pendant la dernière guerre mondiale sous la forme de l’antisémitisme nazi, à l’occasion de l’agression impérialiste et d’Israël contre l’Egypte en 1956, et plus récemment à la suite de la nationalisation par l’Algérie de son pétrole. Aujourd’hui nous sommes confrontés à une nouvelle montée d’agitations racistes et fascistes criminelles avec l’aggravation de la crise qui frappe les économies capitalistes.

Rien d’étonnant qu’une telle poussée apparaisse à un moment où les tentatives de division de la classe ouvrière se multiplient. Elles constituent l’arme des exploiteurs et de leur gouvernement qui veulent faire supporter aux travailleurs les conséquences de leur politique antipopulaire et antisociale.

Le racisme se développe notamment au niveau des idées. Son expression la plus visible est celle véhiculée par des « journaux » tels que « Minute » ou « Combat Européen » ou « Ordre Nouveau » qui s’en prennent ouvertement aux immigrés et plus particulièrement aux Algériens, aux Arabes.

LA RESPONSABILITE DU POUVOIR DANS CE DOMAINE est flagrante. Il a fallu des années de lutte pour qu’en 1972 une loi soit votée par le Parlement pour réprimer le racisme. Cette loi n’a jamais été suivie par le décret nécessaire à son application.

Devant la succession et la persistance des crimes racistes restés impunis, Georges SEGUY, secrétaire général de la C.G.T., a déclaré à la conférence de presse unitaire du 19 septembre 1973 :

« On pourrait citer de nombreux exemples qui démontrent qu’effectivement quelque chose est ordonnée, quelque chose est organisée, quelque chose se développe d’une façon concertée même en haut lieu avec des objectifs bien précis. »

Si le pouvoir n’est pas capable de mettre un coup d’arrêt aux campagnes de racisme, peut-être parce qu’il ne veut pas le faire…, les travailleurs français et immigrés ont su faire preuve de sang froid, de sens de responsabilité, ils ont prouvé que leur unité est inébranlable. Par une action unie, ils ont enrayé la dernière campagne de racistes et fascistes, ils ont affirmé leur volonté de lutter au sein de leur organisation syndicale : la C.G.T. :
— pour leurs revendications,
— pour l’égalité des droits garantis par un statut de l’immigré à caractère démocratique et social,
— contre le racisme et les tentatives de division,
— pour le renforcement de la C.G.T. par une campagne de recrutement de masse.

Contre le front des patrons, pouvoir et tous les diviseurs, nous opposons un front solide des travailleurs unis : Français et immigrés. Les travailleurs ne laisseront pas toucher à leur unité : leur arme invincible.


TÉLÉGRAMME DE SOLIDARITÉ A L’U.G.T.A.

Le jour de l’arrivée à Alger des corps des victimes de l’attentat fasciste et raciste de Marseille, le Bureau confédéral de la C.G.T. a adressé le télégramme suivant à l’U.G.T.A. :

Au Secrétariat National de l’Union Générale des Travailleurs Algériens (U.G.T.A.) – Alger.

Paris, le 17 décembre 1973.

« Bureau Confédéral C.G.T. exprimant émotion tous les travailleurs de France, s’incline devant victimes innocentes odieux attentat fasciste contre Consulat Algérie Marseille, stop. »

« Adresse condoléances et sentiments de solidarité aux familles victimes, à l’Union Générale des Travailleurs Algériens et aux Travailleurs d’Algérie, stop. »

« Affirme volonté obtenir châtiment des criminels fascistes et instigateurs menées racistes. »


LE BUREAU CONFÉDÉRAL DE LA C.G.T. CONDAMNE LE LACHE ATTENTAT FASCISTE ET RACISTE CONTRE LE CONSULAT D’ALGÉRIE

Immédiatement après le lâche attentat perpétré contre le consulat d’Algérie à Marseille, le Bureau Confédéral a déclaré :

« Le Bureau Confédéral de la C.G.T. vient d’être informé qu’un grave attentat à la bombe a été perpétré au Consulat d’Algérie de Marseille.

» Il y aurait 4 morts, une vingtaine de blessés, dont plusieurs graves. Le Consul d’Algérie lui-même a été atteint.

» Indigné par cet attentat fasciste et raciste qui intervient au moment où se développe en France une violente campagne contre les pays arabes et contre les immigrés sous prétexte de la crise du pétrole, le Bureau Confédéral exige la poursuite et le châtiment exemplaire des auteurs de ce crime, l’interdiction immédiate de tous les groupes fascistes et racistes.

» Le Bureau Confédéral adresse aux victimes de cet attentat et à leurs familles ses sentiments de solidarité.

» Il appelle toutes ses organisations et les travailleurs français et immigrés unis à riposter sans tarder contre cet attentat et toutes menées racistes. »

(Paris, le 14 décembre 1973, à 17 heures).


Message de l’Ambassade algérienne à la C.G.T.

A la suite des actions menées contre l’assassinat de travailleurs algériens et contre les nouvelles campagnes racistes, l’Ambassadeur d’Algérie en France a adressé, le 27 décembre dernier, une lettre à Georges Séguy, secrétaire général de la CGT, dans laquelle ont peut lire :

« J’ai été profondément sensible à votre geste de protestation et d’indignation à la suite de l’odieux et intolérable attentat qui vient d’être perpétré contre le Consulat Général d’Algérie à Marseille et qui s’est soldé comme vous le savez, par l’assassinat ou la mutilation de paisibles travailleurs algériens.

Au nom de mon Gouvernement et en mon nom personnel, je vous prie de transmettre aux différents échelons de votre organisation l’expression de ma vive gratitude pour la solidarité agissante qu’ils ont manifestée à l’égard de leurs camarades algériens devant la dure épreuve qu’ils traversent actuellement.

« Veuillez agréer, Monsieur, les assurances de ma considération la meilleure ».


Mise en garde de l’Amicale des Algériens en Europe

L’Amicale des Algériens en Europe a publié, le 10 janvier 1974, le communiqué suivant :

« A différentes reprises et en dépit des démentis que l’Amicale des Algériens en Europe a publiés, dans la presse et notamment dans son organe « l’Algérien en Europe », des individus ou des organisations continuent de diffuser un tract attribué à notre organisation.

A ce sujet, l’Amicale des Algériens en Europe réaffirme une nouvelle fois que ce tract constitue un faux grossier et qu’il est clair que ses auteurs visent, en utilisant des procédés fallacieux et vils, à provoquer la haine et le racisme contre les travailleurs algériens émigrés, alors que l’action de l’Amicale des Algériens en Europe a pour but le rapprochement et l’amitié entre la population française et notamment les travailleurs, et notre communauté émigrée.

L’Amicale précise en outre qu’elle a déposé plusieurs plaintes auprès des Tribunaux afin que les auteurs de ce faux grossier soient identifiés et châtiés ».